Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelant a pris un congé de paternité et reçu des prestations du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) du 17 septembre au 11 novembre 2017. Il est ensuite retourné au travail pour X et X mais a été mis à pied par ces ses deux employeurs peu de temps suite à son retour. Il a donc déposé une demande de prestations régulières le 6 décembre 2017 et a commencé à recevoir des prestations à partir du 3 décembre 2017. Suite à des vérifications, la Commission de l’assurance-emploi (la Commission) a décidé que la période de prestations de l’appelant aurait dû être établie au 17 septembre 2017, étant donné que l’appelant a reçu des prestations du RQAP à parti de cette date. Elle a donc modifié la date de début de la période de prestations et au 17 septembre 2017. De plus, suite à ses calculs, la Commission a déterminé qu’en date du 17 septembre, l’appelant n’avait pas suffisamment d’heures d’emploi assurable pour être éligible aux prestations. Cette modification a généré un trop payé de 4 400$ à l’appelant. 

Questions en litige

[3] Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. La Commission était-elle justifiée de modifier le début de la période de prestations de l’appelant?
  2. L’appelant a-t-il accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

[5] L’article 7 de la Loi prévoit les conditions d’admissibilité afin de recevoir des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige no 1 : La commission était-elle justifiée de modifier le début de la période de prestations de l’appelant?

[6] Avant de vérifier si l’appelant répond aux conditions d’admissibilité pour recevoir les prestations, il importe de déterminer sa période de référence et sa période de prestations.

[7] Dans le présent dossier, le Tribunal conclut que la période de prestations de l’appelant doit débuter le 3 décembre 2017 et donc que la Commission n’était pas justifiée de modifier la date du début au 17 septembre 2017.

[8] L’article 10(1) prévoit que la période de prestations débute le dimanche de la semaine au cours de laquelle survient un arrêt de rémunération. En l’espèce, l’arrêt de rémunération est survenu au dernier jour de travail de l’appelant le 1er décembre 2017. Le premier dimanche suivant cet arrêt est le 3 décembre 2017. Le Tribunal conclut que le 3 décembre 2017 devrait être la date du début de la période de prestations, conformément à l’article 10(1) de la Loi.

[9] La Commission a décidé de modifier la date de la période de prestations en se basant sur l’article76.19 et le fait que l’appelant ait été prestataire de prestations de paternité du RQAP durant 5 semaines à partir du 17 septembre 2017. La Commission soutient que l’article 76.19 fait en sorte que la période de prestations de l’appelant doit débuter le 17 septembre 2017, soit au moment du début de sa période de prestations sous le régime provincial. 

[10] L’appelant de son côté soutient que l’article 76.19 ne s’applique pas dans son cas puisque les prestations qu’il a reçues sont des prestations de paternité et que ce type de prestations n’existe pas au régime d’assurance-emploi.

[11] Le libellé de l’article 76.19 indique que des prestations provenant d’un régime provincial, mais qui sont du même genre que des prestations d’assurance-emploi doivent être considérées comme des prestations du régime fédéral d’assurance-emploi aux fins notamment du calcul des semaines de prestations et de la période de prestations. La Commission a appliqué cette disposition de sorte que les prestations de paternité reçues par l’appelant du RQAP à partir de septembre 2017 sont considérées comme étant du même genre que les prestations disponibles au fédéral et par conséquent que ces semaines de prestations équivalent à des semaines de prestations d’assurance-emploi. La Commission s’appuie sur cette disposition pour affirmer que la période de prestations de l’appelant était déjà commencée en septembre 2017.

[12] Le Tribunal doit donc se pencher sur la question à savoir si les prestations reçues du RQAP par l’appelant constituent des prestations du même genre que des prestations auxquels il aurait eu droit sous le régime d’assurance-emploi fédéral.

