Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Depuis plus d’un an, le mis en cause travaille comme mécanicien pour l’appelante.

[3] Au printemps 2017, le chat, C., décide de loger dans le garage de l’appelante. Le mis en cause se plaint auprès de l’appelante que le chat a abimé la toile de son coffre à outils. Le 16 mars 2017, une dispute éclate entre les deux parties au sujet de la présence du chat et des dommages qu’il aurait causés. Le mis en cause demande à l’appelante de lui payer les dommages.  

[4] Selon l’appelante, le mis en cause l’a frappée et il a refusé de s’excuser, elle a donc décidé de le congédier.

[5] Toutefois, l’appelante émet un premier relevé d’emploi indiquant que le mis en cause a quitté volontairement son emploi. Le 22 mars 2017, elle se ravise et indique que le mis en cause a été congédié pour avoir commis un geste de violence envers le directeur. Il a donc été congédié en raison de son inconduite.

[6] Selon le mis en cause, le chat, C., a abimé à quelques reprises la toile de son coffre à outils. Ce n’était pas la première fois qu’il demandait au directeur de régler le problème. Le 16 mars 2017, il a demandé au directeur de lui rembourser la toile de son coffre à outils. Il y a eu une discussion animée et il a été congédié. Il nie avoir frappé ou poussé le bras du directeur. Il soutient que l’appelante cherchait une raison pour ne pas lui verser ses deux semaines de préavis à la suite de son congédiement.

[7] Selon la Commission, le mis en cause n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite. La preuve présentée par l’appelante est ambiguë et le principal témoin de l’agression est un actionnaire de l’entreprise. La Commission a accordé plus de poids à la version du mis en cause qu’à celle de l’appelante.

Questions en litige

[8] Quel est le geste reproché au mis en cause ?

[9] Est-ce que le mis en cause a commis le geste reproché ?

[10] Est-ce que le geste reproché constitue de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance emploi ?

Analyse

[11] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

[12] Le Tribunal doit décider si le mis en cause a perdu son emploi en raison de son inconduite et qu’il doit donc être exclu du bénéfice des prestations aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

[13] Le rôle du Tribunal n’est pas de déterminer si le congédiement était justifié ou s’il représentait la mesure appropriée (Canada c. Caul, 2006 CAF 251).

[14] En fait, le Tribunal doit déterminer quel est le geste reproché au mis en cause? Est-ce que le mis en cause a commis ce geste ? Et est-ce qu’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi ?

[15] Dans la présente affaire, il incombe à l’appelante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le mis en cause a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite (Bartone A-369-88 ; Davlut A-241-82).

[16] Quel est le geste reproché au mis en cause ?

[17] Le Tribunal retient que dans un premier temps l’appelante a reproché au mis en cause d’avoir commis un geste violent contre le directeur. Selon l’appelante, le mis en cause a frappé le directeur. Dans un deuxième temps, lors de l’audience l’appelante a reproché au mis en cause de ne pas s’être excusé à la suite de son geste. Elle a donc décidé de le congédier.

[18] Le Tribunal est d’avis que le geste reproché au mis en cause est le geste de violence lors de l’altercation avec le directeur.

[19] Le Tribunal retient également du témoignage du mis en cause qu’il s’agit du geste qu’il lui ait reproché bien qu’il nie avoir commis ce geste.

[20] Dans ce contexte, le Tribunal estime qu’on reproche au mis en cause d’avoir frappé le directeur de l’appelante.   

Est-ce que le mis en cause a commis le geste reproché ?

[21] Le Tribunal est d’avis que l’appelante n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le mis en cause a commis le geste reproché. Pour en arriver à cette conclusion, le Tribunal s’est basé sur la preuve au dossier et les différents témoignages.

[22] Le Tribunal retient que, tôt le matin du 16 mars 2017, le mis en cause s’est adressé au directeur de l’appelante pour se plaindre du chat C. Selon le mis en cause, le chat a abimé la toile de son coffre à outils. Contrarié par la situation, il a interrompu le directeur lors d’une discussion pour se plaindre de la situation. Le directeur lui a dit d’aller dans le garage pour en discuter plus tard. Le mis en cause a quitté les lieux.

[23] L’appelante soumet que le mis en cause a un tempérament bouillant. Il a reçu plusieurs avertissements à ce sujet. Pour sa part, le mis en cause soutient qu’il n’a pas reçu les avertissements. D’ailleurs, ils ne sont pas signés de sa part. L’appelante soutient qu’il a refusé de les signer.

[24] Le Tribunal retient que dans la plupart des avertissements il est noté que le mis en cause n’est pas le seul responsable de la situation. Le Tribunal comprend que le mis en cause a un caractère bouillant. Cependant la question demeure, est-ce que le mis en cause a frappé le directeur, le 16 mars 2017 ?

[25] L’appelante a fait témoigner des membres du personnel pour démontrer que le mis en cause a frappé le directeur.

