Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. La prestataire ne peut commencer à toucher ses prestations de maternité avant le 23 septembre 2018, conformément aux dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi.

Aperçu

[2] La prestataire est enceinte, et elle a présenté une demande spéciale d’assurance-emploi (AE) pour des prestations de maladie à la suite de complications médicales liées à sa grossesse. La prestataire a demandé que ses prestations de maternité et ses prestations parentales lui soient versées immédiatement après les 15 semaines de prestations de maladie. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a conclu que les prestations de maternité de la prestataire ne pouvaient lui être versées à compter de la date demandée comme celle-ci précédait de plus de 12 semaines la date prévue de son accouchement. La Commission a maintenu sa décision après révision. La prestataire fait maintenant appel de cette décision au Tribunal.

Question en litige

[3] La prestataire est-elle admissible à des prestations de maternité immédiatement après la fin de ses prestations de maladie, durant la semaine du 18 août 2018?

Analyse

[4] Les prestations de grossesse, au sens de la Loi, sont souvent appelées prestations de maternité par les prestataires et la Commission. Comme la prestataire a utilisé ce terme, je vais moi aussi faire référence à des prestations de « maternité » plutôt qu’à des prestations de « grossesse ». Les prestations de maternité font partie des prestations spéciales, et elles sont payables à certaines prestataires qui prouvent leur grossesse, et ce pour chaque semaine de chômage comprise dans la période qui commence soit 12 semaines avant la date présumée de l’accouchement, soit, si elle est antérieure, la semaine de l’accouchement (Loi, article 22(2)).

[5] Le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations de maternité peuvent être versées au cours d’une période de prestations est, dans le cas d’une grossesse, 15 semaines (Loi, article 12(3)(a)).

[6] Le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations de maladie, aussi des prestations spéciales, peuvent être versées au cours d’une période de prestations est, dans le cas d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine, 15 semaines (Loi, article 12(3)(c)).

[7] Les prestations parentales sont également des prestations spéciales, et peuvent être réclamées par un prestataire qui veut prendre soin de son ou de ses nouveau-nés ou d’un ou plusieurs enfants placés chez lui en vue de leur adoption (Loi, article 23(1)). Le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations parentales peuvent être versées est 35 ou 61 semaines, au choix du prestataire (Loi, articles 12(3)(b)(i) et (ii)).

[8] En l’espèce, la prestataire a déclaré dans sa demande de prestations initiales qu’elle voulait obtenir des prestations de maladie, suivies de prestations de maternité pendant 15 semaines et de prestations parentales pendant 35 semaines.

[9] La prestataire a souffert de complications médicales tôt dans sa grossesse et a fourni au Tribunal une preuve médicale montrant qu’elle avait cessé de travailler à la fin d’avril 2018, et qu’elle avait été incapable de reprendre le travail jusqu’au 21 décembre 2018. Une période de prestations a été établie à son profit et des prestations de maladie ont été versées à la prestataire dès la semaine du 29 avril 2018, et jusqu’à la semaine du 18 août 2018. Elle a demandé de bénéficier des 15 semaines maximales de prestations.

[10] La Commission a conclu que la prestataire ne pouvait pas recevoir ses prestations de maternité dès la fin de ses prestations de maladie, comme la Loi précise que ces prestations ne sont payables que 12 semaines avant la date présumée de l’accouchement, qui était le 21 décembre 2018 dans le cas de la prestataire. La Commission a constaté que le 23 septembre 2018 était la date précédant de 12 semaines la date présumée de l’accouchement, ce dont la prestataire a convenu durant l’audience.

[11] La Commission a reconnu qu’il y aurait un écart entre la fin des prestations de maladie et le début des prestations de maternité. La Commission a aussi soutenu que la prestataire ne pourrait toucher que 31 des 35 semaines de prestations parentales en raison de cet écart.

[12] La prestataire a fait valoir qu’il était injuste qu’on s’attende à ce qu’elle puisse vivre sans prestations du 18 août 2018 au 23 septembre 2018, alors qu’il existe une preuve médicale de son incapacité à travailler. Elle a aussi soutenu qu’elle perdait des semaines entre ses prestations de maladie et ses prestations de maternité, et qu’elle perdait également des semaines à la fin de ses prestations parentales, ce qu’elle trouve injuste et contraire à ce dont d’autres personnes ont bénéficié.

