Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Le 30 mars 2017, l’appelant a renouvelé sa demande initiale de prestations présentée le 17 avril 2016. L’appelant a demandé que le renouvellement soit antidaté au 20 novembre 2016, date à laquelle il a perdu son emploi. L’appelant n’a pas présenté de demande de prestations le 20 novembre 2016 parce que l’employeur lui a dit qu’il n’était pas admissible et qu’il avait toujours un emploi à temps partiel. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (CAEC) a conclu que l’appelant n’avait pas de motif valable justifiant le retard pendant toute la période du retard. Le Tribunal doit décider si l’appelant avait un motif valable justifiant le retard et, par conséquent, si le renouvellement peut être considéré comme ayant été fait à une date antérieure.

Question en litige

[3] L’appelant a-t-il un motif valable justifiant le retard pour présenter une demande de prestations pendant toute la période du retard?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

[5] Tout demandeur de prestations pour une semaine de chômage comprise dans une période de prestations présente sa demande dans les trois semaines qui suivent cette semaine (articles 50(4) de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi) et 26(1) du Règlement sur l’assurance-emploi).

[6] Afin d’assouplir cette règle générale, la loi prévoit la notion d’antidatation, qui est un avantage de nature exceptionnelle (Canada (Procureur général) c Scott, 2008 CAF 145).

[7] L’antidatation va directement à l’encontre du principe de la Loi qui encourage à présenter avec célérité les demandes afin que la CAEC vérifie adéquatement l’admissibilité du prestataire (Pirotte c Commission de l’assurance-chômage, A-108-76).

[8] De plus, lorsqu’une demande initiale est acceptée, le prestataire doit, pendant la période de prestations qui a été établie, présenter des demandes régulières dans lesquelles il doit démontrer sa disponibilité. Par conséquent, il est difficile pour la CAEC non seulement de vérifier la validité des demandes rétroactivement, mais aussi de sanctionner un prestataire qui ne respecte pas ses obligations hebdomadaires (Canada (Procureur général) c Brace, 2008 CAF 118). Un retard important fait en sorte qu’il est difficile pour la CAEC de s’assurer qu’un prestataire qui présente une demande respecte les conditions tout au long de la période de retard (Canada (Procureur général) c Beaudin, 2005 CAF 123).

[9] Selon l’article 10(5) de la Loi, lorsqu’un prestataire présente une demande de prestations, autre qu’une demande initiale, après le délai de trois semaines, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure et se terminant à la date à laquelle il présente une demande si le prestataire démontre qu’il avait durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente une demande, un motif valable justifiant son retard.

L’appelant a-t-il un motif valable justifiant le retard à présenter une demande de prestations pendant toute la période du retard?

[10] Toutefois, la notion de « motif valable » n’est pas définie dans la Loi. Il faut donc s’appuyer sur la jurisprudence.

[11] Il n’y a pas de critère objectif facilement applicable pour déterminer ce qui constitue un motif valable (Canada (Procureur général) c Albrecht, A-172-85). Chaque cas doit être analysé en partie de façon subjective, en fonction d’une appréciation des faits.

[12] Il incombe au prestataire de prouver l’existence d’un motif valable pendant toute la période du retard en démontrant qu’« il a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s’assurer des droits et obligations que lui impose la Loi  » (Albrecht, précitée; voir aussi Canada (Procureur général) c Persiiantsev, 2010 CAF 101).

[13] De plus, à moins de circonstances exceptionnelles, une personne raisonnable et prudente doit prendre des mesures raisonnablement rapidement pour déterminer si elle a droit à des prestations d’assurance-emploi et prendre des mesures raisonnables pour s’informer des droits que lui accorde la Loi et des obligations qu’elle lui impose; (Canada (Procureur général) c Carry, 2005 CAF 367; Beaudin, précitée; (Procureur général) c Somwaru, 2010 CAF 336).

