Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] Depuis 1996, l’appelante travaille à l’entretien ménager dans un X (X). Le 12 janvier 2018, elle est congédiée.

[3] L’appelante présente une demande pour recevoir des prestations d’assurance emploi à la Commission de l’assurance emploi (Commission).

[4] Après avoir obtenu des informations auprès de l’employeur, la Commission refuse de verser des prestations à l’appelante, parce qu’elle a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[5] Selon l’employeur (X), l’appelante a eu plusieurs plaintes de la part des résidents et des membres de leur famille pour ne pas avoir fait le ménage adéquatement. Elle a reçu des avertissements verbaux et écrits. Elle a été suspendue à deux reprises et le dernier avis de suspension mentionnait qu’elle pourrait être congédiée lors de la prochaine plainte.

[6] Le 9 janvier 2018, l’employeur a reçu une plainte, parce que l’appelante a omis de nettoyer la cuve d’une toilette d’un résident. L’employeur a procédé à une enquête et il a décidé de congédier l’appelante.

[7] Pour sa part, l’appelante admet qu’elle ne réalisait pas l’ensemble de ses tâches. Cependant, elle ne pouvait pas faire l’ensemble des tâches exigées par l’employeur.

[8] Ainsi, avant le mois de novembre 2016, l’appelante devait nettoyer 25 chambres des résidents et des bureaux administratifs. À la suite du départ à la retraite d’une employée, qui n’a pas été remplacée, l’appelante devait nettoyer 42 chambres. Malgré sa demande d’aide, l’employeur n’a pas vraiment diminué sa charge de travail.

Questions en litige

[9] Quels sont les gestes reprochés à l’appelante ?

[10] Est-ce que l’appelante a commis les gestes reprochés ?

[11] Est-ce que les gestes reprochés constituent de l’inconduite ?

Analyse

[12] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

[13] Le Tribunal doit décider si l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite et qu’elle doit donc être exclue du bénéfice des prestations aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[14] Le rôle du Tribunal n’est pas de déterminer si le congédiement était justifié ou s’il représentait la mesure appropriée (Canada [Procureur général] c Caul, 2006 CAF 251).

[15] En fait, le Tribunal doit déterminer quels sont les gestes reprochés à l’appelante. Est-ce que l’appelante a commis ces gestes ? Et est-ce qu’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi ?

[16] Il incombe à la Commission de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu inconduite (Bartone A-369-88).

Quels sont les gestes reprochés à l’appelante ?

[17] Le Tribunal retient que l’appelante admet que les gestes qu’on lui reproche sont de ne pas avoir exécuté ses tâches correctement.

[18] Le Tribunal est d’avis qu’on reproche à l’appelante de ne pas avoir exécuté ses tâches d’entretien ménager selon la politique de l’employeur.

Est-ce que l’appelante a commis les gestes reprochés ?

[19] Le Tribunal retient du témoignage de l’appelante qu’elle admet avoir commis les gestes reprochés.

Est-ce que les gestes reprochés constituent de l’inconduite ?

[20] Le Tribunal doit maintenant déterminer s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi.

[21] La notion d’inconduite n’est pas définie par la Loi et s’analyse en fonction des principes tirés de la jurisprudence. La Loi « exige, pour qu’il y ait exclusion (du bénéfice des prestations], la présence d’un élément psychologique, soit un caractère délibéré soit une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré » [Canada (Procureur général) c Tucker A-381-85].

[22] La Cour d’appel fédérale a défini la notion juridique d’inconduite, pour l’application du paragraphe 30 [1] de la Loi « comme étant une inconduite délibérée, où le prestataire savait ou aurait dû savoir que son inconduite était telle qu’elle entrainerait son congédiement. » [Mishibinijima c Canada [Procureur général], 2007 CAF 36].

[23] Le Tribunal tient à rappeler à l’appelante qu’il n’a pas pour rôle de déterminer si le congédiement était justifié ou non. Il doit se demander si les gestes reprochés à l’appelant constituent de l’inconduite au sens de la Loi [Canada [Procureur général] c Marion 2002 CAF 185].

[24] Le Tribunal retient du témoignage de l’appelante qu’elle travaille à l’entretien ménager dans un X depuis plus de 20 ans.

[25] Avant l’automne 2016, l’appelante devait nettoyer 25 chambres situées au 4e étage du X et des bureaux du personnel. Le 4 août 2016, une employée a pris sa retraite. Elle nettoyait les chambres situées au 3e étage. On a demandé à l’appelante de nettoyer 42 chambres et on lui a retiré le ménage des bureaux du personnel.

[26] Selon l’appelante, il était difficile de nettoyer 42 chambres situées au 3e et 4e étage. Il s’agit d’une clientèle lourde. Les résidents sont atteints de maladies chroniques.

[27] L’appelante déclare qu’elle a demandé de l’aide au responsable de la maintenance générale. Il a seulement enlevé l’entretien des bureaux. Ce qui était insuffisant pour réaliser toutes ses tâches. C’est à partir de ce moment qu’elle a commencé à recevoir des avis disciplinaires.

