Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] En juillet 2016, l’appelante, T. L. (prestataire), a quitté l’emploi qu’elle occupait dans un restaurant-minute pour retourner aux études. Elle a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a conclu qu’elle ne pouvait pas verser des prestations régulières à la prestataire, après avoir constaté que celle-ci avait quitté volontairement son emploi sans justification et que son départ n’avait pas constitué la seule solution raisonnable dans son cas. La prestataire a donc été exclue du bénéfice des prestations et s’est vu imposer un trop-payé. La Commission a aussi constaté que la prestataire suivait une formation et qu’elle n’avait pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler. La Commission a rejeté la demande de la prestataire visant à faire défalquer son trop-payé et l’a informée qu’elle pouvait présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale du Canada.

[4] La prestataire a fait appel de la décision de la Commission auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada. Le 2 mai 2018, la division générale a rejeté de façon sommaire l’appel formé par la prestataire contre la décision de la Commission. La prestataire interjette maintenant appel de la décision de la division générale ayant rejeté sa demande de façon sommaire. Elle invoque plusieurs motifs, mais soutient avant tout que la division générale a erré en interprétant l’article 112.1 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

[5] Je dois déterminer si la division générale a erré selon l’un des motifs invoqués par la prestataire. Pour les raisons qui suivent, je conclus que la division générale n’a pas erré.

[6] La permission d’en appeler n’est pas requise dans le cas d’un appel interjeté en vertu de l’article 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), car un rejet sommaire de la part de la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit.

Questions préliminaires

[7] Il y a deux questions préliminaires. La première se rapporte aux processus d’appel et la seconde concerne l’admissibilité de nouveaux éléments de preuve.

Processus d’appel

[8] La prestataire affirme avoir reçu des informations contradictoires concernant les processus d’appel. Elle note que la lettre du Tribunal, datée du 3 mai 2018, précisait qu’elle pouvait présenter une demande d’appel à la division d’appel si elle souhaitait faire appel de la décision de la division générale. Elle note cependant que, dans la lettre du Tribunal datée du 16 mars 2018, le membre de la division générale l’a avisée qu’il envisageait de rejeter son appel de façon sommaire puisque [traduction] « le recours approprié pour faire appel d’une décision refusant la défalcation d’une dette consiste à présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale – Section de première instance [sic]. »

[9] La prestataire affirme que ces informations sont contradictoires parce que le Tribunal, à la fois, l’avait avisée de faire appel à la division d’appel et dirigée vers la Cour fédérale du Canada.

[10] Ces directives ne sont pas contradictoires. La division générale a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour accorder la réparation recherchée par la prestataire. Elle lui a fait savoir que la Cour fédérale était l’instance où elle pouvait faire appel d’une décision de révision de la Commission. Par ailleurs, si la prestataire souhaitait faire appel de la décision de la division générale, c’est vers la division d’appel qu’elle devait se tourner.

[11] Il y a deux décisions distinctes dont le prestataire veut faire appel : la décision de révision rendue par la Commission, et la décision rendue par la division générale.  

[12] Je suis dûment saisie de son appel contre la décision de la division générale. En vertu de l’article 55 de la Loi sur le MEDS, toute décision de la division générale peut être portée en appel devant la division d’appel par toute personne qui fait l’objet de la décision et toute autre personne visée par règlement.

Nouveaux éléments de preuve

[13] La prestataire prévoit se fonder sur de nouveaux éléments de preuve pour étayer son appel. Toutefois, en appel, de nouveaux éléments de preuve ne sont généralement pas admissibles, sauf quelques exceptions près.Note de bas de page 1 Certains des « nouveaux éléments de preuve » sur lesquels se fonde la prestataire sont des copies de lettres qui étaient comprises dans le dossier d’audience dont disposait la division générale et des extraits de la Loi sur l’AE. Comme ces documents avaient été portés à la connaissance de la division générale, ils font bel et bien partie du dossier dont je dispose et leur admissibilité n’est pas remise en cause.

