Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La Commission n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que la suspension non disciplinaire sans solde de l’appelant a été causée par son inconduite.

Aperçu

[2] L’appelant a été suspendu sans solde par son employeur, X, à partir du 22 janvier 2018 après avoir été accusé de possession et de distribution de pornographie juvénile. Le syndicat de l’appelant a déposé un grief pour contester la suspension sans solde, soutenant qu’elle était en contravention avec la convention collective qui régissait l’emploi; l’appelant a nié les accusations et a été libéré sous caution. L’appelant a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi (prestations d’AE), mais l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, l’a exclu du bénéfice des prestations, parce qu’elle a conclu qu’il avait [traduction] « perdu son emploi » par suite de son inconduite. L’appelant a soutenu qu’il n’avait pas été reconnu coupable de quoi que ce soit, et que son congé n’était pas de nature disciplinaire, mais qu’il avait plutôt été imposé pour permettre à l’employeur d’enquêter sur la situation. La Commission a maintenu l’exclusion initiale, et l’appelant a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Questions préliminaires

[3] L’audience a commencé le 23 août 2018, mais elle a été ajournée afin de permettre à l’appelant d’obtenir et de déposer des documents et des éléments de preuve supplémentaires pour appuyer ses observations. Ces documents ont été déposés (GD7) et communiqués à la Commission, qui a indiqué qu’elle n’avait pas d’observation supplémentaire à présenter pour y répondre. L’audience s’est ensuite continuée et conclue le 10 septembre 2018. L’appelant a déposé d’autres documents lors de l’audience (GD8) et ceux-ci ont aussi été communiqués à la Commission, qui a de nouveau indiqué qu’elle n’avait aucune réponse à formuler.

Question en litige

[4] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations d’AE parce que son employeur lui aurait imposé une suspension sans solde par suite d’un comportement qui constituerait une inconduite au titre de l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE)?

Analyse

[5] Les dispositions législatives pertinentes sont présentées à l’annexe de la présente décision.

[6] L’article 30 de la Loi sur l’AE prévoit que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’AE s’il perd son emploi ou est suspendu de celui-ci en raison de son inconduite.

[7] Il incombe à la Commission de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite (Larivee, A-473-06; Falardeau, A-396-85).

[8] Le terme « inconduite » n’est pas défini dans la Loi sur l’AE. Son sens pour l’application de la Loi sur l’AE a plutôt été établi par la jurisprudence des tribunaux judiciaires et des tribunaux administratifs qui se sont penchés sur l’article 30 de la Loi sur l’AE et qui ont énoncé des principes directeurs dont il faut tenir compte lors de l’étude des circonstances de chaque cause.

[9] Pour prouver qu’il y a eu inconduite, il faut démontrer que le prestataire s’est comporté autrement que de la façon dont il aurait dû se comporter et qu’il l’a fait de manière volontaire ou délibérée ou avec une insouciance telle qu’il frôlait le caractère délibéré (Eden, A-402-96). Pour qu’un acte soit qualifié d’inconduite, il doit être démontré que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son comportement était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié (Lassonde, A-213-09; Mishibinijima, A-85-06; Hastings, A-592-06; Lock, 2003 CAF 262); et que ce comportement nuirait au rendement professionnel du prestataire ou nuirait aux intérêts de l’employeur ou nuirait de façon irréparable à la relation employeur-employé (CUB 73528).

[10] Comme la Cour d’appel fédérale l’a établi dans l’arrêt Macdonald, A-152-96, le Tribunal doit déterminer la véritable cause de la cessation d’emploi du prestataire et si cela constitue une inconduite au sens de l’article 30 de la Loi sur l’AE.

Question en litige no 1 : Quel comportement a mené l’appelant à être suspendu de son emploi le 19 janvier 2018?

[11] Pour le Tribunal, la première étape du processus est d’établir la raison pour laquelle l’appelant a été suspendu de son emploi le 19 janvier 2018.

[12] La seule preuve présentée par l’employeur est le relevé d’emploi (RE) à GD3-22, qui montre que l’appelant a travaillé comme enseignant à l’élémentaire du 25 septembre 2006 au 19 janvier 2018 et où il est inscrit que la raison d’émission du RE est [traduction] « Autre », avec comme [traduction] « Commentaires » dans le champ 18 [traduction] « Congé – Suspension ».

