Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. L’appelant a prouvé sa disponibilité pour travailler, en dépit du fait qu’il était inscrit à un cours de formation à temps plein.

Aperçu

[2] L’appelant a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi (AE) le 3 mars 2014. Plus tard le même mois, il a communiqué avec l’intimée pour l’informer qu’il suivait un cours de gestion des affaires. En réponse à un questionnaire sur la formation, il a déclaré qu’il devait consacrer au cours en question entre une et neuf heures par semaine et qu’il suivrait celui-ci du 31 mars au 19 décembre 2014. Il a touché des prestations d’AE jusqu’au 3 janvier 2015. En janvier 2015, il a déclaré à l’intimée que son cours se poursuivait jusqu’au 16 janvier 2015. L’intimée a conclu que l’appelant avait dû consacrer 25 heures par semaines au cours depuis le début de celui-ci. Elle a avisé l’appelant qu’aucune prestation n’était payable du 13 mars 2014 au 16 janvier 2015 au motif qu’il n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler au cours de cette période. Il en a résulté un trop-payé de 11 875 $.

Questions en litige

[3] 1. Combien de temps l’appelant a-t-il dû consacrer à son cours de formation? 2. L’appelant a-t-il occupé un emploi pendant qu’il suivait le cours? 3. L’appelant avait-il le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui a été offert? 4. L’appelant a-t-il exprimé ce désir en faisant des démarches pour trouver un emploi convenable? 5. L’appelant a-t-il fixé des conditions personnelles qui pourraient limiter excessivement ses chances de réintégrer le marché du travail? 6. L’expiration d’un délai de prescription a-t-elle empêché l’intimée d’examiner de nouveau sa décision initiale de verser des prestations?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe de la présente décision.

[5] L’appelant n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable (alinéa 18(1)a) de la Loi).

[6] Il incombe à l’appelant de prouver qu’il fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable (paragraphe 50(8) de la Loi; P.G. (Canada) c Renaud, 2007 CAF 328).

[7] La disponibilité d’un prestataire soulève une question de fait. Pour qu’il soit jugé disponible pour travailler, l’appelant doit faire la preuve des trois éléments suivants : 1) il a le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui sera offert; 2) il exprime ce désir en faisant des démarches pour trouver un emploi convenable; et 3) il ne fixe aucune condition personnelle qui pourrait limiter excessivement ses chances de réintégrer le marché du travail (Faucher c Commission de l’assurance-emploi du Canada et Procureur général du Canada, A-56-96).

[8] Les articles 9.001 et 9.002 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement) énoncent un certain nombre de facteurs à prendre en considération pour déterminer si un appelant fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable et pour déterminer ce qui constitue un emploi convenable.

[9] Il existe une présomption selon laquelle la personne qui est inscrite à temps plein à un cours de formation n’est pas disponible pour travailler, bien que cette présomption puisse être réfutée au moyen de la preuve de circonstances exceptionnelles (Canada (P.G.) c Cyrenne, 2010 CAF 349). Le prestataire n’était pas disponible pour travailler si, en raison de sa charge de cours, il n’était disponible qu’à certaines heures certains jours, ce qui a restreint sa disponibilité et limité ses chances de trouver un emploi (Duquet c Commission de l’assurance-emploi du Canada et autres, 2008 CAF 313).

Première question en litige : Combien de temps l’appelant a-t-il dû consacrer à son cours de formation?

[10] Il existe une présomption selon laquelle la personne qui est inscrite à temps plein à un cours de formation n’est pas disponible pour travailler.

[11] L’appelant était inscrit à temps plein à un cours de formation et il était présumé ne pas être disponible.

[12] Dans son premier questionnaire sur la formation, daté du mois d’avril 2014, l’appelant a déclaré qu’il devait consacrer au cours entre une et neuf heures par semaine. Il a témoigné qu’il avait supposé que cette question ne visait que le travail après les heures de cours et qu’il avait dû ne pas voir le deuxième volet de la question au sujet du temps passé en classe. Il avait simplement mal compris la question. La réponse [TRADUCTION] « entre une et neuf heures » était fausse. Dans son deuxième questionnaire sur la formation, daté du mois de janvier 2015, il a déclaré qu’il devait consacrer au cours 25 heures ou plus par semaine. Des documents provenant du collège que l’appelant fréquentait ainsi que son témoignage ont confirmé qu’il avait dû consacrer 25 heures par semaine au cours pendant toute la durée de celui-ci, soit du 31 mars 2014 au 16 janvier 2015. La durée du cours avait été prolongée de façon qu’une période de congé de deux semaines puisse être insérée à l’été de 2014.