[13] La Commission a soutenu qu’il n’y a aucun fondement juridique permettant de verser à la prestataire des prestations de maternité pendant des semaines additionnelles, ou de lui verser ces prestations à compter d’une date antérieure pour des raisons de maladie. La Commission a soutenu que la Loi n’autorise le versement de prestations de maternité que 12 semaines avant la date prévue de l’accouchement, et que ce délai n’est sujet à aucune flexibilité ni discrétion à des fins de prolongation.

[14] La question dont je suis saisie porte strictement sur les prestations de maternité. Bien que la date où débute le versement de ces prestations a une incidence sur le nombre de semaines durant lesquelles des prestations parentales peuvent être versées, je dois considérer le droit s’appliquant expressément aux prestations de maternité.

[15] La Loi édicte clairement qu’une prestataire ne peut commencer à toucher des prestations de maternité plus de 12 semaines avant la date prévue de son accouchement. Aucune discrétion ne permet de commencer à verser les prestations avant ce délai. Même si la prestataire a soutenu qu’elle trouvait cela injuste, la Loi est claire en ce qui a trait au moment où peut commencer le versement de prestations de maternité et, comme il était attendu que son accouchement ait lieu le 21 décembre 2018, date qui n’est pas contestée, je constate que ces prestations ne peuvent être versées dès la fin du versement de ses prestations de maladie, le 18 août 2018, mais au plus tôt à compter de la semaine du 23 septembre 2018, soit 12 semaines avant la date présumée de son accouchement, en dépit de son incapacité confirmée à reprendre le travail.

[16] Je souligne que la prestataire a exprimé une certaine confusion quant aux raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas recevoir 35 semaines de prestations parentales, compte tenu du fait qu’elle avait accumulé le nombre d’heures d’emploi assurable requis et cotisé au régime d’AE. Le fait qu’une période de prestations est établie ne garantit pas le versement de prestations pour toute la durée de cette période. En l’espèce, la prestataire avait touché 15 semaines de prestations de maladie, après lesquelles elle était demeurée incapable de reprendre le travail. Sa période de prestations a continué de s’écouler pendant qu’elle ne travaillait pas. À la date où la prestataire devient admissible au bénéfice de prestations de maternité, le 23 septembre 2018, elle n’a pas assez d’heures d’emploi assurable pour qu’une nouvelle période de prestations soit établie à son profit; sa période de prestations en cours sera donc remise en vigueur et des prestations de maternité d’AE lui seront versées sans qu’elle n’ait à purger un autre délai de carence. La période de prestations continue de s’écouler, de même que durant le versement des prestations parentales. Il est possible qu'un prestataire arrive au terme de sa période de prestations sans avoir touché la totalité des semaines de prestations auxquelles il était admissible. Même si je reconnais que la prestataire trouve cela injuste, je ne suis pas habilitée à modifier la loi.

[17] La prestataire a également signifié dans ses observations qu’elle aurait plus droit à des prestations d’AE que certaines autres personnes qui pourraient chercher à exploiter le système. Le fait que la prestataire a cotisé au programme d’AE ne la rend pas automatiquement admissible à des prestations durant une période de chômage. La Loi est un régime d’assurance et, comme dans le cas des autres régimes d’assurance, les prestataires doivent remplir les conditions du régime pour bénéficier de prestations (Pannu c Canada (Procureur général), 2004 CAF 90).

[18] La prestataire a aussi affirmé que la Commission lui avait dit que son époux pourrait demander ses semaines de prestations parentales restantes, soit celles qu’elle n’avait pas pu utiliser durant sa période de prestations. La prestataire a affirmé qu’elle et son époux ne pouvaient pas se permettre que ce dernier utilise des semaines additionnelles, comme ils avaient besoin de son salaire pour survivre. Elle se demandait pourquoi cela était une possibilité alors qu’on ne lui permettait pas de toucher des prestations de maternité dès la fin de ses prestations de maladie. Je souligne que, même s’il est possible pour l’autre parent de demander des semaines de prestations parentales, il revient à chacun de déterminer, eu égard à sa propre situation, s’il s’agit d’un choix judicieux. Il n’y a aucun lien entre le droit de chaque parent de demander des prestations parentales et la date à partir de laquelle les prestations de maternité de la prestataire sont versées. Je comprends que la prestataire essayait de signifier qu’elle ne comprenait pas pourquoi les prestations ne pouvaient pas lui être versées par le truchement de prestations de maternité hâtives alors que ces prestations étaient disponibles à la demande de son époux. Je le répète, le versement de prestations de maternité n’est sujet à aucune discrétion pour qu’il commence plus tôt que 12 semaines avant la date anticipée de l’accouchement.