[13] Il est regrettable que l’employeur n’ait jamais répondu aux appels ou à la correspondance de la Commission à un moment ou à un autre lors des demandes initiales et durant le processus de révision (voir GD3-25, GD3-30, la lettre à GD3-31, et GD3-34).

[14] À l’audience, l’appelant a fourni deux documents de correspondance venant de son employeur qui ont permis d’expliquer le sens de [traduction] « Congé – Suspension », notamment ce qui suit :

  1. Lettre du 3 janvier 2018 de l’employeur à l’appelant (GD8-4), où l’on avisait celui‑ci qu’il était [traduction] « suspendu à la maison avec solde et avantages sociaux » jusqu’à nouvel ordre [traduction] « à la suite d’une enquête de la police régionale de Waterloo », mais qu’on s’attendait à ce qu’il soit disponible pour répondre au X durant les heures normales de travail.
  2. Lettre du 12 janvier 2018 de l’employeur à l’appelant (GD8-3), où il était question de la suspension précédente de l’appelant avec solde et avantages sociaux, imposée [traduction] « à la suite de votre arrestation et de l’enquête policière qui a suivi », où on l’avisait qu’on n’avait pas pu trouver de tâches de remplacement qui [traduction] « puissent respecter les paramètres énoncés dans vos conditions de remise en liberté sous caution » et, par conséquent, où l’on changeait le statut de l’appelant à [traduction] « suspendu à la maison sans solde ».

Cet employeur a aussi écrit ce qui suit (à GD8-3) :

[traduction]

« Cette suspension de salaire n’est pas de nature disciplinaire, mais vise à permettre [X] d’étudier la question en profondeur et d’agir en conséquence. » [mis en évidence par la soussignée]

[15] L’appelant a affirmé qu’il n’avait eu aucune autre communication avec l’employeur depuis la lettre du 12 janvier 2018.

[16] En se fondant sur les lettres de l’employeur et le témoignage de l’appelant, le Tribunal conclut que les mots « Congé – Suspension » indiqués dans le champ « Commentaires » sur le RE signifient que l’appelant a été mis en congé et que son salaire a été suspendu pour des raisons non disciplinaires.

[17] Le 24 janvier 2018, le syndicat de l’appelant a déposé un grief pour contester la décision de l’employeur d’imposer une suspension sans solde à l’appelant à partir du 22 janvier 2018, jugeant cette décision arbitraire, discriminatoire et en violation de la convention collective applicable. Le syndicat a demandé le rétablissement du salaire, des avantages sociaux et des autres indemnités de l’appelant, y compris le paiement rétroactif du salaire et des avantages sociaux (GD7).

[18] L’appelant a déclaré ce qui suit :

  • Son syndicat lui a conseillé de passer outre à l’étape de la médiation de la procédure de règlement des griefs et d’aller directement en arbitrage. Une audience d’arbitrage est prévue le 1er avril 2019.
  • Entretemps, il conteste la façon dont l’employeur a interprété ses conditions de remise en liberté sous caution et il a demandé à son syndicat de [traduction] « s’assurer » qu’il puisse travailler au bureau central de son employeur pour accomplir des tâches qui ne seraient pas liées à l’enseignement, comme du travail de bureau, de la recherche, l’élaboration de programmes d’études ou un autre rôle administratif.
  • De plus, il conteste énergiquement les accusations criminelles portées contre lui, et son procès doit commencer le 6 mars 2019.
  • Il nie avec véhémence avoir jamais possédé ou distribué de la pornographie juvénile. Il croit qu’un pirate informatique, une tierce partie inconnue, s’est servi de son adresse IP pour publier en ligne des images et des vidéos inappropriées. Une plainte a été déposée et la police a obtenu un mandat de perquisition pour consulter le contenu de ses appareils électroniques où elle a trouvé trois à sept images et une vidéo, ce qui a mené aux accusations portées contre lui. Cependant, l’appelant est en train de retenir les services d’un expert pour prouver qu’une tierce partie a piraté son adresse IP et a placé les images et la vidéo en question dans les [traduction] « fichiers temporaires » sans qu’il le sache.