[13] Le Tribunal note qu’aucune Cour fédérale ne s’est prononcée précisément sur ce type de litige à ce jour. Le Tribunal note de plus que la Loi n’offre aucune définition de la notion de prestations de même genre. Il n’y a donc aucune référence juridique sur laquelle s’appuyer pour répondre à la question si les prestations de paternité reçues par l’appelant constituent des prestations du même genre que les prestations parentales prévues en assurance-emploi. Il y a donc matière à interprétation.

[14] La Commission soutient que les prestations de paternité du RQAP sont du même genre que les prestations parentales de l’assurance-emploi. Elle indique dans son argumentation qu’elle appuie son interprétation sur la Politique nationale révisée d’équivalence entre les prestations du RQAP et les prestations d’assurance-emploi. Premièrement, cette politique n’a pas été déposée au dossier d’appel. IL est donc impossible d’en prendre connaissance et d’en connaître les fondements. Deuxièmement, cette politique n’a pas force de Loi et rien n’indique qu’elle est conforme au droit en vigueur.

[15] Le Tribunal ne partage pas le point de vue de la Commission et ne saurait en arriver à la conclusion que les prestations de paternité du RQAP sont assimilables aux prestations parentales d’assurance-emploi.

[16] Le Tribunal retient l’interprétation de l’appelant à l’effet que les prestations de paternité du RQAP correspondent à un régime distinct de prestations qui n’existe pas sous le régime fédéral d’assurance-emploi. En effet, en matière de prestations dédiées à une famille ayant eu un enfant, le régime fédéral d’assurance-emploi offre deux types de prestations, soient les prestations de maternité pouvant être prises seulement par la mère naturelle de l’enfant né, ainsi que les prestations parentales, disponibles aux deux parents avec flexibilité de les séparer à leur convenance.

[17] Du côté du RQAP, le régime provincial offre également à une famille ayant eu un enfant de se prévaloir de prestations de maternité etNote de bas de page 1 de prestations parentalesNote de bas de page 2 semblables à leur équivalent fédéral. Cependant, le régime provincial offre en plus une troisième catégorie de prestations, soient les prestations de paternité. Ces prestations sont dédiées  exclusivement aux pères pour un total de 3 ou 5 semaines, suite à la naissance de l’enfantNote de bas de page 3.

[18] En l’absence d’une définition de ce que devraient être des prestations du même genre, le Tribunal conclut que les prestations de paternité ne sont pas des prestations du même genre que les prestations parentales puisqu’elles constituent un type de prestations unique qui n’existe pas sous le régime fédéral (la Loi). Il est donc faux d’affirmer que ces prestations sont totalement du même genre que les prestations parentales qui sont par ailleurs visées par des dispositions distinctes.

[19] J’accorde un poids significatif au libellé de l’article 76.19 indiquant que non seulement les prestations doivent être du même genre, mais qu’un prestataire aurait été en droit de les recevoir. En l’espèce, il est clair que l’appelant n’aurait pas été en droit de recevoir des prestations de paternité selon la Loi puisque ce type de prestations n’existe pas. 

[20] Le Tribunal note qu’il semble raisonnable de croire que le législateur a mis en place les dispositions prévues à l’article 76.19 de la Loi afin de prévenir le dédoublement de prestations et/ou qu’un prestataire reçoive le même genre de prestations à la fois sous le régime fédéral qu’au régime provincial. Cependant, une telle situation est inapplicable et sans fondement dans le présent cas puisque l’appelant ne pourrait en aucun moment recevoir de prestations de paternité du régime d’assurance-emploi. Il est donc impossible qu’il reçoive en double des prestations de paternité. Cette réflexion sur les intentions probables du législateur milite en faveur du fait que les prestations de paternité ne constituent pas des prestations du même genre que les prestations parentales prévues par la Loi. Par conséquent, l’article 76.19 ne s’applique pas en l’espèce et la Commission n’était pas justifiée de changer la date de la période de prestations de l’appelant.

Question en litige no 2 : L’appelant a-t-il accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi?

[21] Pour être admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi, il faut remplir les conditions d’admissibilité prévues entre autres à l’article 7 de la Loi. Notamment, la Loi prévoit un certain nombre d’heures d’emploi assurable requis afin d’établir une période de prestations.