[14] De plus, l’ignorance de la loi et la bonne foi ne sont pas, en soi, un motif valable (Canada (Procureur général) c Caron, A-395-85; Canada (Procureur général) c Kaler, 2011 CAF 266; Carry, précitée; Canada (Procureur général) c Labrecque, A-690-94; Beaudin, précitée). Ces éléments doivent être analysés selon le critère de la personne raisonnable placée dans la même situation (Beaudin, précitée).

[15] Le Tribunal conclut que l’appelant n’avait pas de motif valable pendant toute la période du retard. L’appelant n’a pas agi comme une personne raisonnable et prudente dans la même situation pour s’assurer des droits que lui accorde la Loi et des obligations qu’elle lui impose.

[16] L’appelant a présenté une demande initiale de prestations de maladie le 10 avril 2016, qu’il a reçues jusqu’au 16 juillet 2016. À partir de cette date, l’appelant a reçu des prestations d’invalidité de son assureur collectif jusqu’en septembre 2016.

[17] En août 2016, le médecin de l’appelant voulait qu’il retourne progressivement au travail, pendant deux jours par semaine. Malheureusement, l’employeur a refusé ce régime progressif.

[18] Ainsi, pour suivre les directives de son médecin et travailler deux jours par semaine, l’appelant a trouvé un emploi à temps partiel où il a travaillé comme videur dans un bar à compter du 27 août 2016.

[19] En novembre 2016, son assureur collectif a découvert que l’appelant avait un autre emploi pendant qu’il recevait des prestations d’invalidité. L’employeur a convoqué l’appelant à une réunion avec la directrice des ressources humaines de l’employeur et le représentant syndical le 17 novembre 2016. Au cours de cette réunion, l’employeur a congédié l’appelant parce qu’il n’a pas dit à l’assureur qu’il travaillait à temps partiel tout en recevant des prestations. L’appelant a demandé à la directrice des ressources humaines de lui fournir son relevé d’emploi et elle a répondu que cela n’avait pas d’importance parce qu’il ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi étant donné qu’il avait été congédié. L’appelant a véritablement cru la directrice parce qu’elle était l’autorité reconnue aux ressources humaines.

[20] De plus, le représentant syndical n’a pas corrigé l’affirmation de l’employeur. L’appelant a dit au Tribunal que le représentant syndical était préoccupé par le dépôt d’un grief en vue de la réintégration au travail.

[21] Par la suite, l’appelant n’a pas communiqué avec la CAEC pour obtenir des renseignements supplémentaires parce que l’employeur lui a dit qu’il n’était pas admissible aux prestations et que le syndicat faisait des démarches visant son retour au travail. L’appelant a également dit qu’il était encore fragile à l’époque et qu’il paniquait parce qu’il avait perdu son emploi.

[22] Le Tribunal a également demandé à l’appelant pourquoi, en novembre 2016, il n’a pas appelé la CAEC pour vérifier la déclaration de l’employeur selon laquelle il n’avait pas droit à des prestations. L’appelant a dit qu’il croyait l’employeur, parce que la directrice des ressources humaines travaillait chez cet employeur depuis un certain temps et que le syndicat ne l’a pas corrigée et qu’il essayait de lui faire récupérer son emploi. De plus, comme le syndicat tentait de le réintégrer, l’appelant ne voulait pas recevoir de prestations et devoir les rembourser une fois qu’il serait retourné au travail.

[23] Après avoir été congédié de son emploi à temps plein, l’appelant a continué de travailler à son emploi à temps partiel jusqu’en février 2017, date à laquelle cet employeur a perdu le contrat conclu avec le bar où il travaillait. L’appelant a été mis à pied, et il a commencé à chercher un autre emploi.

[24] En mars 2017, l’employeur de l’appelant à temps partiel lui a dit qu’il obtiendrait un autre contrat, mais qu’il devrait présenter une demande de prestations d’assurance-emploi entre-temps. L’appelant pensait qu’il n’était toujours pas admissible, mais son employeur lui a dit de présenter une demande de toute façon et qu’il n’avait rien à perdre. L’appelant a donc demandé le renouvellement de sa demande.

