Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – antidatation – pouvoirs de la DA
La division générale (DG) a confirmé le refus de la Commission d’antidater deux demandes du prestataire parce qu’il n’avait pas de motif valable justifiant son retard à les déposer. La division d’appel (DA) a jugé que la DG avait commis une erreur de fait; elle a ignoré que le défendeur avait eu besoin de l’aide de ses enfants pour consulter un avocat et un psychologue et mieux géré ses demandes. Au lieu de renvoyer l’affaire à la DG pour qu’elle corrige l’erreur et réexamine l’affaire, la DA a rendu la décision que la DG aurait dû rendre. Au final, la DA a quand même donné raison à la Commission pour refuser l’antidatation en l’absence de motif valable. La Commission a demandé un contrôle judiciaire de la décision de la DA en Cour Fédérale d’Appel (CAF).

La CAF conclut que la DG a appliqué le bon cadre d’analyse aux faits mis en preuve et que la DA ne pouvait intervenir. Il aurait fallu que le DA établisse comment l’erreur de fait en question est fatale au prestataire et ainsi motiver son intervention – cette erreur devait être déterminante. Si elle avait agi de la sorte, la DA aurait du même coup écarté la présomption que la DG a tenu compte de l’ensemble de la preuve. C’est une grave lacune sur le plan de la cohérence interne de la décision de la DA et la CAF se doit donc d’intervenir.

De plus, en s’autorisant à rendre la décision que la DG aurait dû rendre, la DA a fait indirectement ce qu’elle ne peut faire directement, soit réévaluer l’affaire au fond et substituer ses propres conclusions à celles de la DG. La DA ne pouvait s’approprier un tel rôle sans outrepasser ses pouvoirs. Elle a donc commis une deuxième erreur. Pour ces deux raisons, la demande de contrôle judiciaire a été accueillie, la décision de la DA est annulée, et la CAF a rendu la décision que la DA aurait dû rendre en maintenant la décision de la DG.

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Décision et motifs

Décision

[1] La permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada le 29 juin 2018 est accordée.

Aperçu

[2] Le demandeur, J. M., a présenté une demande des prestations d’assurance-emploi (AE) en mai 2016 relativement à la suspension de son emploi en février 2016. Il a aussi présenté une demande de renouvellement de ses prestations en octobre 2017. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a refusé la demande parce que le demandeur n’a pas établi un motif valable justifiant le retard dans la présentation de ses demandes.

[3] Le demandeur soutient qu’il avait plusieurs raisons justifiant le retard : il contestait la suspension et avait porté plainte contre l’employeur; la suspension l’avait grandement affecté sur le plan psychologique; la Commission n’avait pas donné suite à sa demande initiale déposée au moment de la suspension; il avait touché des prestations de maladie de l’AE et croyait être inadmissible aux prestations régulières d’AE.

[4] Le demandeur a interjeté appel de la décision de la Commission. La division générale a conclu que le demandeur n’avait pas de motif valable justifiant son retard.

[5] Le demandeur soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, a rendu une décision entachée d’une erreur de droit et a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits du dossier d’appel.

[6] L’appel a une chance raisonnable de succès, car il y a un argument selon lequel la division générale a erré dans son interprétation et son application de la loi applicable.

Question en litige

[7] Est-ce qu’il y a un argument selon lequel la division générale a erré lorsqu’elle a conclu que le demandeur n’avait pas de motif valable justifiant son retard?

Analyse

[8] Un demandeur doit demander la permission d’interjeter appel d’une décision rendue par la division générale. La division d’appel doit accorder ou refuser la permission d’en appeler, et un appel ne peut être interjeté que si la permission est accordéeNote de bas de page 1.

[9] Avant de pouvoir accorder la permission d’en appeler, je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succès. En d’autres termes, y a-t-il un motif d’appel selon lequel l’appel pourrait avoir gain de causeNote de bas de page 2?

[10] La permission d’en appeler est refusée si la division d’appel est satisfaite que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3 fondée sur une erreur susceptible de révision. Les seules erreurs susceptibles de révision sont les suivantesNote de bas de page 4 : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence; elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] Bien que le demandeur a présenté plus d’un moyen d’appel, la division d’appel n’a pas besoin d’aborder de tous les motifs soulevés. Lorsque les différents moyens d’appel sont interdépendants, il peut être difficile d’analyser chaque motif séparément. Un moyen d’appel peut suffire à justifier l’autorisation d’interjeter appelNote de bas de page 5. Par conséquent, j’aborderai une erreur potentielle qui justifie de mener un examen plus approfondi et non toutes les erreurs possibles.

Est-ce qu’il y a un argument selon lequel la division générale a erré en concluant que le demandeur n’avait pas de motif valable justifiant son retard?

[12] Selon le demandeur, la division générale a erré dans son application de la loi en imposant un fardeau de preuve qui excède celui requis par la jurisprudence applicable.

[13] Il soutient aussi que bien que la division générale a reconnu le critère applicable comme étant objectif et subjectif, la division générale a refusé et a omis arbitrairement de considérer des éléments déterminants portés à sa connaissance. Autrement dit, la division générale a mal appliqué le critère légal.

[14] Si la division générale a mal appliqué ou mal interprété la jurisprudence applicable ou le critère légal, elle aurait rendu une décision entachée d’une erreur de droit. Si elle a imposé le mauvais fardeau de preuve, elle aurait aussi rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[15] Il est trop tôt pour que la division d’appel se prononce sur la question de savoir si la division générale a erré dans son interprétation et l’application de la jurisprudence ou le critère légal ou du fardeau de preuve, mais il y a un motif d’appel selon lequel l’appel puisse avoir gain de cause.

[16] Pour ces raisons, je conclus qu’il y a un argument selon lequel la division générale a erré en droit.

Conclusion

[17] La permission d’en appeler est accordée.

[18] J’invite les parties à présenter des observations sur la question de savoir si une audience est nécessaire; le cas échéant, sur le mode d’audience qui convient, ainsi que sur le fond de l’appel.

 

Représentant :

Alain Béliveau, avocat du demandeur J. M.

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