Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante a commencé à travailler dans un centre d’appels le 22 mai 2017. Elle a trouvé la formation difficile à cause de problèmes de vue et de sa difficulté à comprendre la matière. Se sentant dépassée, l’appelante a quitté son emploi le 23 juin 2017. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a conclu que son départ n’avait pas constitué la seule solution raisonnable dans son cas et l’a donc exclue du bénéfice des prestations. L’appelante a demandé une révision, mais la Commission a décidé de maintenir sa décision initiale. L’appelante a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Le Tribunal conclut que le départ de l’appelante n’avait pas constitué la seule solution raisonnable dans son cas et qu’elle n’avait donc pas été fondée à quitter volontairement son emploi.

Questions en litige

[4] Les questions à trancher sont les suivantes :

Question no 1 : L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi?

Question no 2 : Si tel est le cas, son départ avait-il été la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances?

Analyse

[5] Les dispositions législatives pertinentes figurent en annexe de la présente décision.

[6] Un prestataire qui quitte volontairement son emploi ou qui démissionne est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi, à moins de pouvoir démontrer qu’il a été fondé à le faire (article 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi). Un prestataire est fondé à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait sa seule solution raisonnable (article 29 de la Loi). Il incombe à la Commission de prouver qu’un prestataire a quitté volontairement son emploi, mais c’est ensuite le prestataire qui doit démontrer qu’il a été fondé à le faire, eu égard à toutes les circonstances (Green c Canada (P. G.), 2012 CAF 313).

Question no 1 : L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi?

[7] L’appelante affirme qu’elle a quitté son emploi le 23 juin 2017. Le Tribunal accepte cette observation. Rien ne permet au Tribunal de penser que l’appelante n’aurait pas quitté son emploi le 23 juin 2017. L’appelante affirme qu’elle avait approché la réceptionniste avant son quart de travail du 23 juin 2017 pour l’informer qu’elle démissionnait. D’après la preuve, le Tribunal constate que l’appelante a quitté son emploi le 23 juin 2017. Il faudra donc déterminer si l’appelante a été fondée à quitter son emploi pour savoir si elle doit être exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question no 2 : Le départ de l’appelante avait-il été la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances?

[8] Conformément à la Loi, un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justification; un prestataire est fondé à quitter son emploi à condition que son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances (articles 29 et 30). La Cour d’appel fédérale a établi que, pour savoir si un prestataire est fondé à quitter son emploi, « il faut se demander “si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ […] constitue [selon la prépondérance des probabilités] la seule solution raisonnable dans son cas” » (Canada (P. G.) c White, 2011 CAF 190 au paragraphe 3).

[9] Bien qu’un employé puisse croire qu’il avait de bonnes raisons de quitter son emploi, la Cour fédérale a confirmé qu’un motif valable et une justification sont des concepts différents (Canada (P. G.) c Laughlin, 2003 CAF 129 au paragraphe 9).

[10] Le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas démontré qu’elle avait été fondée à quitter son emploi.

[11] L’appelante soutient que son départ constituait sa seule solution raisonnable le 23 juin 2017.

Problèmes visuels

[12] L’appelante affirme qu’elle avait commencé à avoir des problèmes de vue dès le début de son emploi. Même si elle avait déjà travaillé dans un milieu nécessitant qu’elle utilise des écrans d’ordinateur, elle affirme que la configuration des écrans chez son nouvel employeur lui causait des difficultés visuelles. L’appelante précise qu’elle porte des verres à double foyer, et qu’elle avait besoin d’incliner la tête vers l’arrière pour voir les mots sur ses écrans, ce qui lui faisait mal au cou. Elle devait aussi demander chaque jour de faire changer la taille de la police sur ses écrans pour que les mots soient plus lisibles. Enfin, elle trouvait qu’un écran en particulier lui rendait la lecture difficile en raison de sa couleur jaune particulièrement vif.

[13] L’appelante a affirmé qu’elle avait consulté un optométriste en raison des problèmes de vue qu’elle éprouvait au travail. Son optométriste avait suggéré qu’elle se procure des verres à triple foyer, qui l’aideraient probablement à faire sa mise au point en regardant l’écran. L’appelante a affirmé que les lunettes recommandées coûtaient environ 800 $ et qu’elle ne pouvait pas se permettre cette dépense.

[14] L’appelante affirme qu’elle avait fait part de ses difficultés visuelles à l’un des formateurs mais qu’elle ne se souvient pas d’avoir expressément mentionné qu’elle avait besoin de lunettes particulières. L’intimée soutient que l’employeur aurait pu procéder à une évaluation en milieu de travail s’il avait été au courant des difficultés visuelles de l’appelante. L’appelante a déclaré qu’elle ne savait pas qu’il s’agissait d’une option et que son employeur ne lui avait pas dit qu’une telle évaluation était possible. L’appelante affirme qu’elle aurait certainement essayé d’obtenir une évaluation de son milieu de travail pour remédier à ses problèmes visuels si elle avait su qu’il s’agissait d’une option.

