Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant est âgé de 83 ans, il conduit un autobus scolaire depuis plus de 28 ans pour X.  Le 20 février 2017, il est congédié.

[3] Le 20 février 2017, vers 12 h 45 l’appelant conduit des élèves du primaire à leur école. Il se présente au débarcadère et les enfants sortent de l’autobus pour se rendre à l’entrée près de la cour d’école. L’appelant constate qu’un enfant s’est endormi dans l’autobus. Il le laisse devant l’entrée de la direction de l’école.

[4] Selon l’appelant, cette journée-là, il neigeait. La chaussée et le trottoir près de l’école étaient glissants et enneigés. Alors qu’il attendait devant l’entrée des élèves, il a avancé l’autobus d’environ 40 pieds, afin de permettre aux autres chauffeurs de quitter les lieux. C’est à ce moment-là qu’il a constaté qu’il y avait un enfant endormi dans l’autobus. Il a fait le tour de l’école et il a déposé l’enfant devant l’entrée de la direction. Il a vu la secrétaire qui attendait à l’intérieur l’enfant.

[5] Selon l’employeur, c’est la troisième fois que l’appelant oublie un enfant dans l’autobus scolaire. Le 20 février 2017, il n’a pas respecté les règles de sécurité et il a mis en danger la sécurité d’un enfant. De plus, l’employeur n’a pas cru la version de l’appelant. L’employeur croit qu’il s’est rendu à son domicile et c’est à ce moment qu’il a constaté la présence de l’enfant dans l’autobus.

[6] La Commission a refusé de verser des prestations d’assurance emploi à l’appelant, parce qu’il a perdu son emploi en raison de son inconduite. Il a donc été exclu du bénéfice des prestations.

[7] Selon la Commission, l’appelant a commis une faute grave en oubliant un enfant dans l’autobus scolaire. De plus, il a menti à son employeur et il n’a pas assuré la sécurité de l’enfant. Il s’agit d’une négligence et l’appelant savait que son geste pouvait entraîner son congédiement, parce qu’il s’agissait du troisième incident de ce genre.

[8] Le Tribunal doit décider si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite et qu’il doit donc être exclu du bénéfice des prestations aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)

Questions en litige

[9] Quels sont les gestes reprochés à l’appelant ?

[10] Est-ce que l’appelant a commis les gestes reprochés ?

[11] Est-ce que les gestes reprochés constituent de l’inconduite au sens de la Loi ?

Analyse

[12] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

[13] Le rôle du Tribunal n’est pas de déterminer si le congédiement était justifié ou s’il représentait la mesure appropriée (Canada c. Caul, 2006 CAF 251).

[14] En fait, le Tribunal doit déterminer quels sont les gestes reprochés à l’appelant. Est-ce que l’appelant a commis ces gestes ? Et est-ce qu’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi ?

[15] Il incombe à la Commission de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu inconduite (Canada c. Larivée, 2007 CAF 312).

Quels sont les gestes reprochés à l’appelant ?

[16] Le Tribunal retient que l’employeur reproche à l’appelant de ne pas avoir respecté les règles de sécurité, d’avoir menti et de ne pas s’être assuré de la sécurité d’un enfant. 

[17] Le Tribunal retient que l’appelant admet que ce sont les gestes qui lui sont reprochés. Cependant, il nie avoir commis les gestes tels que rapportés par son employeur.

Est-ce que l’appelant a commis les gestes reprochés ?

[18] L’employeur demande aux conducteurs d’autobus scolaire de faire preuve de vigilance à l'endroit des élèves de la maternelle et du primaire. Ils ont tendance à s’endormir sur le siège de l’autobus. Comme ils sont cachés par le dossier des sièges en raison de leur petitesse, ils ne sont plus visibles, d'où l'importance de faire une vérification.

[19] L’employeur a fait installer un système de sécurité, afin d’éviter que des enfants soient oubliés dans l’autobus scolaire. Ainsi, lorsque le conducteur arrête le moteur de l’autobus, il doit se rendre au fond du véhicule, pour arrêter le système d’alarme. S’il n’arrête pas le système d’alarme, le klaxon de l’autobus se déclenche. Il doit donc passer devant l’ensemble des sièges de l’autobus. Si un enfant s’y trouve, il peut donc le repérer rapidement.