[28] Le Tribunal retient que l’appelante a reçu plusieurs avertissements, parce qu’elle omettait d’exécuter ses tâches convenablement.

[29] Ainsi, le 6 février 2017, l’appelante a reçu un avis écrit, parce qu’elle n’avait pas exécuté ses tâches adéquatement. Des lavabos, toilettes et autres n’ont pas été nettoyés. L’employeur rappelait à l’appelante que dans le cadre de son évaluation de 2016 le maintien de la propreté était un problème.

[30] Le 5 mai 217, l’appelante a été suspendue une journée pour ne pas avoir exécuté ses tâches correctement. Elle a été avisée que des sanctions plus sévères pourraient lui être imposées.

[31] Le 20 octobre 2017, l’appelante est de nouveau suspendue pour ne pas avoir exécuté ses tâches correctement. L’employeur lui impose une suspension de trois jours. Elle est avisée qu’elle pourrait être congédiée la prochaine fois.

[32] Le 19 janvier 2018, l’appelante est congédiée pour ne pas avoir omis de nettoyer une salle de bain qui est demeurée dans un état insalubre.

[33] Le Tribunal retient que l’appelante reconnait qu’elle n’a pas exécuté ses tâches et qu’elle savait qu’elle serait congédiée. Cependant, selon l’appelante, il ne s’agit pas de gestes d’inconduite au sens de la Loi.

[34] Ainsi, l’appelante soutient qu’elle a commencé à recevoir des avis disciplinaires à la suite du départ d’une employée, alors que l’employeur a augmenté le nombre de chambres à nettoyer. Bien que l’employeur lui ait retiré le nettoyage des bureaux, elle devait nettoyer plus de chambres dans le secteur des cas lourds.

[35] Toujours selon l’appelante, l’employeur l’a accusée d’avoir été nonchalante, il s’agit d’une information non fondée. L’employeur a déclaré que l’appelante aurait pu avoir de l’aide. Or, elle a demandé cette aide, mais l’employeur n’a pas donné suite à cette aide. L’employeur savait qu’il y avait une augmentation de la tâche et que l’appelante a demandé de l’aide [GD3-35].

[36] Selon l’appelante, les faits ne militent pas en faveur d’une inconduite. Il faut distinguer une inconduite d’une difficulté à exécuter ses tâches. Il s’agit ici d’une question de compétence et d’une incapacité à réaliser les tâches qui ont été augmentées par l’employeur à la suite du départ à la retraite d’une employée.

[37] Il ne s’agit pas d’une inconduite, ce n’était pas volontaire et intentionnel de la part de l’appelante. Elle n’était juste plus en mesure d’exécuter ses tâches, et ce, malgré sa bonne volonté.

[38] Selon la Commission, l’appelante a été informée à plusieurs reprises qu’elle n’exécutait pas ses tâches correctement. Elle connaissait la politique de l’employeur en matière de salubrité. L’appelante ne s’est pas conformée aux exigences de l’employeur. Elle a perdu son emploi parce qu’elle a agi avec une telle insouciance que cela frôlait le caractère délibéré. 

[39] Le Tribunal estime que l’appelante n’a pas agi délibérément ou avec une telle insouciance que cela frôle le caractère délibéré. Pour en arriver à cette conclusion, le Tribunal s’appuie sur le témoignage de l’appelante lors de l’audience. L’appelante ne s’est pas contredite avec ses déclarations antérieures, et malgré ses difficultés à comprendre les questions, elle a rendu un témoignage crédible.

[40] Ainsi, la charge de travail de l’appelante a augmenté à la suite du départ à la retraite d’une employée qui n’a pas été remplacée. Elle a demandé de l’aide à deux reprises, mais il n’y a pas eu de mesures particulières de la part de l’employeur. L’appelante est demeurée en poste tout en sachant qu’elle n’était pas en mesure de répondre aux demandes de l’employeur. Elle n’a pas agi délibérément ou avec insouciance : elle était incapable d’exécuter toutes les nouvelles tâches exigées par l’employeur.

[41] Le Tribunal est d’avis que la Commission ne peut pas se baser uniquement sur la connaissance de l’appelante quant à la perte possible de son emploi pour conclure qu’il s’agit d’une inconduite. La Commission devait tenir compte de l’ensemble des faits pour démontrer qu’elle a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[42] Après avoir tenu compte de la preuve au dossier, du témoignage de l’appelante et des observations des parties, le Tribunal est d’avis que la Commission n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Conclusion

[43] Le Tribunal conclut que l’appelante ne doit pas être exclue du bénéfice des prestations, car elle n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi.

[44] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 24 septembre 2018

Vidéoconférence

L. T., appelante

Me Guylaine Guenette, représentante de l’appelante

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

  1. 29 Pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations ;
    2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant ;
    3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
      1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
      2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
      3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert ;
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. 30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage ;
    2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  3. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.
  4. (3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.
  5. (4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.
  6. (5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.
  7. (6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12 (2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.
  8. (7) Sous réserve de l’alinéa (1) a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations - qu’elle soit initiale ou non - n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.
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