Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelant a volontairement quitté son emploi sans justification.

Aperçu

[2] L’appelant a quitté son emploi parce qu’il a accepté de l’argent en cadeau d’un libéré conditionnel en empruntant de l’argent à celui-ci, ce qui constitue une violation de la politique de l’employeur. Il a écrit une lettre de démission dans laquelle il a affirmé qu’il avait enfreint une des politiques de l’employeur, mais que si celui-ci n’avait pas menacé de le congédier, il n’aurait pas démissionné. L’appelant a fourni des notes médicales pour appuyer sa déclaration selon laquelle il avait aussi quitté son emploi pour des raisons médicales. L’intimée a refusé la demande de prestations régulières de l’appelant parce que celui-ci avait volontairement quitté son emploi sans justification.

Questions préliminaires

[3] Même si l’appelant a interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale le 13 avril 2018, ce qui est après l’échéance établie à l’article 52(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, le 29 mai 2018, le Tribunal a accordé une prolongation du délai pour interjeter appel.

Questions en litige

[4] L’appelant a-t-il volontairement quitté son emploi?

[5] L’appelant était-il fondé à quitter volontairement son emploi parce qu’on allait bientôt mettre fin à son emploi, ou en raison de ses problèmes de santé?

Analyse

[6] Les dispositions législatives pertinentes figurent à l’annexe de la présente décision.

[7] Une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi lorsqu’elle quitte volontairement son emploi sans justification (article 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi [Loi sur l’AE]).

[8] L’intimée doit prouver que l’appelant a volontairement quitté son emploi. Ensuite, l’appelant doit prouver qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi en démontrant que selon les circonstances, il n’avait aucune autre option raisonnable que celle de quitter son emploi (Green c Canada (Procureur général), 2012 CAF 313; Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190).

Question en litige no 1 : L’appelant a-t-il volontairement quitté son emploi?

[9] Le Tribunal juge que l’appelant a volontairement quitté son emploi.

[10] Dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, l’appelant a précisé qu’il avait démissionné. Il a dit que lorsque son employeur lui a demandé s’il avait emprunté de l’argent à un libéré conditionnel, il a avoué l’avoir fait. Il a affirmé qu’il avait demandé à son employeur s’il voulait qu’il démissionne, et que celui-ci lui avait répondu par l’affirmative. Il a confirmé cet élément de preuve à l’audience.

[11] Plus tard, l’appelant a dit qu’il avait quitté son emploi parce qu’il avait enfreint une politique de l’entreprise et qu’il avait des problèmes de stress, mais il a affirmé qu’il l’avait fait parce qu’on avait menacé de le congédier. Il a fourni une copie de sa lettre de démission à l’intimée, dans laquelle il reconnaissait avoir enfreint la politique de l’entreprise, témoignant qu’il avait démissionné afin d’assumer la responsabilité de ses actes.

[12] La preuve de l’intimée, un relevé d’emploi produit par l’employeur, montre que l’appelant a quitté son emploi. L’employeur a expliqué qu’une lettre avait été rédigée pour congédier l’appelant parce qu’il avait enfreint la politique, mais que l’appelant avait fait la chose honorable et qu’il avait démissionné.

[13] Le Tribunal accepte comme un fait l’élément de preuve de l’intimée selon lequel l’employeur de l’appelant l’aurait congédié s’il n’avait pas donné sa démission. Toutefois, le Tribunal accorde beaucoup de poids à la lettre de démission de l’appelant, à sa preuve dans sa demande de prestations selon laquelle il avait démissionné, à son témoignage selon lequel il avait démissionné parce qu’il avait mal agit, et à sa preuve selon laquelle il avait démissionné afin que son relevé d’emploi n’indique pas qu’il avait été renvoyé. Le Tribunal estime que l’appelant a pris la décision consciente de quitter son emploi afin d’éviter toute répercussion négative sur ses perspectives d’emploi. Par conséquent, le Tribunal juge qu’en remettant une lettre de démission à l’employeur, l’appelant a volontairement quitté son emploi.

Question en litige no 2 : L’appelant était-il fondé à quitter volontairement son emploi parce qu’on allait bientôt mettre fin à son emploi, ou en raison de ses problèmes de santé?

[14] Le Tribunal juge que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi au moment où il l’a fait.

[15] La preuve de l’appelant démontre qu’il a choisi de quitter son poste auprès de l’employeur plutôt que d’être congédié. Sa preuve selon laquelle il avait enfreint la politique de l’employeur lorsqu’il a emprunté de l’argent à un libéré conditionnel est demeurée cohérente. L’employeur a confirmé qu’il aurait mis fin à l’emploi de l’appelant parce qu’il avait enfreint une politique, et qu’une lettre de congédiement avait été rédigée.

