Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

Aperçu

[2] L’appelant, J. K. (prestataire), a travaillé pour X jusqu’au 2 août 2016, date à laquelle il a été mis à pied en raison d’un manque de travail. Il a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi et a commencé à toucher des prestations. Plus tard au courant de la même année, il a déposé une plainte à l’endroit de son ancien employeur en application de l’Employment Standards Act [loi sur les normes d’emploi] de la Colombie-Britannique, dans le cadre d’un litige concernant le salaire. Le prestataire et son employeur sont ensuite arrivés à une entente de règlement, aux termes de laquelle l’employeur a accepté de verser au prestataire un montant totalisant 1 628,84 $Note de bas de page 1. L’entente de règlement précisait que le montant du règlement constituait un salaire brut duquel l’employeur pouvait déduire les retenues obligatoires. Le prestataire a avisé l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, qu’il avait reçu le montant du règlement de 1 628,84 $.

[3] La Commission a déterminé que le paiement de règlement de 1 628,84 $ constituait une rémunération et l’a appliquée à la demande d’assurance-emploi du prestataire pour la période du 29 janvier 2017 au 11 février 2017Note de bas de page 2. Le prestataire a demandé une révision et a insisté sur le fait que le montant du règlement représentait un paiement des heures supplémentaires pour la période du 2 février 2016 au 2 août 2016Note de bas de page 3. Après révision, la Commission a réparti le montant rattaché au paiement de règlement [traduction] « sur [ses] gains hebdomadaires normaux du 31 juillet 2016 au 12 novembre 2016Note de bas de page 4 ».

[4] Le prestataire a interjeté appel de la décision de révision auprès de la division générale; il a fait appel de la détermination et de la répartition des gains et a soutenu que le montant de [traduction] « 1 309 $ [sic] représentait un règlement pour une portion des heures supplémentaires qui lui étaient payablesNote de bas de page 5 ». Il a soutenu que ce salaire avait été accumulé au cours de la période de six mois qui précédait le 2 août 2016, lorsque son emploi avait pris fin. La division générale a tenu une audience le 20 février 2018. Le prestataire a déposé des documents additionnels à la suite de l’audience pour établir que le paiement de règlement représentait des heures supplémentaires non payées entre le 4 août 2015 et le 2 août 2016Note de bas de page 6. La division générale a rejeté l’appel. Elle a déterminé que les sommes du règlement étaient [traduction] « des salaires pour des dîners en heures supplémentaires pour la période du 2 février 2016 au 2 août 2016 » et que la somme de 1 628,84 $ constituait des gains d’emploi qui devaient être répartis conformément à l’article 36(9) du Règlement sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7. La division générale a aussi établi que les gains avaient été correctement répartis par la Commission, dès la semaine de la cessation d’emploi du 31 juillet 2016.

[5] Le prestataire a demandé la permission d’en appeler relativement à la détermination et à la répartition des gains. J’ai accordé la permission d’en appeler parce que j’étais convaincue qu’il existait une cause défendable selon laquelle la division générale avait commis une erreur de droit dans sa répartition des gains lorsqu’elle a déterminé que le paiement de règlement était en lien avec la mise à pied du prestataire ou la cessation d’emploi, malgré le fait qu’elle avait déterminé que le paiement de règlement visait à l’indemniser pour des [traduction] « heures supplémentaires impayées pour des dîners ». La Commission concède maintenant l’appel.

Questions en litige

[6] Je dois examiner les deux questions suivantes :

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit ou de fait lorsqu’elle a déterminé que les sommes du règlement représentaient des gains?
  2. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit ou de fait lorsqu’elle a déterminé que les sommes du règlement devaient être réparties sur la période s’échelonnant entre le 31 juillet 2016 et le 2 novembre 2016?

Analyse

[7] Conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur relativement à chacun de ces éléments. Il fait valoir que la division générale a commis une erreur, premièrement, en déterminant que le paiement de règlement représentait des gains et, deuxièmement, en répartissant les sommes à partir de la semaine de la cessation d’emploi plutôt que dans la période pendant laquelle il avait rendu des services.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit ou de fait lorsqu’elle a déterminé que les sommes du règlement représentaient des gains?

[9] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a déterminé que les sommes du règlement représentaient des gains parce qu’elle a omis d’évaluer si l’article 35(7) du Règlement s’appliquait. Le paragraphe prévoit que toute augmentation rétroactive de salaire ou de traitement (entre autres) ne constitue pas des gains aux fins de l’article 35(2) du Règlement.

