Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] Le tribunal rejette l’appel.

Aperçu

[2] L’appelant, S. Z. (prestataire), a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi le 1er avril 2016. Il est précisé sur son relevé d’emploi que son dernier jour de travail rémunéré était le 30 avril 2015. Le 1er avril 2016, le prestataire a demandé que sa demande soit antidatée au 1er mai 2015. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a déterminé que le prestataire ne disposait pas d’un motif valable pour toute la période pendant laquelle il avait retardé la présentation de sa demande de prestations d’assurance-emploi. La Commission a également déterminé que le prestataire avait cumulé 191 heures d’emploi assurable entre le 29 mars 2015 et le 26 mars 2016 et qu’il devait avoir cumulé 630 heures d’emploi assurable pour être admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Le prestataire a demandé une révision de la décision de la Commission, qui a été refusée. Le prestataire a interjeté appel de la décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[3] La division générale a estimé que le prestataire ne disposait pas d’un motif valable pour justifier la présentation en retard de sa demande de prestations d’assurance-emploi, considérant qu’une personne raisonnable se serait adressée directement à un agent de Service Canada pour s’informer du délai précis en pareilles circonstances. La division générale a reconnu que le prestataire a consulté le site Web de Service Canada après la fin de son emploi. Néanmoins, elle a conclu qu’une personne raisonnable aurait communiqué directement avec Service Canada pour connaître ses droits et ses obligations au moment de présenter une demande de prestations d’assurance-emploi.

[4] Le prestataire a obtenu la permission d’en appeler à la division d’appel. Il soutient que le site Web de Service Canada renfermait des renseignements trompeurs et que ce seul fait justifie la présentation tardive de sa demande. Il affirme que Service Canada a fini par corriger son erreur, ce qui, selon lui, appuie sa prétention selon laquelle il disposait d’un motif valable pour justifier son retard.

[5] Le Tribunal doit décider si la division générale a commis une erreur de droit en déterminant qu’une personne raisonnable ne se serait pas fiée uniquement au site Web de la Commission et aurait communiqué directement avec Service Canada pour se renseigner au sujet de ses droits et de ses obligations au moment de présenter une demande de prestations d’assurance-emploi.

[6] Le Tribunal rejette l’appel du prestataire.

Questions en litige

Question en litige no 1 : Est-ce que la division générale a commis une erreur de droit en jugeant que la recherche d’un emploi préalablement à la présentation d’une demande de prestations ne constituait pas un motif valable aux termes de l’article 10(4) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE)?

Question en litige no 2 : Est-ce que la division générale a commis une erreur de droit en déterminant qu’une personne raisonnable ne se serait pas fiée uniquement au site Web de la Commission et aurait communiqué directement avec Service Canada pour se renseigner au sujet de ses droits et de ses obligations au moment de présenter une demande de prestations d’assurance-emploi?

Question en litige no 3 : Est-ce que la division générale a refusé d’exercer sa compétence en ne se penchant pas sur une question liée à la Charte canadienne des droits et libertés (Charte)?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[7] La Cour d’appel fédérale a déterminé que, lorsque la division d’appel instruit des appels au titre du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, le mandat de la division d’appel lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 1.

[8] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieureNote de bas de page 2.

[9] En conséquence, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Question en litige no 1 : Est-ce que la division générale a commis une erreur de droit en jugeant que la recherche d’un emploi préalablement à la présentation d’une demande de prestations ne constituait pas un motif valable?

[10] Ce moyen d’appel est sans fondement.

[11] Pour établir l’existence d’un motif valable aux termes de l’article 10(4) de la Loi sur l’AE, un prestataire doit réussir à démontrer qu’il a fait ce que toute personne raisonnable se trouvant dans la même situation aurait fait pour se renseigner sur ses droits et obligations aux termes de la Loi sur l’AE. La Cour d’appel fédérale a réaffirmé à maintes occasions que les prestataires ont le devoir de se renseigner sur leurs droits et obligations et sur les mesures à prendre pour protéger une demande de prestationsNote de bas de page 3.

[12] La division générale a déterminé que le prestataire avait d’abord déclaré à la Commission qu’il se concentrait sur la recherche d’un emploi pendant la période du retard. Il croyait qu’il trouverait un emploi rapidement et n’a donc pas présenté sa demande immédiatement.

[13] La division générale a conclu à juste titre que, aussi louable qu’elle puisse être, l’intention de ne pas demander de prestations d’assurance-emploi et de chercher un autre emploi ne constituait pas un motif valable pour justifier la présentation en retard de la demandeNote de bas de page 4.

[14] Ce moyen d’appel est rejeté.

Question en litige no 2 : Est-ce que la division générale a commis une erreur de droit en déterminant qu’une personne raisonnable ne se serait pas fiée uniquement au site Web de la Commission et aurait communiqué directement avec Service Canada?

[15] Ce moyen d’appel est sans fondement.

[16] Le prestataire soutient qu’il a attendu pour présenter sa demande parce qu’il se fiait au site Web de Service Canada et comprenait, selon les renseignements affichés sur le site, qu’il n’avait pas à présenter sa demande sur-le-champ.

