Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelante n’avait pas de motif valable pour quitter son emploi et, au moment où elle l’a fait, des solutions de rechange raisonnables s’offraient à elle.

Aperçu

[2] L’appelante vivait avec son conjoint, qui était le propriétaire de la maison habitée par le couple dans une petite collectivité du nord de l’Ontario. Son conjoint lui a dit que la relation était terminée et il lui a donné un préavis de deux jours pour quitter sa maison. L’appelante n’avait ni famille ni amis dans les environs pour lui venir en aide. Elle a quitté son emploi et s’est installée chez sa sœur, à Toronto, pour y chercher du travail. L’intimé a refusé ses prestations d’assurance-emploi (AE), estimant que l’appelante avait quitté son emploi sans motif valable.

Questions préliminaires

[3] Personne ne s’est présenté à l’audience. Aux termes de l’article 12(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, si une partie omet de se présenter à l’audience, le Tribunal peut procéder en son absence, s’il est convaincu qu’elle a été avisée de la tenue de l’audience. Le Tribunal, pour les raisons mentionnées ci-après, est convaincu que l’appelante a reçu l’avis d’audience du 23 août 2018. Le 16 juillet 2018, le Tribunal a envoyé, par poste prioritaire, le dossier d’appel, y compris l’avis d’audience, à l’appelante, à son adresse figurant au dossier. La poste prioritaire se caractérise par le suivi du colis de l’expédition à la livraison, ainsi que par le retour du colis à l’expéditeur s’il n’est pas livré au destinataire ou récupéré par ce dernier. Le colis n’a pas été retourné au Tribunal, ce dernier ayant reçu une confirmation de livraison du bureau de poste le 20 juillet 2018. Depuis, il n’y a eu aucune communication avec l’appelante. Compte tenu de ces circonstances, le Tribunal est convaincu que l’appelante a reçu l’avis d’audience du 23 août 2018. Le Tribunal procédera donc à l’audience en l’absence de l’appelante, puis rendra sa décision.

Questions en litige

[4] 1. Est-ce que l’appelante a quitté volontairement son emploi? 2. Si oui, a-t-elle fait état de circonstances qui pourraient le justifier? 3. Est-ce que l’appelante a démontré que, compte tenu de ces circonstances, aucune autre solution raisonnable ne s’offrait à elle?

Analyse

[5] Les dispositions législatives pertinentes sont présentées à l’annexe de cette décision. Les articles 30(1) et 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) sont les plus pertinents dans cette affaire. La loi utilise le terme « départ volontaire » pour désigner le fait de « quitter son emploi ».

[6] Il incombe à l’intimée de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante a volontairement quitté son emploi. Si l’intimée parvient à convaincre le Tribunal que l’appelante a volontairement quitté son emploi, il appartient alors à l’appelante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait un motif valable pour le faire (Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190).

[7] Le critère du motif valable est le suivant : selon la prépondérance des probabilités, et compte tenu de toutes les circonstances, est-ce que l’employée n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi? (Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190).

[8] Une liste non exhaustive des circonstances dans lesquelles une personne peut être fondée à quitter volontairement son emploi figure à l’article 29(c) de la Loi sur l’AE. Une personne peut aussi être fondée à quitter son emploi dans d’autres circonstances que celles énumérées à l’article 29(c) de la Loi sur l’AE.

[9] Seules les circonstances qui existaient au moment où l’appelante a quitté son emploi doivent être examinées pour déterminer si elle était fondée à quitter son emploi (Canada (Procureur général) c Lamonde, 2006 CAF 44).

[10] Il est probable que l’appelante ait quitté son emploi pour de bonnes raisons personnelles ou pour ce qu’elle considère comme étant un motif valable. Toutefois, ce n’est pas la même chose que le motif valable prévu à l’article 29c) de la Loi sur l’AE (Canada (Procureur général) c Imran, 2008 CAF 17).

Question en litige no 1 : Est-ce que l’appelante a quitté volontairement son emploi?

[11] Il incombe à l’intimée de prouver que l’appelante a effectivement quitté volontairement son emploi.

[12] L’appelante a quitté volontairement son emploi. Les éléments de preuve à l’appui de cette conclusion sont clairs. Dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, l’appelante a déclaré avoir quitté son emploi le 8 mars 2018, précisant au passage qu’elle a dû se réinstaller à Toronto en raison de circonstances imprévues. L’appelante, lors d’une conversation téléphonique subséquente avec l’intimée et dans son avis d’appel, a confirmé avoir quitté son emploi. L’employeur a confirmé que l’appelante avait dû quitter son emploi pour se réinstaller, mais n’a pas fourni d’explication à ce sujet. Rien ne permet de soutenir que l’appelante n’a pas quitté son emploi.

Question en litige no 2 : Si oui, a-t-elle fait état de circonstances qui pourraient le justifier?