[19] Aucune preuve n’a été présentée devant le Tribunal démontrant que l’appelant a déjà possédé et/ou distribué de la pornographie juvénile. Bien qu’il ait effectivement été accusé d’avoir commis ces infractions très graves et hautement répréhensibles, il n’a pas été reconnu coupable et il nie avec véhémence avoir eu connaissance des images et de la vidéo trouvées sur son ordinateur.

[20] Qui plus est, l’employeur n’a fourni aucune preuve en lien avec son enquête sur l’arrestation de l’appelant ni aucune conclusion qu’il aurait tirée du comportement reproché à l’appelant.

[21] On ne dispose même pas de suffisamment de détails pour tirer une conclusion sur ce qu’on reproche précisément à l’appelant lui-même pour que ces accusations soient portées contre lui. Cela est évident dans la lettre de l’employeur datée du 12 janvier 2018 qui l’avisait qu’il avait été mis en congé non disciplinaire afin de [traduction] « permettre au [X] d’étudier la question en profondeur et d’agir en conséquence » (GD8-3).

[22] Pour tous ces motifs, le Tribunal conclut que l’appelant a été mis en congé sans solde non disciplinaire parce qu’il a été accusé de possession et de distribution de pornographie juvénile et que son employeur voulait examiner la question et décider de la mesure à prendre, mais ce dernier n’a pas été en mesure de trouver un rôle convenable à l’appelant en attendant, à cause de ses conditions de remise en liberté sous caution.

Question en litige no 2 : Ce comportement constitue-t-il une « inconduite » pour l’application de la Loi sur l’AE?

[23] Le fait d’être accusé d’une infraction criminelle n’équivaut pas à celui d’avoir commis l’infraction criminelle. Cela est valable, peu importe à quel point l’infraction est odieuse.

[24] Quoique le Tribunal croit que la possession et la distribution de pornographie juvénile sont des crimes abominables et qu’il condamne fermement ces actions, il n’existe que des allégations non prouvées liées aux accusations elles-mêmes pour démontrer que l’appelant aurait eu un tel comportement. En tant que tel, le fait que des accusations ont été portées doit être considéré dans le contexte de la présomption d’innocence prévue à l’article 11(d) de la Charte canadienne des droits et libertés et soupesé en tenant compte de l’affirmation de l’appelant selon laquelle il est innocent des crimes dont il est accusé et a été victime d’un pirate informatique inconnu.

[25] La Cour d’appel fédérale a examiné une situation semblable dans l’arrêt Meunier, A-130-96, où un requérant avait été suspendu sans solde en attendant que des accusations pour agression sexuelle soient portées. Dans l’arrêt Meunier, supra, la Cour a jugé que la Commission ne s’était pas acquittée du fardeau de prouver l’inconduite du requérant :

Il n’est pas suffisant, pour démontrer l’inconduite que sanctionne l’article 28 [maintenant l’article 30 de la Loi sur l’AE] et le lien entre cette inconduite et l’emploi, de faire état du dépôt d’allégations de nature criminelle non encore prouvées au moment de la cessation d’emploi et de s’en remettre, sans autre vérification, aux spéculations de l’employeur. Les conséquences qui s’attachent à une perte d’emploi en raison d’inconduite sont sérieuses. On ne peut pas laisser la Commission et, après elle, le conseil arbitral et le juge-arbitre, se satisfaire de la seule version des faits, non vérifiée, de l’employeur à l’égard d’agissements qui ne sont, au moment où l’employeur prend sa décision, qu’allégations non prouvées. Il est certain que la Commission pourra se décharger de son fardeau plus facilement si l’employeur a pris sa décision, par exemple, après la tenue de l’enquête préliminaire et, a fortiori, s’il l’a prise après le procès.

[26] En l’espèce, même si X a refusé de répondre aux demandes de la Commission, il est impossible de contester le fait que l’appelant a été mis en congé sans solde en raison d’allégations non prouvées. Ainsi, cette situation s’inscrit parfaitement dans le cadre d’analyse de l’arrêt Meunier, supra, et d’autant plus parce que l’employeur a lui-même qualifié la suspension de salaire de non disciplinaire (GD8-3).

