Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] La demanderesse, M. T., était employée comme agente de bord jusqu’à ce qu’elle soit suspendue à la suite d’un incident survenu le 2 avril 2017, au cours duquel elle a été trouvée en possession de cannabis pendant qu’elle se déplaçait en uniforme d’Ottawa à Toronto et qu’elle utilisait un laissez-passer de voyage d’employée. L’employeur a conclu que les gestes de la demanderesse constituaient une violation grave de son code de conduite et qu’ils étaient incompatibles avec les politiques et procédures de l’employeur.

[3] La demanderesse a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission »), a rejeté sa demande initialement et après réexamen, ayant déterminé qu’elle avait été suspendue de son emploi en raison de sa propre inconduite. La demanderesse a interjeté appel de la décision en réexamen de la Commission devant la division générale. La division générale a également conclu que la demanderesse avait été suspendue en raison de sa propre inconduite et qu’elle était donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[4] La demanderesse demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Elle soutient que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées qu’elle a tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, en ce qui concerne (1) son intention de jeter le contenant de menthe contenant le cannabis et (2) le moment où elle a reçu un diagnostic de dépression. Elle prétend également que la division générale aurait dû tenir compte de ses circonstances atténuantes. La demanderesse a fourni de nouvelles pièces justificatives. Je dois maintenant décider s’il existe une preuve défendable que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Autrement dit, l’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Question préliminaire

[5] La demanderesse a déposé deux pièces justificatives supplémentaires : la première, un rapport de police; et la deuxième, une copie d’une photographie montrant que la demanderesse s’était fait prescrire un antidépresseur à la mi-décembre 2016. La division générale n’avait pas de copies du rapport de police ou de la photographie.

[6] Le Tribunal de la sécurité sociale a écrit à la demanderesse le 6 juillet 2018 pour l’informer qu’elle avait la possibilité de présenter une demande distincte d’annulation ou de modification de la décision de la division générale – sur la base de la nouvelle preuve – d’ici le 31 juillet 2018. Sinon, la division d’appel procéderait à sa demande de permission d’en appeler, vraisemblablement en se fondant uniquement sur les documents dont la division générale était saisie. Comme la demanderesse n’a pas déposé de réponse, la demande de permission d’en appeler est en instance devant moi.

[7] Comme la Cour fédérale l’a déterminé, de nouveaux éléments de preuve ne sont généralement pas permis en appel, sauf dans des circonstances limitéesNote de bas de page 1. La demanderesse n’a présenté aucune raison pour que je reconnaisse ces documents supplémentaires en vertu de l’une ou l’autre des exceptions à la règle générale.

Question en litige

[8] Existe-t-il un argument défendable selon lequel la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées qu’elle a tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, concernant l’intention de la demanderesse de jeter son contenant de menthes ou concernant le moment où elle a reçu un diagnostic de dépression?

Analyse

[9] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Avant de pouvoir accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincue que les motifs d’appel correspondent aux moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La barre est relativement basse. Les demandeurs n’ont pas à prouver leur cause; ils doivent simplement établir que l’appel a une chance raisonnable de succès sur la base d’une erreur susceptible de contrôle. La Cour fédérale a souscrit à cette approche dans Joseph c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 2.

Paragraphe 48

[11] La demanderesse plaide que la division générale a été « mal informée » en concluant que sa conduite était insouciante. Elle prétend que bien qu’elle ait consenti aux actes de son frère, elle lui avait aussi demandé de retirer sa marijuana de son contenant de menthes avant qu’ils ne se séparent. Toutefois, ils ont tous deux omis de s’en souvenir ou de se le rappeler l’un l’autre et ont laissé la marijuana dans le contenant.

[12] La demanderesse soutient que la division générale a également omis de mentionner qu’elle avait déplacé le contenant de menthes de son sac à main à la poche de son uniforme dans l’intention de jeter le contenant avant d’arriver à la sécurité de l’aéroport. Toutefois, elle a omis de jeter le contenant et soutient que son manque de jugement était dû aux circonstances atténuantes qui ont déclenché son état dépressif.

[13] En d’autres termes, la demanderesse suggère que la division générale aurait dû analyser et examiner cette preuve parce qu’elle explique ses actions.

[14] En l’espèce, bien que la division générale n’a peut-être pas mentionné certains de ces éléments de preuve au paragraphe 48 de sa décision, elle en était certainement consciente. Par exemple, au paragraphe 16, la division générale a exposé le témoignage de la demanderesse à cet égard : que son frère avait oublié de récupérer sa marijuana, qu’elle avait tenté sans succès de communiquer avec son frère, et qu’elle avait retiré la marijuana de son sac à main et l’avait placée dans sa poche d’uniforme pour se rappeler de la jeter.

[15] La division générale a également noté l’explication de la demanderesse quant à sa conduite. Au paragraphe 45, elle a noté que la demanderesse prétend que le syndrome de stress post-traumatique et la dépression l’empêchaient d’agir de façon rationnelle ou d’analyser adéquatement sa situation. À cet égard, on ne peut dire que la division générale a négligé cette preuve lorsqu’elle en a très clairement tenu compte, même si elle a finalement rejeté son explication.

[16] Pour l’essentiel, la demanderesse me demande de réexaminer cette preuve et d’accepter qu’elle a manqué momentanément de jugement en raison de son état dépressif. Toutefois, le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS ne prévoit que des moyens d’appel limités. La disposition ne prévoit pas de réévaluation de la preuve ni la tenue d’une nouvelle audience de l’affaire. La division générale est autorisée à examiner la preuve, à en évaluer la pertinence, à déterminer le poids qu’elle juge approprié, le cas échéant, et à rendre une décision en se fondant sur son interprétation et son analyse de cette preuveNote de bas de page 3.