[25] L’appelant a appelé le syndicat pour savoir s’il était possible de demander des prestations d’assurance-emploi, et le représentant a approuvé la proposition.

[26] En juin 2017, la CAEC a informé l’appelant que sa période de prestations était terminée. Donc, le 29 juin 2017, l’appelant a fait une demande d’antidatation au 20 novembre 2016, parce qu’il y avait tant de confusion au sujet de la cessation de cet emploi à temps plein. L’appelant a expliqué au Tribunal que la confusion portait sur le fait qu’il avait été congédié et qu’il pensait ne pas avoir droit aux prestations et que le système d’assurance-emploi était vraiment compliqué.

[27] De plus, en juin 2017, l’appelant a appris que la CAEC ne considérait pas qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite.

[28] Le 11 juillet 2017, un représentant syndical a envoyé une demande d’antidatation à la CAEC au nom de l’appelant en mentionnant que, lorsqu’il a été congédié, l’employeur lui a dit qu’il ne serait pas admissible aux prestations en raison de son inconduite. Toutefois, le 27 juin 2017, une entente a été conclue entre l’employeur et l’appelant, qui a renoncé à son droit de réintégration.

[29] Dans sa demande de révision, l’appelant a dit à la CAEC qu’il ne savait pas qu’il pouvait demander des prestations d’assurance-emploi pendant qu’il travaillait à temps partiel.

[30] Le Tribunal a demandé à l’appelant pourquoi, dans le cadre de la demande de révision, il n’a pas mentionné que son employeur lui avait dit qu’il n’était pas admissible aux prestations. L’appelant a expliqué qu’il sait qu’il en a parlé au premier agent de la CAEC, mais qu’au cours de tous les processus, il a parlé à tant d’agents et, d’une façon ou d’une autre, il s’est perdu dans toute la communication avec la CAEC. De plus, l’appelant a expliqué qu’il faisait ce que la CAEC lui disait de faire.

[31] L’appelant a également présenté une déclaration du représentant syndical qui a négocié la convention de règlement. Le représentant a dit qu’il avait conseillé à l’appelant d’attendre le règlement avec l’employeur avant de demander une antidatation.

Arguments de l’appelant

[32] L’appelant a allégué qu’il n’avait pas présenté sa demande plus tôt, pour deux raisons : 1) l’employeur lui a dit qu’il n’avait pas droit à des prestations et 2) il ne savait pas qu’il pourrait recevoir des prestations s’il avait un emploi à temps partiel.

[33] L’appelant a soutenu qu’il avait agi comme une personne raisonnable qui avait également reçu des renseignements erronés de son employeur. En réalité, il était raisonnable que l’appelant croie l’employeur parce qu’il s’agit d’une grande entreprise bien organisée comptant des centaines d’employés représentés par un syndicat. Par conséquent, en raison de l’importance de l’entreprise, il était raisonnable que l’appelant croie que l’employeur savait de quoi il parlait. De plus, la directrice des ressources humaines était une figure d’autorité. Pour toutes ces raisons, une personne raisonnable aurait cru son employeur. De plus, le représentant du syndicat qui était présent à la réunion n’a pas corrigé l’employeur. Par conséquent, les renseignements étaient plus crédibles pour l’appelant.

[34] L’appelant a également soutenu que la décision Albrecht, précitée, est assez semblable à la présente affaire. Dans la décision Albrecht, précitée, la Cour d’appel fédérale a conclu que l’ignorance de la loi pourrait être un motif valable en ce qui concerne les facteurs subjectifs de la situation du prestataire. De plus, l’obligation de diligence n’exige pas des actes qui dépassent des limites raisonnables. Chaque cas doit être analysé en fonction des faits et de l’appréciation subjective de l’appelant. Dans la décision Albrecht, précitée, la Cour d’appel fédérale a conclu que le prestataire avait été induit en erreur par son employeur, qu’il ne connaissait pas bien le régime d’assurance-emploi et qu’il n’avait pas les connaissances et l’expertise de l’employeur (voir aussi Canada (Procureur général) c Dickson, 2012 CAF 8).

