Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal conclut que l’appelant, monsieur A. G., était justifié de quitter volontairement son emploi en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

Aperçu

[2] L’appelant a travaillé comme chauffeur de camion lourd chez l’employeur X (« l’employeur »), du 2 décembre 2013 au 6 juillet 2017, et a cessé de travailler pour cet employeur après avoir effectué un départ volontaire. Il a ensuite commencé un nouvel emploi chez l’employeur X, le 31 juillet 2017, et cet emploi a pris fin le ou vers le 13 novembre 2017. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a déterminé que l’appelant n’était pas justifié d’avoir quitté volontairement l’emploi qu’il avait chez X. L’appelant a expliqué qu’il avait quitté son emploi chez cet employeur parce que ses conditions de travail présentaient un risque pour sa santé et sa sécurité, de même que pour la sécurité d’autres personnes sur la route, étant donné l’état du camion qu’il devait conduire. Il a précisé que ce camion n’était pas sécuritaire (ex. : problèmes de direction et de freinage, vibrations ressenties dans le volant et le levier de vitesses, infiltrations de monoxyde de carbone à l’intérieur de la cabine, kilométrage élevé du camion) et qu’il n’aurait pas dû être destiné à l’usage qu’il en faisait (transport de bois et de tuyaux). L’appelant a expliqué que la conduite de ce camion était devenue difficile et lui a occasionné des problèmes de santé (ex. : douleurs aux épaules et aux bras). Il a également indiqué avoir quitté son emploi pour en occuper un autre. L’appelant a contesté la décision rendue à son endroit après que celle-ci ait fait l’objet d’une révision de la part de la Commission.

Questions en litige

[3] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploi en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.

[4] Pour établir cette conclusion, le Tribunal doit répondre aux questions suivantes :

  1. Est-ce que la fin d’emploi de l’appelant représente un départ volontaire?
  2. Si tel est le cas, est-ce que ce que les conditions de travail de l’appelant étaient dangereuses pour sa santé ou sa sécurité et pouvaient justifier son départ volontaire?
  3. Est-ce que le départ volontaire était la seule solution raisonnable dans le cas de l’appelant?

Analyse

[5] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

[6] Le critère visant à déterminer si le prestataire est fondé de quitter son emploi aux termes de l’article 29 de la Loi consiste à se demander si, eu égard à toutes les circonstances, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire n’avait pas d’autre choix raisonnable que de quitter son emploi (White, 2011 CAF 190, Macleod, 2010 CAF 301, Imran, 2008 CAF 17, Peace, 2004 CAF 56, Astronomo, A-141-97, Landry, A-1210-92, Laughland, 2003 CAF 129).

[7] Se demander si le prestataire a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable et prudente dans des circonstances similaires ne constitue pas le bon critère relativement à la justification (Imran, 2008 CAF 17).

Est-ce que la fin d’emploi de l’appelant représente un départ volontaire?

[8] Oui. Le Tribunal estime que dans le cas présent, la fin d’emploi de l’appelant représente bien un départ volontaire, au sens de la Loi.

[9] Le Tribunal considère que l’appelant a eu le choix de continuer de travailler pour l’employeur, mais qu’il a choisi de quitter volontairement son emploi (Peace, 2004, CAF 56).

[10] Dans sa demande de prestations présentée le 19 décembre 2017, l’appelant a indiqué avoir cessé de travailler pour l’employeur X, après avoir effectué un départ volontaire. L’appelant a expliqué avoir commencé un nouvel emploi environ 15 jours à quatre semaines après avoir quitté celui qu’il avait (pièces GD3-3 à GD3-22).

[11] De son côté, dans une déclaration faite à la Commission, en date du 29 janvier 2018, l’employeur, X (monsieur Y. C.), a expliqué que l’appelant avait quitté son emploi pour en occuper un autre (pièce GD3-26).

[12] Le relevé d’emploi émis par l’employeur, en date du 18 juillet 2017, indique que l’appelant a cessé de travailler après avoir effectué un départ volontaire (code E – départ volontaire), (pièce GD3-23).

[13] Le Tribunal considère que l’appelant avait la possibilité de poursuivre l’emploi qu’il avait, mais a lui-même pris l’initiative de mettre fin à cet emploi, en indiquant à l’employeur qu’il n’allait pas continuer de l’occuper (Peace, 2004, CAF 56).

