Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal accueille l’appel. L’affaire est renvoyée à la division générale aux fins de réexamen devant une ou un autre membre.

Aperçu

[2] L’appelante, K. M (prestataire), a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi. L’intimée, à savoir la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a exclu la prestataire du bénéfice de prestations en raison de son inconduite. La Commission a conclu que la mise en cause, l’employeur de la prestataire, a mis fin à l’emploi de la prestataire parce qu’on l’a trouvé en train de dormir pendant son quart de travail. La prestataire a demandé la révision de cette décision, mais la Commission a maintenu la décision originale. La prestataire a fait appel de la décision de la Commission devant la division générale.

[3] La division générale a conclu que, étant donné que la direction avait donné un avertissement verbal à la prestataire et convoqué une réunion du personnel pour aborder le problème du sommeil pendant le travail, la prestataire était pleinement au courant des conséquences auxquelles elle se heurterait si elle dormait pendant son quart de travail. Par conséquent, elle a conclu que la prestataire savait que cette conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiée. Elle a conclu que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[4] La prestataire a obtenu la permission d’en appeler à la division d’appel. La prestataire soutient que la division générale a ignoré les éléments de preuve portés à sa connaissance, plus particulièrement les nombreuses contradictions factuelles présentées par l’employeur. Elle soutient que des éléments de preuve documentaire de l’employeur sur la prétendue méconduite ne sont pas datés ni signés, ou qu’ils remontent à plusieurs mois après la cessation d’emploi. La prestataire soutient que la division générale a erré en accordant toute crédibilité à la preuve de l’employeur.

[5] La prestataire soutient également que la division générale a commis une erreur de droit dans son application du critère juridique relatif à une inconduite puisqu’elle n’aurait pas pu savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

[6] Le Tribunal doit décider si la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle. Il doit également déterminer si la division générale a commis une erreur de droit en ignorant la preuve portée à sa connaissance, plus particulièrement les nombreuses contradictions dans les faits présentés par l’employeur. Finalement, il doit également déterminer si la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation du critère juridique relatif à l’inconduite.

[7] Le Tribunal accueille l’appel du prestataire.

Questions en litige

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle?

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ignorant la preuve portée à sa connaissance, particulièrement les nombreuses contradictions dans les faits présentés par l’employeur?

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans son interprétation du critère juridique relatif à l’inconduite?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[8] La Cour d’appel fédérale a conclu que lorsque la division d’appel instruit des appels conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 1.

[9] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieureNote de bas de page 2.

[10] En conséquence, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Questions préliminaires

[11] La Commission et l’employeur n’ont pas participé à l’audience. Le Tribunal a tenu l’audience en leur absence, puisqu’il était convaincu qu’ils avaient été dûment avisés de la tenue de l’audience conformément à l’article 12 du Règlement du Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle?

[12] Après avoir entendu l’enregistrement de l’audience devant la division générale, le Tribunal est convaincu que la requérante s’est vue refuser le droit à une audience équitable.

[13] Il est apparu manifeste au Tribunal que la requérante n’a pas eu l’occasion de présenter la preuve et les arguments qu’elle désirait soumettre à la division générale. Plus particulièrement, la requérant voulait présenter une preuve visant à attaquer la crédibilité du témoin de l’employeur, qui a signé une déclaration écrite selon laquelle elle avait photographié la requérante pendant qu’elle dormait au travail.

[14] La preuve était clairement pertinente, particulièrement étant donné que la requérante a déclaré, dans le cadre de son témoignage devant la division générale, que le témoin de l’employeur, qui aurait vu la requérante dormir pendant son quart de travail, n’avait pas travaillé avec elle depuis des semaines avant son congédiement, et rien n’indique dans la déclaration signée le moment et l’endroit où la photographie a été prise.

[15] La preuve était également pertinente du fait que la division générale semble avoir fondé sa décision en partie sur la déclaration dudit témoin.

[16] Par conséquent, le Tribunal estime que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve de la requérante qui aurait pu lui permettre de tirer une conclusion quant à la crédibilité du témoin de l’employeur.

[17] Le Tribunal estime également que, lorsque la représentante de l’employeur a mentionné durant l’audience qu’elle ne savait pas quoi dire en réponse aux allégations de la requérante parce qu’elle n’était même pas certaine du fondement des allégations de la requérante la moitié du temps, le membre a formulé un commentaire inapproprié selon lequel il ne savait pas lui-même s’il y avait quelque chose à répondre, ce qui donnait l’impression qu’il avait déjà rendu sa décision avant la fin de l’audience.

[18] Le concept de « justice naturelle » englobe le droit d’une partie requérante à une audience équitable. Ce droit est si fondamental qu’il ne doit même pas exister l’apparence d’une atteinte au droit de la partie prestataire de plaider pleinement sa cause devant une division générale impartiale. La loi exige non seulement que la justice soit rendue, mais aussi qu’elle le soit de façon claire et manifeste. Si l’on soupçonne simplement que la partie prestataire s’est vue refuser ce droit, il faut ordonner que la question soit renvoyée à la division générale du Tribunal.

[19] De plus, le Tribunal est d’accord avec les observations de la Commission selon lesquelles la décision de la division générale n’est pas transparente et intelligible quand on l’examine dans son ensemble.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ignorant la preuve portée à sa connaissance, plus particulièrement les nombreuses contradictions dans les faits présentés par l’employeur?

[20] Le Tribunal estime que la division générale, à qui on a mis à la disposition une preuve contradictoire, n’a pas tenu compte dans sa décision des arguments de la requérante selon lesquels la preuve de l’employeur manquait de crédibilité parce qu’elle n’avait jamais reçu la prétendue lettre d’avertissement non datée, selon lesquels la prétendue lettre de congédiement était datée de plusieurs semaines après son congédiement, et l’employeur a déclaré à tort que la lettre avait été remise à la requérante, et en raison d’une prétendue plainte formulée par une autre collègue la dernière journée de travail qui consistait en un courriel selon lequel la directrice de la programmation de l’employeur qu’elle s’était envoyé à elle-même et qui était daté de deux mois après le congédiement de la requérante.

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans son interprétation du critère juridique en matière d’inconduite?

[21] D’après les conclusions du Tribunal sur les deux premiers moyens d’appel, il n’est pas nécessaire d’aborder le troisième moyen soulevé par la requérante.

Affaire renvoyée à la division générale

[22] Pour les motifs mentionnés ci-dessus et étant donné que le Tribunal est convaincu que les conclusions de fait sont incomplètes, le Tribunal est justifié de renvoyer l’affaire à la division générale (section de l’assurance-emploi) aux fins de réexamen devant une ou un autre membre.

Conclusion

[23] Le Tribunal accueille l’appel. L’affaire est renvoyée à la division générale aux fins de réexamen par une ou un autre membre.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparution :

Le 24 juillet 2018

Téléconférence

K. M., appelante

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