Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Décision et Motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est accueillie.

[2] L’appel est accueilli.

Aperçu

[3] Le demandeur, G. V., a travaillé pour X jusqu’en août 2013. Il a présenté une demande de prestations en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) et a touché des prestations jusqu’en mai 2014.

[4] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a conclu qu’une somme avait été versée au demandeur à la cessation de son emploi. Cette somme a été jugée être une rémunération qui devait être imputée aux prestations d’assurance-emploi reçues par le demandeur, ce qui a donné lieu à un trop-payé s’élevant à plus de 18 000 $.

[5] Le demandeur a demandé une révision de la décision de la défenderesse en affirmant que la somme en question lui avait été versée pour un congédiement injustifié, et non pour une perte de salaire, et qu’elle ne devrait donc pas avoir valeur de rémunération. La défenderesse a cependant décidé de maintenir sa décision.

[6] Le demandeur a fait appel de la décision de révision de la défenderesse auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada. La division générale a conclu que le demandeur avait reçu une somme visant à compenser la perte de son emploi et qu’il s’agissait d’une rémunération.

[7] Le demandeur demande la permission d’appeler de la décision de la division générale au motif que celle-ci serait fondée sur des conclusions de fait qui ne sont pas basées sur les éléments de preuve. La défenderesse convient que la permission d’en appeler devrait être accordée et soutient que l’affaire devrait être renvoyée à la division générale, comme cette situation soulève une question de justice naturelle.

[8] Je conclus que cet appel a une chance raisonnable de succès puisque la division générale a tiré, dans sa décision, des conclusions de fait qui ne sont pas étayées par la preuve figurant au dossier d’appel. J’accueille aussi l’appel puisque la division générale a manqué à un principe de justice naturelle en constatant que le demandeur avait produit une preuve qu’il n’avait jamais produite.

Question en litige

[9] Est-il défendable que la division générale ait rendu sa décision en commettant une erreur de droit ou une grave erreur dans ses conclusions de fait?

[10] La division générale a-t-elle manqué à un principe de justice naturelle en tirant des conclusions de fait qui ne sont pas étayées par la preuve au dossier?

Analyse

[11] Le demandeur doit demander la permission d’en appeler pour appeler d’une décision de la division générale. La division d’appel accorde ou refuse cette permission, et un appel peut seulement être instruit si cette permission est accordée.Note de bas de page 1

[12] Avant de pouvoir accorder la permission d’en appeler, je dois déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, y a-t-il un motif défendable susceptible de donner gain de cause à l’appel?Note de bas de page 2

[13] La permission d’en appeler est refusée si la division d’appel est convaincue qu’aucune erreur susceptible de révisionNote de bas de page 3 ne confère à l’appel une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 4. Les seules erreurs susceptibles de révision sont les suivantes : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence; elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[14] Le demandeur soutient que la division générale a commis de graves erreurs en établissant les faits. Il affirme que la division générale a conclu à tort qu’il avait de la difficulté à trouver un emploi et qu’il devait aider financièrement sa fille qui fréquente l’université, comme il n’a jamais fait ces affirmations. Il affirme qu’il a un emploi et n’a pas d’enfants. La division générale a donc tiré ces conclusions sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[15] La défenderesse est d’accord et ajoute que l’affaire devrait être renvoyée à la division générale pour réexamen étant donné que la division générale a commis une erreur relative à la justice naturelle.

[16] Conformément au Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale et afin que cette instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent, je vais statuer à la fois sur la demande de permission d’en appeler et sur le fond de l’appel.Note de bas de page 5

Question en litige no 1 : Est-il défendable que la division générale ait rendu sa décision en commettant une erreur de droit ou une grave erreur dans ses conclusions de fait?

[17] Je conclus qu’il est défendable que la division générale ait commis une erreur de droit ou une erreur mixte de fait et de droit ou une grave erreur dans ses conclusions de fait.

[18] Je conclus également qu’il est défendable que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle.

[19] Ici, la division générale a conclu que la division générale a conclu que le demandeur [traduction] « a de la difficulté à trouver un emploi et doit aider financièrement sa fille qui fréquente l’universitéNote de bas de page 6. »

[20] Le demandeur affirme ne jamais avoir dit quoi que ce soit qui étaye cette conclusion. En réalité, il a un emploi et n’a pas d’enfants.

[21] La défenderesse a présenté des observations écrites relativement à la demande de permission d’en appeler. Elle a précisé qu’elle était, après avoir examiné l’enregistrement audio de l’audience devant la division générale, d’accord avec le demandeur pour dire que celui-ci n’avait jamais fourni ces informations durant l’audience. Ces informations ne figurent pas non plus au dossier.

[22] Pour ces raisons, la défenderesse soutient que la division générale a commis une erreur de justice naturelle.

[23] La division générale, si elle a tiré des conclusions qui ne sont simplement pas fondées sur la preuve portée à sa connaissance, a commis une erreur de droit. Cette erreur pourrait être qualifiée de manquement à la justice naturelle, d’erreur de droit ou de grave erreur dans ses conclusions de fait, selon la nature et la gravité de cette erreur.

[24] Peu importe le qualificatif apposé à cette erreur, le demandeur a invoqué des arguments liés à la décision de la division générale grâce auxquels son appel pourrait avoir gain de cause.

[25] Je lui accorde donc la permission d’en appeler.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle manqué à un principe de justice naturelle en tirant des conclusions de fait qui ne sont pas étayées par la preuve au dossier?

[26] Je conclus que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle quand elle a constaté que le demandeur avait produit une preuve qu’il n’avait jamais produite.

[27] Pour les questions de justice naturelle, de compétence et de droit, la division d’appel n’est pas tenue de faire preuve de déférence à l’endroit de la division générale.Note de bas de page 7 De plus, la division d’appel peut déceler une erreur de droit, qu’elle ressorte ou non à la lecture du dossier.Note de bas de page 8

[28] Il n’y a tout simplement aucune preuve, ni documentaire ni testimoniale, montrant que le demandeur avait de la difficulté à trouver un emploi ou qu’il devait aider financièrement sa fille fréquentant l’université. Aucune des parties n’a pu trouver de fondement à ces déclarations dans le dossier d’appel. Qui plus est, le demandeur soutient que ces conclusions sont contraires à la réalité.

[29] Cette erreur est plus grave qu’une conclusion de fait erronée que la division générale aurait « tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. » Le dossier ne contient carrément rien qui appuie ces conclusions.

[30] La « justice naturelle » se rapporte à l’équité du processus et comprend les protections procédurales comme le droit d’avoir un décideur impartial et le droit d’une partie d’être entendue et de connaître la preuve à réfuter.

[31] En l’espèce, la division générale n’a pas offert un processus équitable au demandeur. Son droit d’être entendu n’a pas été respecté. La divisons générale a « entendu » un témoignage que le demandeur n’a jamais livré.

[32] Le demandeur doit bénéficier d’une occasion d’être entendu. Je renvoie donc l’affaire à la division générale pour réexamen.

Conclusion

[33] La demande est accueillie en vertu de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

[34] L’appel est accueilli. L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen, conformément à ces motifs et à cette décision.

Représentant :

G. V., non représenté
Isabelle Thiffault, pour la défenderesse

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