[22] Dans le présent dossier, je conclus que l’appelant a accumulé suffisamment d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[23] Pour déterminer si l’appelant a établi une période de prestation, l’équation est relativement simple selon l’article 7 de la Loi. Les faits sont que l’appelant habite dans la région économique de Centre du Québec où le taux de chômage était de 6,3% à l’établissement de sa période de prestations le 3 décembre 2017. Le Tribunal constate, selon le tableau figurant au paragraphe 7(2) de la Loi, qu’en présence d’un taux de chômage de 6,3 % dans la région où l’appelant réside, ce dernier doit avoir accumulé au moins 665 heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence.

[24] En l’espèce, conformément au paragraphe 8(1) de la Loi, la période de référence de l’appelant constitue la période de 52 semaines qui précèdent le début de la période de prestations du 3 décembre 2017. Or, selon la preuve au dossier, consistant des relevés d’emploi de l’appelant, le Tribunal estime que ce dernier a accumulé 600 + 245 heures d’emploi pour X au cours de sa période de référence ainsi que 154,75 heures pour X.  Par conséquent, le Tribunal conclut que l’appelant a accumulé 999,75 heures de travail dans sa période de référence ce qui constitue un nombre d’heures suffisant pour être admissible aux prestations selon l’article 7(2) de la Loi.

Conclusion

L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 27 septembre 2018

Téléconférence

E. O., appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

  1. 7 (1) Les prestations de chômage sont payables, ainsi que le prévoit la présente partie, à un assuré qui remplit les conditions requises pour les recevoir.
  2. (2) L’assuré remplit les conditions requises si, à la fois :
    1. (a) il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi;
    2. (b) il a, au cours de sa période de référence, exercé un emploi assurable pendant au moins le nombre d’heures indiqué au tableau qui suit en fonction du taux régional de chômage qui lui est applicable.
  3. Tableau
    Taux régional de chômage Nombre d’heures d’emploi assurable requis au cours de la période de référence
    6 % et moins 700
    plus de 6 % mais au plus 7 % 665
    plus de 7 % mais au plus 8 % 630
    plus de 8 % mais au plus 9 % 595
    plus de 9 % mais au plus 10 % 560
    plus de 10 % mais au plus 11 % 525
    plus de 11 % mais au plus 12 % 490
    plus de 12 % mais au plus 13 % 455
    plus de 13 % 420
  4. (3) à (5) [Abrogés, 2016, ch. 7, art. 209]
  5. (6) L’assuré ne remplit pas les conditions requises s’il est convenu, au titre de l’Article VI de l’Accord entre le Canada et les États-Unis d’Amérique concernant l’assurance-chômage signé les 6 et 12 mars 1942, qu’il doit d’abord épuiser ses droits de recevoir des prestations, ou y mettre fin, aux termes des lois de l’autre juridiction.

Règlement sur l’assurance-emploi

  1. 76.19 (1) Sous réserve du paragraphe (2), les prestations provinciales versées au prestataire pour une semaine au cours d’une période de prestations sont considérées comme des prestations versées pour une semaine sous le régime de la Loi dans le cas où celui-ci aurait été en droit de recevoir des prestations du même genre en vertu de la Loi, et toute semaine pour laquelle il reçoit des prestations provinciales est prise en compte dans le calcul :
    1. a) du nombre maximal total de semaines pour lesquelles des prestations peuvent être  versées au cours d’une période de prestations en vertu des alinéas 12(3)a) et b) de la Loi;
    2. b) du nombre maximal de semaines pour lesquelles des prestations peuvent être versées pour l’application du paragraphe 12(4) de la Loi.
  2. (1.1)  Une période de prestations est réputée établie au moment où la période de prestations a été établie en vertu de la loi provinciale et elle est réputée avoir débuté la même semaine que celle établie en vertu de la loi provinciale dans le cas où le prestataire aurait été en droit de recevoir des prestations du même genre en vertu de la Loi pour la même période.
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