Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] Suite à une réorientation de carrière, l’appelant a suivi un cours de formation en X. Une fois l’obtention de son diplôme le 31 août 2017, il a demandé de réactiver sa demande de prestations d’assurance-emploi au 3 septembre 2017. L’appelant a débuté un autre programme de formation pour se perfectionner le 18 septembre 2017 à raison de 2 jours par semaine. La Commission de l’assurance-emploi (la Commission) a décidé qu’il n’avait pas démontré sa disponibilité pour travailler étant donné ses restrictions liées à sa formation et lui a par conséquent imposé une inadmissibilité au bénéfice des prestations à partir du 3 septembre 2017. L’appelant conteste et soutient qu’il faisait des démarches de recherche d’emploi actives pour un emploi à temps plein tout en participant à son cours de formation, ce qu’il considère comme étant tout à fait réaliste dans sa situation.

Questions en litige

[3] Le Tribunal doit décider si l’appelant a prouvé sa disponibilité à travailler à partir du 3 septembre 2017 alors qu’il suivait un cours de formation à partir du 18 septembre 2017?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

[5] L’article 18(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi) prévoit que pour être admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi régulières, une personne doit démontrer  qu’elle est capable et disponible pour travailler, mais qu’elle est incapable de se trouver un emploi convenable.

[6] Le fardeau de preuve incombe au prestataire (Canada (Procureur général) c Renaud 2007 CAF 328).

Question en litige: L’appelant a-t-il prouvé sa disponibilité à travailler à partir du 3 septembre 2017 alors qu’il suivait un cours de formation à partir du 18 septembre 2017?

[7] En l’absence d’une définition de la notion de « disponibilité » dans la Loi, les critères développés dans la jurisprudence permettent d’établir la disponibilité d’une personne à travailler. La Cour d’appel fédérale a déterminé que la disponibilité pour travailler doit se vérifier par l’analyse de trois critères : 1) le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert ; 2) l’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable ; 3) le non-établissement des conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail, et que les trois éléments doivent être pris en compte pour en arriver à la conclusion (Faucher c Procureur général du Canada A-56-96) (Faucher).

[8] Dans le cas présent, le Tribunal conclut que l’appelant a réussi à prouver sa disponibilité pour les raisons qui suivent. 

[9] La Commission soutient que l’appelant n’a pas réussi à réfuter la présomption de non-disponibilité alors qu’il suivait un cours à temps plein parce qu’il priorise sa formation. La jurisprudence a effectivement confirmé le principe selon lequel une personne inscrite à un cours à temps plein est présumée ne pas être disponible pour travailler. (Landry, A-719-91, Lamonde, 2006 CAF 44). Cependant, dans certains cas, cette présomption peut être réfutée dépendamment des circonstances notamment en ce qui a trait aux exigences de présence aux cours et à l’historique de travail-étude d’un prestataire(Gagnon, 2005 CAF 321).

[10] En l’espèce, la preuve révèle que l’appelant suivait un cours qui se tenait les lundis et mardis. J’estime que des cours à raison de deux jours semaine n’équivalent pas à des études à temps plein. J’estime donc que la présomption ne peut être retenue contre l’appelant.

[11] C’est donc comme tout autre prestataire que l’appelant doit donc satisfaire aux trois critères de Faucher afin de démontrer sa disponibilité.

1) Le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert

[12] La Commission site la décision CUB 79303 en affirmant qu’on y retrouve des faits similaires. Premièrement, bien que parfois les décisions des juges-arbitres peuvent être convaincantes ou inspirantes, je ne suis aucunement lié par elles. Deuxièmement, à la lecture du jugement, j’estime que les faits sont significativement différents. Dans CUB 79303, il s’agissait d’un prestataire qui avait une condition médicale, qui passait de 45 à 50 heures par semaine à ses études et qui avait l’intention de se consacrer exclusivement à sa formation. Dans le présent cas, la situation est tout à fait différente. La preuve au dossier est claire à l’effet que l’appelant consacrait seulement les lundis et mardis à ses cours de perfectionnement, ce qui est significativement moins contraignant. De plus, l’appelant a témoigné que même s’il n’avait pas l’intention de quitter son programme, il avait l’intention définitive de se trouver un emploi malgré ce programme. La Commission semble avoir mis l’accent sur le fait que l’appelant a indiqué qu’il n’était pas prêt à quitter son programme de formation alors qu’elle a considéré à moindre poids le fait que depuis le début de ses conversations initiales avec l’appelant, ce dernier indiquait clairement qu’il avait l’intention de retourner sur le marché de l’emploi.