[13] Pendant toute la durée du cours, les classes ont été tenues soit le matin, de 8 h 30 à 12 h 30, soit l’après-midi, de 13 h à 17 h, du lundi au vendredi. L’appelant a assisté aux séances du matin pendant toute la durée du cours.

Deuxième question en litige : L’appelant a-t-il occupé un emploi pendant qu’il suivait le cours?

[14] L’appelant a occupé un poste de nuit à temps plein pendant une partie de la période au cours de laquelle il a suivi le cours.

[15] Son employeur l’a mis à pied au début de 2014. La demande de prestations de l’appelant a pris effet le 9 mars 2014. L’employeur a rappelé l’appelant au travail et l’a mis à pied à plusieurs reprises pendant la durée du cours qu’il a suivi. L’appelant a travaillé du 17 au 28 mars 2014, soit avant de commencer le cours, puis du 14 avril au 27 juin 2014, du 21 juillet au 1er août 2014, et du 18 au 28 août 2014. Il est retourné travailler pour ce même employeur au début du mois de février 2015, après que le cours eut été terminé. L’appelant travaillait pendant le quart de nuit, finissait de travailler à 6 h 30, puis assistait au cours le matin.

Troisième question en litige : L’appelant avait-il le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui a été offert?

[16] Cette question porte sur le premier facteur énoncé dans l’affaire Faucher pour déterminer la disponibilité.

[17] L’appelant avait effectivement le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui a été offert.

[18] L’élément de preuve le plus solide à l’appui de cette conclusion est le fait que l’appelant est retourné au travail pendant la durée du cours, qu’il a travaillé à temps plein tout en étudiant à temps plein entre les périodes de mise à pied de son employeur. Il a effectivement travaillé et étudié pendant approximativement 14 semaines au cours de la période de 42 semaines qu’a duré le cours, soit pendant le tiers de la durée du cours.

[19] L’élément de preuve le plus solide à l’encontre de cette conclusion provient des déclarations que l’appelant a faites à l’intimée le 5 avril 2018. L’appelant a témoigné que le compte rendu de la conversation était exact, bien qu’il ne rende pas compte de la façon dont il s’est exprimé. La conversation s’est déroulée en deux volets, le premier pendant qu’il conduisait et le deuxième après son arrivée à la maison, où il a consulté les documents qu’il avait encore en sa possession. Il ne s’attendait pas à recevoir un appel de l’intimée. Il conduisait en compagnie de son épouse et de sa fille, et il avait reçu plusieurs appels-pièges juste avant que l’intimée ne l’appelle. Il a d’abord cru qu’il s’agissait d’un autre appel-piège. Il a témoigné que, lorsqu’il avait parlé avec l’intimée dans son camion, il avait fait le con et avait donné des réponses insolentes aux questions qui lui avaient été posées. À son arrivée à la maison, il était agité et a appelé l’intimée pour lui donner des renseignements au sujet de ses démarches pour trouver un emploi, mais il n’a pu fournir que peu de renseignements, puisqu’il avait fait ces démarches quatre ans plus tôt et avait perdu certains documents lors d’un déménagement.

[20] L’appelant a fait trois déclarations pertinentes. Premièrement, à la question de savoir s’il avait cherché du travail pendant qu’il touchait des prestations, il a répondu : [TRADUCTION] « Pourquoi est-ce que j’aurais cherché du travail alors que j’avais un emploi qui m’attendait? » Deuxièmement, lorsqu’on lui a rappelé qu’il s’agissait de sa troisième demande de prestations d’AE et qu’il aurait donc dû savoir qu’il devait tenir un dossier détaillé de ses recherches d’emploi, il a répondu : [TRADUCTION] « Je paie des primes d’AE, alors je peux toucher de l’AE », et qu’en raison d’une date de rappel au travail en février 2015, [TRADUCTION] « ça ne servait à rien de chercher un autre travail ». Troisièmement, l’appelant a affirmé qu’il avait peut-être cherché du travail, mais qu’il serait incapable de soumettre un compte rendu de ses recherches d’emploi remontant à 2014.

