Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Depuis mars 2014, l’appelant travaille à titre d’X pour X (employeur) à l’aéroport X de X (aéroport de X). Le 7 juillet 2017, l’appelant est congédié en raison de son inconduite

[3] Le 7 juillet 2017, l’appelant termine son quart de travail à 15 h 30. Vers 18 h, vêtu de son uniforme, il se présente dans une zone règlementée près de la porte X. Il veut discuter avec son colocataire qui fait l’objet d’une expulsion du Canada. Il est alors interpellé par un agent de l’Agence des Services frontaliers du Canada. L’appelant déclare qu’il travaille à l’aéroport de X.

[4] Selon l’employeur, l’appelant a enfreint le Règlement canadien sur la sûreté aérienne, ses conditions d’embauche et les conditions d’émission de la carte d’accès. Il est congédié pour avoir commis une faute grave.

[5] L’appelant admet avoir discuté avec un locataire qui devait être expulsé du Canada. Cependant, les événements ne sont pas produits exactement comme le laisse entendre l’employeur.

[6] Il considère avoir été sévèrement puni par son employeur, alors qu’il a payé une amende et que sa carte d’accès a été suspendue. En fait, l’employeur a utilisé un prétexte pour le congédier, parce qu’il est impliqué dans des activités syndicales. Il était le président du syndicat de la section locale.

[7] Selon la Commission, l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’il serait congédié en ne respectant pas le Règlement canadien de la sûreté aérienne et les conditions de son embauche. L’appelant a agi délibérément lorsqu’il a décidé de se rendre dans une zone règlementée sans en avoir l’autorisation.

[8] La Commission refuse donc de verser des prestations d’assurance-emploi à l’appelant au motif qu’il a perdu son emploi en raison de son inconduite. Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations.

Question préliminaire

[9] Pendant l’audience, l’appelant a soulevé des craintes de partialité basées sur les faits au dossier relatés par le Tribunal et sa perception de la membre.

[10] La membre du Tribunal a expliqué à l’appelant qu’elle partageait les informations au dossier et les arguments de la Commission. Elle a rappelé à l’appelant que le Tribunal n’est pas lié par la décision de la Commission et qu’il siège en toute indépendance.

[11] Après avoir vérifié le bien-fondé de la perception de l’appelant, la membre a poursuivi l’audience. L’appelant était en accord pour poursuivre l’audience.

Questions en litige

[12] Quel est le geste reproché à l’appelant ?

[13] Est-ce que l’appelant a commis le geste reproché ?

[14] Est-ce que le geste reproché constitue de l’inconduite ?

Analyse

[15] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

[16] Le Tribunal doit décider si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite et qu’il doit donc être exclu du bénéfice des prestations aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[17] Le rôle du Tribunal n’est pas de déterminer si le congédiement était justifié ou s’il représentait la mesure appropriée (Canada c.Caul, 2006 CAF 251).

[18] En fait, le Tribunal doit déterminer quel est le geste reproché à l’appelant. Est-ce que l’appelant a commis ce geste ? Et est-ce qu’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi ?

[19] Il incombe à la Commission de prouver qu’il y a eu inconduite (Bartone A-369-88).

Quel est le geste reproché à l’appelant ?

[20] Le Tribunal retient que l’appelant travaille comme X à l’aéroport de X. Le 7 juillet 2017, l’appelant termine son quart de travail vers 15 h 30. Il est demeuré à l’aéroport. Vers 18 h, vêtu de son uniforme, il s’est rendu vers la porte X pour discuter avec un locataire qui était expulsé du Canada. Ce dernier lui devait de l’argent et il voulait prendre une entente avant son départ.

[21] Un agent des Services frontaliers du Canada demande à l’appelant s’il est autorisé à être dans la zone. En fait, l’appelant n’a pas le droit d’être dans une zone sécurisée après ses heures de travail.

[22] Le Tribunal est d’avis qu’on reproche à l’appelant d’avoir été présent dans une zone sécurisée, alors qu’il n’y était pas autorisé.

Est-ce que l’appelant a commis le geste reproché ?

[23] L’appelant reconnait qu’il s’est présenté dans une zone sécurisée en dehors de son quart de travail et sans autorisation.

[24] Le Tribunal est d’avis que l’appelant a commis le geste reproché.

Est-ce que le geste commis par l’appelant constitue de l’inconduite ?

[25] La notion d’inconduite n’est pas définie par la Loi et s’analyse en fonction des principes tirés de la jurisprudence. La Loi « exige, pour qu’il y ait exclusion [du bénéfice des prestations], la présence d’un élément psychologique, soit un caractère délibéré soit une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré » (Canada c Tucker A-381-85).

[26] La Cour d’appel fédérale a défini la notion juridique d’inconduite, pour l’application du paragraphe 30 (1) de la Loi « comme étant une inconduite délibérée, où le prestataire savait ou aurait dû savoir que son inconduite était telle qu’elle entrainerait son congédiement. » (Mishibinijima c Canada, 2007 CAF 36).

