Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant, J. L. (le prestataire), a tenté de retourner chez son employeur en septembre 2017 après un congé non payé d’environ 14 mois, mais il a découvert que son poste avait été comblé. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi le 17 janvier 2018, ainsi qu’une antidatation au 11 septembre 2017. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission »), n’a pas été en mesure d’établir une période de prestations parce que le prestataire n’avait aucune heure d’emploi assurable dans sa période de référence, établie du 15 janvier 2017 au 13 janvier 2018. La Commission a également déterminé qu’il n’aurait pas été admissible au bénéfice des prestations à la date antérieure du 10 septembre 2017 et qu’il n’était pas fondé à retarder le dépôt de sa demande. Le prestataire a demandé à la Commission de réexaminer sa décision, mais celle-ci a maintenu sa décision selon laquelle il n’avait pas droit à une antidatation et n’avait pas établi de période de prestations.

[3] Le prestataire a ensuite interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Son appel a été rejeté de façon sommaire. Le prestataire interjette maintenant appel devant la division d’appel.

[4] L’appel du prestataire est rejeté. La division générale n’a pas commis d’erreur en concluant que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[5] La division générale a-t-elle manqué à un principe de justice naturelle en rejetant sommairement l’appel du prestataire ou a-t-elle autrement excédé ou omis d’exercer son pouvoir discrétionnaire?

[6] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit en rejetant sommairement l’appel du prestataire?

Analyse

La norme de contrôle

[7] Les moyens d’appel énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS ») sont semblables aux moyens habituels de contrôle judiciaire devant les tribunaux, ce qui donne à penser que le même genre de normes d’analyse pourrait également s’appliquer à la division d’appel.

[8] Toutefois, je ne crois pas que l’application des normes de contrôle soit nécessaire ou utile. Les appels administratifs de décisions relatives à l’assurance-emploi sont régis par la Loi sur le MEDS. La Loi sur le MEDS ne prévoit pas qu’un contrôle doit être effectué conformément aux normes de contrôle. Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. HuruglicaNote de bas de page 1, la Cour d’appel fédérale était d’avis que les normes de contrôle ne devraient s’appliquer que si la loi habilitante prévoit leur application. Il a déclaré que les principes qui orientaient le rôle des tribunaux dans le contrôle judiciaire des décisions administratives ne s’appliquent pas dans un cadre administratif à plusieurs niveaux.

[9] L’arrêt Canada (Procureur général) c. JeanNote de bas de page 2concernait un contrôle judiciaire d’une décision de la division d’appel. La Cour d’appel fédérale n’était pas tenue de statuer sur l’applicabilité des normes de contrôle, mais elle a reconnu dans ses motifs que les tribunaux administratifs d’appel n’ont pas les pouvoirs de contrôle et de surveillance qui sont exercés par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale lorsque les normes de contrôle sont appliquées. La Cour a également fait observer que la division d’appel possède autant d’expertise que la division générale et qu’elle n’est donc pas tenue de faire preuve de déférence.

[10] Bien que certaines autres décisions de la Cour d’appel fédérale semblent approuver l’application des normes de contrôleNote de bas de page 3, je suis néanmoins convaincu par le raisonnement de la Cour dans les affaires Huruglica et Jean. Je tiendrai donc compte du présent appel en me référant uniquement aux moyens d’appel énoncés dans la Loi sur le MEDS.

Principes généraux

[11] La tâche de la division d’appel est plus restreinte que celle de la division générale. La division générale est tenue d’examiner et d’apprécier la preuve dont elle est saisie et de tirer des conclusions de fait. Ainsi, elle applique le droit aux faits et tire des conclusions sur les questions de fond soulevées par l’appel.

[12] Toutefois, la division d’appel ne peut intervenir dans une décision de la division générale que si elle peut conclure que cette dernière a commis l’un des types d’erreurs décrits par les « moyens d’appel » au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[13] Les seuls moyens d’appel sont décrits ci-dessous :

  1. la division générale n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle manqué à un principe de justice naturelle en rejetant sommairement l’appel du prestataire ou a-t-elle excédé ou omis d’exercer son pouvoir discrétionnaire?

[14] La prétention du prestataire selon laquelle la décision de la division générale est erronée semble liée au fait qu’il avait été un employé du gouvernement fédéral. Il affirme que les prestations d’assurance-emploi sont des prestations fédérales et que c’est le gouvernement fédéral qui lui a retiré son emploi. Par conséquent, il croit qu’il devrait avoir droit à des prestations en compensation de sa perte d’emploi. Il a déclaré s’être rendu compte que la Commission fonctionnait selon ses politiques, mais il a soutenu que le gouvernement fédéral était en conflit d’intérêts.

[15] Malheureusement pour le prestataire, ni la division générale ni la division d’appel n’ont compétence pour déterminer si les lois et règlements adoptés par le législateur ont placé la Commission en conflit d’intérêts avec des fonctionnaires fédéraux ou d’anciens employés. Pour rendre sa décision, la division générale était tenue d’appliquer la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi) et la Loi sur le MEDS aux faits, qu’on puisse dire ou non que la loi est injuste dans son application.