[27] La Commission s’appuie sur la décision de la Cour d’appel fédérale Canada (PG) c Larivee, 2007 CAF 312 pour soutenir qu’elle n’a pas à démontrer que le prestataire a été reconnu coupable des accusations qui pesaient contre lui pour établir qu’il a commis l’action qui constituait l’inconduite (GD4-5). Toutefois, même si la Cour, dans l’arrêt Larivee, était d’accord avec la Commission sur le fait qu’une condamnation n’était pas nécessaire pour prouver une inconduite, elle a tout de même conclu que la Commission ne s’était pas déchargée du fardeau de prouver que les actions du prestataire étaient une inconduite, car elle avait fondé sa décision sur de vagues aveux du prestataire, qui constituaient du ouï-dire, l’affaire n’avait pas fait l’objet d’un procès et il n’y avait aucune preuve de culpabilité, et parce que la Commission n’avait présenté aucune preuve concernant les actions contestées elles-mêmes. L’arrêt Larivee soutient véritablement la position de l’appelant, surtout que, dans le cas de l’appelant, il n’existe aucun vague aveu sur lequel la Commission pourrait s’appuyer.

[28] La Cour d’appel fédérale a soutenu que, pour conclure à une inconduite, avec les conséquences graves qui s’ensuivent, il faut se fonder sur une preuve claire liée au comportement comme tel et non pas seulement sur des conjectures et des suppositions, et qu’il revient à la Commission de prouver l’existence de cette preuve indépendamment de l’opinion de l’employeur (Crichlow, A-562-97). Il doit y avoir suffisamment d’éléments de preuve détaillés déposés devant le Tribunal pour que celui-ci puisse établir la façon dont l’employé a agi et juger si le comportement constituait une inconduite (Joseph c CEIC, A‑636‑85).

[29] Le Tribunal doute du fait que l’appelant ait eu en sa possession et distribué de la pornographie juvénile. L’appelant nie avoir eu connaissance des images et de la vidéo qui ont mené aux accusations portées contre lui et, dans le monde actuel où l’atteinte à la protection des données internet, le vol d’identité et le cybercrime sont courants, il a présenté une défense plausible contre ces accusations. À ce titre, le Tribunal doit s’appuyer sur les jugements de la Cour d’appel fédérale dans les décisions Joseph, supra et MEI c Bartone, A-369-88, et donner le bénéfice du doute à l’appelant.

[30] Le Tribunal fait également remarquer qu’il y a une preuve convaincante que l’appelant a cherché à conserver son emploi rémunérateur pendant qu’il contestait les accusations portées contre lui. La première lettre qu’il a reçue du X informait l’appelant qu’il ferait l’objet d’une suspension avec solde et avantages sociaux et que l’employeur s’attendait à ce que l’appelant soit disponible pour son employeur durant les heures normales de travail (GD8‑4). Puis, X l’a avisé qu’il n’était pas en mesure de trouver des tâches de remplacement qui respectaient les conditions de remise en liberté sous caution de l’appelant et qu’il devait donc modifier son statut à [traduction] « suspendu à la maison sans solde », même si la suspension de son salaire constituait une mesure non disciplinaire (GD8-3). Le syndicat de l’appelant a ensuite contesté la suspension du salaire (GD7-2 à GD7-3). L’appelant a affirmé qu’il avait continué de demander à son employeur de lui confier des tâches rémunératrices, en invoquant ce qui suit :