Est-ce que ce que les conditions de travail de l’appelant étaient dangereuses pour sa santé ou sa sécurité et pouvaient justifier son départ volontaire?

[14] Oui. Le Tribunal estime que le départ volontaire de l’appelant était justifié par l’existence de « conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité », tel que l’indique l’alinéa 29c)(iv) de la Loi. Le Tribunal précise que dans le cas présent, ce sont essentiellement des questions de sécurité qui justifient le départ volontaire de l’appelant.

[15] Le Tribunal considère que le témoignage crédible rendu par l’appelant au cours de l’audience a permis d’avoir un portrait complet et très bien circonstancié quant aux raisons ayant mené à son départ volontaire. Le témoignage de l’appelant était détaillé et appuyé d’exemples concrets.

[16] L’appelant a apporté plusieurs précisions concernant les conditions dans lesquelles il a accompli son travail de chauffeur de camion lourd, plus particulièrement en ce qui concerne l’état du camion qu’il devait conduire. Le témoignage de l’appelant a ainsi permis de mettre en contexte les événements ayant mené à son départ volontaire.

[17] L’appelant a expliqué avoir été à l’emploi de X pendant plus de trois ans et demi soit, du 2 décembre 2013 au 6 juillet 2017, mais que cette entreprise avait changé de propriétaire environ sept ou huit mois avant qu’il ne quitte volontairement son emploi. Il a indiqué avoir environ quatre ou cinq ans d’expérience comme chauffeur de camion lourd et qu’il a suivi une formation dans ce domaine.

[18] L’appelant a expliqué qu’au cours des sept ou huit mois ayant précédé la fin de son emploi, il a conduit un autre camion que celui qu’il avait auparavant. Il a souligné qu’il ne s’agissait pas d’un nouveau camion, comme l’a indiqué l’employeur, mais que c’était le nouveau camion qui lui avait été attribué pour son travail, et qu’il s’agissait d’une « antiquité » (pièce GD3-26). Il a souligné que ce camion, utilisé dans les derniers mois de son emploi, avait parcouru environ 3 000 000 (trois millions) de kilomètres.

[19] L’appelant a expliqué qu’il avait peur lorsqu’il a conduit ce camion. Il a précisé qu’il avait également peur pour la sécurité des autres qui l’entouraient sur la route (pièce GD3-25).

[20] L’appelant a déclaré que ce camion ne faisait pas ce qu’il lui demandait de faire et présentait les problèmes suivants :

  • Dimension et poids inadéquats : Le camion était trop petit ou trop léger pour la fonction à laquelle il était destiné soit, le transport de bois en paquets (« bundels ») ou de tuyaux de plastique. Le devant du camion était trop léger (pièces GD3-29 à GD3-37) ;
  • Freins : mauvais fonctionnement des freins. Le camion ne freinait pas suffisamment, étant donné la charge qu’il transportait (ex. : charge de plus de 60 000 kilogrammes ou entre 130 000 et 140 000 livres). Pour s’immobiliser dans le trafic, le camion pouvait s’arrêter environ 30 pieds plus loin que la distance nécessaire pour le faire (pièce GD3-25) ;
  • Direction et tenue de route : Difficultés pour la conduite du camion.  Le camion pouvait continuer à aller tout droit, même lors d’un virage ou pour tourner un coin de rue. Le camion ne tenait pas bien la route (ex. : sur la neige), (pièce GD3-25) ;
  • Vibrations : Le camion « shakait » ou tremblait sur la route (ex. : colonne de direction, levier de vitesses ou « shifter », cabine), (pièces GD3-25 et GD3-29 à GD3-39) ;
  • Tuyaux d’échappement : Fuites provenant des tuyaux d’échappement et infiltration de monoxyde de carbone dans l’habitacle (pièces GD3-29 à GD3-39) ;
  • Âge du camion : Camion trop vieux et kilométrage élevé (environ 3 000 000 de kilomètres), (pièces GD3-25 et GD3-29 à GD3-37).

