Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante a travaillé nombreuses années à l’aéroport en tant qu’agente-passager. Suite au processus de négociation collective, les employés de X avaient comme options d’accepter un gel de salaire durant trois années ou de se prévaloir d’une prime de départ volontaire. L’appelante a choisi de quitter avec l’indemnité de départ offerte. Elle affirme cependant qu’elle ne voyait pas d’autres choix et que ce sont les conditions de travail difficiles qui l’ont poussée à quitter, notamment l’obligation des dernières années à faire des tâches de responsable et le climat de travail désagréable. La Commission de l’assurance-emploi (Commission) de son côté a conclu que le départ de l’appelante était un choix personnel et qu’il ne s’agissait pas de la seule solution raisonnable.

Questions en litige

[3] Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. Quel est le réel motif pour lequel l’appelante a quitté son emploi?
  2. Est-ce que de quitter un emploi pour accepter une indemnité de départ constitue une justification au sens de la Loi?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

[5] Le Tribunal doit déterminer si l’appelante était fondée à quitter son emploi selon les dispositions de l’article 29 de la Loi. Pour répondre à cette question, le Tribunal s’est penché sur l’analyse des questions suivantes :

Question en litige no 1 : Quel est le réel motif pour lequel l’appelante a quitté son emploi?

[6] Le paragraphe 29 c) de la Loi énonce une liste non exhaustive de circonstances qui peuvent justifier le fait qu’une personne quitte volontairement son emploi. Dans ce cas-ci, l’appelante soutient qu’elle a subi une importante modification de ses fonctions, ce qui constitue un des motifs valables énumérés dans la Loi (alinéa 29 c)(ix) de la Loi). Elle soutient également avoir quitté pour avoir subi du harcèlement au travail, en raison de l’incertitude et du climat difficile au travail.

[7] Pour les raisons énoncées ci-après, le Tribunal conclut que la réelle raison pour laquelle l’appelante a quitté son emploi est pour pouvoir bénéficier de l’indemnité de départ offerte par l’employeur.

[8] L’appelante a indiqué qu’elle travaillait à l’aéroport de X en tant qu’agent passager depuis plus de 15 ans. Elle a indiqué que son employeur a été X durant de nombreuses années, mais a changé d’administration à quelques reprises entre 2012 et 2015 pour aboutir sous la compagnie X, qui était son employeur lorsqu’elle a quitté.

[9] Elle affirme qu’autour de l’an 2009, l’employeur a imposé une formation à tous les agents passagers afin qu’ils puissent tous être responsables des départs alors qu’avant, ces tâches étaient dédiées à des postes séparés. L’appelante dit avoir essayé, mais que cette fusion de tâches ne lui plaisait pas du tout et lui causait un grand stress. Elle explique que les tâches de responsable des départs impliquent beaucoup de responsabilités pour lesquelles chaque minute est importante, notamment de prendre en charge un départ de vol, s’assurer de faire partir l’avion à l’heure, faire plusieurs vérifications, penser à plusieurs détails, faire des annonces aux passagers, manœuvrer la passerelle sur le pont, etc.

[10] L’appelante indique qu’elle a beaucoup angoissé face à ses changements de sorte qu’après peu de temps, son médecin lui a donné une note médicale imposant des limitations qu’elle a remise à son employeur. Elle indique qu’ainsi, elle a travaillé durant plusieurs mois en tant qu’agent sans faire de tâche de responsable de départ. Elle affirme cependant qu’un jour, l’employeur a décidé de ne plus accepter les accommodements et a exigé que tous les employés soient plus flexibles. L’appelante ne se souvient pas exactement des dates et de la durée, mais elle confirme avoir dû recommencer à faire des tâches de responsable de départ durant quelques années avant sa fin d’emploi. Elle affirme l’avoir fait de peine et de misère en demandant toujours de l’aide des superviseurs.

[11] La Commission de son côté soutient que suite à ses conversations avec l’appelante, celle-ci a soulevé certaines contrariétés au travail, mais a tout de même confirmé que son motif de son départ était l’obtention de l’indemnité de départ.

