Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

La prestataire a reçu des prestations de maternité pendant 15 semaines grâce aux heures accumulées en travaillant pour une petite entreprise. Mais après avoir mené une enquête, la Commission a conclu que la prestataire n’avait jamais travaillé pour cette entreprise et avait présenté son emploi sous un faux jour. La Commission a donc annulé ses prestations, exigé remboursement et imposé une amende de 5000 $ pour fausse déclaration. La prestataire a fait appel à la division générale (DG).

La DG a rejeté les arguments de la prestataire voulant qu'elle ait travaillé pour l’entreprise. La DG a jugé sa preuve non crédible, et s’est rangée à l’avis de la Commission pour conclure qu’elle n’avait jamais travaillé pour l’entreprise. La DG a toutefois conclu que la Commission n’avait pas bien évalué le montant de l’amende, et l’a donc réduit de $5000 à $4500. Au bout du compte, la DG a rejeté l’appel et la prestataire a demandé permission d’en appeler à la division d’appel (DA). La DA lui a refusé cette permission, statuant que son appel n’avait aucune chance raisonnable de succès. La prestataire a ensuite déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision de la DA auprès de la Cour fédérale (CF).

Devant la CF, la prestataire a soutenu que la DG avait erré en s’appropriant le pouvoir de statuer sur son type d’emploi. Selon elle, c’est à l’Agence du revenu du Canada (l’ARC), et non à la DG, que la loi confère le pouvoir de statuer sur le type d’emploi. La CF n’est pas d’accord : la question était de savoir si la prestataire avait bel et bien travaillé au sein de l’entreprise, et non de savoir s’il s’agissait d’un « emploi assurable » procurant des heures assurables valides aux fins de l’AE. Autrement dit, comme la DG avait conclu que l'emploi de la prestataire n’avait en fait jamais existé, la question de savoir si l’emploi était « assurable » ne se posait tout simplement pas. La CF a confirmé la décision de la DA et rejeté la demande de contrôle judiciaire.

Contenu de la décision



Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] La demanderesse, K. K. (prestataire), a demandé et obtenu des prestations de maternité de l’assurance-emploi en fonction des heures d’emploi assurable qu’elle a prétendu avoir accumulées auprès d’un employeur en particulier. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a fait enquête et a ensuite déterminé que la prestataire n’avait pas travaillé pour l’employeur. Elle a demandé le recouvrement de toutes les prestations qui avaient été versées et a imposé la pénalité maximale pour les fausses déclarations de la prestataire. La Commission a maintenu cette décision après réexamen.

[3] Le prestataire a interjeté appel de la décision de réexamen devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a statué que la prestataire n’avait pas travaillé et qu’elle avait fait de fausses déclarations relativement à son emploi. Elle a rejeté cette partie de l’appel. En ce qui concerne la pénalité, la division générale a conclu que la Commission n’avait pas pris en compte les difficultés financières de la prestataire comme facteur atténuant et a réduit la pénalité de 5 000 $ à 4 500 $. La prestataire demande maintenant la permission d’en appeler à la division d’appel.

[4] La prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. La prestataire n’a pas précisé en quoi la décision de la division générale était inéquitable sur le plan procédural ou n’a pas mentionné de preuve qui aurait été ignorée ou mal comprise.

Questions en litige

[5] Peut-on soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle?

[6] Peut-on soutenir que la conclusion de la division générale selon laquelle la prestataire n’avait pas travaillé pour l’entreprise qui, selon ses dires, était son employeur a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

Analyse

Principes généraux

[7] La tâche de la division d’appel est plus restreinte que celle de la division générale. La division générale est habilitée à examiner et à soupeser la preuve dont elle est saisie et à tirer des conclusions de fait. La division générale applique ensuite le droit à ces faits afin de tirer des conclusions sur les questions de fond soulevées par l’appel.