[19] Enfin, la prestataire a avancé qu’une prestataire qui ferait une fausse couche après 20 semaines de grossesse aurait droit à des prestations de maternité pendant 15 semaines. Elle a affirmé qu’elle était à sa vingtième semaine de grossesse le 3 août 2018, et qu’elle ne comprenait pas pourquoi elle pourrait recevoir 15 semaines de prestations de maternité en dépit d’une fausse couche alors qu’elle était inadmissible à toutes les semaines si elle donnait naissance à un enfant. Elle a soutenu qu’elle ne comprenait pas pourquoi l’arrêt de travail ordonné par son médecin jusqu’à la fin de sa grossesse ne suffisait pas à la rendre admissible aux prestations de maternité, [traduction] « alors que tant d’autres passent si facilement ». Je souligne que la prestataire ne se voit refuser aucune des 15 semaines de prestations de maternité; elle ne peut simplement pas commencer à les recevoir à la date de son choix, comme celle-ci est trop éloignée de la date prévue de son accouchement.

[20] Bien que je suis sensible au point de vue de la prestataire, il n’y a en l’espèce aucun fondement juridique permettant de lui verser des prestations de maternité avant le 23 septembre 2018. Qui plus est, je ne peux qu’examiner l’affaire dont je suis saisie; les témoignages anecdotiques sur des collègues et des connaissances qui ont, dans des circonstances analogues, bénéficié de prestations de maternité hâtives ou abusé du régime d’AE, ne sont donc d’aucune pertinence. La Cour d’appel fédérale a statué ce qui suit au sujet des causes donnant lieu à des décisions pouvant sembler injuste en apparence :

[...] des règles rigides sont toujours susceptibles de donner lieu à des résultats sévères qui paraissent en contradiction avec les objectifs du régime législatif. Toutefois, aussi tentant que cela puisse être dans certains cas (et il peut bien s’agir en l’espèce de l’un de ces cas), il n’est pas permis aux arbitres de réécrire la loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaire. (Canada (Procureur général) c Knee, 2011 CAF 301)

Bien que la prestataire puisse trouver sévère ce résultat, je suis tenue de respecter la loi et de rendre des décisions fondées sur les lois, les règlements et les précédents établis par les tribunaux qui sont pertinents.

Conclusion

[21] L’appel est rejeté. Les prestations de maternité de la prestataire peuvent seulement lui être versées à compter du 23 septembre 2018.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 19 septembre 2018

Téléconférence

L. S., appelante

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

  1. 22 (1) Malgré l’article 18 mais sous réserve des autres dispositions du présent article, des prestations sont payables à la prestataire de la première catégorie qui fait la preuve de sa grossesse.
  2. (2) Sous réserve de l’article 12, les prestations prévues au présent article sont payables à une prestataire de la première catégorie pour chaque semaine de chômage comprise dans la période qui :
    1. a) commence :
      1. (i) soit douze semaines avant la semaine présumée de son accouchement,
      2. (ii) soit, si elle est antérieure, la semaine de son accouchement;
    2. b) se termine dix-sept semaines après :
      1. (i) soit la semaine présumée de son accouchement,
      2. (ii) soit, si elle est postérieure, la semaine de son accouchement.
  3. (3) Lorsque des prestations sont payables à une prestataire en raison de chômage causé par sa grossesse et que des allocations, prestations ou autres sommes lui sont payables pour cette grossesse en vertu d’une loi provinciale, les prestations qui lui sont payables en vertu de la présente loi sont réduites ou supprimées tel qu’il est prévu par règlement.
  4. (4) Pour l’application de l’article 13, l’article 18 ne s’applique pas à la semaine qui précède la période visée au paragraphe (2).
  5. (5) Sous réserve du paragraphe 19(3), lorsqu’une prestation doit, en vertu du présent article, être payée à une prestataire de la première catégorie à l’égard d’une semaine de chômage, il est déduit de cette prestation toute allocation, prestation ou autre somme qui doivent lui être payées à l’égard de cette semaine en vertu d’un régime couvrant des assurés exerçant un emploi au service d’un employeur pour lequel ce dernier a obtenu une réduction du taux de cotisation patronale aux termes d’un règlement pris en application du paragraphe 69(1).
  6. (6) La période durant laquelle des prestations sont payables en vertu du paragraphe (2) est prolongée du nombre de semaines d’hospitalisation de l’enfant dont la naissance est à l’origine du versement des prestations.
  7. (7) La période prolongée en vertu du paragraphe (6) ne peut excéder les cinquante-deux semaines qui suivent la semaine de l’accouchement.
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