Assurance-emploi (AE)

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Décision et Motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] Le demandeur, S. K. (prestataire), touchait des prestations d’assurance-emploi pendant qu’il travaillait à temps partiel. Il a quitté cet emploi le 18 décembre 2015, sans en aviser la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada. La Commission a par la suite déterminé qu’il avait volontairement quitté cet emploi sans justification, au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, et que le départ volontaire de son emploi n’était pas sa seule solution de rechange raisonnable. La Commission a déterminé que le prestataire n’aurait pas dû recevoir de prestations « à compter du 13 décembre 2015 » et qu’il avait une rémunération non déclarée provenant de l’emploi en question. Le fait qu’il ait reçu des prestations après le 13 décembre 2015 et le rajustement de sa rémunération ont donné lieu à un trop-payéNote de bas de page 1.

[3] À l’étape du réexamen, la Commission a maintenu sa décision selon laquelle le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 2. Le prestataire demande maintenant la permission d’en appeler de la décision de la division générale au motif qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] La division générale a rendu sa décision le 15 mai 2018. Le prestataire a déposé une demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale le 7 août 2018, après l’échéance de dépôt de 30 jours. Il a expliqué qu’il avait tardé à déposer une demande parce qu’il était en train de déménager et parce qu’il avait demandé des conseils juridiques.

[5] Je dois maintenant décider si la demande de permission d’en appeler est tardive et, dans l’affirmative, si je devrais accorder une prorogation de délai. Si je devais accorder une prorogation, je dois également décider si l’appel a une chance raisonnable de succès. Pour les motifs qui suivent, j’accorde une prorogation de délai, mais je refuse la permission d’en appeler parce que je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[6] Les questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. Le prestataire a-t-il déposé une demande de permission d’en appeler à temps? Sinon, devrais-je lui accorder une prorogation de délai pour déposer cette demande?
  2. Si j’accorde une prorogation de délai, l’appel a-t-il une chance raisonnable de succès? Peut-on soutenir que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?
  3. Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit au paragraphe 47 lorsqu’elle a écrit qu’il incombait désormais au prestataire de prouver que les déclarations n’avaient pas été faites sciemment et de fournir une explication raisonnable des renseignements erronés?
  4. Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’objet de la Loi sur l’assurance-emploi dans la situation particulière du prestataire?

Analyse

[7] Au titre de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Avant d’accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincue qu’au moins un des moyens d’appel invoqués par le prestataire a trait à un moyen d’appel prévu à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS et qu’il existe une chance raisonnable que l’appel ait gain de cause sur ce moyen d’appelNote de bas de page 3.

a) Le prestataire a-t-il déposé tardivement une demande de permission d’en appeler? Dans l’affirmative, devrais-je lui accorder une prorogation de délai pour déposer cette demande?

[9] Oui. J’estime que le prestataire a déposé tardivement une demande de permission d’en appeler. Toutefois, je suis disposée à accorder une prorogation de délai parce que je suis d’avis qu’en l’espèce, l’intérêt de la justice serait servi en établissant si le prestataire a une cause défendable. De plus, le retard en cause n’est pas excessif, il est peu probable que la Commission subisse un préjudice si j’accorde une prorogation de délai, et l’explication du prestataire quant au retard est raisonnable. Je me pencherai sur la question de savoir s’il existe une cause défendable dans mon évaluation de la demande de permission d’en appeler.

b) Peut-on soutenir que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[10] Le prestataire soutient que la division générale a fondé sa décision sur plusieurs conclusions de fait erronées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Plus particulièrement, il allègue que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • au paragraphe 24, lorsqu’il a écrit que [traduction] « il savait que l’horaire [de travail] allait changer ». Il nie qu’il était au courant que son horaire de travail changerait. Il soutient également que c’est contredit par les conclusions de la division générale elle-même, qui écrit ce qui suit au paragraphe 27 : [traduction] « Il ne se souvient pas s’il avait un contrat, mais il croit qu’il s’agissait d’une entente informelle et que l’horaire pourrait changer ».
  • au paragraphe 48, lorsqu’il a décrit son poste de « gardien de sécurité » alors qu’en fait, il travaillait comme valet.
Paragraphes 24 et 27

[11] Aux paragraphes 24 et 27, la division générale s’est penchée sur la question de savoir si le prestataire disposait de solutions de rechange raisonnables autres que de quitter volontairement son emploi. La division générale a écrit ce qui suit :

[traduction]

[24] Le Tribunal a tenu compte de l’argument du [prestataire] selon lequel il ne s’était pas rendu compte qu’il s’agissait d’un poste permanent à temps partiel et qu’il estimait que l’employeur ne lui avait pas donné un préavis suffisant de son horaire. Toutefois, le Tribunal conclut que l’employeur a informé le [prestataire] et tout le personnel au début de décembre, et le [prestataire] a admis qu’il avait accepté un poste pour lequel il savait que l’horaire allait changer.

[…]

[27] Le [prestataire] a déclaré que lorsqu’il a été embauché, on lui a offert un certain nombre d’options pour les quarts de travail et il a choisi les quarts de jour les jeudis et les vendredis. Il ne se rappelle pas s’il avait un contrat, mais il croit qu’il s’agissait d’une entente informelle et que les horaires pouvaient changer.