[8] En revanche, la division d’appel ne peut intervenir dans une décision de la division générale à moins de pouvoir conclure que la division générale a commis l’un des types d’erreurs décrits dans les moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) et énoncés ci-après :

  1. a) la division générale n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] À moins que la division générale ait commis une erreur de l’une de ces façons, l’appel ne peut être accueilli, même si la division d’appel est en désaccord avec la conclusion de la division générale.

[10] À ce stade, je dois conclure qu’il existe une chance raisonnable de succès pour un ou plusieurs moyens d’appel afin d’accorder la permission d’en appeler et permettre de donner suite à l’appel. Une chance raisonnable de succès a été assimilée à une cause défendable.

Peut-on soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle?

[11] La justice naturelle renvoie à l’équité du processus et comprend des protections procédurales comme le droit à un décideur impartial et le droit d’une partie d’être entendue et de connaître la preuve contre elle. La prestataire n’a pas soulevé de préoccupation quant au caractère adéquat de l’avis d’audience, à la divulgation des documents avant l’audience, à la manière dont l’audience a été tenue ou à sa compréhension du processus, ou à toute autre mesure ou procédure qui aurait pu influer sur son droit d’être entendue ou de répondre aux arguments présentés contre elle. Elle a laissé entendre que le membre de la division générale était partial ou avait préjugé l’affaire.

[12] On ne peut soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en vertu de l’article 58(1)(a) de la Loi sur le MEDS.

Peut-on soutenir que la conclusion de la division générale selon laquelle la prestataire n’avait pas travaillé pour l’entreprise qui, selon ses dires, était son employeur a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[13] La division générale n’a pas jugé crédible la preuve de la prestataire selon laquelle elle avait travaillé pour son employeur et la preuve de ses heures d’emploi assurable accumulées. Cette conclusion repose sur plusieurs constatations :

  • La division générale a conclu que la prestataire connaissait peu les détails physiques de son supposé lieu de travail, les autres employés et leurs rôles, ainsi que les clients ou fournisseurs de l’employeur. Les renseignements qu’elle a fournis au sujet des activités de l’employeur étaient à la fois incomplets et incohérents.
  • La division générale a également conclu que la prestataire et l’employeur ont fourni des renseignements incohérents relativement à la nature de ses fonctions et aux attentes de l’employeur en matière de travail. La division générale s’est également appuyée sur la déclaration de l’employeur selon laquelle il ne se souciait pas de ce qu’elle faisait et qu’il [traduction] « la payait pour le sport » (paragraphe 21 de la décision).
  • La division générale n’a pas accepté que la prestataire ait pris des dispositions pour que 15 des 19 rendez-vous médicaux aient lieu les jours de travail, y compris son premier jour de travail, mais elle n’a pas accordé beaucoup de poids à ce facteur.
  • La division générale a conclu que les relevés de téléphone cellulaire de la prestataire la plaçaient rarement près de son lieu de travail les jours où elle prétendait travailler.
  • Enfin, la division générale a conclu que les dates des chèques de paie de la prestataire étaient irrégulières et ne correspondaient pas aux dates des talons de paie et que la prestataire avait démontré une tendance à déposer des chèques de paie puis à retirer l’argent immédiatement. Il en ressortait que la prestataire a retourné l’argent à l’employeur. La division générale n’a pas accepté que l’argent ait été retiré pour être envoyé outre-mer à sa famille parce qu’il n’y avait pas de reçus ou d’autres documents corroborants.

[14] Dans sa demande de permission d’en appeler, la prestataire a contesté un certain nombre des conclusions susmentionnées, mais n’a pas relevé de preuve qui a été ignorée ou mal comprise dans l’atteinte de ces conclusions.

[15] À la lecture de la décision, il est clair que la division générale a compris la preuve de la prestataire, y compris son explication selon laquelle elle aurait pu donner des renseignements incohérents parce qu’elle ne s’était pas remise de son accouchement. Toutefois, la division générale n’était pas convaincue que les problèmes médicaux de la prestataire étaient à l’origine de la confusion ou de l’incohérence de la prestataire.