Difficultés liées à la formation

[15] L’appelante affirme qu’elle avait eu beaucoup de difficulté à suivre la formation exigée par son employeur. Sa formation avait débuté le 22 mai 2017 et était toujours en cours lorsqu’elle avait quitté son emploi, le 23 juin 2017. Même si elle utilisait un ordinateur dans le cadre de son emploi précédent, elle avait eu de la difficulté à maîtriser les programmes de cet employeur. Elle affirme qu’il lui fallait souvent demander des instructions à ses collègues et aux formateurs, ce qu’elle trouvait frustrant. L’appelante soutient qu’elle avait souvent signalé aux formateurs qu’elle ne comprenait pas du tout la matière. Elle affirme que les formateurs répétaient alors la matière devant le groupe mais qu’elle aurait préféré une formation individuelle.

[16] L’appelante affirme que, plusieurs jours avant de remettre sa démission, elle avait rencontré l’un de ses formateurs et un superviseur ayant plus d’ancienneté que son formateur. Elle affirme qu’on l’avait informée durant cette rencontre qu’elle ne faisait pas les progrès espérés dans le cadre de la formation. L’appelante affirme qu’on lui avait dit qu’elle ne passerait pas à la prochaine étape de la formation prévue. On lui avait dit qu’elle resterait plutôt à son niveau actuel de la formation. L’appelante affirme qu’elle n’avait pas été contente, mais qu’elle ne souvenait pas d’avoir dit au formateur ou au superviseur plus chevronné qu’elle se sentait dépassée pas la matière ou qu’elle éprouvait des difficultés visuelles.

[17] Dans sa preuve documentaire, l’intimée a notamment soumis le résumé d’une conversation téléphonique qu’elle avait eue avec l’employeur de l’appelante, le 20 juin 2018. Durant cette conversation téléphonique, l’employeur de l’appelante avait affirmé qu’il prévoyait d'offrir une formation supplémentaire à l’appelante comme elle n’était pas, à son avis, prête, à passer au module suivant de la formation.

[18] Malgré la formation supplémentaire qui était prévue, l’appelante affirme qu’elle s’était présentée au travail le 23 juin 2017 et qu’elle avait informé la réceptionniste de sa démission. L’appelante n’a pas parlé aux formateurs ni aux superviseurs cette journée-là.

[19] L’intimée soutient que le départ de l'appelante n’avait pas constitué sa solution raisonnable. Les solutions raisonnables suggérées incluaient notamment que l’appelante demande :

  1. un congé sans solde;
  2. une mutation à un autre poste;
  3. des mesures d’adaptation pour ses problèmes de vue;
  4. une formation supplémentaire.

[20] L’appelante affirme qu’elle s’était sentie dépassée le 23 juin 2017 et qu’elle avait décidé de démissionner. Elle a déclaré qu’elle n’avait jamais demandé de mesures d’adaptation parce qu’elle n’y avait pas pensé à ce moment-là. Pourtant, l’appelante avait déjà demandé certaines mesures d’adaptation pour certaines de ses difficultés visuelles, et l’employeur avait fait des efforts pour l’aider. Le témoignage de l’appelante le prouve, comme elle a affirmé que l’un de ses formateurs essayait de modifier la taille sur ses écrans chaque jour. Le Tribunal estime que l’appelante avait décidé de quitter son emploi de façon précipitée, sans considérer les autres solutions raisonnables possibles.

[21] Compte tenu de toutes les circonstances, le départ de l’appelante n’avait pas constitué la seule solution raisonnable dans son cas. Elle n’avait pas fait savoir à son employeur qu’elle se sentait complètement dépassée, ne serait-ce que pour lui demander de prendre un congé sans solde ou d’être affectée à un autre poste qu’elle trouverait moins difficile. Même si l’appelante avait fait part à son employeur de certains de ses problèmes de vue et de sa difficulté à maîtriser les tâches du poste, elle n’avait pas soulevé ces préoccupations au-delà de ses collègues ou de ses formateurs. Elle n'en avait pas fait mention durant la rencontre en personne avec son superviseur dans les jours qui ont précédé sa démission. Elle n’avait pas accepté la formation supplémentaire que lui avait offerte son employeur. Enfin, elle n’avait pas cherché un autre emploi avant de quitter le sien. Eu égard à ses problèmes de vue et à ses difficultés liées à la formation, même considérés conjointement, le Tribunal conclut que le départ de l’appelante n’avait pas constitué la seule solution raisonnable dans son cas.

[22] Selon la prépondérance des probabilités, l’appelante disposait des solutions raisonnables qui précèdent et n’a donc pas été fondée à quitter son emploi. Le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas examiné ces solutions de rechange du fait qu’elle croyait sans fondement qu’il serait impossible de lui fournir des mesures d’adaptation pour l’aider.

[23] D’après l’ensemble des éléments de preuve portés à sa connaissance, le Tribunal conclut que l’appelante a quitté son emploi sans justification.

Conclusion

[24] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 9 octobre 2018

Téléconférence

R. S., appelante

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.