[14] La prestataire a déposé des documents intitulés « Recherche / Corriger RE RégulierNote de bas de page 2 ». Ces documents sont « nouveaux » puisque des copies n’avaient pas été disponibles dans le cadre de l’instance devant la division générale. La prestataire soutient que ces documents devraient être admissibles parce qu’ils étaient manquants dans son dossier dans l’instance devant la division générale. Elle aurait par contre dû soulever cette question avant que la division générale rende sa décision, et montrer les démarches qu’elle a faites pour essayer d’obtenir ces documents. Le fait que ces documents pourraient avoir été « manquants » dans le dossier d’audience de la division générale ne les rend pas ensuite admissibles s’ils existaient déjà à cette époque et si la prestataire a seulement fait des démarches pour en obtenir des copies après que la division genre eût rendu sa décision. Si la Commission n’avait pas de copies de ces documents ou n’était pas prête à les produire pour la prestataire, celle-ci aurait pu rédiger une déclaration expliquant ce qu’elle croyait être le contenu dans ces documents. Pour cette raison, je juge que cette nouvelle preuve est inadmissible.  

Questions en litige

[15] D’après les observations qui m’ont été présentées, les questions en litige sont les suivantes :

  1. Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en interprétant l’article 112.1 de la Loi sur l’AE?
  2. Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle refusé d’exercer sa compétence en vertu de l’article 3(1)(b) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS)?
  3. Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en négligeant de considérer la défense fondée sur la diligence raisonnable?
  4. Question en litige no 4 : La division générale a-t-elle manqué à un principe de justice naturelle en négligeant de s’assurer que le dossier de la prestataire était complet?

Analyse

[16] Aux termes de l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en interprétant l’article 112.1 de la Loi sur l’AE?

[17] Non. Je conclus que la division générale n’a pas commis une erreur de droit en interprétant l’article 112.1 de la Loi sur l’AE.

[18] La prestataire soutient que la division d’appel devrait considérer son appel et rendre une décision quant à la défalcation de sa dette. Elle affirme que la division d’appel — et, à vrai dire, la division générale aussi — a compétence pour rendre une telle décision. D’abord, la prestataire soutient que la division générale a erré en interprétant l’article 112.1; elle prétend que cette disposition n’empêche pas la division générale de rendre une décision par rapport à sa demande de défalcation. De plus, elle soutient que l’article 112.1 de la Loi sur l’AE s’applique uniquement si une pénalité est imposée et qu’il ne devrait donc pas s’appliquer dans son cas puisqu’aucune pénalité ne lui a été imposée.

[19] Voici ce que prévoit l’article 112.1 de la Loi sur l’AE :

112.1 Décisions ne pouvant être révisées – Les décisions de la Commission rendues en vertu du Règlement sur l’assurance-emploi qui concernent la défalcation de pénalités à payer, de sommes dues ou d’intérêts courus sur ces pénalités ou sommes ne peuvent faire l’objet de la révision prévue à l’article 112.

[20] La compétence du Tribunal, ou son pouvoir, en ce qui concerne la Loi sur l’AE, lui est conféré par l’article 113 de cette même loi. Cet article porte que quiconque se croit lésé par une décision de la Commission rendue en application de l’article 112 peut interjeter appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale. La prestataire affirme que l’article 113 ne s’applique que si la Commission a rendu une décision en première instance. Elle souligne que la division générale a constaté, au paragraphe 23 de sa décision, que la Commission n’avait pas rendu de décision et que, par conséquent, la révision d’une telle décision n’avait jamais eu lieu. La division générale a conclu qu’elle n’était pas habilitée à instruire son appel étant donné que la Commission n’avait pas rendu une décision en première instance. Sur cette base, la prestataire soutient essentiellement que, comme la Commission n’a pas rendu de décision, la division d’appel peut combler cette lacune et en rendre une.