[13] Pour ma part, considérant la preuve au dossier et le témoignage de l’appelant, je n’ai aucun doute que l’appelant avait le désir de réintégrer le marché du travail. J’accorde un poids significatif au témoignage de  l’appelant qui a expliqué sa situation personnelle de façon claire et logique, incluant le fait qu’il devait contribuer aux revenus familial en tant que père de trois enfants. J’accepte de plus que l’appelant a toujours eu l’intention réelle de travailler. Son changement de carrière a fait en sorte qu’il a dû se retirer du marché durant sa formation à temps plein, mais dès que l’appelant a eu son diplôme lui permettant d’exercer son nouveau métier, il n’avait pas le désir d’attendre quoi que ce soit avant de se retrouver un emploi. J’accorde également un poids à l’historique de travail constant depuis plusieurs années de l’appelant ce qui démontre la volonté d’une personne qui souhaite être actif sur le plan professionnel et non se réfugier en situation de chômage.

[14] Je conclus donc sur la balance des probabilités que l’appelant avait le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable serait offert à partir du 3 septembre 2017.

2) L’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable

[15] Pour ce qui est de la manifestation du désir de l’appelant de retourner sur le marché du travail, le Tribunal souligne qu’il avait la responsabilité de chercher activement un emploi convenable afin de pouvoir obtenir des prestations d’assurance-emploi (Cornelissen-O’Neil, A-652-93, De Lamirande, 2004 CAF 311). En effet, il n’est pas suffisant d’avoir l’intention de travailler. Un prestataire doit démontrer qu’il met les efforts pour y arriver.

[16] La Commission n’a pas soumis d’argumentation à propos de ce critère.

[17] L’appelant a témoigné avoir commencé à se chercher du travail en septembre 2017, dès que son premier cours a été complété et qu’il a obtenu son diplôme en X le 31 août 2017. Je note que lors de sa première discussion avec la Commission le 23 octobre 2017, il a affirmé qu’il se cherchait un emploi et a nommé trois entreprises pour ses démarches de recherche d’emploi. Le lendemain, le 24 octobre 2017, lors d’un autre entretient avec la Commission, l’appelant a indiqué qu’il était prêt à se déplacer partout sur la X et en X pour trouver de l’emploi et travailler. Je constate dans les relevés de conversation de la Commission qu’elle n’a pas demandé à l’appelant de fournir les détails de ses démarches de recherche d’emploi. Il appert que la Commission a plutôt développé la question de savoir si l’appelant accepterait d’abandonner ses cours si un emploi du lundi au vendredi se présentait et a ensuite pris sa décision de le rendre inadmissible aux prestations. J’estime que l’appelant ne peut être retenu comme fautif de n’avoir pas prouvé ses efforts pour retourner sur le marché du travail sans qu’on lui demande d’en faire la preuve. 

[18] Avec sa demande de révision datée du 23 novembre 2017, l’appelant a fourni une liste de plusieurs endroits où il a posé sa candidature entre le 11 septembre 2017 et le 9 novembre 2017. Je suis d’avis que l’appelant a démontré l’expression de son désir de travailler en soumettant cette liste de dépôts de candidature en plus du fait qu’il s’est trouvé un emploi à temps partiel chez X au début décembre 2017. Je note que l’appelant a indiqué à la Commission lors d’une conversation le 22 décembre 2017 qu’il continuait à se chercher un autre emploi afin de travailler à temps plein. L’appelant a de plus spécifié lors de son témoignage que les données obtenues par la Commission le 22 décembre à propos de son emploi pouvaient sembler insatisfaisantes, c’est qu’il venait tout juste de commencer et qu’il devait se faire connaître avant d’obtenir plus d’heures. Il a d’ailleurs indiqué que bien qu’il soit resté à l’emploi de X seulement deux mois, il avait déjà atteint un nombre d’heures de travail à temps plein en raison de sa détermination à travailler.

