Assurance-emploi (AE)

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Décision et Motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant, T. C., a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi (AE) en 2015. Il a perdu son emploi en novembre 2014. Son employeur l’a licencié pour inconduite. Il soutient qu’il a été licencié parce qu’il a surpris sa compagnie à commettre une fraude, et non en raison de sa propre inconduite.

[3] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a refusé à l’appelant des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a déterminé qu’il avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Son employeur a indiqué qu’il avait été congédié parce qu’il n’avait pas déclaré correctement son temps, qu’il avait agi en situation de conflit d’intérêts et qu’il avait consommé de la marijuana, contrairement aux politiques de travail de l’employeur.

[4] La division générale a conclu que l’appelant a été congédié pour avoir falsifié ses heures de travail et avoir émis des bons de commande à une compagnie dont il était copropriétaire. Elle a également conclu qu’il aurait dû savoir que cette conduite était si grave qu’elle entraînerait son licenciement. Par conséquent, la conduite de l’appelant constitue une inconduite et il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[5] L’appelant interjette appel de la décision de la division générale pour manquement à la justice naturelle. La division d’appel du Tribunal a accordé la permission d’en appelerNote de bas de page 1.

[6] L’audition de l’appel a eu lieu par téléconférence. L’appelant et l’intimée y ont participé. L’employeur était initialement un mis en cause dans l’affaire de la division générale, mais il s’est retiré avant l’audience.

[7] La division d’appel conclut que la division générale n’a pas commis d’erreur susceptible de révision.

Questions en litige

[8] L’appelant soulève des moyens d’appel fondés sur la conduite du membre de la division générale à l’audience. Ils se résument comme suit :

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle, en particulier le membre qui s’est occupé d’affaires personnelles pendant l’audience, omettant ainsi de donner pleinement l’occasion à l’appelant de présenter sa preuve?

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’ensemble de la preuve?

Analyse

[9] Les seuls moyens d’appel devant la division d’appel sont que la division générale a commis une erreur de droit, n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, ou a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 2.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle, en particulier le membre qui s’est occupé d’affaires personnelles pendant l’audience, omettant ainsi de donner pleinement l’occasion à l’appelant de présenter sa preuve?

[10] L’appelant allègue que le membre de la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, en se fondant sur sa façon de mener les procédures. Il soutient que le membre de la division générale s’est occupé de son (ses) chien(s) ou d’autres affaires personnelles pendant l’audience.

[11] L’appelant a d’abord fait cette allégation dans sa demande d’autorisation d’appel. Il ne s’est pas opposé à la conduite du membre lors de l’audience devant la division générale.

[12] Un manquement à la justice naturelle doit être signalé le plus tôt possible et, si aucune objection n’est soulevée à l’audience, la partie qui allègue le manquement est réputée avoir renoncé implicitement à invoquer toute crainte d’iniquité : Benitez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)Note de bas de page 3. La première occasion qui lui est donnée se présente lorsque le demandeur est informé des renseignements pertinents et qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il soulève une objectionNote de bas de page 4. Toutefois, la doctrine de la renonciation n’empêche pas un demandeur de faire valoir que la façon dont l’audience a été menée constitue un manquement à l’obligation d’équité du fait, par exemple, d’un contre-interrogatoire muscléNote de bas de page 5.

[13] Comme l’intimée n’a pas plaidé ce point et que l’appelant n’a pu écouter l’enregistrement audio de l’audience qu’après la décision de la division générale, je n’applique pas la doctrine de la renonciation en l’espèce.

[14] L’appelant a signalé les heures indiquées au cours de l’enregistrement audio de l’audience pour tenter d’établir la conduite « inacceptable » du membre de la division générale. L’appelant soutient que le membre s’occupait de son chien plutôt que de prêter attention à la preuve et aux observations de l’appelant.

Le membre a-t-il omis de donner pleinement l’occasion à l’appelant de présenter sa preuve?

[15] Je conclus que le membre n’a pas omis de donner pleinement l’occasion à l’appelant de présenter sa preuve.

[16] L’appelant a le droit de s’attendre à une audience équitable et à pouvoir présenter sa preuve devant un décideur impartialNote de bas de page 6.

