Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] Le demandeur, W. H. (prestataire), un conducteur d’équipement pour X, a subi un accident de travail à la mi-septembre 2017. Il n’a jamais repris cet emploi. Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi. Dans sa demande, il a révélé qu’il avait quitté son emploi pour des raisons médicales ou de santé liées à sa blessure permanente.Note de bas de page 1 Il a aussi révélé qu’il n’avait pas cherché d’emploi auprès d’un autre employeur vu son faible niveau de scolarité.Note de bas de page 2

[3] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a rejeté sa demande de prestations après avoir conclu qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification et qu’un départ volontaire n’avait pas été la seule solution raisonnable dans son cas.Note de bas de page 3 Le prestataire a demandé une révision en soutenant qu’on lui [traduction] « avait refusé un emploiNote de bas de page 4 ». La Commission a décidé de maintenir sa décision.Note de bas de page 5 Niant avoir démissionné, contrairement à ce que son employeur avait précisé dans son relevé d’emploi,Note de bas de page 6 le prestataire a fait appel de la décision de révision de la CommissionNote de bas de page 7 auprès de la division générale. Selon le prestataire, après deux jours d’arrêt de travail, il s’était senti [traduction] « en forme, prêt, désireux et capable de faire [son] travail, mais on ne [lui] en avait pas donné la chance pour des raisons qu[’il] ignore toujours. »

[4] La division générale a tenu une audience par téléconférence le 2 août 2018. Elle a conclu que la Commission avait prouvé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi. La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas été fondé à quitter son emploi puisqu’il n’était pas parvenu à démontrer que son départ avait été la seule solution raisonnable dans son cas. La division générale a rejeté l’appel. Le prestataire demande maintenant la permission d’en appeler, soutenant que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle et qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Je dois maintenant décider si l’appel a une chance raisonnable de succès; autrement dit, il me faut déterminer si l’un ou l’autre des motifs invoqués donne lieu à une cause défendable.

[5] Je conclus que l’appel n’a pas une chance raisonnable de succès puisque le prestataire n’a produit aucune preuve étayant sa prétention que la division générale avait eu des préjugés à son égard ou qu’elle l’avait privé d’une audience complète et équitable. De plus, je ne suis pas convaincue que la division générale ait fondé sa décision sur la déclaration de l’employeur, sans égard pour la preuve. La division générale a, en grande partie, fondé sa décision sur la déclaration initiale du prestataire, bien qu’elle a jugé que la déclaration de l’employeur concordait avec la déclaration initiale du prestataire voulant qu’il avait quitté son emploi. 

Questions en litige

[6] Les questions que je dois trancher sont les suivantes :

  • Question en litige no 1 : Est-il défendable que la division générale ait manqué à un principe de justice naturelle en privant le prestataire d’une audience équitable?
  • Question en litige no 2 : Est-il défendable que la division générale ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erroné, qu’elle aurait tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, en concluant que le prestataire avait quitté volontairement son emploi?

Analyse

[7] Conformément à l’article 58 (1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Avant d’accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincue que les motifs de l’appel se rattachent aux moyens d’appel prévus par l’article 58 (1) de la Loi sur le MEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. Ce seuil est relativement peu élevé. Un prestataire n’a pas à prouver sa thèse; il doit simplement démontrer qu’une erreur susceptible de révision confère à l’appel une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans Joseph c Canada (Procureur général).

Question en litige no 1 : Est-il défendable que la division générale ait manqué à un principe de justice naturelle en privant le prestataire d’une audience équitable?

[9] Le prestataire soutient que la membre de la division générale ne lui a pas offert une audience équitable parce qu’elle était mal préparée et désordonnée, rendant l’audience comme telle mal structurée et tortueuse. Il prétend aussi que la membre de la division générale lui a posé de multiples questions ambiguës en même temps, ce qui l’a empêché de se concentrer. Il avait aussi été obligé de se reporter à certaines pages et à des numéros du dossier auxquels elle faisait référence, lui laissant peu de temps pour défendre sa cause.

[10] Les membres de la division générale sont les maîtres de leur domaine et peuvent présider les audiences comme ils le jugent indiqué, dans la mesure où ils s’assurent que les parties bénéficient d’une audience équitable et ont l’occasion de présenter leur cause pleinement et équitablement. Le prestataire laisse entendre que la membre de la division générale l’a privé d’une occasion de présenter pleinement et équitablement sa cause en raison de ses nombreuses interventions.

[11] Le prestataire n’a mentionné aucun cas précis où la membre lui aurait posé [traduction] « de multiples questions ambiguës en même temps » ou demandé de consulter une page en particulier. J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience pour savoir si la division générale aurait posé des questions injustes au prestataire. Je n’ai rien constaté de la sorte.