[21] L’incidence de ces déclarations de l’appelant est atténuée par les facteurs suivants. Le contexte dans lequel l’appelant a fait ces déclarations, à savoir qu’il prenait place dans son camion et qu’il était irrité par les appels-pièges qu’il avait reçus, de sorte qu’il a répondu de façon insolente, qu’il était agité à son retour à la maison parce qu’il n’a pu trouver que quelques documents pour prouver sa recherche d’emploi, et que les déclarations ont été faites trois ans après que les faits dont il a été question se sont produits, tout cela atténue l’importance des déclarations en question. Les déclarations elles-mêmes témoignent d’une réponse émotive plutôt que d’une réponse calme et raisonnée à une question. C’est particulièrement le cas des deux premières déclarations. La première déclaration – « Pourquoi est-ce que j’aurais cherché du travail …? » – est contredite par une preuve de démarches pour trouver un emploi, dont il est question dans l’analyse de la prochaine question en litige. La deuxième déclaration – « Je paie des primes d’AE, alors je peux toucher de l’AE » – n’est pas compatible avec le fait que l’appelant a travaillé à temps plein pendant qu’il a suivi le cours. Il n’est pas resté inactif en attendant tranquillement ses prestations d’AE. Le renvoi au fait qu’il a été rappelé au travail en février 2015 limite la période visée par sa réponse à cette période immédiate. La troisième déclaration exprime le sentiment de frustration qu’éprouvait l’appelant à ce moment-là. Il a été en mesure de fournir une preuve d’activités de recherche d’emploi, ce dont il est question ci-après.

[22] L’intimée s’est fondée également sur les frais d’inscription de 13 500 $ que l’appelant a payés comme étant un facteur démontrant que l’appelant n’était pas disposé à laisser tomber le cours, ce qui prouvait qu’il n’était pas disponible. Cela est contredit par le fait que l’appelant a, pendant une partie du cours, travaillé à temps plein en même temps qu’il a poursuivi ses études à temps plein.

[23] Compte tenu de ces facteurs, et particulièrement du fait que l’appelant a travaillé à temps plein pendant certaines périodes tout en suivant le cours, je conclus qu’il avait bel et bien le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui a été offert.

Quatrième question en litige : L’appelant a-t-il exprimé ce désir en faisant des démarches pour trouver un emploi convenable?

[24] Cette question en litige porte sur le deuxième facteur énoncé dans l’affaire Faucher pour ce qui est d’évaluer la disponibilité.

[25] L’appelant a démontré son désir de retourner sur le marché du travail en faisant des démarches pour trouver un emploi convenable.

[26] Au nombre des démarches qu’il a faites pour trouver un emploi convenable, l’appelant est resté disponible pour accepter les demandes de retour au travail de son employeur, ce qui est important. Il n’a pas refusé les demandes de retour au travail parce qu’il était à l’école. Il a accepté de travailler tout en continuant de suivre son cours. Ces efforts étaient plus passifs qu’une recherche d’emploi habituelle, de sorte qu’ils ne seraient pas suffisants en eux-mêmes pour faire la preuve de démarches soutenues pour trouver un emploi convenable. Ils sont par contre admissibles pour ce qui est d’évaluer les possibilités d’emploi et le réseautage au sens de l’alinéa 9.001b) du Règlement.

[27] Les démarches de l’appelant pour trouver un emploi convenable ont consisté également à chercher régulièrement un emploi. La preuve initiale d’une recherche d’emploi est minime. Lorsqu’elle a parlé à l’appelant le 5 avril 2018, l’intimée a pris note du fait que l’appelant a dit qu’il avait peut-être cherché du travail et qu’il serait impossible de produire quelque document que ce soit prouvant sa recherche d’emploi. L’intimée ne se rappelle pas avoir demandé à l’appelant s’il s’était livré à l’une ou l’autre des activités dont la liste est dressée à l’alinéa 9.001b) du Règlement. De telles questions auraient pu permettre d’obtenir auprès de l’appelant davantage de renseignements sur sa recherche d’emploi.