[17] Bien que l’appelant allègue que le membre de la division générale s’est occupé de ses chiens ou d’autres affaires personnelles tout au long de l’audience par téléconférence de 46 minutes, je ne suis pas d’accord. J’ai écouté l’enregistrement audio dans son intégralité et j’ai pris note des heures indiquées par l’appelant. Voici ce que j’ai entendu :

  1. À 4 minutes 43 secondes, le son d’un chien qui aboie;
  2. À 4 minutes 48 secondes, le bruit d’une porte qui se ferme;
  3. À 9 minutes 5 secondes, la vibration d’un appareil électronique;
  4. À 13 minutes 40 secondes, il y a ce que l’appelant décrit comme un « bruit bizarre », que l’appelant attribue au membre qui joue avec son chien ou s’occupe d’autres choses personnelles;
  5. Vers 31 minutes 10 secondes, le son d’un chien qui aboie;
  6. Vers 31 minutes 23 secondes, le bruit d’une porte qui se ferme.

[18] Dans chacun de ces cas, à l’exception du « bruit bizarre », le son est momentané. La plupart du temps, les sons n’interrompent ni ne gênent pas l’audition. Dans un cas, le membre de la division générale demande une pause momentanée, puis revient à la ligneNote de bas de page 7. Aucun de ces sons n’a empêché l’appelant de présenter sa preuve.

[19] En ce qui concerne le « bruit bizarre », l’appelant soutient qu’il était évident « tout au long » de l’audience et que cela démontre que le membre de la division générale était en train de flatter ses chiens ou de jouer avec quelque chose. Je ne suis pas de cet avis. Le bruit est présent dans diverses parties de l’enregistrement. J'estime qu'il est compatible avec le son de la molette de défilement d'une souris. Il est également présent lorsque des documents au dossier font l’objet de discussions. Le dossier du Tribunal est électronique (non imprimé sur papier), de sorte que lorsqu’un membre l’examine à l’écran, le membre utilise une souris pour faire défiler et lire les documents.

[20] Ce bruit ressort de l’enregistrement de la même façon que la saisie de données au clavier lorsqu’une personne prend des notes. Toutefois, il n’a pas nui à la tenue de l’audience. La plainte de l’appelant à cet égard équivaut à se plaindre du son des pages qui tournent, car une personne fait référence à une copie imprimée d’un document.

[21] Même en tenant compte de l’ensemble de ces bruits, l’allégation de l’appelant selon laquelle le membre de la division générale s’est occupé d’affaires personnelles pendant l’audience au lieu de prêter attention à la preuve et aux observations de l’appelant n’est pas fondée.

[22] J’ai examiné l’enregistrement audio (et le dossier documentaire) et je conclus que l’appelant a eu une occasion équitable de présenter sa preuve.

[23] L’appelant a également allégué que l’enregistrement audio avait été manipulé. Sa « preuve » à cet égard est que l’appel téléphonique a duré plus longtemps que l’enregistrement. Je conclus que cette allégation n’est pas fondée. L’enregistrement audio dure entre 42 et 43 minutes. L’appelant soutient que l’audience était plus longue que cela et accuse le membre de la division générale d’avoir manipulé l’enregistrement audio pour retirer les parties où le membre s’occupait de son chien et en parlait. Toutefois, il n’y a tout simplement aucune preuve que l’enregistrement a été manipulé.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’ensemble de la preuve?

[24] Je conclus que la division générale n’a pas omis de prendre en considération tous les éléments de preuve pertinents.

[25] L’appelant allègue que le membre de la division générale n’a pas tenu compte de son témoignage à l’audience parce que le membre s’occupait d’affaires personnelles. Il a également soutenu que le membre n’avait pas tenu compte de la preuve supplémentaire de l’appelant déposée après l’audience [traduction] « au cours de la même période de 24 heures ».

[26] L’allégation selon laquelle le membre s’est occupé d’affaires personnelles au cours de l’audience a été discutée plus haut. Il n'y a eu aucun manquement à la justice naturelle ni erreur de droit à cet égard.

[27] L’appelant soutient que la division générale aurait dû tenir compte de sa preuve selon laquelle l’employeur voulait se débarrasser de lui parce qu’il avait découvert un acte répréhensible de la part d’un gestionnaire et que la véritable raison qui lui a été donnée pour son congédiement était qu’il avait une ordonnance de marijuana à des fins médicales.

[28] Ces allégations d’actes répréhensibles de la part d’un gestionnaire n’étaient pas des preuves qui nécessitaient une analyse. L’appel a trait à l’inconduite alléguée de l’appelant et non à l’inconduite alléguée d’autres employés. Rien de plus dans le dossier d’appel n’indique que l’appelant a été congédié pour dénonciation que ses propres affirmations.

[29] La consommation de marijuana à des fins médicales était l’une des nombreuses raisons invoquées par l’employeur pour justifier son congédiement de l’appelant. Toutefois, la division générale a conclu que ce n’était pas la raison principale de la perte d’emploi de l’appelantNote de bas de page 8.

