Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal rejette l’appel.

Aperçu

[2] La partie mise en cause, A. A. (prestataire), a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi. Après examen de la demande, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a approuvé la demande de prestations. La Commission a par la suite imposé un arrêt de paiement en raison d’allégations d’inconduite soulevées par l’appelante, 9089-7679 Québec Inc. (employeur). La Commission a reçu la demande de révision de décision de la prestataire, révisé sa position en faveur de la prestataire et déterminé que les informations étaient insuffisantes pour conclure que la prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. L’employeur a interjeté appel de la décision de révision au Tribunal de la sécurité sociale.

[3] La division générale a déterminé que l’employeur n’a pas réussi à établir que la prestataire a commis l’inconduite reprochée menant à son congédiement. La division générale a jugé que la preuve de l’employeur ne permettait pas d’établir de façon convaincante la réelle conduite de la prestataire, ce qui est fondamental dans un cas d’inconduite. La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas perdu son emploi en raison de sa propre inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

[4] La permission d’en appeler a été accordée par le Tribunal. L’employeur fait valoir que la division générale a erré dans son application du fardeau de la preuve en matière d’inconduite au titre de la Loi sur l’AE. Elle lui aurait imposé un fardeau de preuve trop élevé. L’employeur soutient que la division générale a erré en ignorant la décision de la Cour du Québec, chambre civile, qui a condamné la prestataire à lui rembourser les sommes subtilisées, et la preuve par caméra vidéo qui démontre les gestes fautifs de la prestataire.

[5] Le Tribunal doit déterminer si la division générale a erré dans son application du fardeau de la preuve en matière d’inconduite et en ignorant la preuve de l’employeur.

[6] Le Tribunal rejette l’appel de l’employeur.

Questions en litige

[7] Est-ce que la division générale a erré dans son application du fardeau de la preuve en matière d’inconduite?

[8] Est-ce que la division générale a erré en ignorant la preuve par caméra vidéo de l’employeur et la décision de la Cour du Québec favorable à l’employeur?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[9] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS)Note de bas de page 1.

[10] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.

[11] En conséquence, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Question en litige no 1 : Est-ce que la division générale a erré dans son application du fardeau de la preuve en matière d’inconduite?

Question en litige no 2 : Est-ce que la division générale a erré en ignorant la preuve vidéo de l’employeur et la décision de la Cour du Québec, chambre civile, favorable à l’employeur?

[12] Le Tribunal est d’avis qu’il y a lieu de rejeter l’appel de l’employeur.

[13] Le rôle de la division générale est de déterminer si la conduite de l’employé constitue une inconduite au titre de la Loi sur l’AE et non pas de déterminer si le geste de l’employé constitue un motif valable de congédiementNote de bas de page 2.

[14] D’autre part, la notion d’inconduite n’implique pas qu’il soit nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire, ou du moins, procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendementNote de bas de page 3.

[15] Il est bien établi en droit que le fardeau de la preuve repose sur l’employeur et la Commission qui doivent démontrer, selon la prépondérance des probabilités et non hors de tout doute raisonnable, que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 4.

[16] Étant donné les conséquences sérieuses qui y sont associées, une conclusion d’inconduite doit être fondée sur des éléments de preuve clairs et non sur de simples conjectures et hypothèsesNote de bas de page 5.

[17] Le Tribunal est d’avis que la division générale n’était aucunement liée par la décision de la Cour du Québec. La division générale était libre de vérifier et d’interpréter les faits et d’évaluer la question litigieuse qui lui était présentée.

[18] De plus, contrairement à la conclusion tirée par l’honorable juge Cameron dans la décision de la Cour du Québec, la division générale a conclu que la preuve vidéo ainsi que la preuve documentaire de capture d’écran de cette même bande-vidéo n’étaient pas concluantes et ne permettaient pas de déterminer sur la prépondérance des probabilités que la prestataire s’était adonnée au stratagème frauduleux soulevé par l’employeur.

[19] Le Tribunal considère la preuve par caméra vidéo produite au dossier comme étant la pierre angulaire de la position de l’employeur. Il a donc lui-même visionné à plusieurs reprises la preuve par caméra vidéo, en vitesse normale et au ralenti, et a regardé attentivement la preuve documentaire de capture d’écran de cette même bande-vidéo, le tout en lisant simultanément la description des évènements relatés par la gérante, M. S.Note de bas de page 6. Le Tribunal arrive au même constat que la division générale. La preuve vidéo ainsi que la preuve documentaire de capture d’écran de cette même bande-vidéo ne sont tout simplement pas claires et concluantes.

[20] De plus, la division générale a eu l’occasion d’entendre en personne la prestataire et elle a accordé un poids significatif à son témoignage. Elle a estimé que la prestataire a maintenu la même version des faits au fil de ses nombreuses déclarations à la Commission et lors de son témoignage à l’audience. La division générale a jugé que la prestataire a témoigné de façon convaincante avec logique, cohérence et sans apparence d’embellissement ou d’exagération.

[21] Outre donner sa version des faits et son explication à propos des transactions de transfert de table effectuées sur le système Maître’D (ce qu’elle a fait et qui est accepté par la division générale), la division générale en est venue à bon droit à la conclusion qu’il était contraire à la Loi sur l’AE d’exiger que la prestataire prouve ce qu’elle soutenait ne pas avoir commis.

[22] Conscient que le fardeau de la preuve n’est pas le même en matière de questions criminelles, le Tribunal tient néanmoins à préciser que la prestataire n’a pas fait l’objet d’une poursuite criminelle.

[23] Le Tribunal est donc d’avis que la division générale n’a commis aucune erreur lorsqu’elle a conclu après examen des éléments portés à sa connaissance que l’employeur n’avait pas rempli son fardeau de la preuve selon la prépondérance des probabilités.

[24] La décision de la division générale repose sur les éléments de preuve portés à sa connaissance, et il s’agit d’une décision conforme aux dispositions législatives et à la jurisprudence.

[25] Pour les motifs énoncés précédemment, il y a lieu de rejeter l’appel.

Conclusion

[26] Le Tribunal rejette l’appel.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 28 juin 2018

Téléconférence

Me Sébastien Sénéchal, pour l’appelante.

A. A., intimée.

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