[28] Dans son avis d’appel, l’appelant a inclus quatre courriels faisant état de démarches pour trouver un emploi. Ainsi que l’intimée l’a souligné à juste titre, la date de deux de ces courriels seulement relève de la période pertinente, soit du 31 mars 2014 au 16 janvier 2015. Les deux courriels qui relèvent de cette période sont datés du 4 juillet 2014 – pour un poste de superviseur de la production – et du 9 août 2014 – pour un poste de concierge.

[29] Dans le cadre de son témoignage, l’appelant a fourni sur ses démarches pour trouver un emploi des renseignements plus détaillés que ceux qui se trouvaient au dossier. Il a cherché un emploi à temps plein pour lequel il serait payé 17 $ l’heure – son plus récent salaire – ou plus. Il a postulé un emploi chez X, mais cela ne payait que le salaire minimum. Il a tenté de se faire embaucher chez X comme superviseur de la production avant et après la période pertinente, et il aurait accepté un emploi là-bas n’importe quand. Il a dû passer par trois agences pour postuler plutôt que de le faire directement auprès de X. L’une de ces agences était X, à qui le courriel daté du 4 juillet 2014, joint à son avis d’appel, était adressé. Le courriel daté du 17 juillet 2015, joint à l’avis d’appel, était adressé à une autre agence X. Ce dernier courriel n’a pas été envoyé pendant la période pertinente. La troisième agence était X. Toutes les trois exigeaient plusieurs entrevues de présélection avant qu’une demande d’emploi ne soit soumise à X. L’appelant a eu d’autres contacts au cours de la période pertinente en plus des courriels. Il a postulé environ 14 emplois au cours de la période pertinente au moyen de courriels, sur Kijiji et en contactant X, X et X et quatre autres agences trouvées sur LinkedIn. En ce qui concerne les neuf activités énumérées à l’alinéa 9.001b) du Règlement, il a témoigné qu’il les avait toutes faites, sauf qu’il n’avait pas participé à des ateliers de recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi.

[30] Dans des observations qu’il a soumises après l’audience, l’appelant a fourni une preuve supplémentaire de contacts ainsi qu’une capture d’écran de Kijiji et une autre de LinkedIn. L’intimée n’a soumis aucune observation concernant cette preuve. Le courriel daté du 4 juillet 2014, adressé au X, a permis à l’appelant d’obtenir une entrevue le 17 juillet 2014 et une entrevue subséquente, peut-être au mois d’août 2014, avant que l’agence n’envoie sa demande d’emploi à GM. Il a postulé cinq poste différents en août 2014, ainsi que le démontre la capture d’écran de Kijiji. Il a postulé un emploi chez X en novembre 2014. Il a postulé quatre emplois au cours de la période de septembre à décembre 2014 sur LinkedIn, comme le montre la capture d’écran. Cette capture d’écran ne montre pas les dates des demandes d’emploi, seulement qu’elles ont expiré il y a quatre ans, donc en 2014. Il a fait une demande d’emploi auprès de X en décembre 2014 et a obtenu des entrevues vers la fin de la période pertinente et par la suite. Il a aussi déposé son curriculum vitae dans certains établissements du centre commercial où l’école était située. Il n’a pu se rappeler le nom de tous les endroits où il a postulé un emploi, mais X, X et X étaient certainement au nombre de ces établissements.

[31] L’intimée a fait valoir [TRADUCTION] « que la jurisprudence a constamment maintenu le principe selon lequel les déclarations initiales faites par un prestataire ont beaucoup plus de poids que les déclarations subséquentes faites en réponse à une décision défavorable ». Les décisions de la Cour d’appel fédérale citées à l’appui de cette proposition ne viennent pas appuyer celle-ci. Elles sont : Lévine c Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada, A-78-89; Boucher c Canada (P.G.), A-272-96; Rancourt c Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada, A-355-96; El-Maki c Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada, A-737-97; et Bellefleur c Canada (P.G.), A-139-07.