[20] Selon l’employeur, le 20 février 2017, l’appelant a quitté l’école sans arrêter le moteur du véhicule et il s’est rendu à son domicile. Ce n’est que lorsqu’il a arrêté son véhicule à son domicile, qu’il a constaté qu’il y avait un enfant endormi sur un siège, parce qu’il devait se rendre dans le fond de l’autobus scolaire pour arrêter le système d’alarme. Il est donc retourné à l’école et il a déposé l’enfant devant l’entrée de la direction, sans se préoccuper de sa sécurité. Il n’aurait pas accompagné l’enfant jusqu’à l’entrée ; le laissant ainsi seul. Les portes de l’école étant verrouillées l’enfant devait entrer par la porte de la direction. Puisque l’appelant demeure près de l’école, il a pu ramener l’enfant 20 minutes plus tard.  

[21] La Commission a produit un « Google map » pour démontrer la distance et la durée du trajet entre l’école et la résidence du domicile.

[22] Selon l’appelant, le 20 février 2017, il y avait une tempête de neige. Les routes étaient difficilement praticables. Il a déposé les enfants devant l’entrée des élèves. Il a avancé son véhicule d’une quarantaine de pieds pour laisser passer les autres autobus qui devaient poursuivre leur parcours. Par la suite, il a constaté qu’il y avait un enfant endormi dans l’autobus. Comme il avait avancé son véhicule, il ne pouvait pas le laisser sortir à cet endroit, parce qu’il y avait de la neige. Il a donc fait le tour de l’école et il a déposé l’enfant devant l’entrée de la direction. L’enfant est sorti rapidement de l’autobus et il n’a pas été en mesure de sortir avec lui. Il a cependant constaté que la secrétaire de l’école a pris en charge l’enfant. Il a quitté les lieux.

[23] Après avoir considéré l’ensemble de la preuve au dossier et tenu compte des témoignages, le Tribunal estime que le geste reproché à l’appelant est d’avoir oublié un enfant dans l’autobus. D’ailleurs, l’appelant a admis avoir oublié un enfant dans l’autobus scolaire. 

[24] Concernant les allégations de l’employeur voulant que l’appelant ait menti et qu’il n’ait pas assuré la sécurité de l’enfant à sa sortie de l’autobus, le Tribunal est d’avis que la preuve n’est pas concluante.

[25] Le Tribunal estime que l’opinion de l’employeur quant à savoir si l’appelant est retourné à son domicile avec l’enfant ne suffit pas à démontrer ce fait. Le Tribunal estime qu’il doit se baser une appréciation objective des faits (Choiniere A-471-95).

[26] Dans ces circonstances, le Tribunal est d’avis qu’il est plus probable que l’appelant ait constaté avoir oublié un enfant sur le lieu de l’école qu’à son domicile. Pour en arriver à cette conclusion, le Tribunal s’est appuyé sur le témoignage crédible de l’appelant et la preuve vidéo soumise lors de l’audience. Par conséquent, la Commission n’a pas fait la preuve que l’appelant est retourné à son domicile.

[27] Le Tribunal est également d’avis que la Commission n'a pas prouvé que la sécurité de l’enfant a été compromise lorsqu’il est sorti de l’autobus. Le Tribunal s’appuie sur le témoignage crédible de l’appelant et qu’il a maintenu sa version des faits depuis le début du processus avec la Commission. Le Tribunal retient également que le rapport d'enquête de la Commission scolaire n'a pas été produit au dossier. Pourtant, la Commission semble se baser sur ce rapport pour conclure que l'appelant a menti à son employeur et qu'il a mis la sécurité de l'enfant en danger lors de sa sortie de l'autobus.

[28] Toutefois, peu importe que l’appelant se soit rendu à son domicile ou qu’il ait avancé son véhicule de 40 pieds pour laisser passer les autobus scolaires, il n’en demeure pas moins que l’appelant a oublié un enfant dans l’autobus.

[29] Maintenant, le Tribunal doit déterminer si l’oubli de l’enfant dans l’autobus constitue de l’inconduite.

Est-ce que le geste commis par l’appelant constitue de l’inconduite ?

