Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] Au début de janvier 2017, le demandeur, G. G. (le prestataire), opérateur d’équipement lourd, a quitté son emploi chez la société mise en cause, X (employeur), peu après la fin de sa formation et de son orientation. Il a prétendu qu’il était fondé à quitter cet emploi parce qu’il a déterminé qu’il y avait eu des changements importants dans ses conditions de travail, de sorte qu’ils constituaient un danger pour sa santé et sa sécurité. Comme il l’a souligné dans l’une de ses lettres, ce n’est qu’après la formation et l’orientation qu’il a conclu qu’il était au courant de ce que le poste impliqueraitNote de bas de page 1. Il a demandé et commencé à recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] Le 1er septembre 2017, la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a avisé le prestataire qu’elle était incapable de verser des prestations à compter du 1er janvier 2017, car elle a déterminé qu’il avait volontairement quitté son emploi auprès de l’employeur sans justification et que le départ volontaire n’était pas sa seule solution raisonnableNote de bas de page 2. Il en est résulté un trop-payé de prestations. Le prestataire a demandé un réexamen de cette décisionNote de bas de page 3. La Commission a tranché en faveur du prestataireNote de bas de page 4. L’appelant a interjeté appel de la décision en réexamen à la division généraleNote de bas de page 5.

[4] La division générale a accueilli l’appel, ayant conclu que le prestataire avait des solutions de rechange raisonnables au départ et qu’il n’avait pas prouvé qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi. Le prestataire demande maintenant la permission d’en appeler parce que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle et n’a pas tenu compte de l’applicabilité des articles 29(c)(vi), 29(c)(ix) et 29(c)(xiii) de la Loi sur l’assurance-emploi. Je dois maintenant décider si l’appel a une chance raisonnable de succès; autrement dit, existe-t-il une cause défendable sur la base de l’un ou l’autre de ces arguments?

[5] Je rejette la demande de permission d’en appeler parce que je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Aussi regrettable que la division générale d’émettre deux rectificatifs distincts ait pu être, il était nécessaire de s’assurer que les renseignements contenus dans la décision étaient exacts. La division générale a expressément mentionné et examiné l’applicabilité de l’article 29(c)(ix) de la Loi sur l’assurance-emploi dans son analyse. En outre, bien que la division générale n’ait pas expressément mentionné les articles 29(c)(iv) ou 29(c)(xiii) de la Loi sur l’assurance-emploi, je conclus qu’elle a en fait examiné la question de savoir si les conditions de travail du prestataire avaient changé de façon importante au point de mettre en danger sa santé ou sa sécurité.

Questions en litige

[6] Voici les questions en litige dont je suis saisie :

  1. Question en litige no 1 : Peut-on soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence?
  2. Question en litige no 2 : Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de considérer l’applicabilité des articles 29(c)(iv), 29(c)(ix) ou 29(c)(xiii) de la Loi sur l’assurance-emploi?

Analyse

[7] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Avant d’accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincue que les moyens d’appel correspondent à ceux qui sont prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La barre est relativement basse. Les prestataires ne sont pas tenus d’établir le bien-fondé de leurs arguments; ils doivent simplement établir que l’appel a une chance raisonnable de succès sur la base d’une erreur susceptible de révision. La Cour fédérale a souscrit à cette approche dans Joseph c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 6.

Question en litige no 1 : Peut-on soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence?

[9] Le prestataire fait valoir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle; il soutient que l’examen de son dossier par la division générale constitue du « harcèlement ». Il constate que la division générale a modifié sa décision « à plusieurs reprises ». La division générale a rendu sa décision initiale le 9 avril 2018 et a émis les rectificatifs le 23 avril 2018 et le 11 juillet 2018.

[10] La justice naturelle vise à faire en sorte que les demandeurs aient une chance équitable de présenter leurs arguments et que les procédures soient équitables et exemptes de partialité. Elle porte sur des questions d’équité procédurale. En l’espèce, il n’est aucunement allégué que la division générale a privé le prestataire de la possibilité de présenter pleinement et équitablement ses arguments ou qu’elle a fait preuve de partialité à son endroit au cours de l’instance. Le prétendu manquement est survenu après le prononcé de la décision, sous forme de rectificatif.

