Assurance-emploi (AE)

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Décision et Motifs

Décision

[1] La prorogation du délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler est refusée.

Apercu

[2] La demanderesse, C. S., a travaillé comme administratrice de cabinet médical dans un cabinet médical jusqu’au 16 février 2017. Elle a quitté cet emploi parce qu’une autre entreprise lui avait offert un emploi. Toutefois, après avoir quitté son emploi, elle s’est rendu compte que, après avoir pris en compte les frais de transport, son revenu net chez le nouvel employeur serait inférieur à celui qu’elle gagnait auparavant. En fin de compte, elle a refusé la nouvelle offre d’emploi et est retournée aux études en septembre 2017. Elle n’a pas pu reprendre son ancien poste parce qu’il n’était plus disponible. La demanderesse a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi pour des raisons financières. Elle a demandé des prestations temporaires jusqu’à ce qu’elle puisse trouver un autre emploi pour subvenir aux besoins de sa famille. Elle a reçu des prestations d’assurance-emploi de l’ordre de 607 $ entre le 24 février 2017 et le 4 mars 2017, pendant que sa demande était à l’étude.

[3] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a finalement rejeté la demande de prestations d’assurance-emploi de la demanderesse, initialement et après révision. Dans sa décision découlant de la révision, la défenderesse a expliqué qu’elle avait déterminé que la demanderesse avait quitté son emploi sans justification. La demanderesse a interjeté appel de la décision de la demanderesse auprès de la division générale. Cette dernière a rejeté l’appel, estimant que la demanderesse avait quitté volontairement son emploi sans justification. La division générale a donc déterminé que la demanderesse était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 19 février 2017 et qu’elle devait rembourser le versement excédentaire de prestations de 607 $.

[4] Le Tribunal de la sécurité sociale du Canada a informé les parties par courrier que si elles souhaitaient interjeter appel de la décision de la division générale, elles devaient demander la permission de le faire dans les 30 jours suivant la date à laquelle la décision de la division générale leur avait été communiquée. La demanderesse a présenté une demande de permission d’interjeter appel le 25 mai 2018. Elle a mentionné qu’elle avait reçu la décision de la division générale le 19 février 2018. Elle a expliqué qu’elle avait tardé à présenter sa demande, car elle ignorait qu’elle pouvait interjeter appel de la décision de la division générale. Elle fait appel de la décision au motif que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence en ne tenant pas compte de sa situation personnelle.

[5] Je dois décider si la demande de permission d’en appeler de la demanderesse a été présentée à temps et, dans la négative, si je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire et proroger le délai prévu à cette fin. Le cas échéant, je dois alors décider si l’appel a une chance raisonnable de succès, c’est-à-dire s’il existe un motif défendable.

[6] Je refuse la demande de prorogation du délai pour le dépôt de la demande de permission d’en appeler, car la demanderesse n’a pas démontré l’existence d’une cause défendable et parce que je n’ai pas facilement cerné d’autres erreurs au dossier.

Questions en litige

[7] Les questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. La demanderesse a-t-elle présenté sa demande de permission d’en appeler à temps?
  2. Si la demande de permission d’en appeler a été présentée en retard, dois-je exercer mon pouvoir discrétionnaire et proroger le délai prévu à cette fin?
  3. Si j’accorde la prorogation du délai pour présenter la demande de permission d’en appeler, est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès?

Analyse

[8] Les seuls moyens d’appel prévus aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Avant d’accorder la permission d’en appeler, je dois avoir la certitude que les motifs de l’appel correspondent aux moyens d’appel figurant au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a adopté cette approche dansl’arrêt TraceyNote de bas de page 1.

Question en litige no 1 : La demanderesse a-t-elle présenté sa demande de permission d’en appeler à temps?

[10] Non. J’estime qu’elle ne l’a pas fait.

[11] Aux termes de l’article 57(1)a) de la Loi sur le MEDS, une demande de permission d’en appeler – dans le cas d’une décision rendue par la section de l’assurance-emploi – doit être présentée à la division d’appel dans les 30 jours suivant la date à laquelle le demandeur reçoit communication de la décision.

[12] La demanderesse déclare que la décision de la division générale lui a été communiquée le 19 février 2018. Je note toutefois que la lettre d’accompagnement de la décision est également datée du 19 février 2018. Il est improbable que la demanderesse ait reçu la décision à cette date et, par conséquent, il est hors de propos d’appliquer les dispositions déterminatives de l’article 19 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale et de considérer que la décision de la division générale a été communiquée à la demanderesse dix jours après la date à laquelle elle lui a été envoyée : le 1er mars 2018.

[13] Selon l’article  57(1)a) de la Loi sur le MEDS, même si la décision de la division générale avait été communiquée à la demanderesse le 1er mars 2018, elle aurait été tenue de présenter sa demande de permission d’en appeler au plus tard le 31 mars 2018. Toutefois, la demanderesse a présenté sa demande de permission d’en appeler seulement le 25 mai 2018. De toute évidence, elle présenté sa demande en retard, et ce, que la décision de la division générale lui ait été communiquée le 19 février 2018 ou le 1er mars 2018.