  • Il est au courant que d’autres enseignants ne pouvaient plus se trouver dans une salle de classe ou côtoyer des élèves à cause de l’éclosion d’une maladie contagieuse (par exemple, une enseignante enceinte qui ne pouvait pas se trouver dans une école où il y avait une éclosion de la cinquième maladie). En pareil cas, l’enseignant est retiré de l’école et est affecté au bureau du X pour y accomplir des tâches administratives, tout en continuant à recevoir son salaire. Il est au courant d’un cas où l’enseignant a été retiré et s’est vu confier des tâches de remplacement au bureau du X pendant plus de trois mois en raison de problèmes de santé.
  • Son employeur l’a obligé à prendre [traduction] « un congé sans solde involontaire » et il se sert de ses conditions de remise en liberté sous caution comme prétexte. Mais ces conditions l’empêchent seulement d’exécuter son travail normal en salle de classe.
  • L’appelant cherche à accomplir du travail administratif rémunérateur au bureau central de l’employeur depuis la suspension de son salaire. Mais l’employeur a dit à son syndicat qu’il [traduction] « ne pouvait pas lui garantir un environnement de travail sans enfant ».
  • Ce n’est pas ce que ses conditions de remise en liberté exigent (voir le Recognizance of Bail [engagement de caution] à GD8-1 et GD8-2). Elles précisent seulement que l’appelant ne peut pas se trouver en compagnie d’un mineur. Son avocat lui a expliqué la différence entre [traduction] « en compagnie de » et [traduction] « au même endroit que ». Par exemple, si l’appelant se rend au restaurant Tim Horton’s et prend un café, et qu’un enfant entre dans le restaurant, l’appelant ne se trouverait pas en contravention avec ses conditions de remise en liberté simplement parce qu’il se trouve là, ni serait-il dans l’obligation que quitter le Tim Horton’s. L’appelant ne serait pas considéré comme étant en compagnie du client mineur.
  • X aurait pu le payer pour occuper une autre fonction, accomplir des tâches administratives, élaborer des programmes d’études, faire de la recherche, préparer des rapports ou même effectuer des tâches simples de comptabilité. En fait, l’appelant devait passer une entrevue au X pour un poste de mentor pédagogique pour les nouveaux enseignants avant d’être accusé. Il aurait facilement pu travailler au programme de mentorat et recevoir son salaire au cours des huit derniers mois.
  • Bien que la lettre de l’employeur datée du 12 janvier 2018 précise que la suspension de salaire n’est pas une mesure disciplinaire, mais visait à [traduction] « permettre au [X] d’étudier la question en profondeur et d’agir en conséquence », personne au X n’a communiqué avec l’appelant, ou son avocat, pour demander quelque renseignement qui soit ou procéder à une enquête. Il y a maintenant 10 mois que cette lettre a été écrite et, à sa connaissance, X n’a rien fait concernant sa propre enquête sur cette affaire.
  • Il croit que son employeur veut que toute l’affaire disparaisse tout bonnement en raison de la nature des accusations portées contre lui, et qu’il n’entreprend aucune démarche délibérément jusqu’à ce que la procédure criminelle soit conclue.
  • Cependant, l’appelant a demandé à son syndicat de clarifier ses conditions de remise en liberté avec l’employeur, et il espère que cela lui permettra de travailler au bureau du X dans l’attente du procès criminel, ce qu’il demande depuis le début.

[31] L’appelant fait valoir que l’employeur ne veut tout simplement pas qu’un enseignant qui fait l’objet de telles accusations effectue pour lui un travail rémunérateur, peu importe la fonction. Le Tribunal convient qu’il s’agit probablement de la véritable raison pour laquelle l’appelant a été mis en congé sans solde. Le Tribunal fait aussi remarquer que cela se trouve en dehors du contrôle de l’appelant, puisqu’il nie avoir agi de manière à mériter les accusations portées contre lui et qu’il fait tout ce qu’il peut pour contester ces accusations.

[32] Même si l’employeur avait conclu qu’il n’était plus dans son intérêt de payer l’appelant alors qu’il était [traduction] « suspendu à la maison », il ne revient pas au Tribunal de déterminer si les mesures appliquées par l’employeur étaient justifiables ou représentaient une sanction adéquate (Caul, 2006 CAF 251), mais il lui faut plutôt juger si le comportement en question constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’AE (Marion, 2002 CAF 185).

[33] Le Tribunal a des doutes quant au fait que l’appelant aurait possédé et distribué de la pornographie juvénile et il n’est pas non plus convaincu que le fait d’être accusé de ces infractions criminelles constitue une « inconduite » au sens de la Loi sur l’AE. Pour les motifs qui précèdent, aucune preuve ne démontre de façon concluante un comportement délibéré et imprudent de la part de l’appelant et pour lequel celui-ci savait ou aurait dû savoir qu’il serait mis en congé sans solde non disciplinaire de son emploi.

Conclusion

[34] Le Tribunal estime que la Commission n’a pas prouvé selon la prépondérance des probabilités que l’appelant a été mis en congé sans solde de son emploi au X en raison de son inconduite. Le Tribunal conclut donc que l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations au titre de l’article 30 de la Loi sur l’AE.

[35] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 23 août 2018 et le 10 septembre 2018

Téléconférence

R. G., appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin;
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre;
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert.
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

Règlement sur l’assurance-emploi

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