Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli et la décision de réexamen de la Commission de l’assurance-emploi du Canada est rétablie.

Aperçu

[2] L’intimée, V. S. (la prestataire), avait travaillé pour un établissement de restauration rapide jusqu’en août 2017, date à laquelle elle a quitté pour retourner aux études. Elle a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] L’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission), a rejeté sa demande de prestations parce qu’elle a conclu qu’elle n’était pas disponible pour travailler, étant donné qu’elle ne cherchait pas de travail pendant qu’elle fréquentait l’école. La Commission a imposé une inadmissibilité pour une période indéterminée en vertu de l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission a également conclu que la prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification en vertu de l’alinéa 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi et que son départ volontaire n’était pas sa seule solution raisonnableNote de bas de page 1. Elle a ensuite imposé une exclusion d’une durée indéterminée, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[4] La prestataire a demandé un réexamen en affirmant qu’elle avait été autorisée à participer au programme dans le cadre du programme des étudiants indépendants de la provinceNote de bas de page 3. À l’étape du réexamen, la Commission a tranché en faveur de la prestataire sur la question de sa disponibilité pour travailler parce que dans les faits, elle avait reçu l’approbation de participer au programmeNote de bas de page 4. Toutefois, la Commission a maintenu sa décision selon laquelle la prestataire avait quitté volontairement son emploi; elle a également maintenu l’exclusion en vertu de l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[5] La prestataire a interjeté appel de la décision de réexamen de la Commission auprès de la division générale. La division générale a décidé que la prestataire avait quitté volontairement son emploi. La division générale a conclu que la prestataire avait été référée à un cours de formation autorisé par une autorité désignée. Toutefois, comme la recommandation n’était pas en place au moment où la prestataire a quitté son emploi, sa décision de retourner aux études était un choix personnel et ne constituait pas un motif valable. Néanmoins, la division générale a également conclu que, parce que l’employeur n’était pas en mesure de tenir compte de l’horaire scolaire de la prestataire, la prestataire avait [traduction] « volontairement quitté son emploi pour un motif valable parce que, compte tenu de toutes les circonstances, elle a démontré qu’elle n’avait pas d’autres solutions raisonnables que son départ » Note de bas de page 5. La division générale a donc décidé que la Commission avait incorrectement appliqué une exclusion à la prestataire.

[6] La Commission a demandé la permission d’en appeler de la décision de la division générale parce que celle-ci a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la prestataire était fondée à quitter son emploi et qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait. J’ai accordé la permission d’en appeler parce que j’étais convaincue que la division générale a pu commettre une erreur de droit en vertu de l’alinéa 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi et, en particulier, lorsqu’elle a omis d’expliquer en quoi ses conclusions étaient conformes à la jurisprudence. Je dois maintenant déterminer si la division générale a commis une erreur de droit.

[7] L’appel est accueilli parce que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’appliquer correctement l’alinéa 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi d’une manière conforme à la jurisprudence.

Question en litige

[8] La division générale a-t-elle omis d’appliquer l’alinéa 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi de manière conforme à la jurisprudence?

Analyse

[9] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] La Commission convient que la division générale a correctement cité le droit relatif à la question de la « justification » en vertu de l’alinéa 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi. En faisant référence à Canada (Procureur général) c. WhiteNote de bas de page 6, la division générale a déterminé que, pour établir qu’elle était fondée à quitter son emploi en vertu de l’article 29 de la Loi sur l’assurance-emploi, la prestataire devait démontrer que, compte tenu de toutes les circonstances, selon la prépondérance des probabilités, elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi. 

[11] Toutefois, la Commission soutient que la division générale n’a pas appliqué et suivi la jurisprudence établie lorsqu’elle a conclu que la prestataire était fondée à quitter son emploi et qu’elle n’avait pas d’autres solutions raisonnables. La Commission soutient que l’impossibilité pour l’employeur de la prestataire de prendre des mesures d’adaptation à son horaire scolaire n’équivalait pas à un motif valable aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission affirme que la division générale n’a pas pris en compte que le choix de quitter son emploi pour aller à l’école représente un choix personnel qui ne constitue pas un motif valable et que, dans de telles circonstances, la prestataire ne peut imposer le fardeau économique de sa décision aux cotisants à la caisse d’assurance-emploiNote de bas de page 7.