[17] C’est vrai qu’il n’est pas précisé sur le site Web de Service Canada que vous devez présenter votre demande immédiatement. Cela dit, il y est également mentionné que vous risquez de perdre vos prestations si plus de quatre semaines s’écoulent entre votre dernier jour de travail et la présentation de votre demande.

[18] Le prestataire soutient que la version anglaise du site Web renferme des renseignements trompeurs et laisse place à l’interprétation tandis que la version française du site Web insiste davantage sur l’importance de présenter une demande sans tarder.

[19] Vu que le prestataire a admis avoir consulté uniquement la version anglaise du site Web de Service Canada, le Tribunal ne considère pas que la version française du site soit pertinente pour déterminer s’il disposait d’un motif valable à l’appui de la présentation en retard de sa demande de prestations.

[20] L’utilisation du verbe « may » dans la version anglaise du site Web permet de comprendre clairement qu’une personne risque de perdre ses prestations si elle ne présente pas sa demande dans un délai de quatre semaines.

[21] Le Tribunal estime que la preuve dont est saisie la division générale ne démontre pas que les renseignements figurant sur le site Web sont trompeurs. Ils laissent peut-être place à l’interprétation, comme le soutient le prestataire, mais le site Web renferme suffisamment de renseignements pour qu’une personne raisonnable dans la situation du prestataire se questionne quant au moment de présenter une demande de prestations et communique avec l’intimée pour obtenir l’heure juste relativement au moment indiqué pour présenter une demande de prestationsNote de bas de page 5.

[22] En outre, la Cour d’appel fédérale a clairement établi que, comme le site Web ne prétend pas aborder les particularités de la situation particulière de chaque personne, les demandeurs ne peuvent raisonnablement pas traiter les renseignements qui s’y trouvent comme s’ils leur avaient été fournis personnellement par un agent en réponse à une question sur leur admissibilité fondée sur des faits donnésNote de bas de page 6.

[23] Comme l’a conclu la division générale, une personne raisonnable et prudente dans les mêmes circonstances que le prestataire se serait renseignée de façon plus diligente et rigoureuse relativement au moment indiqué de présenter une demande et n’aurait pas attendu 11 mois avant de demander des précisions au sujet de ses droits et responsabilités.

[24] Ce moyen d’appel est rejeté.

Question en litige no 3 : Est-ce que la division générale a refusé d’exercer sa compétence en ne se penchant pas sur une question liée à la Charte?

[25] Ce moyen d’appel est sans fondement.

[26] Le prestataire soutient que la version française du site Web de Service Canada transmet un message beaucoup plus fort aux demandeurs éventuels que la version anglaise. Il prétend donc que cela contrevient à l’article 13 de la Loi sur les langues officielles étant donné que les versions anglaise et française sont censées être de force égale de loi ou de même valeurNote de bas de page 7. En fin de compte, la Commission traite les anglophones différemment des francophones lorsqu’ils présentent une demande d’antidatation aux termes de la Loi sur l’AE

[27] Le Tribunal estime que, même si le contenu du site Web de Service Canada est différent et ne peut être considéré comme une traduction directe, les versions française et anglaise prévoient également qu’une personne risque de perdre ses prestations si elle ne présente pas sa demande dans un délai de quatre semaines De plus, aucun élément de preuve n’a été présenté au Tribunal pour soutenir la prétention du prestataire selon laquelle les anglophones sont traités différemment des francophones lorsqu’ils présentent une demande d’antidatation aux termes de la Loi sur l’AE.

[28] Néanmoins, le Tribunal a écouté l’enregistrement de l’audience de la division générale. Le prestataire soutient essentiellement qu’il a été induit en erreur par la version anglaise du site Web, qu’il juge beaucoup moins informative que la version française, et que c’est pour cette raison qu’il a présenté sa demande de prestations en retard.

[29] Le Tribunal a estimé que le prestataire n’a soulevé aucun argument relatif à la Charte devant la division générale. De plus, le prestataire n’a pas déposé un avis aux termes de l’article 20 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale pour contester la validité, l’applicabilité ou l’effet sur le plan constitutionnel de toute disposition de la Loi sur l’AE.

[30] Suivant le principe général, sauf en cas d’urgence, les questions constitutionnelles ne peuvent être soulevées pour la première fois devant la juridiction de révision si le décideur administratif avait le pouvoir et la possibilité pratique de les trancherNote de bas de page 8.

[31] Il ne fait aucun doute que la division générale avait le pouvoir et la possibilité pratique de trancher une contestation fondée sur la Charte. En outre, le Tribunal considère qu’il n’y a pas d’urgence en l’espèce, conformément à l’interprétation de la jurisprudence, qui justifierait une exception au principe général. De plus, le dossier de preuve devant la division d’appel est tout simplement insuffisant pour trancher une question fondée sur la Charte.

[32] Ce moyen d’appel est rejeté.

Conclusion

[33] Le Tribunal rejette l’appel.

 

Date de l’audience :

Façon de procéder :

Le 31 mai 2018

Téléconférence

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