[10] Dans le cadre de mon examen de cette affaire, je n’ai pas constaté d’élément de preuve portés à la connaissance de la division générale qui laissent entendre que les sommes du règlement représentaient une augmentation de salaire ou de traitement. En effet, le prestataire a toujours soutenu que les sommes du règlement représentaient des heures supplémentaires impayées. Les heures supplémentaires ne constituent pas une augmentation de salaire ou de traitement, et l’article 35(7) du Règlement ne s’appliquait donc pas. La division générale a déterminé à juste titre que les sommes du règlement constituaient des gains en application de l’article 35(2) du Règlement, et elle n’a donc pas commis d’erreur de droit ou de fait lorsqu’elle n’a pas appliqué l’article 35(7) du Règlement.

[11] Je me pencherai maintenant sur la question de la répartition.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit ou de fait lorsqu’elle a déterminé que les sommes du règlement devaient être réparties sur la période s’échelonnant du 31 juillet 2016 au 2 novembre 2016?

[12] La Commission a déposé des observations le 10 juillet 2018 et le 15 août 2018. L’observation du 15 août a été présentée en réponse à mes questions concernant la composition des sommes du règlement.

[13] La Commission est d’avis que, bien que la division générale ait fait référence aux documents que le prestataire a déposés après l’audience, la question de savoir si la division générale les avait réellement examinés n’était pas claire. La division générale a écrit que le prestataire a présenté des documents au Tribunal de la sécurité sociale le 28 février 2018 concernant son emploi et la répartition des gains qui ont fait l’objet de discussions pendant l’audience.

[14] Les trois documents du prestataire sont les suivants :

  1. Un article intitulé [traduction] « Prestations régulières d’assurance-emploi pour un employé congédié ». L’auteur de cet article a écrit ce qui suit : [traduction] « Même si un salaire non versé, comme des heures supplémentaires impayées, semble correspondre à la définition de "gains", ces montants ne seraient pas non plus pris en compte aux fins du remboursement des prestations d’AE mais seraient plutôt utilisés pour recalculer vos prestations admissibles. »
  2. Un document d’X intitulé [traduction] « Régime de prime annuelle aux employés » produit pour l’audience devant les normes du travail; ce document vise à montrer que l’employeur a refusé la demande de prime du prestataire. L’employeur a écrit : [traduction] « En fonction des profits réels de 2016 et des employés admissibles au partage de la somme allouée aux primes, [le prestataire] a touché 72,34 $ au-delà du montant de prime disponible. »
  3. Le formulaire de plainte concernant les normes du travail, daté du 16 décembre 2016. Dans ce formulaire, le prestataire a déclaré avoir faiit une réclamation pour des heures supplémentaires et un paiement de prime, et a précisé qu’il croyait qu’on lui devait [traduction] « 30 % d’une prime, estimée à 559,72 $ du 4 août 2015 au 2 août 2016 ».

[15] Le requérant mentionne que son employeur a rejeté sa demande de prime en décembre 2016 au titre des normes du travail parce que l’employeur avait déjà payé la prime en juillet 2016, tel que le montre le document de l’employeur intitulé [traduction] « Régime de prime annuelle aux employés ». L’employeur était d’avis qu’aucune prime ne demeurait en suspensNote de bas de page 8. Par conséquent, les sommes du règlement représentent seulement des heures supplémentaires non payées.

[16] La Commission laisse entendre que ces documents avaient une certaine valeur probante et qu’ils auraient dû être pris en compte parce qu’ils auraient pu avoir une incidence sur la question de la répartition, bien qu’elle n’explique pas de quelle manière en l’espèce. La Commission prétend que la division générale avait le devoir d’expliquer les raisons pour lesquelles elle a écarté la preuve ou y accordé peu ou pas de poids du tout et que, en omettant de le faire, [traduction] « il existe un risque que sa décision soit entachée d’une erreur de droit ou taxée d’arbitraireNote de bas de page 9 ». Je suis d’accord pour dire que cela constituerait une erreur de droit si la division générale omettait de prendre en compte tout élément de preuve substantiel qui pourrait avoir une incidence sur la question de la répartition ou le résultat des procédures.

[17] La Commission précise que la Cour d’appel fédérale a soutenu qu’un tribunal doit justifier ses décisions et doit aborder soigneusement les questions qui sont présentées et expliquer ses conclusions d’une manière cohérente et logique. À cet égard, la Commission soutient que la division générale a omis d’examiner ou d’expliquer pourquoi elle n’a pas appliqué l’article 36(4) du Règlement lorsqu’elle a déterminé la répartition des gains, ayant établi que le montant du règlement représentait des dîners en heures supplémentaires pour la période du 2 février 2016 au 2 août 2016. L’article du Règlement prévoit que la rémunération payable au prestataire aux termes d’un contrat de travail en échange des services rendus est répartie sur la période pendant laquelle ces services ont été fournis.