[12] La Commission note que la division générale a cité Canada (Procureur général) c. LessardNote de bas de page 8, mais soutient qu’elle a mal interprété et mal appliqué les principes énoncés par la Cour d’appel fédérale. La Commission me demande d’accueillir l’appel et de rétablir sa décision.

[13] La prestataire n’a pas déposé d’observationsNote de bas de page 9.

[14] Tel qu’il a été mentionné précédemment, la prestataire avait été dirigée vers un cours de formation approuvé par une autorité désignée, mais cela s’est concrétisé seulement une fois qu’elle avait déjà quitté son emploi, et il s’agissait donc d’un facteur non pertinent parce que la division générale ne pouvait tenir compte que des circonstances qui existaient lorsque la prestataire a quitté son emploi pour déterminer si le congé était justifiéNote de bas de page 10

[15] La division générale a déterminé que la décision de la prestataire de retourner aux études pouvait constituer un motif valable, mais a conclu que [traduction] « cela n’était pas synonyme des exigences de prouver qu’elle était fondée à quitter son emploi et à faire en sorte que d’autres personnes assument le fardeau de [son] chômage »Note de bas de page 11. En citant l’arrêt Lessard, la division générale a ensuite examiné la question de savoir si, « eu égard à toutes les circonstances »Note de bas de page 12, le prestataire « n’avait pas d’autres solutions raisonnables que de quitter »Note de bas de page 13. La division générale a conclu que l’employeur n’était pas en mesure de tenir compte de l’horaire scolaire de la prestataire et que la prestataire n’avait donc pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi.

[16] Dans l’arrêt Lessard, la Cour d’appel fédérale a statué qu’il est superflu que les prestataires désireux d’invoquer l’alinéa 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi démontrent qu’ils se trouvent dans l’une des circonstances énumérées à cet alinéa. La Cour a déclaré que l’énumération, « en effet, n’est faite qu’à titre d’illustration (« notamment », dit l’alinéa) de la règle générale qui veut qu’un prestataire puisse faire la preuve que « compte tenu des circonstances », son départ constitue « la seule solution raisonnable dans son cas ». La Cour a énoncé la règle générale comme suit :

Il est de jurisprudence constante, en cette Cour, que le fait pour un prestataire de quitter volontairement un emploi pour retourner aux études ou effectuer un stage de formation ne constitue pas une justification au sens de l’article 28 de l’ancienne Loi sur l’assurance-chômage ou de l’article 29 de la Loi sur l’assurance-emploi, à moins d’y avoir été autorisé par la Commission.

[17] En l’espèce, cependant, la division générale n’a pas expliqué comment elle a appliqué la règle générale énoncée dans l’arrêt Lessard ni, d’ailleurs, la jurisprudence bien établie qui a toujours statué que le départ volontaire d’un emploi pour aller à l’école ou pour suivre une formation ne constitue pas une « justification » au sens de l’article 29 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 14. La division générale n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de s’écarter de la jurisprudence. Compte tenu de la preuve qui lui a été présentée, la division générale aurait dû déterminer que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi en vertu de l’alinéa 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi. La division générale n’a pas appliqué l’al. 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi d’une manière conforme à la jurisprudence et a commis une erreur de droit à cet égard.

Conclusion

[18] Pour les motifs exposés ci-dessus, l’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit en omettant d’appliquer correctement l’alinéa 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi lorsqu’elle a déterminé que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi pour retourner aux études avant d’avoir obtenu l’autorisation d’une autorité désignée. Il n’était pas pertinent que son employeur ne soit pas en mesure de tenir compte de l’horaire scolaire de la prestataire. La division générale aurait dû appliquer la règle générale selon laquelle en quittant volontairement son emploi pour retourner aux études sans avoir obtenu l’approbation préalable d’une autorité désignée, la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était fondée en vertu de l’alinéa 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[19] En vertu du paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS, la division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen (conformément aux directives que la division d’appel juge indiquées) ou confirmer, infirmer ou modifier la décision de la division générale en tout ou en partie. 

[20] Par conséquent, conformément au paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS, la décision de la division générale est annulée et la décision de réexamen de la Commission est rétablie. 

 

Mode d’instruction :

Comparutions :

Sur la foi du dossier

Rachel Paquette, représentante de l’appelante

V. S., intimée

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