[16] Le prestataire n’a pas précisé en quoi la décision de la division générale était inéquitable sur le plan procédural. Quant à sa compétence, la division générale n’a pas refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour conclure qu’il n’y avait aucune chance raisonnable de succès sans tenir compte de l’argument de « conflit d’intérêts » soulevé par le prestataire. En fait, la division générale aurait commis une erreur en outrepassant sa compétence si cela avait été le fondement sur lequel elle avait permis que l’appel soit entendu.

[17] La division générale n’a pas commis d’erreur en vertu de l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur le MEDS.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit en rejetant sommairement l’appel du prestataire?

[18] Le prestataire n’avait pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable au moment de sa demande et a demandé une antidatation au 11 septembre 2017, date à laquelle il s’attendait à retourner au travail après son congé. Aux termes du paragraphe 10(4) de la Loi sur l’assurance-emploi, le prestataire doit démontrer qu’il aurait été admissible au bénéfice des prestations à la date antérieure (la date à laquelle il a demandé une antidatation) et qu’il existait un motif valable justifiant le retard tout au long de la période de celui-ci. 

[19] Aux termes de l’alinéa 8(1)a) de la Loi, la durée de la période de référence du prestataire ne pouvait dépasser la « période de 52 semaines immédiatement avant le début d’une période de prestations en vertu du paragraphe 10(1) », ce qui, dans le cas du prestataire, serait le dimanche de la semaine au cours de laquelle la demande initiale de prestations serait versée si sa demande n’était pas antidatée. Si sa demande était antidatée, comme il l’a demandé, la période de 52 semaines serait celle qui précède immédiatement le 10 septembre 2017, soit le dimanche de la semaine précédant l’antidatation de sa demande.

[20] Le prestataire n’a pas contesté qu’il n’avait pas accumulé d’heures d’emploi assurable depuis le 3 juillet 2016, lorsqu’il a pris un congé non payé, et il a également confirmé qu’aucune des circonstances dans lesquelles l’article 8 de la Loi permet une prolongation de la période de référence ne s’appliquait à lui. Par conséquent, la période de référence pour son antidatation n’aurait pas été prolongée au-delà des 52 semaines précédant le 10 septembre 2017. Il n’avait pas d’heures d’emploi assurable au cours de cette période, ce qui signifie qu’il n’aurait pu être admissible au bénéfice des prestations au 10 septembre 2017. Le prestataire ne satisfait pas aux premiers critères d’antidatation décrits au paragraphe 10(1) de la Loi.

[21] La division générale a examiné les faits et appliqué le droit pour conclure à juste titre que le prestataire n’avait, de son propre aveu, accumulé aucune heure d’emploi assurable au cours de la période de référence du 15 janvier 2017 au 13 janvier 2018 et qu’il n’était donc pas admissible lorsqu’il a présenté une demande de prestations le 18 janvier 2018. De même, la division générale a conclu que le prestataire ne se serait pas qualifié à l’antidatatation demandée au 11 septembre 2017. Encore une fois, le prestataire a admis qu’il n’y a eu aucune heure d’emploi assurable dans ce qu’aurait été la période de référence pour l’antidatatation, soit la période du 11 septembre 2016 au 9 septembre 2017.

[22] En ce qui concerne la résidence du prestataire et son taux d’emploi régional, la division générale a déterminé qu’il aurait eu besoin de 700 heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence, que cette période ait précédé la date de sa demande ou l’antidatation qu’il a demandée. 

[23] La division générale a énoncé l’exigence énoncée au paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS selon laquelle elle doit rejeter sommairement un appel si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 4. Elle a ensuite expliqué qu’un appel n’ayant « aucune chance raisonnable de succès », dans le contexte des appels d’un rejet sommaire, est un appel dans lequel il est clair et évident à la lecture du dossier que l’appel est voué à l’échec, peu importe la preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à l’audience. Elle a cité l’arrêt de la Cour d’appel fédérale intitulé Lessard-Gauvin c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 5 à l’appui de ce point.

[24] La division générale a conclu qu’il était évident et manifeste que l’appel était voué à l’échec parce que le prestataire n’avait pas accumulé d’heures d’emploi assurable, quelle que soit la période de référence choisie.

[25] La division générale a bien énoncé le critère du rejet sommaire, a correctement appliqué ce critère et a correctement conclu que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès sur la foi de la preuve dont elle était saisie. Je ne vois aucune erreur de droit en vertu de l’alinéa 58(1)b) ou de fait en vertu de l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS dans la décision de la division générale selon laquelle il est clair et évident que l’appel doit être rejeté.

Conclusion

[26] L’appel est rejeté.

 

Mode d’instruction :

Observations :

Sur la foi du dossier

J. L., appelant

Me S. Prud’homme, représentante de l’intimée

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