[30] Le Tribunal retient que l’employeur a prévu dans sa directive au paragraphe n) « qu’un conducteur doit s’assurer qu’il n’y a plus de passagers à bord et qu’aucun objet n’a été laissé dans le véhicule ».

[31] Le Tribunal retient de la preuve au dossier et du témoignage de l’appelant qu’il connaissait cette règle.

[32] Le Tribunal retient de la preuve au dossier que l’appelant a été impliqué dans un premier événement. Le 19 octobre 2015, il a oublié un enfant dans l’autobus scolaire. L’employeur a rappelé à l’appelant l’importance de faire une ronde de sécurité, afin de s’assurer qu’il n’y a pas un enfant dans l’autobus.

[33] Le 12 avril 206, l’appelant a de nouveau oublié le même enfant dans l’autobus scolaire. L’employeur a rappelé à l’appelant qu’il aurait dû faire sa ronde de sécurité. L’employeur a mentionné à l’appelant qu’il a été rencontré le 31 mars 2016 concernant les règlements de la Commission scolaire. L’appelant a été suspendu trois jours.

[34] L’employeur a avisé l’appelant que si cela se reproduisait, il devra prendre des mesures plus sévères, dont le congédiement.

[35] Le 20 février 2017, l’appelant oublie de nouveau un enfant dans l’autobus scolaire. Le Tribunal est d’avis qu’il s’agit d’un geste d’inconduite. En effet, l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’un nouvel oubli pouvait entrainer son congédiement. Il n’a pas respecté la directive afin de s’assurer qu’il n’avait pas oublié un enfant dans l’autobus.

[36] Ainsi, le 20 février 2017, l’appelant ne s’est pas préoccupé de savoir si l’autobus était vide. Il a avancé dans une zone qui ne lui permettait plus de descendre un enfant de l’autobus en raison du mauvais temps. Il était plus préoccupé par le parcours des autres autobus que par la sécurité de ses passagers. 

[37] Les explications de l’appelant n’ont pas convaincu le Tribunal qu’il a respecté la directive. S’il avait vérifié l’autobus avant d’avancer, il aurait constaté que l’enfant était présent et il aurait ainsi pu le débarquer au bon endroit et ne pas l’oublier.

[38] L’appelant soutient que l’employeur l’a congédié en raison de son âge. L’employeur lui a fait passer des examens médicaux, afin de s’assurer de ses aptitudes. Le Tribunal est d’avis que l’employeur a suivi la directive qui prévoit qu’un conducteur doit se soumettre à des examens. Il est normal de vérifier la santé des conducteurs : il s’agit de la sécurité des enfants.

[39] Le Tribunal est d’avis que le lien de causalité a été établi entre la perte de son emploi et l’oubli d’un enfant. C’est précisément pour avoir oublié un enfant à une troisième reprise que l’appelant a perdu son emploi (Cartier 2001 CAF 274).

[40] Ainsi, le Tribunal estime qu’en oubliant un enfant à une troisième reprise, l’appelant pouvait normalement prévoir que ce manquement entrainerait son congédiement. L’appelant a reçu deux avis pour des oublis similaires et il a eu une suspension de 3 jours. 

[41] Par conséquent, le Tribunal est d’avis que l’appelant ait agi avec négligence ou insouciance en décidant de s’avancer de 40 pieds, afin de permettre à ses collègues de poursuivre leur parcours. Il était plus préoccupé par le parcours de ses collègues de travail que de s’assurer qu’il n’y avait plus d’enfants dans son autobus. En agissant ainsi, il a oublié une troisième fois un enfant dans l’autobus scolaire. (Tucker A-381-85).

[42] L’appelant ne peut pas prétendre qu’il a respecté la directive, puisqu’il a oublié l’enfant dans l’autobus et il n’était plus en mesure de le débarquer au bon endroit.

[43] Dans ce contexte, le Tribunal estime que la Commission a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Conclusion

[44] Le Tribunal conclut que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, et ce, selon les articles 29 et 30 de la Loi. Il est donc exclu du bénéfice des prestations.

[45] L’appel est rejeté.

Appel entendu le :

Mode d’instruction :

Comparutions :

22 mai 2018

Téléconférence

A. T., appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations ;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant ;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert ;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage ;
  2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12 (2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1) a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations - qu’elle soit initiale ou non - n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

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