[12] Le Tribunal note que l’appelante a soulevé les modifications importantes à ses fonctions pour la première fois durant l’audience. Dans son avis d’appel, l’appelante décrit en détail les circonstances de son départ et ne mentionne en aucun temps les modifications à ses fonctions. Elle indique plutôt comme motif de départ l’instabilité de l’entreprise et a mis beaucoup d’emphase sur l’assurance donnée par les ressources humaines que les détenteurs de l’indemnité de départ seraient éligibles aux prestations d’assurance-emploi. Bien que le Tribunal accepte que les fonctions de l’appelante aient pu changer au cours des dernières années, le Tribunal conclut que les déclarations de l’appelante révèlent que ce n’est pas la réelle raison de départ de l’appelante.

[13] De plus, la preuve révèle que les modifications aux fonctions de l’appelante sont survenues quelques années avant son départ et qu’elle a réussi à s’adapter à ces modifications en prenant moins d’heures de travail et en donnant des heures à ses collègues. L’appelante a également témoigné à l’effet qu’avant que l’option des indemnités de départ se présente, elle n’avait pas envisagé de quitter son emploi, ce qui indique clairement que ses difficultés avec les modifications de tâches des dernières années n’ont pas été la raison principale de sa décision de quitter.

[14] Pour ce qui est de l’allégation de harcèlement subit par l’appelante, le Tribunal accepte également la possibilité que l’appelante ait vécu du harcèlement au travail dans le passé. Cependant, elle a admis ne plus subir de harcèlement depuis un moment lorsqu’elle a quitté son emploi. Il ne s’agit donc vraisemblablement pas de la raison qui l’a poussé à quitter. Le Tribunal note par ailleurs que seuls les faits qui existaient au moment où le prestataire a quitté son emploi doivent être pris en considération (Lamonde 2006 FCA 44). Le harcèlement subi par l’appelante quelques années avant son départ ne peut donc pas faire partie des motifs de son départ.

[15] Suite à l’analyse de la preuve au dossier ainsi que tu témoignage de l’appelante, le Tribunal est d’avis que l’appelante a quitté son emploi pour accepter une indemnité de départ. Les autres raisons qui ont pu influencer son choix sont des raisons secondaires pour lesquelles l’appelante n’aurait pas quitté son emploi, n’eût été l’indemnité de départ.

Question en litige no 2 : Est-ce que de quitter un emploi pour accepter une indemnité de départ constitue une justification au sens de la Loi?

[16] Maintenant que le Tribunal a déterminé que la raison du départ de l’appelante était de prendre sa retraite et de se prévaloir de l’indemnité de départ, le Tribunal doit décider si l’appelante était justifiée à quitter son emploi selon la Loi sur l’assurance-emploi (Loi). En règle générale, une personne qui quitte son emploi de façon volontaire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (article 30 de la Loi). La Loi prévoit cependant qu’une personne peut parfois être fondée à quitter volontairement son emploi et être éligible aux prestations d’assurance-emploi. C’est à elle de faire cette démonstration.

[17] Pour les raisons qui suivent, le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas réussi à démontrer qu’elle était justifiée de quitter son emploi.

[18] C’est l’article 29c) de la Loi qui prévoit les circonstances pouvant justifier un prestataire à quitter volontairement son emploi et demeurer admissible aux prestations d’assurance-emploi. Les circonstances entourant un départ volontaire pour prendre sa retraite ou pour accepter une indemnité de départ ne font pas partie de la liste des motifs énumérés à l’article 29c) de la Loi. Bien que cette liste de motifs ne soit pas exhaustive (Campeau 2006 FCA 376, Lessard 2002 FCA 469 ), le Tribunal estime que de quitter pour accepter une indemnité de départ constitue un choix personnel et ne saurait constituer une justification au sens de la Loi. Le Tribunal s’appuie sur le principe de base qu’il incombe à l’assuré du régime d’assurance-emploi, comme contrepartie de sa participation au régime, de ne pas provoquer le risque et, encore moins de ne pas transformer un simple risque en une certitude de chômage (Langlois 2008 FCA 18; Tanguay A-1458-84 ).