[32] Dans l’affaire Lévine, la Cour a maintenu la décision d’un juge-arbitre d’infirmer la décision du conseil arbitral, au motif que ce dernier n’a fondé sa décision que sur la déclaration faite par le prestataire à l’audience, selon laquelle il n’avait jamais eu l’intention d’exploiter une entreprise commerciale, mais qu’il n’avait que partagé avec des amis les frais de voyages de pêche qu’ils avaient faits ensemble. Le conseil arbitral a fait fi de la preuve contradictoire contenue dans le dossier écrit et du fait que le prestataire avait tenté de dissimuler cette preuve contradictoire. La déclaration faite par le prestataire a été écartée par la Cour non pas parce qu’elle a été faite ultérieurement, mais parce qu’elle a été contredite par une autre preuve et parce que le conseil arbitral n’a pas expliqué pourquoi il avait accepté la déclaration ultérieure et rejeté la preuve antérieure.  

[33] Dans l’affaire Boucher, le conseil arbitral a fait fi des déclarations contradictoires antérieures du prestataire et rendu une décision fondée sur le témoignage de ce dernier. Le conseil arbitral a commis une erreur en omettant de déterminer si le témoignage du prestataire était crédible à la lumière des déclarations contradictoires antérieures.  

[34] Dans l’affaire Rancourt, [TRADUCTION] « [l]a décision du conseil arbitral, qui était extrêmement brève, reposait uniquement sur le témoignage donné par le prestataire à l’audience et faisait complètement fi du reste de la preuve au dossier. Cette preuve incluait des déclarations faites par le prestataire, son épouse, son fils et des témoins indépendants, selon lesquelles le prestataire travaillait pour l’entreprise de son épouse lorsqu’il a dit qu’il était en chômage. Le conseil arbitral ne pouvait écarter cette preuve sans raison, et son omission de fournir une explication était une erreur justifiant le juge-arbitre de trancher l’affaire lui-même, tant sur les faits qu’en droit. »

[35] Dans l’affaire Maki, où là aussi le conseil arbitral a accepté le témoignage du prestataire malgré une preuve antérieure contradictoire, la Cour a énoncé le principe applicable dans les termes suivants : « Le Conseil arbitral avait le droit d'écarter ces éléments de preuve [dans les documents de la Commission] après les avoir soupesés et appréciés, mais il ne pouvait pas les ignorer », puis il a cité à l’appui les affaires Lévine, Boucher et Rancourt. Cet énoncé du principe tiré de ces décisions est un principe manifestement différent de celui qui a été proposé ci-dessus par l’intimée.

[36] Dans l’affaire Bellefleur, le conseil arbitral n’a pas non plus expliqué pourquoi il a accepté certains éléments de preuve et rejeté une preuve contradictoire. La Cour a indiqué que « [l]orsqu’il [le conseil arbitral] est confronté à des éléments de preuve contradictoires, il ne peut les ignorer. Il doit les considérer. S’il décide qu’il y a lieu de les écarter ou de ne leur attribuer que peu de poids ou pas de poids du tout, il doit en expliquer les raisons, au risque, en cas de défaut de le faire, de voir sa décision entachée d’une erreur de droit ou taxée d’arbitraire. »

[37] Selon le principe applicable, les déclarations antérieures d’un prestataire n’ont pas automatiquement plus de poids que ses déclarations subséquentes. Le principe veut que, s’il existe une preuve – notamment les déclarations antérieures du prestataire – qui contredit les déclarations subséquentes du prestataire, le tribunal d’appel expose les raisons pour lesquelles il accepte ou rejette cette preuve contradictoire. Le principe ne donne pas automatiquement préférence aux déclarations antérieures du prestataire.