[35] L’appelant a soutenu qu’il était important de tenir compte de sa situation personnelle et de sa vulnérabilité psychologique. L’appelant venait de se rétablir d’une dépression majeure; il vivait une séparation difficile avec la mère de ses trois enfants. De plus, l’appelant n’a pas terminé ses études secondaires et, par conséquent, n’était pas très instruit.

[36] De plus, dans la décision De Jesus c Canada (Procureur général), 2013 CAF 264, les prestataires n’étaient pas au courant de l’existence du régime d’assurance-emploi et ils se sont montrés inactifs dans leurs efforts. La Cour d’appel fédérale a conclu que, dans certaines circonstances exceptionnelles, un prestataire qui a été inactif peut être considéré comme ayant agi de la même façon qu’une personne raisonnable.

[37] L’appelant a fait valoir au Tribunal que la Loi devrait être interprétée en faveur des travailleurs, étant donné que l’objectif de la loi est d’indemniser les travailleurs qui se retrouvent involontairement au chômage (Canada (Procureur général)) c Richardson, A-596-91, où la Cour d’appel fédérale a cité l’arrêt Canada (CEIC) c Gagnon, [1988] 2 RCS 29). L’interprétation d’un « motif valable » ne devrait pas être trop restrictive; elle devrait demeurer dans les limites du caractère raisonnable (Canada (Procureur général) c Gauthier, A-1789-83).

[38] L’appelant a suggéré que le Tribunal établisse un parallèle entre la présente affaire et la décision Paquette c Canada (Procureur général), 2006 CAF 309.

[39] En outre, dans la décision Roy Canada (Procureur général) c Roy, A-216-93, la Cour d’appel fédérale a confirmé que la dépression du prestataire peut être considérée comme une circonstance exceptionnelle. Dans cette affaire, la prestataire n’a pas présenté de demande initiale parce qu’elle était incapable de travailler, qu’elle n’était pas disponible et qu’elle pensait trouver un nouvel emploi plus tôt.

[40] L’appelant a présenté la décision Canada (Procureur général) c Park, A-706-94, dans laquelle la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision du juge-arbitre. Il a conclu que la prestataire avait agi comme une personne raisonnable parce qu’elle avait une croyance erronée de la loi et plutôt qu’une ignorance de celle-ci. Dans la décision Canada (Procureur général) c Usmani, 2012 CAF 24, la Cour d’appel fédérale a refusé d’intervenir dans une décision du juge-arbitre en raison des faits inhabituels de l’affaire. Le juge-arbitre avait entériné la décision du conseil arbitral selon laquelle le prestataire a agi comme une personne raisonnable parce qu’il était été personnellement convaincu qu’il était inadmissible.

[41] L’appelant a présenté la décision Canada (Procureur général) c White, 2009 CAF 292, dans lequel le conseil arbitral estime que le prestataire avait agi comme une personne raisonnable parce qu’il était accablé de soucis personnels et que c’était la raison pour laquelle le prestataire ne s’était pas informé de ses droits et obligations. Le juge-arbitre a confirmé la décision et la Cour d’appel fédérale a refusé d’intervenir.

[42] Enfin, dans la décision Canada (Procureur général) v Fingard, A-509-94, la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision du conseil arbitral qui croyait que le prestataire avait justifié son retard. Le prestataire a attendu que le différend concernant le congédiement injustifié et le grief soit réglé avant de présenter une demande initiale.

[43] De plus, pour l’appelant, le fait qu’il ait reçu des prestations de maladie plus tôt la même année n’est pas pertinent parce qu’il ne s’agit pas du même régime.

