Assurance-emploi (AE)

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Décision et Motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] En décembre 2011, la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a reçu une demande de prestations régulières d’assurance-emploi de la demanderesse, H. Q. (la prestataire). La demande a été approuvée et des prestations ont été versées pendant 28 semaines entre le 27 novembre 2011 et le 9 juin 2012, mais la défenderesse a ultérieurement déterminé que le relevé d’emploi utilisé pour établir la demande était frauduleux. La défenderesse a conclu que la prestataire avait utilisé des renseignements faux et trompeurs pour obtenir frauduleusement des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1. La défenderesse a annulé la demande de prestations d’assurance-emploi de la prestataire et a émis un avis de detteNote de bas de page 2. La prestataire a demandé à la défenderesse de réexaminer sa thèse parce qu’elle était à l’étranger au moment où la demande de prestations avait été faite. La défenderesse a maintenu sa position à l’étape du réexamenNote de bas de page 3. La prestataire a interjeté appel de la décision en réexamen devant la division générale, car elle n’aurait pu présenter une demande de prestations d’assurance-emploi parce qu’elle était à l’étranger, qu’elle n’avait pas son propre compte bancaire au moment où la demande a été présentée et qu’elle ne connaissait même pas l’existence de l’assurance-emploi.

[3] La division générale a rejeté les explications et l’appel de la prestataire. La prestataire demande maintenant la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Elle nie vigoureusement avoir déjà présenté une demande ou reçu des prestations d’assurance-emploi et soutient qu’elle ne devrait pas être tenue responsable d’un trop-payé. Elle prétend que son frère a demandé des prestations en utilisant son nom, qu’il est le seul à avoir reçu des prestations et que tout cela a été fait à son insu ou sans son consentement. Elle nie que son frère lui ait jamais transféré l'argent. Elle soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle et qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Je rejette la demande de la prestataire parce que je ne suis pas convaincue qu’il existe une cause défendable pour l’un ou l’autre des motifs qu’elle a invoqués ou que la division générale a commis une erreur de droit, a négligé ou a mal interprété l’un ou l’autre des éléments de preuve.

Questions en litige

[5] Les questions dont je suis saisie dans la présente demande sont les suivantes :

Question en litige no 1 : Peut-on soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en omettant de tenir compte de l’impact de sa décision sur la prestataire?

Question en litige no 2 : Peut-on soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a décidé que la période de prestations du prestataire devrait être annulée?

Analyse

[6] Au titre de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Avant d’accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincue que les motifs d’appel correspondent aux moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. Il s’agit d’un critère relativement peu exigeant. Les prestataires n’ont pas à prouver leurs arguments; ils doivent simplement établir que l’appel a une chance raisonnable de succès sur la base d’une erreur susceptible de révision. La Cour fédérale a souscrit à cette approche dans Joseph c Canada (Procureur général)Note de bas de page 4.

Question en litige no 1 : Peut-on soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en omettant de tenir compte de l’impact de sa décision sur la prestataire?

[8] La prestataire soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle parce que sa décision aboutit à un résultat injuste; elle prétend qu’il est injuste de l’obliger à rembourser de l’argent qu’elle n’a jamais reçu. Elle soutient que son frère a présenté une demande frauduleuse de prestations d’assurance-emploi et que lui seul a perçu les prestations. Elle ne veut pas dénoncer son frère à la police, mais coopérera à toute enquête policière. Elle a demandé pourquoi la défenderesse n’avait pas pris de dispositions pour interroger son frère afin de vérifier son récit. Elle souligne que ces procédures ont été très stressantes et douloureuses pour elle et sa famille.

[9] La justice naturelle vise à faire en sorte que les prestataires aient une chance équitable de présenter leur cause et que les procédures soient équitables et libres de toute partialité. Elle porte sur des questions d’équité procédurale dont la division générale est saisie, plutôt que sur l’incidence qu’une décision pourrait avoir sur un prestataire. Les allégations de la prestataire ne traitent d’aucune question d’équité procédurale ou de justice naturelle en ce qui concerne la division générale. La prestataire n’a pas fait valoir ni fourni de preuve — et je n’en vois aucune — qui laisse entendre que la division générale aurait pu la priver d’une occasion de présenter pleinement et équitablement sa cause ou qu’elle a fait preuve de partialité à son égard. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

Question en litige no 2 : Peut-on soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a décidé que la période de prestations de la prestataire devrait être annulée?

[10] La prestataire soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a fait fi du témoignage de témoins selon lequel le frère de la prestataire a frauduleusement demandé des prestations d’assurance-emploi au nom de sa sœur. Au paragraphe 16, la division générale a écrit ce qui suit : [traduction] « La [prestataire] et son mari ont indiqué que c’est son frère qui a présenté la demande de prestations et qui a déposé l’argent dans son compte. » Je note en même temps que la division générale a écrit au même paragraphe que la prestataire ignorait qui avait déposé une demande en son nom ou encore où l’argent s’était rendu. Il n’est pas pertinent que ces deux phrases soient en contradiction parce que la division générale a ensuite rejeté les deux déclarations.

[11] La division générale n’a tiré aucune conclusion quant à l’ampleur de la participation du frère, le cas échéant, à la demande d’assurance-emploi. En définitive, la division générale a établi que l’allégation selon laquelle le frère était impliqué n’était pas fondée parce qu’elle a conclu que la prestataire avait déposé la demande pendant qu’elle était à l’étranger et qu’elle avait utilisé le compte bancaire de son frère pour recevoir des prestations.