[38] Dans la présente affaire, la preuve contradictoire tient, d’une part, dans les déclarations que l’appelant a faites au cours de la conversation qu’il a eue avec l’intimée le 5 avril 2018 et, d’autre part, dans ses déclarations antérieures, son témoignage et ses documents. Il y a deux raisons pour lesquelles le témoignage de l’appelant et les documents soumis après l’audience concernant ses activités de recherche d’emploi sont retenus plutôt que les déclarations qu’il a faites le 5 avril 2018. La première est que les premières déclarations de l’appelant qui figurent dans le dossier du nouvel examen et qui se rapportent à la recherche d’emploi jouent en sa faveur. Dans le deuxième questionnaire sur la formation, rempli en janvier 2016, il a répondu « oui » à la question de savoir s’il avait fait des démarches pour trouver du travail depuis le début de son cours ou depuis qu’il s’était retrouvé en chômage. Dans sa demande de nouvel examen datée du 22 février 2018, il a déclaré qu’il avait travaillé pendant son cours et qu’il n’avait fait aucune déclaration fausse ou trompeuse au sujet de sa disponibilité pour travailler. Les seules déclarations faites par l’appelant qui appuient la thèse de l’intimée proviennent de la conversation téléphonique qu’il a eue avec elle le 5 avril 2018. Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, les réponses aux questions concernant la recherche d’emploi étaient des réactions émotives exhibées à un moment où l’appelant était agité du fait qu’il ne s’attendait pas à recevoir un appel de la part de l’intimée. Cette dernière a accepté des déclarations générales au sujet de l’absence de démarches pour trouver du travail plutôt que de poser des questions ciblées dans le but d’obtenir des renseignements sur les activités de recherche d’emploi en particulier que l’appelant pourrait avoir effectuées. Les déclarations faites au cours de cette conversation téléphonique ont moins de poids en raison des circonstances dans lesquelles elles ont été faites, de leur incompatibilité avec des déclarations faites antérieurement par l’appelant, de l’absence de questions ou de réponses détaillées au sujet d’activités de recherche d’emploi, et de leur incompatibilité avec l’avis d’appel de l’appelant, son témoignage et les documents qu’il a déposés après l’audience.

[39] La deuxième raison pour laquelle le témoignage de l’appelant et les documents qu’il a déposés après l’audience concernant ses démarches pour trouver un emploi sont retenus tient dans le détail de ces démarches, même longtemps après les démarches faites en 2014, et dans la corroboration de certaines parties de ce témoignage par les courriels qui ont été joints à l’avis d’appel et par les captures d’écran qui figurent dans les documents soumis après l’audience.

[40] Étant donné que j’accepte la preuve de l’appelant concernant son travail et les démarches qu’il a entreprises pour trouver un emploi pendant qu’il suivait le cours, je suis convaincu qu’ensemble, ils constituent des démarches soutenues pour trouver un emploi convenable.

Cinquième question en litige : L’appelant a-t-il fixé des conditions personnelles qui pourraient limiter excessivement ses chances de réintégrer le marché du travail?

[41] Cette question en litige porte sur le troisième facteur énoncé dans l’affaire Faucher pour évaluer la disponibilité.

[42] L’appelant n’a pas fixé de conditions personnelles ayant limité excessivement ses chances de réintégrer le marché du travail.

[43] La principale condition personnelle limitative aurait été la participation de l’appelant à un cours de formation à temps plein. Or, l’appelant a démontré qu’il ne s’agissait pas d’une condition limitative, puisqu’il a travaillé à temps plein tout en suivant le cours à temps plein pendant approximativement le tiers de la durée de ce cours. Il a ainsi réfuté la présomption selon laquelle il n’était pas disponible en raison de sa participation à ce cours.

[44] Le fait que l’appelant a préféré achever le cours plutôt que d’accepter un emploi à temps plein aurait pu aussi constituer une condition limitative. L’intimée a soulevé la question au cours de la conversation qu’elle a eue avec l’appelant le 5 avril 2018 et l’a invoquée dans ses observations. Le problème, pour l’intimée, tient au fait que, dans le deuxième questionnaire sur la formation, daté du 16 janvier 2015, l’appelant a déclaré qu’il mettrait fin à son cours s’il trouvait un travail à temps plein qui entrait en conflit avec celui-ci. Le cours a pris fin le 16 janvier 2015. Ainsi que l’appelant l’a affirmé dans son témoignage, étant donné que le cours a pris fin le 16 janvier et qu’il a rempli le questionnaire ce jour-là, il finirait le cours ce jour-là. Il n’a pas dit qu’il n’aurait pas accepté un emploi avant cette date. Le fait qu’il a travaillé en même temps qu’il a suivi le cours est compatible avec le fait qu’il aurait accepté un emploi et suivi le cours et non avec le fait qu’il aurait refusé un emploi. Dans son avis d’appel, il a affirmé que s’il s’était fait offrir un emploi, il aurait été en mesure de changer l’heure de ses cours pour pouvoir travailler, et que s’il a affirmé qu’il n’accepterait pas un emploi en raison de l’école, c’était probablement parce que le libellé de la question avait semé la confusion dans son esprit.