[18] En se fondant uniquement sur l’article 36(9) du Règlement, l’analyse de la division générale était insuffisante. Ayant établi que les sommes du règlement de 1 628,84 $ représentaient [traduction] « un salaire pour des dîners en heures supplémentaires pour la période du 2 février 2016 au 2 août 2016Note de bas de page 10 », la division générale aurait dû déterminer l’applicabilité de l’article 36(4) du Règlement et évaluer si la rémunération aurait dû être répartie sur la période du 2 février 2016 au 2 août 2016. La division générale n’a pas fait référence à l’article 36(4) du Règlement. En omettant de tenir compte de l’applicabilité de l’article 36(4) du Règlement, la division générale a commis une erreur de droit. L’appel est accueilli sur ce motif, conformément à l’article 58(1)(b) de la Loi.

Réparation demandée

[19] L’article 59 de la Loi me confère le pouvoir de rejeter l’appel, de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, de renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives que je juge indiquées, ou de confirmer, d’infirmer ou de modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[20] Dans ses observations initiales, la Commission a demandé que cette affaire soit renvoyée à la division générale aux fins de réexamen.

[21] La division générale a établi que le paiement de règlement visait à rémunérer le prestataire pour des dîners en heures supplémentaires non payées entre le 2 février 2016 et le 2 août 2016.

[22] La Commission fait valoir que la division générale a omis d’analyser de façon appropriée les documents postérieurs à l’audience, à savoir que le paiement de règlement aurait pu représenter un paiement pour quelque chose d’autre que des heures supplémentaires non payées. Bien qu’il eût été souhaitable que la division générale aborde directement les documents postérieurs à l’audience, j’estime qu’ils soutiennent les affirmations du prestataire selon lesquelles le paiement de règlement représentait des heures supplémentaires non payées, plutôt que la composante d’une prime.

[23] La Commission a d’abord laissé entendre que les sommes du règlement auraient pu inclure la composante d’une prime, quoique cela n’aurait pas été cohérent avec le propre document de l’employeur selon lequel il avait déjà payé une prime et qu’aucune autre prime n’était garantie ou à venir. La Commission concède maintenant que le paiement forfaitaire de 1 628,84 $ de l’employeur a été versé afin de rémunérer le prestataire pour [traduction] « des heures supplémentaires pour des dîners ». La Commission énonce qu’une telle conclusion est compatible avec la preuve et est raisonnable, particulièrement parce que la plainte du prestataire déposée auprès du ministère des normes du travail était fondée sur des heures supplémentaires non payées.

[24] De plus, les observations présentées récemment par le prestataire le 22 août 2018 confirment qu’il a accepté les arguments de son employeur dans le conflit auprès des Normes du travail selon lesquels il lui avait déjà versé la prime. Il valide qu’aucune somme du règlement n’était destinée à servir de prime ou ne représentait une prime.

[25] Le dossier dont était saisie la division générale est complet. Avec mes propres constatations selon lesquelles les sommes du règlement représentent des heures supplémentaires non payées (et non pas la composante d’une prime), rien ne m’empêche de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre concernant la répartition des gains.

[26] Je suis d’accord avec la division générale : les sommes du règlement de 1 628,84 $ étaient une rémunération pour des dîners en heures supplémentaires pour la période du 2 février 2016 au 2 août 2016. Cependant, les gains auraient dû être répartis sur cette période de temps, conformément à l’article 36(4) du Règlement. Comme je l’ai mentionné plus haut, l’article 36(4) du Règlement prévoit que la rémunération payable au prestataire aux termes d’un contrat de travail en échange des services rendus est répartie sur la période pendant laquelle ces services ont été fournis. En l’espèce, la division générale a établi que les gains produits étaient liés à des services fournis du 2 février 2016 au 2 août 2016. L’article 36(9) du Règlement ne s’applique pas à la situation en l’espèce parce que les gains n’ont pas été [traduction] « versés [...] en raison d’une mise à pied ou d’une cessation d’emploi ».

Conclusion

[27] L’appel est accueilli en partie, comme je l’ai mentionné précédemment. Le montant du règlement de 1 628,84 $ constitue des gains qui devraient être répartis sur la période s’échelonnant entre le 2 février 2016 et le 2 août 2016, conformément à l’article 36(4) du Règlement.

 

Mode d’audience :

Comparutions :

Téléconférence

J. D., appelante
P. S., pour l’appelante
Jean-François Cham, pour l’intimé

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.