[12] La division générale a simplement conclu que les témoignages de la prestataire et de son conjoint n’étaient pas crédibles, de sorte qu’elle avait le droit de rejeter l’allégation de la prestataire selon laquelle son frère était le seul responsable d’avoir présenté une demande frauduleuse.

[13] Par exemple, la prestataire et son conjoint ont témoigné qu’ils croyaient qu’une rencontre avec Service Canada en octobre 2012 avait été tenue à des fins fiscales. La division générale a rejeté cette preuve parce que la lettre de la défenderesse indiquait que la réunion avait trait à sa demande d’assurance-emploi qui avait débuté le 13 novembre 2011Note de bas de page 5. La lettre de la défenderesse indiquait également que la demande de prestations d’assurance-emploi avait été établie à l’aide d’un relevé d’emploi émis par Silver Chef Restaurant Supplies Ltd. La lettre mentionnait également l’emploi de la prestataire auprès de cette compagnie. La division générale a conclu qu’il n’était pas plausible que la prestataire et son conjoint aient négligé au moins de s’enquérir du contenu de la lettre, d’autant plus qu’elle déclarait avoir été employée par une compagnie dont elle nie maintenant avoir connaissance. Garvey c Canada (Procureur général), 2018 CAF 118.

[14] Compte tenu de ses conclusions sur la crédibilité, je ne suis pas convaincue que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion erronée sans tenir compte de l’allégation selon laquelle le frère a présenté une demande frauduleuse d’assurance-emploi au nom de la prestataire.

[15] La prestataire soutient en outre que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a conclu que son conjoint avait payé « 750 000 $ »Note de bas de page 6 en impôts. Au paragraphe 25, la division générale a écrit que le mari avait indiqué lors de l’audience qu’« il paie 700 000 $ en impôts pour son entreprise ». Ce fait était pertinent parce que la division générale a établi que le conjoint de la prestataire devait avoir une certaine connaissance d’une simple déclaration de revenus personnelle s’il exploitait une entreprise et payait des impôts. Essentiellement, la division générale a conclu que le conjoint aurait dû savoir que la déclaration de revenus de la prestataire indiquait qu’elle avait reçu des prestations d’assurance-emploi.

[16] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience devant la division générale et j’ai vérifié que le conjoint de la prestataire a bel et bien témoigné, malgré ses affirmations à l’effet contraireNote de bas de page 7. Il a déclaré : [traduction] « Croyez-le ou non, en ventes, j’ai versé à Revenu Canada plus de 700 000 $ l’an dernier. » La division générale a clairement compris que ce témoignage signifiait que le conjoint de la prestataire avait versé des impôts de plus de 700 000 $ à l’Agence du revenu du Canada. Il s’agissait d’une interprétation raisonnable, compte tenu de la référence à l’Agence. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur le fondement de cet argument.

[17] La prestataire tente maintenant d’expliquer comment ses déclarations de revenus de 2011 et de 2012 incluaient les gains provenant de l’assurance-emploi. Elle explique que son conjoint, qui a rempli et produit les déclarations de revenus en son nom, s’est appuyé sur les feuillets T4E parce qu’il ne connaissait pas très bien ses antécédents.

[18] La prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait que son conjoint connaissait mal sa situation financière et qu’il ignorait si elle avait travaillé avant leur mariage en mai 2012. Apparemment, tout ce qu'il savait de la prestataire avant leur mariage était qu'elle avait divorcé à l'étranger et qu'elle revenait au Canada.

[19] Il est clair que cette preuve n’était pas pertinente aux conclusions de la division générale. La division générale a noté que le conjoint de la prestataire avait nié savoir que les gains provenaient de l’assurance-emploi. Toutefois, elle a également conclu qu’il devait être au courant parce que les renseignements qu’il avait fournis dans les déclarations de revenus concernant la rémunération de sa conjointe provenaient des feuillets T4E qui indiquaient la source des gains. La division générale a également noté que la prestataire avait bénéficié d’avoir déclaré une rémunération provenant de l’assurance-emploi, parce qu’elle avait obtenu un remboursement d’impôt auquel elle n’aurait probablement pas eu droit autrement. Toutefois, elle n’avait pris aucune mesure pour corriger cette erreur auprès de l’Agence.

[20] La prestataire demande essentiellement une nouvelle évaluation, mais un appel devant la division d’appel n’est pas une nouvelle évaluation ni une nouvelle audience. Comme je l’ai déjà mentionné, les moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS sont limités. Comme l’a écrit le juge Gleason dans l’arrêt Garvey c Canada (Procureur général)Note de bas de page 8, un simple désaccord en ce qui concerne l’application des principes établis aux faits d’une affaire ne me permet pas d’intervenir. Un tel désaccord ne constitue pas une erreur de droit ou une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte de la preuve, comme le prévoit l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[21] J’ai examiné le dossier sous-jacent. Je ne crois pas que la division générale ait commis une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non au dossier, ou qu’elle ait omis de rendre dûment compte de l’une ou l’autre des preuves dont elle disposait.

[22] Compte tenu de ces considérations, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[23] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Représentant :

A. A., représentant de la demanderesse

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