Question en litige no 2 : Si la demande de permission d’en appeler a été présentée en retard, dois-je exercer mon pouvoir discrétionnaire et proroger le délai prévu à cette fin?

[14] Non. J’estime que, d’après les faits portés à ma connaissance, je n’ai aucun motif pour justifier l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire.

[15] Selon l’article 57(2) de la Loi sur le MEDS, je peux proroger le délai pour la présentation d’une demande de permission d’en appeler. Cependant, en aucun cas une demande ne peut être présentée plus d’un an après la date à laquelle la décision a été communiquée à l’appelant.

[16] La décision d’accorder ou non une prorogation du délai pour la présentation d’une demande de permission d’en appeler a pour considération primordiale l’intérêt de la justiceNote de bas de page 2. Dans les arrêts X (Re) et Canada (Procureur général) c Larkman, la Cour d’appel fédérale précise qu’il faut tenir compte des facteurs suivants :

  1. a) s’il y a des questions défendables dans l’appel ou si la demande a un certain fondement;
  2. b) s’il existe des circonstances particulières justifiant le non-respect du délai prévu pour déposer l’avis d’appel ou une explication raisonnable pour justifier le retard;
  3. c) si le retard est excessif;
  4. d) si la prorogation du délai imparti causera un préjudice au défendeur.

[17] Dans l’arrêt Larkman, la Cour d’appel fédérale s’est également demandé si le requérant a manifesté une intention constante de poursuivre sa demande.

[18] Bien que le retard dont il est question ici soit relativement court et qu’il est peu probable que la défenderesse subisse un préjudice si une prorogation du délai était accordée, le fait que la demanderesse ignorait ses droits d’appel ne justifie pas raisonnablement le retard, surtout que le Tribunal avait énoncé ses droits d’appel et précisé le temps dont elle disposait pour présenter son appel.

[19] Le fait que la demanderesse n’ait pas fourni une explication raisonnable pour justifier le retard ne constitue pas en soi un obstacle à l’octroi d’une prorogation du délai. Selon moi, pour déterminer s’il est dans l’intérêt de la justice de proroger le délai de présentation de la demande de permission d’en appeler, il faudrait, en l’absence de toute autre circonstance particulière, accorder plus de poids à l’existence d’une cause défendable.

[20] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle parce qu’elle a fondé sa décision sur le [traduction] « droit du travail » plutôt que sur sa situation personnelle, y compris ses difficultés financières et le besoin de bénéficier d’une aide financière temporaire. Elle est aux études, a deux enfants à charge et est aux prises avec des dettes financières. Elle soutient que le régime d’assurance-emploi devrait venir en aide aux personnes à faible revenu pour leur assurer un niveau de vie raisonnable. Cela n’a rien à voir avec les principes de justice naturelle.

[21] La justice naturelle vise à assurer qu’un demandeur bénéficie d’une occasion juste et raisonnable de présenter sa cause, et que la décision rendue soit impartiale ou exempte d’une apparence ou d’une crainte raisonnable de partialité. Elle touche les questions d’équité procédurale devant la division générale plutôt que l’incidence d’une décision de cette dernière sur le demandeur. Les prétentions de la demanderesse ne soulèvent aucune question d’équité procédurale ou de justice naturelle qui concerne la division générale. La demanderesse n’a présenté aucune preuve donnant à penser que la division générale l’aurait privée d’une occasion de présenter sa cause pleinement et de façon équitable ou aurait pu faire preuve de partialité à son égard.

[22] Même si la demanderesse affirme que la division générale aurait dû tenir compte de sa situation personnelle, la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) ne renferme aucune disposition permettant à la division générale d’accorder une réparation équitable à la demanderesse afin d’améliorer sa situation personnelle et financière. La division générale était tenue d’appliquer les dispositions de la Loi sur l’AE au moment où elle a déterminé s’il était justifié pour la demanderesse de quitter son emploi.

[23] J’estime que la demanderesse n’a pas présenté une cause défendable et je ne constate aucune erreur au dossier donnant à penser que la division générale a pu commettre une erreur.

[24] Enfin, la demanderesse n’a invoqué aucun autre facteur atténuant – outre peut-être sa situation personnelle et financière – pour démontrer qu’il serait dans l’intérêt de la justice de proroger le délai de présentation de la demande de permission d’en appeler. L’absence d’une cause défendable est une considération trop importante pour être négligée, nonobstant la situation personnelle et financière de la demanderesse. Je ne vois aucun motif justifiant l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire de proroger le délai de présentation de la demande de permission d’en appeler.

Question en litige no 3 : Si j’accorde la prorogation du délai pour présenter la demande de permission d’en appeler, est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès?

[25] J’ai examiné cette question dans la section précédente. Même si j’accordais une prorogation du délai, pour les motifs exposés précédemment, j’aurais conclu que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès et, sur cette base, j’aurais refusé la demande de permission d’en appeler.

Conclusion

[26] La prorogation du délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler est refusée.

Représentante :

C. S., non représentée

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