[21] La prestataire fait valoir que l’article 112.1 de la Loi sur l’AE n’empêche ni la division générale ni la division d’appel d’ordonner la défalcation d’une dette. La prestataire soutient que la restriction exprimée par l’article 112.1 de la Loi sur l’AE s’applique strictement aux pénalités. À cet égard, elle soutient que la division générale a erré dans son interprétation de cette disposition en écrivant ceci : [traduction] « Même s’il était démontré que la Commission avait effectivement rendu une décision initiale quant à la demande de défalcation de la prestataire, c’est auprès de la Cour d’appel fédérale du Canada qu’une telle décision peut être contestéeNote de bas de page 3. »

[22] En examinant la disposition, on constate clairement qu’elle s’applique aux décisions portant sur la défalcation (1) de pénalités à payer, (2) de sommes dues, et (3) d’intérêts courus sur ces pénalités ou sommes. Autrement dit, l’article ne s’applique pas strictement aux pénalités. La division générale a correctement interprété cet article. La prestataire ne peut se fonder sur cet article pour la révision d’une décision concernant la défalcation d’une somme due, comme un trop-payé, en l’espèce.

[23] La prestataire soutient que la division d’appel peut combler la lacune créée par la Commission dans le cas où celle-ci n’a pas rendu une décision. Cependant, ni la division d’appel ni la division générale n’a de compétence inhérente pour défalquer un trop-payé. Il est donc sans intérêt de savoir si la Commission a rendu une décision en première instance.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle refusé d’exercer sa compétence en vertu de l’article 3(1)(b) du Règlement sur le TSS?

[24] Non. Je conclus que la division générale n’a pas erré en refusant d’exercer le pouvoir que lui confère l’article 3(1)(b) du Règlement sur le TSS.

[25] La prestataire fait valoir que l’article 3(1)(b) du Règlement sur le TSS confère à la division d’appel le pouvoir discrétionnaire de modifier toute disposition prévue par la Loi sur l’AE. Elle prétend que ce pouvoir permet d’ordonner une défalcation. Elle affirme que la division générale a refusé d’exercer sa compétence, pour l’application de l’article 58(1)(a) de la Loi sur le MEDS, en refusant d’ordonner une défalcation en vertu de l’article 3(1)(b) du Règlement sur le TSS.

[26] L’article 3(1)(b) du Règlement sur le TSS prévoit ceci : « Le Tribunal peut, s’il existe des circonstances spéciales, modifier une disposition du présent règlement ou exempter une partie de son application. »

[27] Cependant, l’applicabilité de cette disposition est limitée et ne donne pas au Tribunal le pouvoir d’ordonner la défalcation d’un trop-payé, comme le laisse entendre la prestataire. Cette disposition se rapporte précisément au Règlement sur le TSS. Les mots « présent règlement » circonscrivent les dispositions concernées pouvant être modifiées. Les dispositions que le Tribunal peut juger utile de modifier sont celles comprises dans le Règlement sur le TSS, et non les dispositions comprises dans d’autres textes de loi, comme la Loi sur l’AE ou le Règlement sur le TSS. Par conséquent, je conclus que la division générale n’a pas erré parce qu’elle aurait refusé d’exercer son pouvoir en vertu de l’article 3(1)(b) du Règlement sur le TSS.

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en négligeant de considérer la défense fondée sur la diligence raisonnable?

[28] Non. Je conclus que la division générale n’a pas commis une erreur de droit négligeant de considérer la défense fondée sur la diligence raisonnable.

[29] La prestataire soutient que la division générale a erré en droit parce qu’elle n’a pas considéré la disponibilité de la défense fondée sur la diligence raisonnable dans son cas. Bien qu’elle n’ait pas expressément présenté d’observations relatives à cette défense, elle a noté qu’elle s’était [traduction] « montrée diligente et raisonnable à chaque étapeNote de bas de page 4. »

[30] La prestataire soutient qu’elle devrait pouvoir invoquer la diligence raisonnable comme moyen de défense en vertu de la Loi sur l’AE, sans quoi cette loi serait discriminatoire. Elle fait remarquer que l’article 46.1(3) de la Loi sur l’AE prévoit une défense fondée sur la diligence raisonnable à l’intention des administrateurs de sociétés, de sorte que ceux-ci peuvent échapper à la responsabilité d’une pénalité s’ils ont agi avec le degré de soin, de diligence et d’habilité qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables pour prévenir l’acte délictueux ayant entraîné la pénalité. Elle prétend avoir fait montre de diligence raisonnable comme elle a communiqué avec la Commission à plusieurs occasions.