[13] Une liste non exhaustive des circonstances dans lesquelles une personne peut être fondée à quitter volontairement son emploi figure à l’article 29(c) de la Loi sur l’AE. Une personne peut aussi être fondée à quitter son emploi dans d’autres circonstances que celles énumérées à l’article 29(c) de la Loi sur l’AE.

[14] L’appelante n’a pas exposé de circonstances qui pourraient justifier sa décision de quitter son emploi.

[15] La plupart des circonstances énumérées à l’article 29(c) de la Loi sur l’AE ont trait à des difficultés sur le plan de la relation entre l’employeur et l’employé, et, en l’espèce, ne sont pas applicables. Les seules dispositions rattachées aux circonstances personnelles d’un employé sont les articles 29(c)(ii), (v) et (vi), soit la nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence, la nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent et l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat. Ces circonstances ne sont pas applicables en l’espèce.

[16] Les circonstances exposées par l’appelante ont trait à la fin de sa relation avec son conjoint, au préavis de deux jours que son conjoint lui avait donné pour quitter le domicile, et à son obligation de trouver, dans un délai de deux jours, un autre endroit où rester. Elle n’avait ni amis ni proches à X pour l’aider à refaire sa vie. Elle n’avait pas les moyens de s’acheter une maison et n’avait nulle part d’autre où demeurer dans le secteur. Sa sœur, qui vivait à Toronto, lui a dit de venir vivre avec elle pour se remettre sur pied. Elle a déménagé à Toronto, chez sa sœur, puisque c’était la seule option qui s’offrait à elle. Le transfert d’emploi n’était pas une option et elle n’a pas eu le temps de chercher du travail en raison du délai de deux jours dont elle disposait pour se réinstaller.

[17] L’appelante avait de bonnes raisons personnelles pour quitter son emploi et s’installer à Toronto. Cela dit, de bonnes raisons personnelles ne correspondent pas à un motif valable (arrêt Imran).

Question en litige no 3 : Est-ce que l’appelante a démontré que, compte tenu de ces circonstances, aucune autre solution raisonnable ne s’offrait à elle?  

[18] La règle est que, compte tenu de toutes les circonstances, l’employée n’avait-elle pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi?

[19] Au moment de quitter son emploi, l’appelante disposait d’autres solutions raisonnables qu’elle n’a pas explorées.

[20] L’appelante travaillait pour les Infirmières de l’Ordre de Victoria du Canada (VON Canada) en tant que préposée aux services de soutien à la personne. VON Canada est une grande organisation. L’employeur a mentionné à l’intimée que l’appelante ne lui avait pas parlé de sa situation et que, si elle l’avait fait, il aurait essayé de voir ce qu’il aurait pu faire pour l’aider. Lorsqu’on a demandé à l’employeur si un congé autorisé aurait pu être une option, l’employeur a répondu qu’il embaucherait de nouveau l’appelante sur-le-champ. L’appelante lui a seulement dit qu’elle déménageait.

[21] L’appelante a déclaré qu’un transfert d’emploi n’était pas envisageable, qu’elle n’avait ni amis ni proches dans le secteur où elle habitait, et qu’elle n’avait pas les moyens pour s’offrir un logement seule. Selon l’employeur, l’appelante ne lui a pas parlé de sa situation. L’employeur était disposé à voir ce qu’il aurait pu faire pour aider l’appelante. De plus, il l’embaucherait de nouveau sans hésiter. Dans cette situation, l’appelante disposait de solutions raisonnables autres que de quitter son emploi. Elle aurait pu s’informer au sujet du transfert d’emploi, afin de conserver son emploi au lieu de le quitter. Elle aurait pu demander un congé autorisé, ce qui lui aurait donné du temps pour s’occuper de ses affaires tout en conservant son emploi. Elle aurait pu demander à l’employeur si des logements abordables étaient disponibles dans le secteur et, le cas échéant, continuer à travailler pour l’employeur. Si, avant de quitter son emploi, l’appelante s’était renseignée au sujet de ces solutions de rechange et avait reçu des réponses négatives, elle aurait pu alors démontrer qu’aucune solution de rechange raisonnable ne s’offrait à elle. Cependant, elle ne l’a pas fait. Elle a simplement quitté son emploi et déménagé. Cette réaction est compréhensible vu la situation dans laquelle elle se trouvait. Cependant, cette situation et la réaction qui s’en est suivie ne dispensent pas l’appelante de son obligation de prouver l’absence de solution de rechange raisonnable.

Conclusion

[22] L’appel est rejeté. 

Date de l’audience :

Façon de procéder :

Comparutions :

Le 23 août 2018

Téléconférence

L’appelante était absente.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin;
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre;
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert.
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    5. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    6. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    7. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    8. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    9. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    10. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    11. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    12. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    13. (ix) modification importante des fonctions,
    14. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    15. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    16. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    17. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    18. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30(1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

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