[12] Il est vrai que la division générale lui a posé beaucoup de questions; par contre, cela n’est pas la même chose que de poser de multiples questions en même temps. Il est raisonnable et normal qu’un juge des faits pose des questions portant expressément sur les questions en litige et demande des clarifications, particulièrement lorsque la preuve renferme des ambiguïtés, des lacunes ou des incohérences.

[13] Après un premier témoignage du prestataire, la membre a affirmé que, s’il n’avait plus d’autres observations à présenter, elle lui poserait certaines questions en vue de clarifier ses observations et la décision de la Commission.Note de bas de page 8 La membre lui a notamment posé des questions sur sa demande de prestations d’assurance-emploi, dans laquelle il avait déclaré qu’il avait quitté son emploi. Il était parfaitement légitime que la division générale interroge le prestataire sur les réponses qu’il avait fournies dans sa demande de prestations, eu égard au fait qu’il avait nié avoir quitté son emploi en appel et avait prétendu que son employeur avait refusé de le réengager.

[14] Quand le prestataire a dit qu’il aurait besoin d’un certain temps pour retrouver la copie de sa demande de prestations, la membre a dit : [traduction] « Tout à fait. Prenez votre tempsNote de bas de page 9. » Après avoir indiqué au prestataire les parties exactes de sa demande où il avait déclaré avoir quitté son emploi, la membre lui a demandé s’il voulait commenter les déclarations qu’il avait faites dans sa demande.Note de bas de page 10 Ces questions n’étaient pas des [traduction] « questions multiples ». La membre lui a posé une question, de façon simple et sans détour. Une fois que le prestataire eût trouvé la page dont il était question, la membre de la division générale lui a posé sa question de nouveau. Le prestataire y a répondu sans hésitation.

[15] Plusieurs fois durant l’audience, la membre de la division générale a demandé au prestataire de se reporter à des pages précises du dossier d’audience parce qu’elle voulait obtenir des clarifications. Chaque fois, la membre s’est assurée que le prestataire faisait référence à la bonne page. D’après ce que je constate, la membre n’a jamais poursuivi l’audience sans donner du temps au prestataire pour trouver la page à laquelle elle faisait référence ou pour assimiler l’information et répondre à ses questions.

[16] La division générale a demandé au prestataire des clarifications à plusieurs autres égards au cours de l’audience. Je n’ai rien trouvé démontrant que la division générale aurait posé de multiples questions ambiguës ni que le prestataire aurait été embrouillé. Durant l’audience, le prestataire n’a jamais signalé qu’il ne comprenait pas les questions qui lui étaient posées. Il n’y a que deux occasions où j’ai pu constater que le prestataire a demandé à la membre de répéter sa question ou de confirmer la page à laquelle elle faisait référence,Note de bas de page 11 mais aucune confusion n’est décelable chez le prestataire.

[17] Vers la fin de l’audience, le membre a remercié le prestataire et l’a invité à aborder toute question demeurant en suspens avant qu’elle mette un terme à l’audience. Elle s’est exprimée comme suit : [traduction] « Merci d’en avoir traité et merci pour vos observations. Je n’ai plus de questions pour vous, alors y a-t-il autre chose que vous voudriez ajouter au sujet de votre appel et dont nous n’aurions pas parlé aujourd’huiNote de bas de page 12? »

[18] La division générale a donné au prestataire l’occasion de répondre. Le prestataire a ensuite parlé, avant que la membre mette fin à l’audience, de sa blessure passée, de ses limitations physiques et de sa relation avec son employeur.

[19] Au début de l’audience, la membre a confirmé que le délai alloué était de 90 minutes. L’audience a duré un peu plus d’une heure. Rien ne permet de conclure que la membre a bousculé le prestataire pour qu’il termine avant le temps prévu. La membre a donné le temps au prestataire pour finir de répondre.

[20] Étant donné que la membre de la division générale a donné au prestataire l’occasion de répondre à ses questions et de témoigner davantage, je ne suis pas convaincue qu’il soit défendable que le prestataire n’ait pas disposé d’assez de temps ou d’une véritable occasion de plaider pleinement et équitablement.

[21] De toute manière, même si le prestataire maintient que les questions de la membre de la division générale lui ont laissé peu de temps pour se concentrer et pour y répondre, rien ne permet de croire qu’il aurait plaidé sa cause différemment ou qu’il avait un témoignage supplémentaire à livrer.

[22] Le prestataire soutient que la membre de la division générale était désordonnée et mal préparée à l’audience, et qu’il n’avait donc pas pu avoir une audience équitable. J’ai écouté l’enregistrement audio, et j’estime que la membre de la division générale maîtrisait les questions en litige et le contenu du dossier d’audience. En demandant des clarifications, elle a tout de suite su faire référence à des passages précis du dossier d’audience, ce qui témoigne habituellement de la préparation et de l’organisation du membre et de sa maîtrise du dossier. Si la membre n’avait pas été bien préparée ou connaissait mal le cas du prestataire ou le dossier d’audience, elle aurait été incapable de faire référence à des pages du dossier ou de demander des clarifications. Je ne suis pas convaincue qu’il est défendable, sur ce fondement, que la division générale n’ait pas offert au prestataire une audience équitable. 