[31] La division générale n’a pas considéré la question de la diligence raisonnable étant donné que la prestataire n’avait pas expressément porté cette question à son attention. De plus, à l’exception de l’article 46.1(3), la défense fondée sur la diligence raisonnable n’est comprise dans aucune autre disposition de la Loi sur l’AE, et rien ne justifiait de considérer cette défense. Dans ce contexte, je ne suis pas convaincue que la division générale ait erré en négligeant de considérer cette défense précise dans la cause de la prestataire.

[32] La prestataire affirme que la loi est discriminatoire puisque les administrateurs peuvent se prévaloir de cette défense, mais pas elle. Si la prestataire essaie de plaider que la Loi sur l’AE est discriminatoire en vertu de l’article 15 de la Charte canadienne sur les droits et libertés parce qu’elle ne prévoit pas une défense fondée sur la diligence raisonnable pour tous les demandeurs autres que les administrateurs, il est trop tard dans l’instance pour présenter cette observation. Je suis généralement d’avis qu’il n’y a pas lieu d’exercer un pouvoir discrétionnaire pour examiner pour une première fois des arguments fondés sur la Charte si le prestataire n’a pas précédemment soulevé ces arguments précis auprès de la division générale, et particulièrement si le prestataire n’a présenté aucun fondement probatoire à leur appui.

[33] Je souligne que l’article 46.1(1) de la Loi sur l’AE rend les administrateurs responsables, en application de l’article 38 ou 39, des actes délictueux liés à la fraude et à de fausses déclarations. Les administrateurs peuvent se prévaloir de cette défense s’ils ont pris toutes les précautions pour prévenir l’acte délictueux pour lequel la pénalité a été imposée. Ils ne peuvent l’invoquer si la pénalité a été imposée en vertu des articles 38 ou 39, dans un cas de fraude ou de fausses déclarations de la nature décrite dans ces dispositions.

[34] Tel n’est pas le cas en l’espèce, puisqu’aucune allégation de déclarations fausses ou trompeuses n’a été portée contre la prestataire et qu’aucune pénalité ne lui a été imposée. La Commission exige seulement que la prestataire rembourse un trop-payé découlant de prestations auxquelles elle a été jugée inadmissible. Je précise que ce trop-payé n’est pas de la faute de la prestataire mais, malheureusement pour elle, la Loi sur l’AE ne tient pas compte de ce facteur.

Question en litige no 4 : La division générale a-t-elle manqué à un principe de justice naturelle en négligeant de s’assurer que le dossier de la prestataire était complet?

[35] Non. La division générale n’a pas manqué à un principe de justice naturelle parce qu’elle aurait négligé de s’assurer que la prestataire avait un dossier complet. Chaque partie est responsable de monter son dossier et de soumettre les éléments de preuve nécessaires pour prouver leur thèse. La division générale n’est aucunement obligée de s’assurer que la preuve dont elle dispose est complète. En outre, je ne vois pas comment la division générale pourrait connaître les éléments de preuve existants alors qu’elle est indépendante et n’a aucun lien avec les parties.

[36] La prestataire laisse entendre qu’elle n’a pas bénéficié d’une audience équitable parce que la Commission ne lui a pas fourni une copie complète du dossier. Plus précisément, le dossier d’audience ne fait pas état de toutes ses communications avec la Commission. La prestataire soutient que cette information est essentielle pour démontrer que la Commission a, coup sur coup, violé son droit de recevoir de l’information et, surtout, pour démontrer que la dette était attribuable aux erreurs de la Commission. Elle soutient qu’elle ne devrait pas être tenue responsable des erreurs de la Commission ayant causé la dette.