Arguments de la CAEC

[44] La CAEC a soutenu que la demande de renouvellement de prestations de l’appelant entre en vigueur le 19 mars 2017, parce que le prestataire a retardé le dépôt de sa demande pendant 17 semaines et qu’il n’a pas agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans sa situation pour vérifier ses droits et ses obligations aux termes de la Loi. La CAEC croit que l’appelant avait la responsabilité de communiquer avec la CAEC pour vérifier les renseignements fournis par l’employeur. Il n’est pas rare ou déraisonnable que des personnes cherchent à obtenir des renseignements d’un tiers qui, en raison de sa charge ou de son emploi, pourrait être considéré comme ayant de l’expérience et des connaissances; et de la part de qui le prestataire pourrait s’attendre à recevoir des renseignements exacts. Comme l’appelant ne l’a pas fait, la CAEC considère qu’il n’a pas agi comme une personne raisonnable.

Décision

[45] Le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas agi comme l’aurait fait une personne raisonnable et prudente dans les mêmes circonstances ou dans la même situation pour assurer le respect de ses droits et obligations en vertu de la Loi et n’a donc pas démontré qu’il y avait un « motif valable » justifiant le retard pendant l’intégralité de la période.

[46] L’appelant a expliqué qu’il n’a pas présenté de demande en novembre 2016 parce que son employeur lui a dit qu’il n’était pas admissible selon la décision Albrecht, précitée.

[47] Dans la décision Albrecht, précitée, le prestataire avait reçu des renseignements inexacts de son ancien employeur. Les renseignements ont été confirmés par l’agence de placement du prestataire. En raison de cette désinformation, la Cour d’appel fédérale a conclu que le prestataire avait un motif valable justifiant le retard.

[48] Toutefois, dans la décision Brace, précitée, la Cour d’appel fédérale a conclu que le fait que l’ancien employeur ait donné de mauvais renseignements n’était pas un motif valable, surtout que les renseignements n’avaient pas été vérifiés. Une personne raisonnable aurait pris des mesures pour protéger sa demande et aurait posé des questions à la CAEC. Le critère de la personne raisonnable exige que le prestataire prenne les mesures nécessaires pour vérifier les renseignements reçus d’une personne autre que la CAEC :

« Il est donc établi en droit que, sauf circonstances exceptionnelles, on attend d’une personne dans la situation de la défenderesse, qui demande des prestations, qu’elle « vérifie assez rapidement » les obligations que lui impose la Loi.  Cette obligation comportait l’exigence, pour la défenderesse, d’effectuer les démarches nécessaires pour vérifier l’information qu’elle avait reçue ». (Canada (Procureur général) c Trinh, 2010 CAF 335).

[49] Le Tribunal conclut que le même principe devrait s’appliquer à l’appelant (Brace, précitée; Trinh, précitée). Il est vrai que l’employeur est une figure d’autorité, mais pas en ce qui concerne l’assurance-emploi.

[50] Le Tribunal estime que la nature des renseignements fournis à l’appelant par son employeur est importante. Dans la décision Albrecht, précitée, l’employeur a dit au prestataire qu’il devait recevoir son relevé d’emploi et le paiement intégral de son indemnité de départ avant de présenter une demande de prestations régulières. L’employeur n’a donc pas informé l’appelant de son admissibilité, mais plutôt du moment où le prestataire pouvait présenter sa demande. L’employeur, peu importe l’importance de l’entreprise, n’a pas la compétence nécessaire pour décider de l’admissibilité de ses employés à l’assurance-emploi.

[51] De plus, dans la décision Albrecht, précitée, le prestataire a tenté de vérifier les renseignements fournis par l’employeur en posant des questions à l’agence de placement. En l’espèce, non seulement l’appelant n’a pas tenté de vérifier les commentaires de l’employeur, mais il a aussi cru aveuglément l’employeur qui venait de le congédier. Il ne s’agit pas du comportement d’une personne raisonnable (Brace, précitée; Trinh, précitée).