[19] L’appelant a su me convaincre qu’il a fait des efforts soutenus pour se trouver un emploi dès qu’il a obtenu sa licence de praticien en X. Étant sans emploi ni revenu depuis son arrêt de travail des mois auparavant, étant père de trois enfants, j’accepte le témoignage de l’appelant à l’effet qu’il devait absolument se trouver un revenu. J’estime que la conduite de l’appelant le démontre lorsqu’on regarde son parcours dans sa totalité. La preuve révèle que suite à sa décision de changer de carrière, l’appelant s’est réorienté sans délai indus. Il a ensuite envoyé son curriculum vitae à plusieurs endroits tout en suivant un cours de perfectionnement afin de se doter de plus de qualification et de se donner plus de chance de trouver un emploi. Quelques semaines suivant l’obtention de sa licence de base pour pratiquer dans son nouveau domaine, il a déniché un emploi à temps partiel au X qui est rapidement devenu à temps plein. À peine deux mois plus tard, le 29 janvier 2018, il a obtenu un nouveau poste au X en tant que X à temps plein, où il travaille toujours d’ailleurs.

[20] Devant l’ensemble de la preuve, incluant le témoignage de l’appelant, son attitude et son comportement depuis sa fin d’emploi, je suis satisfaite qu’il répond au deuxième critère de Faucher, soit de devoir démontrer la manifestation de son désir d’intégrer le marché de l’emploi. 

3) Le non-établissement des conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail

[21] La disponibilité d’un prestataire ne peut être subordonnée à ses conditions personnelles particulières ou à des restrictions trop contraignantes qui limiteraient ses chances de se trouver un emploi (Canada (Procureur général) c Gagnon, 2005 CAF 321). En l’espèce, qu’en est-il du fait que l’appelant n’était pas disponible pour travailler les lundis et mardis en raison de son cours de formation? 

[22] J’estime que la preuve démontre que cette restriction de deux jours par semaine ne limite pas indûment les chances de retour sur le marché du travail dans les circonstances propres à l’appelant.

[23] Le caractère raisonnable d’une restriction imposée par un prestataire au sujet de sa volonté de retourner sur le marché du travail doit être évalué compte tenu de l’attitude et de la conduite du prestataire ainsi que de toutes les circonstances (Whiffen, A-1472-92). J’accepte le témoignage de l’appelant relativement à ses explications du domaine d’emploi qu’il exerce. Il a soulevé que le domaine de la X offrait souvent des emplois avec horaire sortant du cadre habituel des jours ouvrables (lundi au vendredi, de 9h à 17h). Bien que la Cour d’appel fédérale ait signifié que la disponibilité d’un prestataire s’apprécie par jour ouvrable d’une période de prestations (Cloutier, 2005 CAF 73), elle a aussi rappelé à plusieurs reprises qu’il faut prendre en compte des circonstances de chaque affaire (Carpentier A-474-97; Whiffen, A-1472-92; Rondeau, A-133-76. Dans ce cas-ci, j’estime que la nature du domaine d’emploi de l’appelant constitue une circonstance et un contexte qui doit être pris en considération. J’accepte que la formation se tenant les lundis et mardis, elle avait peu d’impact sur les chances de l’appelant de se trouver un emploi dans son domaine. J’accepte de plus que le domaine de la X offre les plus grandes perspectives d’emploi vers la fin de la semaine, en soirée et les fins de semaines et qu’il s’agit d’un domaine moins achalandé les lundis et mardis. Le bénéfice du temps passé nous démontre de plus que cette réalité est bien véritable puisque l’appelant a bel et bien réussi à se trouver un emploi à temps plein dès l’hiver tout en poursuivant sa formation les lundis et mardis. Par conséquent, j’estime que la restriction imposée par l’appelant de ne pas être disponible les lundis et mardis en raison de sa formation est raisonnable dans ses circonstances et ne réduisait pas indûment ses chances de réintégrer le marché du travail.

[24] Il importe également de noter l’affirmation de l’appelant à l’effet qu’il est également propre au domaine d’emploi le fait que les employeurs sont habitués de composer avec des travailleurs qui participent à des formations et qu’ils sont généralement encourageants à cet égard plutôt que réfractaire puisque la formation de leurs X bonifie leur offre de service. J’estime que cette réalité du secteur d’emploi doit également être considérée et qu’elle soutient le fait que l’appelant ne s’est pas imposé des conditions qui pouvaient limiter indûment ses chances de se trouver un emploi.