[45] Enfin, l’appelant n’a pas restreint sa recherche d’emploi au seul type de travail qu’il avait exercé auparavant, dans une usine. Le vaste éventail d’emplois qu’il a postulés – du poste de superviseur de la production chez X à celui de concierge dans immeuble en passant par des emplois chez X et X – ressort clairement de sa recherche d’emploi. Nombre de ces emplois appelaient à travailler par quart, tout comme le travail que l’appelant a effectué pendant qu’il suivait le cours. Le travail par quart, combiné au fait que le cours durait une demi-journée, a réduit la possibilité de conflit entre le travail et les heures de cours, réduisant ainsi l’incidence de la participation au cours en tant que condition limitant son retour sur le marché du travail.

Sixième question en litige : L’expiration d’un délai de prescription a-t-elle empêché l’intimée d’examiner de nouveau sa décision initiale de verser des prestations?

[46] L’intimée peut de sa propre initiative examiner de nouveau une décision dans les 36 mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou dans les 72 mois suivant le paiement si elle estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestations (paragraphes 52(1) et (5) de la Loi).

[47] Rien n’empêchait l’intimée d’examiner de nouveau sa décision initiale de verser des prestations, car elle disposait du délai plus long de 72 mois.

[48] L’article 52 de la Loi ne requiert pas qu’il y ait eu malhonnêteté, supercherie ou fraude dans les déclarations ou affirmations fausses. La disposition requiert simplement que l’intimée soit d’avis que la déclaration ou l’affirmation est fausse. Implicitement, la disposition requiert que cette opinion de l’intimée soit fondée. Dans la présente affaire, l’intimée n’a fait valoir aucune malhonnêteté, supercherie ou fraude de la part de l’appelant.

[49] La demande de nouvel examen dit ceci : [TRADUCTION] « Je n’ai fait aucune fausse affirmation ni aucune déclaration trompeuse en ce qui concerne ma disponibilité pour travailler ». Cette déclaration ne contredit pas la thèse de l’intimée. En effet, cette dernière n’a pas invoqué le délai de prescription plus long en raison des affirmations de l’appelant concernant sa disponibilité. Elle a invoqué le délai plus long en raison de la déclaration que l’appelant a faite dans le premier questionnaire sur la formation, selon laquelle il a consacré au cours entre une et neuf heures par semaine. Ainsi que l’appelant l’a admis dans son témoignage, la réponse selon laquelle il a consacré au cours « entre une et neuf heures par semaine » était fausse. C’est ce que confirment les documents du collège qui font état de 25 heures par semaine pendant toutes la durée du cours. L’intimée est donc arrivée à juste titre à la conclusion que la déclaration était fausse sur le fondement de la preuve.

[50] L’intimée disposait par conséquent de 72 mois à compter du paiement des prestations pour examiner de nouveau la décision initiale de payer des prestations, prise en mars 2014. Elle a rendu une décision sur son propre nouvel examen le 16 février 2018, soit 47 mois après décidé initialement de verser des prestations, et donc dans le délai de 72 mois.

Conclusion

[51] L’appel est accueilli.

 

Appel entendu le :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 3 août 2018