[21] L’appelant a souligné que les problèmes de freins du camion avaient fait en sorte qu’il était devenu dangereux de le conduire. Il a expliqué que c’était épeurant d’appuyer sur la pédale à freins lorsqu’il devait s’immobiliser dans le trafic. L’appelant a fait valoir que cela n’avait aucun bon sens et qu’il aurait pu tuer quelqu’un en raison de ce problème. Il a affirmé être passé près de frapper des voitures à plusieurs reprises avec son camion.

[22] L’appelant a expliqué qu’un chauffeur peut être tenu responsable, s’il roule avec un camion qui n’est pas en ordre.

[23] Il a indiqué que c’était l’employeur qui faisait lui-même les inspections mécaniques de ses camions avec ses mécaniciens.

[24] L’appelant a expliqué que si un camion est arrêté sur la route et qu’un problème mécanique est constaté, le mécanicien ayant fait l’inspection peut aussi faire l’objet d’un blâme. Il a relaté qu’un mécanicien de l’entreprise a déjà refusé de signer une feuille d’inspection mécanique d’un camion parce qu’il considérait que ce camion était en trop mauvais état. L’appelant a affirmé que ce mécanicien avait décidé de quitter son emploi plutôt que de signer la feuille d’inspection mécanique en question.

[25] L’appelant a relaté qu’un camion de l’entreprise avait déjà perdu un ensemble de roues sur la route et que cette situation avait causé la mort d’une personne (pièce GD3-36).

[26] Il a expliqué que le fait d’avoir eu à conduire ce camion pendant plusieurs mois, sans que les problèmes ne soient réglés, avait représenté un stress pour lui (pièces GD3-29 à GD3-37).

[27] L’appelant a déclaré avoir signalé à l’employeur, et ce, à plusieurs reprises, les problèmes qu’il avait avec son camion, mais que cela n’avait rien changé. Il a indiqué avoir commencé à se plaindre aussitôt qu’il est monté dans ce camion (pièce GD3-25).

[28] L’appelant a fait valoir qu’il n’avait pas quitté son emploi sur un coup de tête. Il a expliqué que depuis plusieurs mois, il endurait son emploi et pensait à le quitter (pièce GD3-39).

[29] L’appelant a expliqué avoir discuté de la situation avec le propriétaire (patron), monsieur Y. C., et lui avoir dit à plusieurs reprises que cela n’avait pas de bon sens de circuler avec un tel camion. Il a affirmé avoir dit à l’employeur qu’il n’allait pas le conduire longtemps parce que ça n’avait pas d’allure.

[30] L’appelant a précisé que les bris sur son camion étaient fréquents. Il a déclaré avoir signalé à l’employeur les problèmes qu’il avait avec ce camion, chaque deux ou trois semaines, pendant les sept ou huit derniers mois de son emploi. L’appelant a spécifié qu’il ne signait toutefois jamais la feuille concernant l’état de ses camions, ce qui aurait permis au gouvernement de faire des vérifications à cet effet, et qu’il faisait plutôt un rapport verbal de la situation à l’employeur. Il a dit n’avoir rien fait pour caler l’employeur. L’appelant a souligné que l’ancien propriétaire comprenait plus la responsabilité qu’il avait à cet égard (ex. : entretien et réparations des camions, les immobiliser au besoin, jusqu’à ce qu’ils soient réparés). L’appelant a affirmé que le nouveau propriétaire n’entretenait pas ses camions aussi bien que l’ancien propriétaire. L’appelant a expliqué que le nouveau propriétaire réparait ses camions, mais qu’il y avait toujours un délai ou qu’ils étaient mal réparés (pièces GD3-29 à GD3-39).

[31] L’appelant a expliqué qu’à chaque fois qu’il a parlé de son camion au propriétaire, celui-ci ne lui répondait pas ou lui parlait d’autres choses, ou encore, lui disait : « [...] je le sais que tu l’aimes pas [ton camion], c’est correct [...]  ». Selon l’appelant, le propriétaire n’en finissait jamais, même si son camion était « un danger public » (pièce GD3-25).