[11] Les rectificatifs sont émis pour corriger les erreurs, omissions ou ambiguïtés.

[12] En l’espèce, le membre de la division générale a apporté plusieurs corrections tout au long de sa décision, principalement parce qu’il avait mal identifié la partie à laquelle il faisait référence. Si la division générale n’avait pas apporté les corrections appropriées pour désigner la bonne partie, la décision aurait été peu logique. Par exemple, au paragraphe 6, la division générale a initialement écrit que [traduction] « l’appelant n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi ». Toutefois, dans les procédures devant la division générale, l’appelant était l’employeur, alors que c’était la mise en cause qui avait quitté volontairement son emploi. Il n’aurait pas été logique que la division générale laisse la décision intacte, ce qui aurait fait en sorte que l’on continue à lire que l’employeur avait quitté volontairement son emploi. La division générale a modifié ce paragraphe en supprimant le mot « appelant » et en le remplaçant par « mis en cause ». Le membre a apporté des corrections semblables tout au long de la décision.

[13] L’autre correction majeure apportée par la division générale à la décision l’a été dans sa conclusion. Au départ, le membre a écrit que l’appel de l’employeur avait été rejeté, mais le membre a par la suite modifié cette décision pour qu’elle indique que l’appel de l’employeur était accueilli. Bien que le prestataire plaide que la décision de la division générale devrait revenir à sa conclusion initiale, il ressort clairement de la décision globale que le membre de la division générale avait initialement l’intention d’accueillir l’appel de l’employeur. Par exemple, dans la section Aperçu, au paragraphe 6, le membre a écrit : « Le Tribunal conclut que l’appelant [le mis en cause] n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi. »

[14] Aux paragraphes 35 à 45, le membre s’est demandé si le prestataire était fondé à quitter son emploi. Le membre a déterminé que [traduction] « compte tenu de toutes les circonstances, [il a conclu] que l’appelant [le mis en cause] disposait de solutions de rechange raisonnables pour quitter son emploi et [qu’il n’avait] pas prouvé qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi conformément aux articles 29 et 30 de la Loi ». Compte tenu de la décision globale, il en découlait logiquement que le membre accueillait l’appel de l’employeur et que le paragraphe 46 devait être corrigé pour refléter cette décision.

[15] Bien que les changements, particulièrement ceux qui ont été apportés au paragraphe 46, étaient malheureux, ils étaient nécessaires pour corriger les erreurs accidentelles et pour s’assurer que la décision reflétait fidèlement les constatations et la conclusion du membre. Quoique le membre ait émis deux rectificatifs distincts, dont un plusieurs mois après la publication initiale de la décision, et quoique le résultat corrigé ait certainement été dérangeant, il ne s’agit pas de harcèlement. Comme je l’ai mentionné précédemment, la justice naturelle a trait à l’équité procédurale ainsi qu’à l’assurance que les demandeurs ont une chance équitable de présenter leurs arguments et que les procédures sont équitables et libres de toute partialité. La publication des rectificatifs bien après la fin des procédures ne relève pas de cette sphère. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce fondement.

Question en litige no 2 : Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de considérer l’applicabilité des articles 29(c)(iv), 29(c)(ix) ou 29(c)(xiii) de la Loi sur l’assurance-emploi?

[16] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas apprécié la preuve qui lui a été présentée et qu’elle n’a donc pas tenu compte de l’applicabilité des articles 29c)(iv), 29(c)(ix) et 29(c)(xiii) de la Loi sur l’assurance-emploi. Il prétend que la division générale aurait déterminé qu’il était justifié de le faire si elle avait tenu compte de la preuve.

[17] L’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi s’il n’a d’autre choix raisonnable que de le quitter, compte tenu de toutes les circonstances, notamment :

(iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,

[...]