[16] Le Tribunal comprend que l’appelant a choisi de quitter volontairement son poste pour éviter d’être congédié et que cela soit mentionné dans son relevé d’emploi. Toutefois, même si en théorie il n’avait pas d’autre option que celle de quitter son emploi puisque son congédiement était inévitable, le Tribunal n’estime pas que cela constitue une justification. L’appelant a avoué qu’il avait sciemment enfreint la politique de l’employeur et que c’est pour cela qu’il avait démissionné. Lorsqu’on lui a demandé s’il aurait quitté son emploi s’il n’avait pas enfreint une politique, l’appelant a dit à l’intimée qu’il n’aurait pas démissionné.

[17] En faisant référence à l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Canada (PG) c Easson, A 1598 92, l’intimée a déclaré que la raison pour laquelle l’appelant a décidé de mettre fin à sa relation avec l’employeur n’a aucune importance lorsqu’un acte répréhensible est la réelle raison de son congédiement. Compte tenu de l’analyse du paragraphe ci-dessus, le Tribunal est d’accord avec cette observation.

[18] Le Tribunal estime que même si l’appelant avait été renvoyé pour avoir enfreint la politique de l’employeur, il n’était pas fondé à quitter son emploi au moment où il l’a fait.

[19] Dans sa demande de révision de la décision initiale de l’intimée, l’appelant a dit qu’il avait des notes de médecin datant d’avant sa démission, et que la combinaison du stress au travail et de sa polyarthrite rhumatoïde était un fardeau trop lourd à porter. Il a joint à sa demande de révision une note de médecin précisant que l’appelant avait été vu le jour avant qu’il démissionne et que le médecin avait déterminé qu’il était totalement invalide et qu’il ne devait pas retourner au travail. La note précisait également que le médecin réviserait sa décision s’il redevenait apte à travailler dans six mois. L’appelant a joint une autre note précisant qu’il était allé voir son médecin environ deux mois et demi plus tard. Le médecin a confirmé que l’appelant était atteint de polyarthrite rhumatoïde, que ses douleurs avaient augmenté au cours des derniers mois, mais qu’il allait mieux en ce qui concerne ses douleurs depuis qu’il avait quitté son emploi.

[20] L’appelant a dit à l’intimée que ses problèmes de santé étaient la deuxième raison pour laquelle il avait quitté son emploi, en précisant que son médecin lui avait dit d’arrêter de travailler pendant un certain temps. Lorsqu’il a été interrogé au sujet de la note du médecin datant du jour avant qu’il démissionne, l’appelant a affirmé qu’il avait dit à son médecin qu’il était stressé et qu’il se sentait coupable d’avoir emprunté de l’argent au libéré conditionnel, et que son médecin lui avait suggéré de prendre congé. L’appelant a confirmé que le médecin ne lui avait pas dit de quitter son emploi. Lorsqu’on lui a demandé s’il aurait quitté son emploi à cause de ses problèmes de santé s’il n’allait pas être congédié, l’appelant a dit qu’il ne pensait pas qu’il aurait démissionné, mais qu’il aurait pris congé.

[21] Le Tribunal accepte la preuve de l’appelant concernant les circonstances personnelles qui l’ont amené à emprunter de l’argent au libéré conditionnel, ainsi que le stress et la culpabilité qui en ont découlé et qui, en combinaison avec sa polyarthrite rhumatoïde, ont fait en sorte qu’il est devenu incapable de travailler. Toutefois, le Tribunal estime que cette incapacité à travailler n’avait pas été jugée comme étant permanente à l’époque, selon la première note de médecin qui précisait que le médecin réviserait sa décision concernant la capacité de l’appelant à travailler dans six mois, et la preuve de l’appelant selon laquelle le médecin ne lui avait pas dit de démissionner, mais simplement de prendre congé.

[22] L’employeur a dit à l’intimée qu’il était au courant que l’appelant avait des problèmes de santé et qu’il avait pris des congés de maladie et eu des rendez-vous médicaux. Compte tenu des circonstances, le Tribunal n’estime pas que les problèmes de santé de l’appelant étaient tels qu’il n’avait pas d’autre choix que de quitter son emploi. Même si l’employeur a affirmé qu’ils n’avaient pas discuté des problèmes de santé de l’appelant au moment de sa démission, l’appelant aurait pu demander un congé jusqu’à ce que son état de santé s’améliore et que son médecin lui dise qu’il pouvait retourner au travail.

[23] Le Tribunal est sensible à la situation de l’appelant et comprend que ses circonstances personnelles l’ont mené à faire un mauvais choix qui a eu une incidence négative sur son emploi. Le Tribunal le félicite pour l’honnêteté et l’intégrité dont il a fait preuve en assumant la responsabilité de ses gestes. Toutefois, l’objectif de la Loi sur l’AE est d’indemniser les personnes dont l’emploi a pris fin involontairement et qui sont sans emploi. La perte d’emploi contre laquelle une personne est assurée doit être involontaire (Caron c Canada (Commission de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] 1 RCS 48).

[24] Le Tribunal conclut que puisque l’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi au moment où il l’a fait, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Conclusion

[25] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 18 septembre 2018

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

D. W. , Appelant

Annexe

Loi applicable

Loi sur l’assurance-emploi

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. (a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. (b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. (b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. (c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

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