[23] Le prestataire prétend également que la division générale s’est montrée partiale à son endroit. Il souligne qu’elle a fait référence à une prestataire dans sa décision. La division générale a notamment écrit ce qui suit au paragraphe 15 : [traduction] « La question n’est pas de savoir s’il était raisonnable que la prestataire quitte son emploi, mais de savoir si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances… » (mise en évidence par la soussignée). Le prestataire laisse entendre que la membre de la division générale devait être préoccupée par un autre dossier impliquant une prestataire, possiblement en raison de sa charge de travail imposante et d’une certaine pression à ce qu’elle rende le plus de décisions possible.

[24] Si la membre de la division générale avait, à d’autres endroits, fait référence au mauvais prestataire ou n’avait pas tenu compte de certaines questions juridiques ou d’éléments de preuve essentiels, j’aurais conclu que le prestataire dispose d’une cause défendable. Cependant, la division générale a seulement utilisé un déterminant féminin trois fois, et ce dans le même paragraphe, et il ne fait aucun doute que l’ensemble de sa décision — et surtout, son analyse — porte sur le prestataire. Il semble que la membre de la division générale ait utilisé un paragraphe « passe-partout » pour définir la justification et omis de changer le genre utilisé. Ce sont de malheureuses fautes typographiques, mais celles-ci ne me convainquent pas que l’appel a une chance raisonnable de succès. 

Question en litige no 2 : Est-il défendable que la division générale ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erroné, qu’elle aurait tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, en concluant que le prestataire avait quitté volontairement son emploi?

[25] Le prestataire soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Il affirme plus précisément que la division générale a ignoré le fait que son employeur avait fourni des [traduction] « informations fausses et trompeuses » dans le but de le congédier le plus tôt possible après avoir appris qu’il était blessé. Essentiellement, le prestataire soutient que la division générale aurait dû préférer sa preuve à la déclaration de l’employeur.

[26] Dans des observations présentées à la division générale, le prestataire a soutenu que la conclusion de la Commission, selon laquelle il avait quitté volontaire son emploi, était [traduction] «  fausse et basée sur de fausses informationsNote de bas de page 13 ». Le prestataire et l’employeur ont fourni de différentes explications sur les circonstances entourant le départ du prestataire. La division générale a cependant jugé que le prestataire avait aussi donné des explications contradictoires quant à la perte de son emploi.

[27] Au paragraphe 9, la division générale a relevé certains des écarts dans la preuve du prestataire. Au paragraphe 10, la membre a écrit ceci : [traduction] « Je considère que la version du prestataire a constamment changé au cours de ses interactions avec la Commission et le Tribunal, ce qui nuit sérieusement à sa crédibilité. »

[28] Le prestataire nie avoir démissionné et soutient que son employeur avait doté son poste immédiatement après qu’il eût pris un bref congé de maladie pour se rétablir de la blessure qu’il avait subie au travail. Par contre, selon la Commission, l’employeur avait avisé le prestataire de prendre le temps dont il avait besoin pour récupérer et lui avait demandé de communiquer avec lui lorsqu’il serait capable de reprendre le travail. Selon ce que l’employeur aurait dit à la Commission, le prestataire ne lui avait plus jamais donné de ses nouvelles.

[29] Le prestataire affirme que la division générale a fondé sa décision sur la déclaration de l’employeur voulant qu’il avait démissionné; en réalité, la division générale a conclu que le prestataire avait volontairement quitté son emploi surtout en raison de la déclaration initiale faite par le prestataire dans sa demande de prestations d’assurance-emploi. La division générale a écrit qu’elle avait préféré la déclaration initiale du prestataire selon laquelle il avait quitté son emploi pour des raisons médicales et de santé. Elle a noté que cette déclaration initiale du prestataire était corroborée par les [traduction] « déclarations uniformes de l’employeur. »

[30] À titre de juge des faits, la division générale est la mieux placée pour apprécier la preuve, et il faut faire preuve d’une retenue considérable à l’égard de ses conclusions, pourvu qu’il n’y ait aucune lacune importante dans son raisonnement et qu’aucun élément de preuve essentiel n’ait été mal interprété ou ignoré.

[31] Comme il existe un fondement probatoire aux conclusions de la division générale, elle était libre de tirer des conclusions en matière de crédibilité et de préférer ultimement le compte rendu de l’employeur, eu égard aux versions contradictoires du prestataire.

[32] Si le prestataire me demande de réévaluer cette cause, l’article 58 (1) de la Loi sur le MEDS ne prévoit aucun moyen d’appel qui permette une réévaluation. Je ne suis pas convaincue qu’il est défendable qu’une réévaluation soit indiquée.

Conclusion

[33] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

 

Comparution :

W. H., non représenté

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