Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal rejette l’appel.

Aperçu

[2] Le demandeur, M. F. (prestataire), a effectué plusieurs périodes d’emploi pour l’entreprise X, entreprise dont il est actionnaire à 33 % depuis 1999, et des prestations d’assurance-emploi lui ont été versées. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a par la suite avisé le prestataire qu’elle avait annulé ses demandes de prestations ayant commencé le 23 novembre 2014 parce qu’il bénéficiait d’un téléphone cellulaire et d’une voiture payée par l’entreprise, ce qui faisait en sorte que le prestataire n’avait pas subi d’arrêt de rémunération lui permettant de recevoir des prestations d’assurance-emploi. Le prestataire a demandé la révision de cette décision. La Commission a informé le prestataire qu’elle maintenait sa décision initiale. Le prestataire a interjeté appel de la décision auprès de la division générale du Tribunal.

[3] La division générale a déterminé qu’il n’y avait pas eu d’arrêt de rémunération puisque le prestataire a continué de bénéficier d’une rémunération provenant de son emploi parce qu’il pouvait profiter de l’usage d’un téléphone cellulaire laissé à sa disposition, à la suite de sa mise à pied. La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas démontré qu’il avait subi un arrêt de rémunération parce qu’il ne remplissait pas toutes les conditions prévues au paragraphe 14(1) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement).

[4] La permission d’en appeler a été accordée par le Tribunal. Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’alinéa 35(10)d) du Règlementet en concluant que le prestataire n’avait pas eu d’interruption de rémunération.

[5] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en droit dans son interprétation de l’alinéa 35(10)d) du Règlement, plus particulièrement en concluant qu’il n’y avait pas eu d’arrêt de rémunération puisque le prestataire pouvait profiter à des fins personnelles de l’usage d’un téléphone cellulaire laissé à sa disposition, à la suite de sa mise à pied.

[6] Le Tribunal rejette l’appel du prestataire.

Question en litige

[7] Est-ce que la division générale a erré en droit dans son interprétation de l’alinéa 35(10)d) du Règlement, plus particulièrement en concluant qu’il n’y avait pas eu d’arrêt de rémunération puisque le prestataire pouvait profiter de l’usage à des fins personnelles d’un téléphone cellulaire laissé à sa disposition, à la suite de sa mise à pied?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[8] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS)Note de bas de page 1.

[9] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.

[10] En conséquence, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Question en litige 1 : Est-ce que la division générale a erré en droit dans son interprétation de l’alinéa 35(10)d) du Règlement, plus particulièrement en concluant qu’il n’y avait pas eu d’arrêt de rémunération puisque le prestataire pouvait profiter à des fins personnelles de l’usage d’un téléphone cellulaire laissé à sa disposition, à la suite de sa mise à pied?

[11] L’appel du prestataire est rejeté.

[12] Le prestataire fait valoir que, conformément aux conclusions de faits de la division générale, l’utilisation de son cellulaire n’est pas liée à son travail, parce qu’il a été mis à pied et qu’il ne travaillait pas pendant une période de deux semaines. Il est d’avis qu’il y a donc eu arrêt de rémunération.

[13] Le prestataire est d’avis que la division générale a erré en droit concluant qu’il n’avait pas subi d’arrêt de rémunération selon le paragraphe 14(1) du Règlement et que, de ce fait, il ne remplissait pas les conditions requises pour qu’une période de prestations puisse être établie, telles que présentées à l’article 7 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[14] Plus précisément, la division générale aurait erré en concluant que l’appelant avait continué à recevoir une rémunération de son employeur au sens de l’alinéa 35(10)d), par l’utilisation à des fins personnelles du téléphone cellulaire de l’entreprise.

[15] Le paragraphe 14(1) du Règlement prévoit ce qui suit :

(1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), un arrêt de rémunération se produit lorsque, après une période d’emploi, l’assuré est licencié ou cesse d’être au service de son employeur et se trouve à ne pas travailler pour cet employeur durant une période d’au moins sept jours consécutifs à l’égard de laquelle aucune rémunération provenant de cet emploi, autre que celle visée au paragraphe 36(13), ne lui est payable ni attribuée.

[16] Les paragraphes (2) et (10) de l’article 35 du Règlement expliquent ce qui suit :

(2) Sous réserve des autres dispositions du présent article, la rémunération qu’il faut prendre en compte pour vérifier s’il y a eu l’arrêt de rémunération visé à l’article 14 et fixer le montant à déduire des prestations à payer en vertu de l’article 19, des paragraphes 21(3), 22(5), 152.03(3) ou 152.04(4), ou de l’article152.18 de la Loi, ainsi que pour l’application des articles 45 et 46 de la Loi, est le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi, notamment :

[…]

(10) Pour l’application du paragraphe (2), « revenu » vise notamment :

[…]

d) dans tous les cas, la valeur de la pension, du logement et des autres avantages accordés au prestataire à l’égard de son emploi par son employeur ou au nom de celui-ci.