[32] L’appelant a affirmé que le propriétaire avait fini par lui dire que si son camion était toujours brisé, c’était sa faute. Il a souligné qu’il parcourait plus de 200 000 kilomètres par année et que le camion qu’il conduisait habituellement ne brisait jamais. Lorsque le moteur de son ancien camion avait sauté, après avoir roulé plus de 2 000 000 de kilomètres, le propriétaire lui avait dit : « C’est toi qui chauffes mal », alors qu’il n’avait jamais eu de bris avec ce camion auparavant. Il a expliqué qu’à chaque fois qu’il essayait d’expliquer des choses au propriétaire, cela finissait toujours « en queue de poisson », car celui-ci ne répondait jamais aux questions. L’appelant a dit avoir fini par se tanner (pièces GD3-29 à GD3-39).

[33] L’appelant a expliqué que l’employeur lui avait dit qu’il allait l’assigner à un autre camion, qu’il avait pensé acquérir un autre camion usagé, mais que cela ne s’était pas produit (pièces GD3-29 à GD3-39).

[34] L’appelant a expliqué avoir aussi parlé de l’état de son camion avec le répartiteur (« dispatch ») plusieurs mois avant de quitter son emploi. Il a indiqué que le répartiteur était bien au courant de l’état des camions de l’entreprise pour les avoir déjà conduits ou essayés. L’appelant a déclaré que le répartiteur était aussi au courant qu’il n’allait pas endurer cette situation très longtemps et qu’il allait se trouver un autre emploi.

[35] Il a précisé que c’était au répartiteur qu’il a annoncé qu’il allait quitter son emploi. L’appelant a spécifié lui avoir fait cette annonce environ deux semaines avant de faire son départ volontaire, et lui avoir dit que cela achevait.

[36] Il a expliqué avoir indiqué à l’employeur, à la fin de sa dernière semaine de travail, qu’il allait travailler, comme prévu, le dimanche suivant.

[37] L’appelant a déclaré qu’avant de s’en aller pour la fin de semaine, il était retourné dans le garage de l’employeur et a dit au mécanicien que le camion ne freinait plus, que cela n’avait pas d’allure, qu’il y avait quelque chose qui n’était pas correct. Il a dit avoir alors constaté qu’il y avait une fuite d’huile provenant du différentiel du camion, qui s’écoulait près d’une roue, et qu’il y avait un ensemble de freins (« set de brakes ») qui ne fonctionnait plus. L’appelant a indiqué qu’il y avait de l’huile provenant d’un « seal » de roue (joint d’étanchéité) qui s’écoulait au travers des freins. Il a souligné qu’en constatant l’état du camion, le mécanicien souriait, mais lui a dit qu’il allait faire la réparation. L’appelant a expliqué que malgré les réparations effectuées sur son camion, le mécanicien de l’employeur ne venait jamais à bout de réparer le camion en question et qu’il y avait toujours quelque chose qui clochait. Il a indiqué que le mécanicien pouvait faire l’essai de son camion dans la cour, à une vitesse de 10 km/h, et sans avoir de charge à transporter (pièces GD3-29 à GD3-39).

[38] L’appelant a expliqué avoir aussi demandé au mécanicien de l’entreprise d’essayer de trouver l’origine du problème de vibration de son camion, mais que celui-ci n’avait pas été en mesure de le faire. Il a souligné que le problème de son camion n’a jamais été réglé (pièces GD3-29 à GD3-37).

[39] L’appelant s’est dit en désaccord avec la version de l’employeur selon laquelle son camion était en ordre (pièces GD3-39 et GD3-40).

[40] L’appelant a indiqué ne pas avoir communiqué avec le propriétaire (Y. C.) pour lui annoncer qu’il quittait volontairement son emploi. Il a expliqué qu’il ne lui avait pas parlé, car cela n’aurait servi à rien, que cela ne l’intéressait pas de le faire et qu’il ne lui répondrait même pas (pièce GD3-40).

[41] L’appelant a expliqué ne pas avoir déposé de plaintes auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) concernant la situation qu’il vivait dans son travail. Il a émis l’avis que s’il avait intenté un recours à cet effet, tellement d’anomalies auraient été trouvées que la compagnie aurait fermé ses portes ou fait banqueroute (pièces GD3-25 et GD3-39).