[26] Ju., réceptionniste, a témoigné pour l’appelante. Elle a expliqué avoir entendu un bruit dans le garage, mais elle n’a pas vu ce qui s’est passé. En fait, elle n’a pas vu le mis en cause faire tomber un support à boulons. La seule chose qu’elle peut dire c’est qu’il y a eu une discussion entre le directeur et le mis en cause concernant les dommages faits par le chat C. à la toile du coffre d’outils. 

[27] Par ailleurs, elle explique que le chat C. a été placé dans une famille d’accueil depuis ce temps. Même la Société protectrice des animaux s’est présentée au garage pour s’assurer que le chat était traité adéquatement.

[28] Le Tribunal est d’avis que le témoignage de Ju., bien que crédible, ne permet pas de conclure que le mis en cause a commis le geste reproché.

[29] F., jeune apprenti mécanicien, relate qu’il a vu le mis en cause faire tomber le support à boulons. Questionné par le mis en cause concernant l’endroit où il était situé pour voir la scène, il répond qu’il était devant la porte 6. Selon le mis en cause, il est impossible que F. ait pu voir la scène.

[30] Pour sa part, le mis en cause explique qu’en fermant la porte du garage, il a entendu un énorme bruit. Il n’a pas fait tomber volontairement le support à boulons.

[31] Le Tribunal accorde plus de poids à la version du mis en cause qu’à F.. En fait, le Tribunal l’a signalé à quelques reprises à l’appelante de ne pas inclure les réponses dans les questions. Cette façon de faire teinte la déclaration des témoins et c’est qui s’est produit dans ce cas-ci.

[32] Par conséquent, le Tribunal accorde peu de valeur au témoignage de F. qui a répété en partie la question-réponse de l’appelante. De plus, le Tribunal estime que F. a été hésitant dans certaines de ses réponses. Encore une fois, ce témoin n’a pas vu le mis en cause frapper le directeur.

[33] Jo., mécanicien et actionnaire de l’appelante, est le seul témoin direct de la scène. Le Tribunal retient qu’il a eu une altercation en novembre 2016 avec le mis en cause.

[34] Il explique qu’il a vu et entendu le mis en cause et le directeur discuter au sujet des dommages faits par le chat C. Ils discutaient et gesticulaient très près l’un de l’autre. Le directeur avait un pot de peinture et un pinceau dans les mains. Selon Jo., il se peut que le mis en cause ait craint un geste du directeur et qu’il ait rejeté son bras. Il ne peut pas dire qu’il a vu le mis en cause frapper le directeur.

[35] Le Tribunal retient que Jo. n’a pas été en mesure de déterminer si le mis en cause a frappé le directeur. Le Tribunal accorde peu de poids à ce témoignage parce que d’une part Jo. a déjà eu une altercation avec le mis en cause en novembre 2016 et d’autre part il est un des actionnaires de l’appelante.

[36] Pour sa part, le directeur déclare que le mis en cause l’a frappé. Même si ce n’est que d’avoir été effleuré, il s’agit d’une voie de fait. Il n’a pas porté plainte à la police, car le mis en cause a une famille. Il n’a pas peur des coups de poing, il peut en prendre. Il a décidé de le congédier parce qu’il a refusé de s’excuser.

[37] Il admet qu’il a ri du mis en cause lorsque ce dernier lui a demandé de payer les dommages causés par le chat C. à la toile de son coffre à outils.

[38] Le Tribunal est d’avis que la version des faits du directeur est peu crédible. Ainsi, il a rempli un relevé d’emploi indiquant que le mis en cause a quitté volontairement son emploi. Par la suite, il a émis un deuxième relevé d’emploi indiquant que le mis en cause a été congédié pour une faute grave. Pour expliquer la modification au relevé d’emploi, il a affirmé à la Commission qu’il s’agissait d’une erreur de la part de la secrétaire.

[39] Lors de son témoignage devant le Tribunal, il a déclaré que c’est le mis en cause qui a communiqué avec la secrétaire pour faire modifier le relevé d’emploi.

[40] Le Tribunal retient également du témoignage du directeur qu’il module ses propos selon les déclarations de ses témoins et des questions posées par le mis en cause.

[41] Dans ce contexte, le Tribunal estime que l’appelante n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le mis en cause a frappé le directeur de l’appelante. Certes, il y a eu une discussion animée entre les parties, mais la preuve au dossier et les témoignages ne permettent pas au Tribunal de conclure que le mis en cause a frappé le directeur.

[42] Par conséquent, le Tribunal n’a pas à décider si le geste posé par le mis en cause constitue de l’inconduite, puisqu’il n’a pas été démontré qu’il a commis ce geste. 

Conclusion

[43] Le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas démontré que le mis en cause a perdu son emploi en raison de son inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi.

[44] Par conséquent, le mis en cause n’est pas exclu du bénéfice des prestations.

[45] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 24 avril 2018

En personne

X, appelante

J. E. (directeur), représentant de l’appelante

J. M., mis en cause

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

  1. 29 Pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations ;
    2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant ;
    3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
      1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
      2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
      3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert ;
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. 30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage ;
    2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  3. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.
  4. (3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.
  5. (4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.
  6. (5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.
  7. (6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12 (2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.
  8. (7) Sous réserve de l’alinéa (1) a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations - qu’elle soit initiale ou non - n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.
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