[17] Comme il est souligné par la division générale, les trois conditions distinctes prévues au paragraphe 14(1) du Règlement sont cumulatives et doivent toutes être remplies pour qu’il y ait arrêt de la rémunération au sens de ce paragraphe : le prestataire doit avoir été licencié ou avoir cessé d’être au service de son employeur, le prestataire ne doit pas avoir travaillé pour cet employeur durant une période d’au moins sept jours consécutifs par la suite, et aucune rémunération provenant de cet emploi ne doit lui être payable ni attribuéeNote de bas de page 2.

[18] La division générale a déterminé que le prestataire avait été licencié par son employeur, X, ou avait cessé d’être au service de celui-ci à compter du 21 novembre 2014. Elle a également déterminé que le prestataire n’avait pas travaillé pour l’employeur, X, pendant une période d’au moins sept jours consécutifs suivant la fin de son emploi.

[19] La division générale a également tenu pour véridique le témoignage du prestataire selon lequel il n’avait effectué ou reçu aucun appel téléphonique lié au travail à l’aide du cellulaire de l’entreprise mis à sa disposition au cours de la période ayant suivi sa mise à pied et pendant laquelle il n’a pas travaillé, et selon lequel il n’avait effectué ou reçu que des appels de nature personnelle.

[20] La division générale a conclu que même si le prestataire n’avait pas utilisé le téléphone cellulaire laissé à sa disposition pour des raisons professionnelles à la suite de sa mise à pied, il s’agissait néanmoins d’un revenu qui lui avait été accordé par son employeur selon le paragraphe 35(2) et de l’alinéa 35(10)d) du Règlement.

[21] Puisqu’il n’avait pas subi d’arrêt de rémunération, la division générale a conclu que le prestataire n’avait pas satisfait à toutes les conditions pour être admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi aux termes des articles 7, 48 et 49 de la Loi et du paragraphe 14(1) du Règlement.

[22] Est-ce que la division générale a erré en concluant qu’il n’y avait pas eu d’arrêt de rémunération puisque le prestataire pouvait profiter à des fins personnelles de l’usage d’un téléphone cellulaire laissé à sa disposition, à la suite de sa mise à pied?

[23] Le Tribunal ne le croit pas.

[24] La preuve devant la division générale démontre que le prestataire possède un cellulaire payé par l’entreprise depuis au moins 2009. Il travaille pour l’entreprise à titre de contremaitre de chantier. Il utilise le cellulaire aussi bien pour le travail qu’à des fins personnelles.

[25] Pour le Tribunal, la preuve devant la division générale démontre que l’usage du cellulaire est en lien ou en relation avec le travail effectué par le prestataire. À tout le moins, il existe un rapport certain entre l’emploi du prestataire et l’avantage reçu par celui-ci, et ce, même si le prestataire ne l’utilise qu’à des fins personnelles à la suite de sa mise à pied.

[26] Le Tribunal constate d’ailleurs que le prestataire a cessé de travailler deux semaines après la saison active de l’entreprise, cessation qui coïncidait avec sa demande de prestations, pour ensuite immédiatement reprendre le travail pour son employeur à raison de huit heures par semaine pendant la saison tranquille. Depuis novembre 2009, le prestataire n’a jamais travaillé à l’extérieur de l’entreprise dont il est actionnaire à 33 %.

[27] Le Tribunal est également d’avis que l'utilisation d'un téléphone cellulaire, même si le montant n'est pas important, représente quand même un coût. De l’avis du Tribunal, pour qu'il y ait arrêt de rémunération, l'employé ne devrait pas profiter d’avantages qui ont une valeur quotidienne pour lui.

[28] Que l’employeur décide, pour des raisons économiques, de ne pas suspendre le service de cellulaire après la mise à pied du prestataire ne change rien au fait que ce dernier conserve l’avantage du cellulaire payé par l’entreprise pendant toute l’année.

[29] Le Tribunal est d’avis que la division générale n’a pas erré en droit dans son interprétation de l’alinéa 35(10)d) du Règlement, plus particulièrement en concluant qu’il n’y avait pas eu d’arrêt de rémunération puisque le prestataire pouvait profiter de l’usage à des fins personnelles d’un téléphone cellulaire laissé à sa disposition, à la suite de sa mise à pied par l’employeur.

Conclusion

[30] Le Tribunal rejette l’appel.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 12 juillet 2018

Téléconférence

M. F., appelant

Me Jean-Guy Ouellet, de Ouellet, Nadon, représentant de l’appelant

Manon Richardson, représentante de l’intimée

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