[42] L’appelant a affirmé que l’entreprise avait des problèmes sur la route (ex. : contraventions ou « tickets »), plus que la normale, en raison des bris de ses camions. Il a souligné que l’employeur avait une flotte d’environ 14 camions, avant le changement de propriétaire et que par la suite, le nombre de camions avait diminué à quatre ou cinq camions. L’appelant a souligné que plus de la moitié de la flotte de camions et de remorques (« trailers ») avait été « scrappée » parce que ce n’était plus potable et que c’était dangereux. Il a expliqué que la remorque qu’il avait utilisée chez l’employeur devait être « scrappée », que celui-ci avait continué de l’entretenir en ajoutant des pièces, mais que cela ne tenait pas (pièces GD3-38 et GD3-39).

[43] L’appelant a expliqué avoir éprouvé des problèmes de santé liés à ses conditions de travail et à l’usage du camion qu’il a conduit pendant les derniers mois de son emploi soit : bras engourdis, douleurs aux épaules, en raison de l’utilisation du « shifter » (levier de vitesses), problèmes intestinaux, gain de poids, problèmes de sommeil (pièces GD3-25 et GD3-29 à GD3-39).

[44] L’appelant a déclaré ne pas avoir consulté un médecin concernant ces problèmes, car il voyait bien que plusieurs d’entre eux étaient causés par le camion qu’il conduisait. Il a souligné que le problème : c’était le camion (pièces GD3-25, GD3-38 et GD3-39).

[45] L’appelant a mentionné qu’en raison de ses problèmes de santé, il n’avait pas commencé tout de suite son nouvel emploi, après avoir quitté volontairement celui qu’il avait.

[46] L’appelant a expliqué qu’il ne s’était pas plaint du nombre d’heures qu’il devait faire chez l’employeur. Il a précisé qu’il effectuait environ 70 heures de travail par semaine lorsqu’il a travaillé chez l’employeur et que ce n’était pas la raison de son départ volontaire (pièces GD3-29 à GD3-37).

[47] De son côté, dans des déclarations faites à la Commission le 29 janvier 2018 et le 6 mars 2018, l’employeur a indiqué que l’appelant n’aimait pas son nouveau camion, mais que ce camion était conforme et en ordre (pièce GD3-26 et GD3-40).

[48] L’employeur a indiqué que l’appelant avait quitté son emploi pour occuper un autre emploi dans le domaine de la construction, avec son fils, et qu’il ne pouvait donner plus de détails concernant les motifs de sa démission (pièces GD3-26 et GD3-40).

[49] Dans son argumentation, la Commission a fait valoir que l’appelant avait blâmé l’employeur parce que celui-ci n’a jamais pris les mesures nécessaires pour remédier aux problèmes liés à ses conditions de travail. Elle a évalué que la possibilité pour l’appelant de travailler pour son fils, avec de meilleures conditions de travail, l’avait motivé à quitter son emploi (pièces GD4-5 et GD4-6).

[50] Le Tribunal tient pour avérées les affirmations de l’appelant selon lesquelles sa sécurité et celle d’autres personnes ont pu être sérieusement compromises en raison de l’état du camion qu’il devait conduire.

[51] Le témoignage de l’appelant, lequel n’a pas été contredit, indique aussi qu’avant d’effectuer son départ volontaire, il a signalé les problèmes mécaniques de son camion à l’employeur, et ce, à de nombreuses reprises, mais que celui-ci n’a pas effectué les suivis appropriés afin que ce camion soit sécuritaire. Le propriétaire a plutôt conclu que c’était la conduite de l’appelant qui était en cause.

[52] Le Tribunal trouve que les déclarations de l’employeur se limitent à indiquer que le camion que conduisait l’appelant était conforme et à l’ordre. L’employeur n’a pas expliqué de quelle façon il avait donné une suite aux nombreuses interventions de l’appelant concernant ses problèmes avec son camion.

[53] Le Tribunal est également d’avis que l’employeur a cherché à faire porter le blâme par l’appelant pour les problèmes que celui-ci éprouvait avec son camion.

[54] Le Tribunal estime que l’appelant a démontré avoir travaillé dans des conditions de travail pouvant être dangereuses pour sa santé ou sa sécurité, en vertu de l’alinéa 29c)(iv) de la Loi. Dans le cas présent, une question de sécurité était essentiellement en cause en raison de l’utilisation que l’appelant devait faire de son camion pour accomplir son travail de chauffeur.