[37] Comme je l’ai noté précédemment, de nouveaux éléments de preuve ne sont généralement pas admissibles en appel à la division d’appel, sauf dans certaines circonstances particulières.Note de bas de page 5 Dans Sharma, la Cour d’appel fédérale a énoncé les trois exceptions. Même si Sharma se rapporte à une demande de contrôle judiciaire, ce sont les mêmes principes qui s’appliquent. La division d’appel ne doit pas examiner de nouveaux éléments de preuve qui auraient dû être présentés à la division générale. La Cour d’appel a aussi établi que de nouveaux éléments de preuve doivent être exclus s’ils « ne fournissent pas d’informations générales, ne mettent pas en lumière l’absence totale de preuve dont disposait le tribunal lorsqu’il a tiré une conclusion déterminée et ne font pas non plus état de vices de procédure qu’on ne peut déceler dans le dossier de la preuve. » La Cour d’appel a statué que la nouvelle preuve était inadmissible parce qu’elle fournissait des renseignements supplémentaires qui étaient disponibles au moment où avait été tenue l’audience devant la division générale.

[38] La prestataire affirme que certains documents manquaient dans le dossier de l’instance devant la division générale et qu’elle en avait demandé des copies à la Commission quand elle avait appris qu’ils étaient manquants. Comme dans la cause Sharma, des documents de ce type ne sont pas admissibles parce qu’ils auraient été disponibles au moment où la division générale a rendu sa décision, si la prestataire avait fait sans tarder les démarches nécessaires pour les obtenir. Lorsque le Tribunal l’a avisée de son intention de rejeter son appel de façon sommaire, la prestataire aurait pu demander un délai supplémentaire afin d’obtenir ces documents.

[39] Ici, il se trouve que la prestataire a été incapable d’obtenir ces documents de la Commission. Malgré tout, elle aurait pu présenter à la division générale des déclarations attestant de ses conversations avec la Commission.

[40] Dans sa lettre du 4 juin 2018, la prestataire affirme qu’elle a demandé une copie de son dossier au Tribunal (sans préciser la date de cette demande). Elle a reçu l’information demandée le 25 mai 2018, et a remarqué que le dossier comportait des erreurs et que les notes sur les conversations étaient toujours manquantes. Elle soutient que ces conversations sont essentielles pour démontrer qu’elle a droit à une défalcation de sa dette :

  1. Certains des renseignements manquants auraient démontré qu’elle avait reçu des informations contradictoires au cours de conversations avec deux différents agents de la Commission. Elle prétend que ces renseignements prouvent que la Commission est incapable d’interpréter ses propres politiques. Elle soutient que la Commission devait être responsable de toute erreur dans son dossier.
  2. Une de ses conversations prouve que la Commission l’a induite en erreur et lui a fourni des renseignements inexacts auxquels elle s’est fiée.
  3. Dans une autre conversation, un agent lui a déconseillé de faire appel à la Cour fédérale du Canada parce qu’il lui suffirait de faire appel de la décision de révision de la Commission auprès de la division générale.
  4. Durant une autre conversation, elle a voulu confirmer que les prestations qu’elle avait reçues en 2016 étaient correctes, comme on l’avait précédemment avisée qu’elle ne pourrait pas recevoir de prestations. Elle se fonde sur cette conversation pour prouver qu’elle a fait montre d’une diligence raisonnable.
  5. La documentation donne à penser qu’un agent avait essayé de la joindre deux fois, sans succès, et qu’elle n’avait jamais essayé de le recontacter. La prestataire nie ce qui précède avec acharnement, et prétend avoir essayé de l’appeler à de multiples occasions. La prestataire affirme que ses multiples tentatives pour joindre la Commission démontrent aussi qu’elle a fait preuve d’une diligence raisonnable.