[12] Je ne crois pas qu’il importe de déterminer si le prestataire croyait que son horaire de travail « pouvait » changer plutôt que s’il « allait » changer. Il a témoigné que lorsqu’il a été embauché, il croyait [traduction] « qu’à [son] avis, il s’agissait davantage d’une entente informelle avec le responsable de l’établissement des horaires et le gestionnaire de l’établissement des horaires, et [il] croyait également que [l’horaire] était quelque chose de souple. Cela pourrait changerNote de bas de page 4. » Ayant su dès le départ que l’horaire pouvait changer, le prestataire n’aurait pas dû être surpris lorsque l’horaire a finalement été modifié. Quoi qu’il en soit, la division générale a indiqué que la question de savoir s’il croyait que son horaire pouvait changer, plutôt que s’il allait changer, n’était pas importante pour trancher la question principale de savoir s’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi. Après tout, la division générale a conclu que, bien que l’horaire modifié ait pu, de son point de vue, servir d’excuse raisonnable pour quitter son emploi, ce n’est pas une preuve établissant qu’il n’avait pas d’autres solutions raisonnables.

Paragraphe 48

[13] Le relevé d’emploiNote de bas de page 5 décrit l’occupation du prestataire comme valet. De toute évidence, la division générale a commis une erreur en décrivant le prestataire comme un agent de sécurité. Toutefois, je conclus que la division générale n’a pas fondé sa décision sur cette erreur. L’occupation ou le titre de l’emploi du prestataire n’avait aucune incidence sur le résultat, sur la question de savoir si le prestataire a fait des déclarations fausses ou trompeuses ou sur l’une ou l’autre des autres questions que la division générale a abordées. La division générale en serait venue à la même conclusion, que le prestataire ait été un gardien de sécurité, un valet ou ait occupé un autre poste.

c) Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit au paragraphe 47 lorsqu’elle a écrit qu’il incombait désormais au prestataire de prouver que les fausses déclarations n’ont pas été faites sciemment et de fournir une explication raisonnable des renseignements erronés?

[14] Au paragraphe 47, la division générale a écrit ce qui suit : [traduction] « Il incombe désormais au [prestataire] de prouver que les déclarations n’ont pas été faites sciemment et de fournir une explication raisonnable des renseignements erronés. »

[15] Le prestataire soutient qu’il n’a pas sciemment fait de fausses déclarations et qu’il a fourni une explication raisonnable des renseignements erronés.

[16] Le prestataire note qu’il a assisté à une séance d’information obligatoire au cours de laquelle un agent d’information a décrit le type d’emploi qu’il était incapable de refuser pendant qu’il recevait des prestations d’assurance-emploi. Il se souvient que l’agent d’information a défini « emploi régulier » comme un poste dont la rémunération représentait au moins 70 % de son ancien revenu. Il calcule que son emploi à temps partiel représentait environ 16 % de son ancien revenu. Par conséquent, il fait valoir que son emploi à temps partiel ne devrait pas être considéré comme un « emploi régulier » et qu’il était donc raisonnable qu’il ait répondu dans un rapport électronique qu’il n’avait cessé de travailler pour aucun employeur, alors qu’il l’avait effectivement fait.

[17] La division générale a tenu compte de cette preuve. Le prestataire ne laisse pas entendre que la division générale a négligé ou mal interprété une partie de cette preuve. Essentiellement, le prestataire demande une nouvelle cotisation, mais le paragraphe 58(1) ne prévoit que des moyens d’appel limités. Elle ne permet pas de réévaluation.

[18] De fait, le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur dans son appréciation des faits et dans sa conclusion selon laquelle il devait déclarer avoir cessé de travailler. Toutefois, comme la Cour d’appel fédérale a statué dans Garvey c Canada (Procureur généralNote de bas de page 6) la division d’appel n’a pas compétence pour intervenir dans les conclusions de fait ou dans les conclusions mixtes de fait et de droit, sauf si ces conclusions ont été tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte de la preuve. La division d’appel peut également intervenir lorsqu’une erreur mixte de fait et de droit révèle une « question de droit isolable ». Toutefois, aucun de ces scénarios n’existe ici et, par conséquent, je n’ai pas compétence pour intervenir dans cette affaire. Je ne suis pas convaincue qu'il existe une cause défendable pour ce motif.

d) Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’objet de la Loi sur l’assurance-emploi dans la situation particulière du prestataire?

[19] Au paragraphe 29, la division générale a écrit que l’objet de la Loi sur l’assurance-emploi est d’« indemniser les personnes dont l’emploi a pris fin involontairement et qui sont sans travail ». Elle cite Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada) c GagnonNote de bas de page 7 à cet égard.

[20] Le prestataire soutient que le poste en question [traduction] « ne lui a jamais permis d’obtenir d’indemnisation pour l’emploi pour lequel [il] a été licencié contre son gré ». Il soutient que cet emploi à temps partiel avait [traduction] «  très peu d’incidence sur la rémunération qui lui était versée conformément à la Loi [sur l’assurance-emploi]».

[21] La Loi sur l’assurance-emploi n’a jamais été conçue pour offrir une pleine indemnisation pour la perte d’un emploi, qu’il s’agisse d’un prestataire en chômage complet ou de toucher une certaine rémunération provenant d’un emploi à temps partiel. Bien que la rémunération du prestataire provenant de son emploi à temps partiel à titre de valet ait pu être minime, l’article 19(2) de la Loi sur l’assurance-emploi exige néanmoins que la rémunération soit déduite des prestations, comme le prévoit la loi.

[22] Plus important encore, le prestataire n’a relevé aucune erreur alléguée de la part de la division générale dans ce paragraphe, et je ne vois pas non plus d’erreurs de droit. La division générale a cité avec exactitude la Cour suprême du Canada. Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale ait commis des erreurs au paragraphe 29.

[23] Enfin, j’ai également examiné le dossier sous-jacent et je ne crois pas que la division générale ait commis une erreur de droit ou ait négligé ou mal interprété des éléments de preuve ou arguments importants.

Conclusion

[24] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Représentant :

S. K., non représenté

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