(ix) modification importante des fonctions,

(xiii) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

[18] Le prestataire soutient qu’il s’attendait à ce que le travail d’opérateur d’équipement comprenne une composante physique, mais qu’il ne s’attendait pas à ce qu’il soulève des poteaux téléphoniques. Il prétend que cela constituait un changement important dans ses fonctions. De même, il s’attendait également à ce que l’employeur fournisse un logement si le chantier se trouvait à une grande distance des bureaux de l’employeur, une pratique courante dans l’industrie de la construction. Au départ, l’employeur s’attendait à ce que le prestataire se déplace sur une distance de près de 150 km à chaque trajet seulement pour se rendre au lieu de travail. Le prestataire soutient que le fait de conduire sur de telles distances dans des conditions routières difficiles pour se rendre sur les chantiers a non seulement représenté un changement important dans les fonctions, mais aurait aussi mis en danger sa sécurité et celle des personnes avec lesquelles il devait travailler. Finalement, l’employeur a renoncé et accepté de fournir un logement au prestataire, mais le prestataire craignait que l’employeur puisse modifier ses conditions de travail ou ses fonctions plus tard.

[19] Au paragraphe 42, la division générale a fait référence à l’article 29(c)(ix) de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a examiné la preuve et a conclu qu’aucune preuve n’indiquait que l’employeur apporterait des changements importants aux fonctions du prestataire qui comportaient des déplacements.

[20] La division générale a noté les préoccupations du prestataire selon lesquelles il devrait effectuer un travail exigeant physiquement. Elle a également souligné la réponse de l’employeur selon laquelle les ouvriers effectueraient un tel travail. La division générale a déterminé que comme le prestataire n’était pas resté employé assez longtemps, ses préoccupations étaient de nature spéculative, de sorte qu’elle n’a pu conclure qu’il y avait eu des changements importants dans les fonctions. Par conséquent, on ne peut dire que la division générale n’a pas tenu compte de l’applicabilité de l’article 29(c)(ix) et n’a pas déterminé s’il y avait eu des changements importants dans les fonctions.

[21] Le prestataire a soulevé des préoccupations au sujet du danger pour sa santé ou sa sécurité en prévision de déplacements sur des distances appréciables entre le bureau de l’employeur et les chantiers. La division générale n’a pas expressément mentionné les articles 29(c)(iv) ou 29(c)(xiii) de la Loi sur l’assurance-emploi, mais elle a déterminé que les préoccupations du prestataire étaient théoriques, car une fois que l’employeur en a pris connaissance, il a indiqué qu’il paierait l’hébergement du prestataire pendant la semaine de travail, de sorte que le prestataire ne serait pas tenu de se déplacer entre le bureau et les chantiers. Bien que les préoccupations du prestataire au sujet d’éventuels changements à son milieu de travail aient pu être raisonnables, la division générale a indiqué qu’elles étaient aussi spéculatives et qu’elles n’avaient pas encore été confirmées. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale n’a pas tenu compte de l’applicabilité des articles 29(c)(iv) ou 29(c)(xiii) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[22] Pour l’essentiel, le prestataire demande une réévaluation ou une nouvelle audience sur la question de la justification. Toutefois, l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS ne prévoit que des moyens d’appel limités. Il ne permet pas de réévaluer la preuve ni de réentendre l’affaire.

[23] En passant, je note qu’il y a des éléments de preuve qui laissent entendre que l’employeur n’a peut-être pas pleinement décrit certains aspects de l’emploi et que le prestataire a fait certaines hypothèses sur ce que le travail comporterait. Au cours de la formation et de l’orientation, il en a appris davantage sur ce qu’impliquerait le travail et sur les attentes de l’employeur à son égard. La division générale aurait dû déterminer si ce scénario, en fait, représentait un changement important dans les fonctions. Si l’on s’était attendu à ce que le prestataire exerce ces fonctions tout au long du processus, cela n’aurait peut-être pas modifié les fonctions, même si le prestataire n’avait pas posé de questions au sujet de ses fonctions et n’en connaissait rien.

[24] J’ai examiné le dossier sous-jacent et je ne constate pas que la division générale a négligé ou mal interprété des éléments de preuve clés ou qu’elle a commis une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier.

Conclusion

[25] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

 

Représentant :

G. G., demandeur

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