[41] Même si ces documents ou des déclarations attestant de ces conversations avaient été portés à la connaissance de la division générale, ils auraient été sans importance quant à la question de la dette de la prestataire ou de sa demande de défalcation à la division générale. La question de fond que devait trancher la division générale état de savoir si elle était habilitée à ordonner une défalcation de la dette : ni une diligence raisonnable de la prestataire ni des erreurs de la Commission ne confèrent à la division générale le pouvoir d’effacer la dette, que ce soit en vertu de l’article 112.1 de la Loi sur l’AE, de l’article 3(1)(b) du Règlement sur le TSS, ou de toute autre disposition législative. L’article 112.1 de la Loi sur l’AE décrit les types de décisions de la Commission qui ne peuvent pas faire l’objet d’une révision. Cette disposition ne prévoit aucune exception, même si un prestataire a fait preuve d’une diligence raisonnable et même si la Commission a pu commettre des erreurs ou fournir de mauvais renseignements au prestataire.

[42] La prestataire maintient qu’un manquement aux principes de justice naturelle a été commis. Toutefois, la justice naturelle vise à assurer qu’un prestataire bénéficie d’une occasion équitable de présenter sa cause et d’une instance équitable et impartiale.

[43] Conformément à l’article 58(1)(a) de la Loi sur l’AE, un manquement aux principes de justice naturelle se rapporte à l’équité procédurale devant la division générale. Cela n’est pas le cas en l’espèce, comme la prestataire n’a aucunement traité dans ses observations de questions d’équité procédurale ou de justice naturelle se rapportant à la division générale. La division générale n’était pas responsable de répondre aux demandes de renseignements personnels de la prestataire ni de s’assurer que son dossier était complet ou que la documentation était exacte. La prestataire n’a rien soulevé ni précisé de particulier qui laisse croire que la division générale pourrait l’avoir privée d’une occasion de présenter pleinement et équitablement sa cause ou qu’elle aurait fait preuve de partialité envers elle. En effet, la preuve contenue dans le dossier d’audience montre que la division générale a invité la prestataire à présenter des observations, y compris toute observation expliquant pourquoi son appel a une chance raisonnable de succès.

Réparation demandée

[44] La prestataire soutient que la division d’appel devrait examiner son appel et statuer sur sa demande de défalcation de sa dette. Elle soutient que la division d’appel — et, à vrai dire, la division générale aussi — a un vaste pouvoir discrétionnaire lui permettant de rendre une telle décision. Elle soutient que cette issue serait adéquate comme elle n’est pas responsable du trop-payé. En effet, elle s’est montrée très diligente en communiquant avec la Commission pour s’assurer qu’on lui avait versé les bonnes prestations.

[45] Comme je l’ai précisé plus tôt, ni l’article 112.1 de la Loi sur l’AE ni l’article 3(1)(b) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale ne confèrent à la division d’appel ou à la division générale la compétence pour accorder la réparation réclamée par la prestataire. Dans le même ordre d’idées, elle ne peut invoquer comme défense la diligence raisonnable en vertu de la Loi sur l’AE. Enfin, le fait que des renseignements étaient manquants dans le dossier d’audience dans le cadre de l’instance devant la division générale n’est d’aucune importance puisque ces renseignements n’ont aucune incidence sur l’issue de l’affaire.

Conclusion

[46] Je conclus que la division générale n’a erré ni dans son interprétation ni dans son application de l’article 112.1 de la Loi sur l’AE. Je conclus aussi que la division générale n’était pas habilitée à ordonner une défalcation en vertu de l’article 3(1)(b) du Règlement sur le TSS. La défense fondée sur la diligence raisonnable ne pouvait pas non plus être invoquée, et la division générale n’a donc pas omis de la considérer.

[47] Je conclus que la division générale a, à juste raison, conclu que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès et rejeté l’affaire de façon sommaire. Par conséquent, l’appel dont je suis saisie est rejeté. La voie de recours de la prestataire se trouve ailleurs.

 

Mode d’audience :

Comparutions :

Sur la foi du dossier

T. L., appelante

S. Prud’homme, représentante de l’intimée

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