[25] En somme, j’estime qu’à l’analyse de la preuve, l’appelant a réussi à démontrer qu’il était disponible au sens de l’alinéa 18 (1) a) de la Loi parce qu’il rencontrait les trois critères de Faucher à partir du 3 septembre 2017. Par conséquent, l’inadmissibilité de l’appelant devrait être levée à compter de cette date.

Conclusion

[26] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparution :

2 août 2018

En personne

F. V., appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

18 (1) Le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là:

  1. (a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable;
  2. (b) soit incapable de travailler par suite d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine prévue par règlement et aurait été sans cela disponible pour travailler;
  3. (c) soit en train d’exercer les fonctions de juré.

(2) Le prestataire à qui des prestations doivent être payées en vertu de l’un des articles 23 à 23.2 n’est pas inadmissible au titre de l’alinéa (1)b) parce qu’il ne peut prouver qu’il aurait été disponible pour travailler n’eût été la maladie, la blessure ou la mise en quarantaine.

50 (1) Tout prestataire qui ne remplit pas une condition ou ne satisfait pas à une exigence prévue par le présent article n’est pas admissible au bénéfice des prestations tant qu’il n’a pas rempli cette condition ou satisfait à cette exigence.

(2) Toute demande de prestations est présentée de la manière ordonnée au bureau de la Commission qui dessert le territoire où réside le prestataire ou à tout autre endroit prévu par règlement ou ordonné par la Commission.

(3) Toute demande de prestations est présentée sur un formulaire fourni ou approuvé par la Commission et rempli conformément aux instructions de celle-ci.

(4) Toute demande de prestations pour une semaine de chômage comprise dans une période de prestations est présentée dans le délai prévu par règlement.

(5) La Commission peut exiger d’autres renseignements du prestataire relativement à toute demande de prestations.

(6) La Commission peut demander à tout prestataire ou à tout groupe ou catégorie de prestataires de se rendre à une heure raisonnable à un endroit convenable pour présenter en personne une demande de prestations ou fournir des renseignements exigés en vertu du paragraphe (5).

(7) Pour obtenir d’un prestataire la preuve de sa disponibilité pour le travail, la Commission peut exiger qu’il s’inscrive comme demandeur d’emploi à un organisme de placement fédéral ou provincial et qu’il communique avec cet organisme à des moments raisonnables que la Commission ou l’organisme lui fixera.

(8) Pour obtenir d’un prestataire la preuve de sa disponibilité pour le travail et de son incapacité d’obtenir un emploi convenable, la Commission peut exiger qu’il prouve qu’il fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.

(8.1) Pour obtenir d’un prestataire la preuve que les conditions prévues au paragraphe 23.1(2) ou 152.06(1) sont remplies, la Commission peut exiger du prestataire qu’il lui fournisse un autre certificat délivré par un médecin.

(9) Tout prestataire est tenu, sauf autorisation contraire de la Commission, de fournir l’adresse postale de sa résidence habituelle.

(10) La Commission peut suspendre ou modifier les conditions ou exigences du présent article ou des règlements chaque fois que, à son avis, les circonstances le justifient pour le bien du prestataire ou un groupe ou une catégorie de prestataires.

Règlement sur l’assurance-emploi

9.001 Pour l’application du paragraphe 50(8) de la Loi, les critères servant à déterminer si les démarches que fait un prestataire pour trouver un emploi convenable constituent des démarches habituelles et raisonnables sont les suivants :

  1. (a) les démarches du prestataire sont soutenues;
  2. (b) elles consistent en :
    1. (i) l’évaluation des possibilités d’emploi,
    2. (ii) la rédaction d’un curriculum vitae ou d’une lettre de présentation,
    3. (iii) l’inscription à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois électroniques ou d’agences de placement,
    4. (iv) la participation à des ateliers sur la recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi,
    5. (v) le réseautage,
    6. (vi) la communication avec des employeurs éventuels,
    7. (vii) la présentation de demandes d’emploi,
    8. (viii) la participation à des entrevues,
    9. (ix) la participation à des évaluations des compétences;
  3. (c) elles sont orientées vers l’obtention d’un emploi convenable.
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