[30] Pour en arriver à sa décision, la division générale a tenu compte de la preuve orale et documentaire de l’appelant et de la preuve documentaire déposée par l’intimée. En présence de preuve contradictoire et lorsque la division générale a rejeté ou accordé peu ou pas de poids à une partie de celle-ci, le membre a expliqué les motifs de cette décision. La division générale n’a pas omis de prendre en considération la preuve de l’appelant. Elle a soupesé la preuve et a accordé plus de poids à certaines parties de celle-ci qu’à d’autres parties, ce qui relève à juste titre du mandat de la division générale.

[31] En ce qui concerne la preuve supplémentaire de l’appelant déposée après l’audience, l’appelant a déposé une entente de règlement conclue par l’entremise de la Commission des relations de travail de l’Ontario et certains rapports de bons de commande de fournisseurs dans un délai d’un jour suivant l’audience devant la division généraleNote de bas de page 9. Il a déposé un échange de courriels entre lui et le cabinet du ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail (le ministre) environ six semaines après l’audienceNote de bas de page 10.

[32] L’appelant soutient que l’entente de règlement stipule qu’il recevra des prestations d’assurance-emploi et prétend que la division générale n’en a pas tenu compte. L’entente de règlement est mentionnée dans l’audience devant la division généraleNote de bas de page 11. La division générale a examiné le document.

[33] L’appelant soutient que l’entente de règlement et le retrait de l’employeur de l’affaireNote de bas de page 12 ont eu pour effet que l’information contenue dans le dossier d’appel provenant de l’employeur est également retirée et qu’il n’y a pas d’éléments de preuve qui pourraient permettre d’établir qu’il a été licencié pour inconduite. L’appelant demande à la division d’appel d’accepter son affirmation selon laquelle l’employeur a reconnu avoir menti et réglé son dossier de relations de travail en conséquence. L’intimée soutient que l’employeur s’est retiré de l’instance et que ni l’avis de retrait ni l’entente de règlement n’indiquent que l’employeur est revenu sur les renseignements qu’il avait fournis précédemment.

[34] Je conclus que l’employeur n’est pas revenu sur les renseignements fournis précédemment. L’employeur s’est retiré de l’appel en tant que partie et l’a confirmé par écrit au Tribunal. Les renseignements contenus dans le dossier d’appel qui proviennent de l’employeur n’ont pas été radiés du dossier ni autrement touchés. Il n’existe aucune preuve que l’employeur a fourni de faux renseignements, hormis les accusations de l’appelant.

[35] Il n’y avait aucune référence aux rapports des bons de commande des fournisseurs, mais la division générale n’a pas à se référer spécifiquement à chaque document du dossier d’appel. Ces bons de commande se trouvaient dans le même ensemble de documents que l’entente de règlement.

[36] Il y a également une note qui accompagne cet ensemble. Elle est rédigée par l’appelant. Elle indique, entre autres, qu’on peut communiquer avec un collègue et qu’il « dira la vérité » au sujet des bons de commande. L’appelant fait valoir que la division générale n’a pas fait d’enquête ou exercé de « diligence raisonnable » parce qu’elle n’a pas communiqué avec ce témoin au sujet de sa situation professionnelle. Toutefois, la division générale (ou le Tribunal) n’a pas pour rôle de communiquer avec les anciens collègues de l’appelant ou de chercher des preuves au nom de ce dernier. Il incombe à l’appelant de présenter la preuve sur laquelle il souhaite se fonder, y compris de faire témoigner des témoins à l’audience devant la division générale.

[37] Quant à l’échange de courriels, ils ne sont pas importants pour la décision de la division générale. L’appelant semble avoir écrit au cabinet du ministre après l’audience devant la division générale et avant qu’une décision soit rendue; le cabinet du ministre a répondu que le ministre ne peut intervenir dans aucune décision du Tribunal et a suggéré qu’il achemine ses questions au Tribunal. Cette documentation n’a absolument aucune importance dans la décision de la division générale.

[38] Lors de l’audience devant la division d’appel, l’appelant a déclaré qu’il avait parlé de cette affaire avec le cabinet du premier ministre provincial et avec le cabinet du premier ministre fédéral et que [traduction] « vous vous exposez tous à de gros problèmes ». Il a également déclaré qu’il dévoilerait « tout » aux médias. Ces déclarations n'ont pas été prises en compte dans la décision de la division d'appel.

Résumé des erreurs alléguées

[39] J’ai conclu que la division générale n’a pas commis d’erreur susceptible de révision.

Conclusion

[40] L’appel est rejeté.

Appel entendu le :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 14 juin 2018

Téléconférence

T. C., qui se représente lui-même
Me Claudia Richard, représentante de l’intimée

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