[17] Je ne suis pas convaincue qu’il existe une cause défendable selon laquelle la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a conclu, au paragraphe 48, que la conduite de la demanderesse était insouciante.

Paragraphe 49 – Diagnostic de dépression

[18] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur au paragraphe 49 en concluant que la demanderesse n’avait pas encore reçu de diagnostic de dépression.

[19] La preuve présentée à la division générale a révélé que la demanderesse avait vécu d’importants facteurs de stress tout au long de 2016, y compris ses propres problèmes de santé, des décès multiples au sein de sa famille et parmi ses amis, et le fait d’avoir été bloquée en Turquie pendant trois jours lors d’une tentative de coup d’État contre le gouvernement. Dans sa demande de réexamen de sa décision initiale présentée à la Commission, la demanderesse a écrit qu’elle avait été [traduction] « tellement perdue dans sa dépression et son stress qu’[elle] n’en était même pas au courant avant [qu’elle] cesse de travailler »Note de bas de page 4. Le document Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations de la Commission a documenté une conversation téléphonique avec la demanderesse au cours de laquelle elle aurait déclaré qu’elle n’était pas au courant de sa dépression au moment de l’incident et que quelques semaines après la suspension, elle a vu son médecin, qui lui a dit qu’elle était déprimée. Le dossier se lit également comme suit : [traduction] « Toutefois, elle n’était pas au courant de ses problèmes de santé et son médecin ne lui avait pas diagnostiqué la dépression avant l’incident à l’aéroport pour lequel elle a été suspendue »Note de bas de page 5. La demanderesse avait également déposé une lettre datée du 21 novembre 2017, rédigée par le Dr Josiah Moffatt, interniste. Il a confirmé qu’il soignait la demanderesse depuis décembre 2016, mais rien n’indiquait pourquoi elle le consultait ou qu’elle avait des antécédents ou reçu un diagnostic de dépressionNote de bas de page 6.

[20] La preuve documentaire présentée à la division générale laissait entendre que la demanderesse n’avait pas encore reçu de diagnostic de dépression. Compte tenu de cette preuve, je ne suis pas convaincue que la division générale ait nécessairement tiré des conclusions de fait erronées quant au moment où la demanderesse aurait pu recevoir un diagnostic de dépression. En outre, il est clair que la division générale n’a pas fondé sa décision sur la question de savoir si la demanderesse n’avait pas encore reçu de diagnostic de dépression. Après tout, la division générale a écrit ce qui suit : [traduction] « Peu importe la dépression [de la demanderesse] qui n’a pas encore été diagnostiquée… » La division générale était d’avis que la dépression de la demanderesse — qu’elle ait été diagnostiquée ou non — n’a pas entraîné d’égarement passager. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur le fondement de cet argument particulier.

Paragraphe 49 – Prendre des mesures pour jeter la marijuana

[21] La demanderesse soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée au paragraphe 49, selon laquelle elle n’avait pris aucune mesure pour jeter la marijuana avant de se rendre à l’aéroport d’Ottawa. La demanderesse soutient qu’elle a pris des mesures pour jeter la marijuana à la poubelle. Elle prétend que le rapport de police prouve qu'elle a fait ces démarches.

[22] Mis à part la question de l’admissibilité du rapport de police, les déclarations contenues dans ledit rapport ne servent pas à établir que les prétendus événements se sont produits. Ils ne prouvent pas la véracité des faits. Ils servent tout au plus à établir que la demanderesse a déclaré ce qui s’est produit, mais ils ne prouvent pas que ce qu’elle a rapporté à la police s’est effectivement produit.

[23] Quoi qu’il en soit, je conclus que le rapport de police n’aide pas la demanderesse. La police n’a pas consigné ni laissé entendre que la demanderesse avait effectivement pris des mesures pour disposer de la marijuana. Le rapport corrobore la position de la demanderesse selon laquelle elle a laissé par erreur la marijuana dans le contenant de menthes parce qu’elle avait l’intention de le retourner à son propriétaire légal.

[24] Contrairement aux affirmations de la demanderesse, je ne crois pas que la division générale ait été saisie d’une preuve selon laquelle elle avait pris des mesures pour jeter la marijuana aux ordures. La division générale a noté le témoignage de la demanderesse au paragraphe 16 selon lequel elle avait l’intention de jeter la marijuana. Bien que la division générale sache que la demanderesse avait l’intention de jeter la marijuana en faisant d’abord passer le contenant de son sac à main à sa poche d’uniforme, elle a conclu que cela ne signifiait pas qu’elle avait pris une mesure pour disposer de la marijuana. Bien qu’elle ait pu avoir l’intention de se débarrasser de la marijuana avant d’arriver à la sécurité de l’aéroport, si elle se souvenait qu’elle en avait la possession, ce n’est pas l’équivalent de prendre des mesures positives pour en disposer.

[25] Je ne suis pas convaincue qu’il existe un argument défendable selon lequel la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, lorsqu’elle a mentionné que la dépression de la demanderesse n’avait pas encore été diagnostiquée ou que la demanderesse n’avait pris aucune mesure pour jeter la marijuana à la poubelle.

[26] J’ai examiné le dossier sous-jacent et je ne crois pas que la division générale ait pu commettre une erreur de droit en rendant sa décision ou qu’elle ait négligé ou mal interprété une preuve ou des arguments importants.

Conclusion

[27] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

 

Représentants :

M. T., qui se représente elle-même

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