[52] Par conséquent, l’appelant n’a pas agi comme une personne raisonnable parce qu’il n’a pas vérifié les renseignements fournis par l’ancien employeur.

[53] L’appelant a soutenu que le syndicat était présent à la réunion et qu’il n’a pas corrigé les renseignements erronés fournis par l’employeur. Toutefois, comme l’appelant l’a souligné au Tribunal, le syndicat était préoccupé par la réintégration de l’appelant, question qui relevait de ses domaines de compétence. L’appelant ne pouvait se fier au silence du syndicat pour approuver les renseignements fournis par l’employeur. En réalité, l’appelant n’a pas demandé l’avis du syndicat et rien n’indique que le représentant syndical était au courant de la déclaration de l’employeur.

[54] Rien n’indique que, pendant toute la période de retard, l’appelant ait tenté de communiquer avec la CAEC pour s’informer de ses droits et de ses obligations en matière de prestations d’assurance-emploi (Albrecht, précitée; Persiiantsev, précitée; Scott, précitée; Beaudin, précitée; Somwaru, précitée). Le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas agi comme une personne raisonnable. Par conséquent, le Tribunal doit analyser s’il y a des circonstances exceptionnelles en l’espèce.

[55] Selon les observations de l’appelant, l’ignorance de la loi peut constituer un « motif valable » en cas de circonstances exceptionnelles, dans la mesure où une personne raisonnable aurait agi de la même façon (Caron, précitée; Albrecht, précitée; Somwaru, précitée).

[56] L’appelant a soutenu que sa situation personnelle devrait être considérée comme une circonstance exceptionnelle. L’appelant ne connaissait rien au régime d’assurance-emploi, il n’a pas terminé ses études secondaires, il venait de se rétablir d’une dépression majeure et il était psychologiquement fragile en raison de nombreux événements de la vie. L’appelant a également expliqué que lorsqu’il a été congédié, il paniquait parce qu’il venait de perdre sa principale source de revenus.

[57] Le Tribunal conclut que la situation personnelle de l’appelant ne constitue pas une circonstance exceptionnelle.

[58] Le Tribunal comprend que l’appelant était fragile sur le plan affectif. Toutefois, sa fragilité n’a pas empêché l’appelant d’être fonctionnel. Contrairement à la décision Roy, précitée, l’appelant a mentionné qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin. Ainsi, même s’il était fragile, son état ne l’a pas empêché de fonctionner. Par conséquent, l’appelant avait des soucis personnels, mais rien n’indique qu’il était accablé par ceux-ci (White, précitée). Ainsi, les préoccupations personnelles et la fragilité de l’appelant n’étaient pas des circonstances exceptionnelles.

[59] De plus, le fait que l’appelant n’ait pas un niveau de scolarité élevé n’est pas une circonstance exceptionnelle en raison du fait qu’il avait déjà des antécédents avec le régime d’assurance-emploi. L’appelant avait déjà reçu 15 semaines de prestations de maladie au printemps de la même année. L’appelant connaissait donc l’existence du régime d’assurance-emploi et de la CAEC. L’appelant avait également un dossier ouvert à la CAEC, et il savait donc comment présenter une demande de prestations hebdomadaire. De plus, la jurisprudence n’exige pas qu’une personne raisonnable connaisse toutes les subtilités de la loi, mais exige qu’une personne prenne des mesures pour s’informer de ses droits et de ses obligations. Les éléments de preuve démontrent que l’appelant avait la capacité de le faire.

[60] L’appelant a également soutenu que son inaction est une circonstance exceptionnelle en ce qui concerne ses limites personnelles, comme dans la décision De Jesus, précitée. Le Tribunal est d’avis que cet arrêt ne s’applique pas en l’espèce.