[19] De plus, afin de déterminer si l’appelante était fondée à quitter son emploi, cette dernière doit aussi démontrer que, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas (Canada (Procureur général) c. Patel, 2010 CAF 95 (Patel), Bell, A-450-95, Landry, A-1210-92). En effet, le juge Létourneau dans la décision Hernandez rappelle qu’en conjonction avec les exceptions citées à l’article 29 de la Loi, il est impératif de considérer si le fait de quitter volontairement son emploi constituait la seule solution raisonnable et que de ne pas le faire constituerait une erreur de droit (Hernandez, 2007 FCA 320).

[20] Dans le présent cas, le Tribunal reconnait que le milieu de l’emploi de l’appelante a changé significativement au cours des dernières années et qu’elle n’était plus bien au travail. Le Tribunal reconnait également qu’étant donné les incertitudes qui planaient sur le futur de l’entreprise, l’appelante a peut-être pris la meilleure décision pour elle-même dans les circonstances. Cependant, le Tribunal estime que le choix qu’a fait l’appelante, aussi bon soit-il, constitue un choix personnel. Le choix de rester à l’emploi aurait été tout aussi raisonnable si elle avait voulu continuer.  L’appelante a affirmé que si elle avait su qu’elle ne serait pas admissible aux prestations, elle ne serait peut-être pas partie. Cela milite en faveur de la conclusion que d’autres options raisonnables s’offraient à elle. Or, la Cour d’appel fédérale a précisé qu’en matière de départ volontaire, la question ne consiste pas à savoir s’il était raisonnable pour l’appelante de quitter son emploi, mais bien à savoir si c’était la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances (Laughland, 2003 FCA 129). En d’autres mots, il n’est pas suffisant pour un prestataire de prouver qu’il était raisonnable de quitter son emploi. Ce qui est raisonnable peut correspondre à un « motif valable », mais ne constitue pas nécessairement une « justification » (Tanguay A-1458-84).  Le Tribunal accepte que le motif de l’appelante soit valable et raisonnable, mais ne constituait pas la seule solution raisonnable puisqu’elle pouvait rester à l’emploi et continuer de s’accommoder en faisant moins d’heures que ses collègues par exemple. De plus, si l’appelante n’était plus confortable dans son poste dû à l’augmentation de pression des dernières années, elle avait le choix de se chercher un autre emploi avant de quitter, ce qu’elle n’a pas fait. Elle a plutôt saisi l’occasion de se prévaloir d’une indemnité de départ, ce qui est un choix personnel parmi d’autres options raisonnables et peu importe les motivations qui ont fait en sorte que l’appelante s’est arrêtée sur ce choix, elle avait d’autres alternatives. Or, les fondements du régime d’assurance-emploi ne sont malheureusement pas de supporter le coût des choix personnels des citoyens (Gagnon, A-1059-84, Astronomo A-141-97, Martel A-1691-92, Campeau 2006 FCA 376).

[21] Le Tribunal note que l’appelante a réitéré à plusieurs reprises sa frustration d’avoir reçu des informations qui semblent erronées de son employeur à l’effet que les détenteurs de l'indemnité de départ seraient admissibles aux prestations d’assurance-emploi. Malheureusement, toute information incorrecte que l’appelante pourrait avoir reçue ne change en rien la Loi existante et ses dispositions. Le Tribunal est empathique au fait que l’appelante n’a peut-être pas eu toutes les informations avec exactitude avant de prendre sa décision. Cependant, le Tribunal se doit d’appliquer la Loi conformément au droit en vigueur sans discrétion pour les circonstances de l’appelante. L’appelante aurait dû s’enquérir elle-même de ses droits et obligations avant de prendre la décision importante de quitter son emploi.

[22] Devant l’ensemble de la preuve, le Tribunal conclut sur la balance des probabilités que le départ volontaire de l’appelante n’était pas fondé selon la Loi car elle n’a pas démontré qu’il s’agissait de la seule solution raisonnable dans ses circonstances. Une exclusion s’impose.

Conclusion

[23] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 22 mai 2018

Téléconférence

L. P., appelante

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

  1. 29 Pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
    2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
    3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
      1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
      2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
      3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. 30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
    2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  3. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.
  4. (3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.
  5. (4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.
  6. (5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.
  7. (6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.
  8. (7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations - qu’elle soit initiale ou non - n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.
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