[27] Selon la Commission, l’appelant est entré dans une zone sécurisée à l’aéroport de X, alors qu’il n’avait pas le droit de le faire. Il a menti afin de pouvoir discuter avec un locataire qui devait être expulsé du Canada. Il a manqué à ses obligations prévues à son contrat de travail. Il ne s’agit pas d’une erreur faite de bonne foi, il a omis de suivre les directives établies par son employeur. En agissant ainsi, il a brisé le lien de confiance avec son employeur.

[28] Selon la Commission, le geste commis par l’appelant était délibéré, conscient ou intentionnel. L’appelant savait ou aurait dû savoir que son geste entrainerait son congédiement.

[29] Le Tribunal constate que l’appelant justifie son geste par le fait que le locataire lui devait plus de 8000 $. Il tentait de prendre une entente avec ce dernier.

[30] Le Tribunal est d’avis qu’il n’a pas à déterminer si le geste de l’appelant était justifié ou non. Le Tribunal doit déterminer si le geste commis par l’appelant constitue de l’inconduite au sens de la Loi.

[31] Selon l’appelant, il a certes commis une erreur, mais il ne s’agit pas d’une inconduite. Il n’a pas agi de façon criminelle ou intentionnelle. Il a d’ailleurs payé pour son erreur en étant suspendu pendant 45 jours par l’aéroport de X, en payant une amende et par la suspension de sa carte d’accès pendant 10 jours. Il considère que le congédiement est exagéré dans les circonstances.

[32] Le Tribunal n’a pas à se demander si le congédiement ou les sanctions étaient justifiés. Il doit plutôt déterminer si le geste posé par l’appelant constitue une inconduite au sens de la Loi (Canada c Marion, 2002 CAF 185).

[33] Le Tribunal est d’avis que le geste commis par l’appelant constitue de l’inconduite. En effet, après sa journée de travail, il est demeuré à l’aéroport de X en uniforme, afin de se présenter dans une zone sécurisée.

[34] À ce moment-là, l’appelant savait qu’il ne respectait pas les normes de sécurité de l’aéroport de X. Qu’il ait menti ou non à l’agent des Services frontaliers du Canada lorsqu’il a été intercepté est secondaire. Il n’en demeure pas moins qu’il n’était pas autorisé à entrer dans cette zone pour discuter avec un locataire qui devait être expulsé du Canada.

[35] Le Tribunal estime que l’appelant aurait dû savoir qu’il serait congédié en commettant ce geste. Il a agi avec une telle insouciance qu’il devait savoir qu’il serait congédié pour son geste (Canada c Tucker A-381-85).

[36] L’appelant soutient que l’employeur a profité de la situation pour le congédier en raison de son implication syndicale

[37] La preuve d’une inconduite n’entraine pas automatiquement une exclusion au sens de la Loi. Il doit exister un lien de causalité entre cette inconduite et le congédiement de l’appelant. L’inconduite doit être la cause du congédiement et non un simple prétexte pour congédier un employé (Procureur général du Canada c Brissette, A-1342-92).

[38] Le Tribunal estime que l’appelant a été congédié en raison de son inconduite et qu’il ne s’agit pas d’un simple prétexte de la part de l’employeur en raison de ses activités syndicales. En effet, le 7 juillet 2017, l’appelant a enfreint une règle de sécurité à des fins personnelles. Il a utilisé son statut d’X pour se rendre dans un lieu qui lui était interdit pour discuter avec son locataire qui devait être expulsé du Canada.

[39] Le Tribunal constate que l’appelant n’a pas respecté le paragraphe 166 (1) du Règlement canadien sur la sûreté aérienne qui prévoit qu’il est interdit d’entrer dans une zone règlementée à moins que ce soit pour l’emploi. Il n’a pas respecté la condition n) des conditions d’émission pour les détenteurs d’une carte d’accès : il était dans une zone sécurisée, alors qu’il n’était pas au travail. Et il n’a pas respecté la condition 6 de ses conditions d’embauche qui prévoit qu’il est interdit de porter son uniforme en dehors des heures de travail.

[40] Dans ce contexte, le Tribunal est d’avis que la Commission a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a perdu en raison de son inconduite.

Conclusion

[41] Le Tribunal conclut que l’appelant doit être exclu du bénéfice des prestations, car il a perdu son emploi en raison de son inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi.

[42] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 26 juin 2018

Vidéoconférence

M. V., appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

  1. 29 Pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations ;
    2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant ;
    3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
      1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
      2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
      3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert ;
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. 30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage ;
    2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  3. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.
  4. (3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.
  5. (4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.
  6. (5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.
  7. (6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12 (2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.
  8. (7) Sous réserve de l’alinéa (1) a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations - qu’elle soit initiale ou non - n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.
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