[61] Dans la décision De Jesus, précitée, la Cour d’appel fédérale reconnaît le fait qu’il y a des désavantages pour le travailleur migrant sur le marché du travail canadien, principalement parce que les travailleurs ne parlaient ni le français ni l’anglais, ils sont isolés socialement et craignent surtout de perdre leur emploi s’ils demandent des prestations.

[62] La différence entre la présente affaire et la décision De Jesus précitée est que les désavantages ne sont pas aussi importants. Dans De Jesus, précitée, les travailleurs n’ont pas pu communiquer avec la CAEC pour savoir quels étaient leurs droits et leurs obligations, ce qui n’est pas le cas de l’appelant. Non seulement l’appelant connaissait-il l’existence du régime d’assurance-emploi, mais il pouvait s’exprimer en français et en anglais. Par conséquent, l’inaction de l’appelant ne peut être considérée comme une circonstance exceptionnelle selon De Jesus, précitée, parce qu’il avait la capacité d’être proactif et aussi parce qu’une personne raisonnable et prudente aurait été proactive.

[63] L’appelant a également demandé au Tribunal de faire un parallèle avec la décision Paquette, précitée, puisque l’appelant et le prestataire croyaient tous deux à tort qu’ils étaient inadmissibles à l’assurance-emploi. Le Tribunal ne peut faire ce parallèle entre la décision Paquette, précitée, et la situation de l’appelant. Dans Paquette, précitée, le prestataire savait qu’il était exclu parce que la loi prévoyait qu’un prestataire n’avait pas droit à des prestations pendant le délai de carence. En l’espèce, il n’y a pas eu de décision d’exclusion. Donc, la croyance erronée ne reposait pas sur les mêmes fondements.

[64] L’appelant a également soutenu que sa croyance erronée ne constitue pas une ignorance de la loi (Park, précitée; Usmani, précitée). Le Tribunal ne peut retenir la prétention de l’appelant, car le fait de croire à tort qu’il n’était pas admissible constitue une ignorance de la loi (Canada (Procureur général) c Innes, 2010 CAF 341; Carry, précitée; Labrecque, précitée). Par conséquent, si la croyance erronée est l’ignorance de la loi, l’appelant aurait dû démontrer qu’il a agi comme une personne raisonnable afin d’avoir un motif valable (Beaudin, précitée). Le Tribunal a déjà conclu que l’appelant n’a pas agi comme une personne raisonnable et qu’il n’avait donc pas de motif valable.

[65] Enfin, le fait que l’appelant ne croyait pas qu’il avait droit à des prestations parce qu’il travaillait à temps partiel n’est pas un motif valide en vertu de la jurisprudence (Innes, précitée; Canada (Procureur général) c Dunnigton, A-1865-83).

[66] Compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve, le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable pendant toute la période pendant laquelle il a tardé à présenter une demande de prestations. Le Tribunal conclut qu’il n’a pas agi comme l’aurait fait une personne raisonnable et prudente dans les mêmes circonstances ou situations pour assurer le respect de leurs droits et obligations en vertu de la Loi. La demande d’antidatation en vertu de l’article 10(5) de la Loi est rejetée.

Conclusion

[67] L’appel est rejeté.

Mode d’instruction :

Vidéoconférence

Comparutions :

W. S., appelant
Me Richard-Alexandre Laniel, représentant de l’appelant

Annexe

Le droit

Loi sur l’assurance-emploi

10 (5) Lorsque le prestataire présente une demande de prestations, autre qu’une demande initiale, après le délai prévu par règlement pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si celui-ci démontre qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

Règlement sur l’assurance-emploi

26 (1) Sous réserve du paragraphe (2), le prestataire qui demande des prestations pour une semaine de chômage comprise dans une période de prestations présente sa demande dans les trois semaines qui suivent cette semaine.

(2) Le prestataire qui n’a pas demandé de prestations durant quatre semaines consécutives ou plus et qui en fait la demande par la suite pour une semaine de chômage présente sa demande dans la semaine qui suit cette dernière.

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