[16] La prestataire a cherché à justifier son manque de connaissance des autres employés, mais la décision de la division générale ne lui reproche pas son incapacité à nommer chacun des employés; elle exprime plutôt une grande préoccupation quant au fait que la prestataire ne connaissait pas les noms des personnes avec lesquelles elle aurait nécessairement eu affaire et qu’elle ne pouvait pas évaluer le nombre d’employés ou l’ampleur des activités de l’entreprise.

[17] La division générale aurait compris l’affirmation de la prestataire selon laquelle elle utilisait habituellement le terme « sous-sol » pour décrire un rez-de-chaussée dans une maison avec un étage supérieur, mais elle n’a pas accepté cette affirmation en raison de la façon dont la description de son lieu de travail a changé à d’autres égards.

[18] La division générale a également compris, mais n’a pas accepté, la position de la prestataire selon laquelle son employeur [traduction] « l’a payée pour le sport » pour être gentil et pour l’aider pendant sa grossesse.

[19] La division générale a reconnu l’explication de la prestataire concernant les multiples rendez-vous prévus pendant les heures de travail et a accepté la possibilité que la prestataire ait pu être en mesure de travailler entre ses rendez-vous. La division générale n’a pas pris en compte que la prestataire avait fixé autant de rendez-vous pendant ce qui aurait été des heures de travail comme élément important de sa décision.

[20] La prestataire a laissé entendre que la division générale s’était trompée au sujet de la preuve d’emplacement de son téléphone, alléguant que ce n’était pas son téléphone, mais celui de son mari. Encore une fois, selon la preuve au dossier, elle a admis que c’était son téléphone (GD3-170) et ne l’a pas nié par la suite (GD3-326). Bien que son téléphone ne se soit pas toujours trouvé en sa possession, elle a dit qu’elle l’avait avec elle au travail (GD3-327). Malgré son témoignage à l’audience selon lequel elle n’a apporté son téléphone au travail qu’une ou deux fois, ce que la division générale a reconnu, la preuve a permis à la division générale de conclure qu’elle avait généralement le téléphone avec elle et que les relevés de la tour de téléphonie cellulaire ont confirmé que le téléphone, et donc la prestataire, n’avaient pas passé beaucoup de temps près du lieu de travail de l’employeur.

[21] La prestataire a fait valoir que la division générale a présumé qu’elle avait retiré les montants qui lui avaient été versés par son employeur pour les remettre à l’employeur parce qu’elle ne pouvait pas produire de reçu pour le transfert d’argent à l’étranger. La prestataire a déclaré que la Commission n’avait pas fait enquête au sujet de l’échange de fonds. En fait, la division générale a accepté que la Commission a fait enquête sur la compagnie de change que la prestataire prétend avoir utilisée. La division générale s’est fondée sur la confirmation de la compagnie de change qu’elle n’accepte pas d’espèces et qu’elle produit des reçus (GD3-176). 

[22] À la lumière de mon examen de la décision de la division générale et du dossier d’appel, je suis convaincu que les conclusions de la division générale reposaient sur une certaine preuve et que la division générale n’a pas ignoré ni mal compris la preuve comme l’a fait valoir la prestataire ni à tout autre égard. Il ne m’appartient pas d’apprécier ou d’évaluer de nouveau la preuve dont la division générale était saisie ou d’intervenir dans l’évaluation de la crédibilité faite par la division générale. Je comprends que la prestataire n’est pas d’accord avec la façon dont la division générale a soupesé et analysé la preuve et avec sa conclusion, mais cela ne permet pas de conclure que les conclusions de fait étaient abusives, arbitraires ou faites sans égard à la preuveNote de bas de page 1.

[23] La division générale a rejeté la preuve de la prestataire parce qu’elle était soit incohérente, soit invraisemblable. On ne peut soutenir que la division générale a ignoré ou mal compris la preuve, ou qu’elle a commis une erreur conformément à l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS en tirant des conclusions de fait de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte de la preuve dont elle disposait.

[24] Je conclus qu’il n’y a pas de chance raisonnable de succès en appel.

Conclusion

[25] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

 

Représentant :

Gurdeep Kaloti,

pour la demanderesse

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