Est-ce que le départ volontaire était la seule solution raisonnable dans le cas de l’appelant?

[55] Oui. Le Tribunal considère que la décision prise par l’appelant de quitter volontairement l’emploi qu’il occupait chez l’employeur doit être considérée, compte tenu de toutes les circonstances, comme la seule solution raisonnable dans cette situation (White, 2011 CAF 190, Macleod, 2010 CAF 301, Imran, 2008 CAF 17, Peace, 2004 CAF 56, Astronomo, A-141-97, Landry, A-1210-92, Laughland, 2003 CAF 129).

[56] Le Tribunal considère que plusieurs mois avant de quitter son emploi, l’appelant a fait des démarches auprès de l’employeur, dans le but de trouver une solution face au problème de sécurité auquel il a été confronté concernant la conduite de son camion et du risque que ce camion pouvait poser pour sa sécurité et celle des autres.

[57] Le témoignage de l’appelant indique qu’il a signalé à l’employeur (ex. : propriétaire, répartiteur), et ce, à plusieurs reprises, les problèmes observés sur son camion et les risques que ce camion pouvait poser pour sa sécurité et celle d’autrui.

[58] Son témoignage indique également que les nombreuses démarches qu’il a faites auprès de l’employeur se sont avérées infructueuses, puisque les problèmes mécaniques et l’état général du camion ont continué de poser un problème de sécurité.

[59] Le Tribunal est d’avis que l’appelant a tenté de résoudre les problèmes qu’il avait avec l’employeur concernant l’usage de son camion, avant de prendre la décision de quitter volontairement son emploi (White, 2011 CAF 190).

[60] Le Tribunal ne retient pas l’argument de la Commission voulant qu’une solution raisonnable pour l’appelant aurait été de conserver son emploi chez X jusqu’au moment de son nouvel emploi commencé le 31 juillet 2017, et de s’assurer que ce nouvel emploi serait d’une durée suffisamment longue (pièce GD4-6).

[61] Le Tribunal ne retient pas non plus l’argument de la Commission selon lequel l’appelant n’avait pas démontré qu’il y avait urgence de quitter son emploi et qu’il avait plutôt fait le choix personnel de quitter un emploi permanent pour un emploi saisonnier.

[62] Le Tribunal ne peut non plus souscrire à l’analyse de la Commission voulant que l’appelant aurait également dû demander un avis médical et/ou contacter la CNESST si ses conditions de travail étaient si intolérables.

[63] Le Tribunal est d’avis qu’après avoir fait des démarches auprès de l’employeur afin de tenter de trouver une solution au problème auquel il était confronté, l’appelant ne pouvait être contraint de continuer de conduire un camion pouvant présenter des risques pour sa sécurité et celle des autres.

[64] Le Tribunal estime que l’appelant a été amené à travailler dans des conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité, tel que le précise l’alinéa 29c)(iv) de la Loi.

[65] Le Tribunal retient que ce sont essentiellement des raisons de sécurité qui justifient le départ volontaire de l’appelant et qu’un avis médical n’était pas nécessaire ou obligatoire dans son cas.

[66] Étant donné les nombreuses interventions faites par l’appelant auprès de l’employeur, dans le but de résoudre le problème lié à l’usage de son camion, le Tribunal est d’avis qu’on ne peut lui tenir rigueur de ne pas avoir entrepris une démarche additionnelle auprès de la CNESST afin de signaler un problème dont l’employeur était déjà au fait et pour lequel il n’a pas apporté de solution satisfaisante. L’appelant a d’ailleurs indiqué qu’il n’avait pas fait une telle démarche pour ne pas nuire à son employeur.

[67] En résumé, le Tribunal estime que l’appelant a démontré qu’il n’existait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi (White, 2011 CAF 190, Macleod, 2010 CAF 301, Imran, 2008 CAF 17, Peace, 2004 CAF 56, Astronomo, A-141-97, Landry, A-1210-92, Laughland, 2003 CAF 129).

[68] S’appuyant sur la jurisprudence ci-haut mentionnée, le Tribunal considère que compte tenu de toutes les circonstances, l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploi aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

Conclusion

[69] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparution :

10 octobre 2018

Téléconférence

A. G., appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations - qu’elle soit initiale ou non - n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

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