Téléconférence

S. A., appelant

Annexe

La loi

Loi sur l’assurance-emploi

  1. 18 (1) Le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là :
    1. a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable;
    2. b) soit incapable de travailler par suite d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine prévue par règlement et aurait été sans cela disponible pour travailler;
    3. c) soit en train d’exercer les fonctions de juré
  2. (2) Le prestataire à qui des prestations doivent être payées en vertu de l’un des articles 23 à 23.2 n’est pas inadmissible au titre de l’alinéa (1) b) parce qu’il ne peut prouver qu’il aurait été disponible pour travailler n’eût été la maladie, la blessure ou la mise en quarantaine.
  3. 50 (1) Tout prestataire qui ne remplit pas une condition ou ne satisfait pas à une exigence prévue par le présent article n’est pas admissible au bénéfice des prestations tant qu’il n’a pas rempli cette condition ou satisfait à cette exigence.
  4. (2) Toute demande de prestations est présentée de la manière ordonnée au bureau de la Commission qui dessert le territoire où réside le prestataire ou à tout autre endroit prévu par règlement ou ordonné par la Commission.
  5. (3) Toute demande de prestations est présentée sur un formulaire fourni ou approuvé par la Commission et rempli conformément aux instructions de celle-ci.
  6. (4) Toute demande de prestations pour une semaine de chômage comprise dans une période de prestations est présentée dans le délai prévu par règlement.
  7. (5) La Commission peut exiger d’autres renseignements du prestataire relativement à toute demande de prestations.
  8. (6) La Commission peut demander à tout prestataire ou à tout groupe ou catégorie de prestataires de se rendre à une heure raisonnable à un endroit convenable pour présenter en personne une demande de prestations ou fournir des renseignements exigés en vertu du paragraphe (5).
  9. (7) Pour obtenir d’un prestataire la preuve de sa disponibilité pour le travail, la Commission peut exiger qu’il s’inscrive comme demandeur d’emploi à un organisme de placement fédéral ou provincial et qu’il communique avec cet organisme à des moments raisonnables que la Commission ou l’organisme lui fixera.
  10. (8) Pour obtenir d’un prestataire la preuve de sa disponibilité pour le travail et de son incapacité d’obtenir un emploi convenable, la Commission peut exiger qu’il prouve qu’il fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.
  11. (8.1) Pour obtenir d’un prestataire la preuve que les conditions prévues aux paragraphes 23.1(2) ou 152.06(1) sont remplies, la Commission peut exiger du prestataire qu’il lui fournisse un autre certificat délivré par un médecin ou un infirmier praticien.
  12. (9) Tout prestataire est tenu, sauf autorisation contraire de la Commission, de fournir l’adresse postale de sa résidence habituelle.
  13. (10) La Commission peut suspendre ou modifier les conditions ou exigences du présent article ou des règlements chaque fois que, à son avis, les circonstances le justifient pour le bien du prestataire ou un groupe ou une catégorie de prestataires.
  14. 52 (1) Malgré l’article 111 mais sous réserve du paragraphe (5), la Commission peut, dans les trente-six mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables, examiner de nouveau toute demande au sujet de ces prestations.
  15. (2) Si elle décide qu’une personne a reçu une somme au titre de prestations pour lesquelles elle ne remplissait pas les conditions requises ou au bénéfice desquelles elle n’était pas admissible, ou n’a pas reçu la somme pour laquelle elle remplissait les conditions requises et au bénéfice de laquelle elle était admissible, la Commission calcule la somme payée ou à payer, selon le cas, et notifie sa décision au prestataire.
  16. (3) Si la Commission décide qu’une personne a reçu une somme au titre de prestations auxquelles elle n’avait pas droit ou au bénéfice desquelles elle n’était pas admissible :
    1. a) la somme calculée au titre du paragraphe (2) est celle qui est remboursable conformément à l’article 43;
    2. b) la date à laquelle la Commission notifie la personne de la somme en cause est, pour l’application du paragraphe 47(3), la date où la créance a pris naissance.
  17. (4) Si la Commission décide qu’une personne n’a pas reçu la somme au titre de prestations pour lesquelles elle remplissait les conditions requises et au bénéfice desquelles elle était admissible, la somme calculée au titre du paragraphe (2) est celle qui est payable au prestataire.
  18. (5) Lorsque la Commission estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestations, elle dispose d’un délai de soixante-douze mois pour réexaminer la demande.

Règlement sur l’assurance-emploi

  1. 9.001 Pour l’application du paragraphe 50(8) de la Loi, les critères servant à déterminer si les démarches que fait un prestataire pour trouver un emploi convenable constituent des démarches habituelles et raisonnables sont les suivants :
    1. a) les démarches du prestataire sont soutenues;
    2. b) elles consistent en :
      1. (i) l’évaluation des possibilités d’emploi,
      2. (ii) la rédaction d’un curriculum vitae ou d’une lettre de présentation,
      3. (iii) l’inscription à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois électroniques ou d’agences de placement,
      4. (iv) la participation à des ateliers sur la recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi,
      5. (v) le réseautage,
      6. (vi) la communication avec des employeurs éventuels,
      7. (vii) la présentation de demandes d’emploi,
      8. (viii) la participation à des entrevues,
      9. (ix) la participation à des évaluations des compétences;
    3. c) elles sont orientées vers l’obtention d’un emploi convenable.
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