Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

Aperçu

[2] L’appelant a fait une demande pour obtenir des prestations de maladie à partir du 22 avril 2018. À l’appui de sa demande, il a déposé un certificat médical rempli par sa travailleuse sociale, faisant étant de son incapacité à travailler entre le 25 avril et le 18 mai 2018.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a refusé de verser des prestations de maladie à l’appelant. Elle a déterminé que le certificat médical présenté par celui-ci n’était pas rempli par un médecin ou un professionnel de la santé, tel que le Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement) l’exige.

[4] L’appelant conteste la décision de la Commission; il fait valoir que la travailleuse sociale qu’il a consultée est une professionnelle de la santé mentale, qui lui a offert des soins dans ce domaine alors qu’il en avait besoin.

Question en litige

[5] L’appelant a-t-il présenté un certificat médical conforme aux exigences du Règlement afin de recevoir des prestations de maladie?

Analyse

[6] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

L’appelant a-t-il présenté un certificat médical conforme aux exigences du Règlement afin de recevoir des prestations de maladie?

[7] Un prestataire qui demande des prestations de maladie doit démontrer, pour tout jour ouvrable d’une période de prestations :  1- qu’il est incapable de travailler par suite d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine prévue par règlement et 2- qu’il aurait été disponible pour travailler s’il n’était pas malade, blessé ou mis en quarantaine. (alinéa 18(1)b) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi))

[8] Le Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement) prévoit que les renseignements et la preuve que le prestataire doit fournir à la Commission pour établir son incapacité à travailler par suite d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine en application de l’alinéa 18(1)b) de la Loi consistent en un certificat établi par un médecin ou autre professionnel de la santé qui atteste cette incapacité et qui indique la durée probable de la maladie, de la blessure ou de la quarantaine. (par. 40(1) du Règlement)

[9] Donc, en résumé, la Loi prévoit qu’afin d’avoir droit aux prestations de maladie, un prestataire doit démontrer qu’il était incapable de travailler pour des raisons de santé et le Règlement établi que la seule manière pour un prestataire de démontrer une telle incapacité est de présenter un certificat médical rempli par un médecin ou autre professionnel de la santé comportant certaines informations précises.

[10] L’appelant est tombé en arrêt de travail pour raison de maladie le 24 avril 2018 après avoir vécu une crise sévère. Il s’est adressé au Programme d’aide aux employés et a demandé une aide en santé mentale, qui lui a été accordée. Il a d’abord discuté avec une intervenante, puis il été référé, quelques jours plus tard, à une travailleuse sociale. 

[11] À l’appui de sa demande pour des prestations de maladie, l’appelant a présenté un certificat médical émis par C. D., une travailleuse sociale pratiquant dans la ville de X. Le certificat confirme que l’appelant n’avait pas la capacité d’exercer ses activités professionnelles entre le 25 avril et le 18 mai 2018 (GD3-21). 

[12] Quelques jours après que l’appelant ait soumis ce certificat, la Commission l’a avisé qu’elle refusait d’accepter le document puisqu’il n’était pas signé par un médecin ou autre professionnel de la santé (GD3-24). L’appelant a alors tenté d’obtenir un certificat médical de son médecin, mais celui-ci n’a pas voulu émettre un certificat rétroactif (GD3-23).

[13] Le présent litige repose en fait sur la définition de ce qu’est un professionnel de la santé puisque cette expression n’est pas définie dans la Loi ou dans le Règlement. 

[14] Dans son argumentaire au Tribunal, la Commission soutient que l’appelant est incapable de fournir un certificat médical qui atteste de son incapacité. La Commission n’explique toutefois pas pourquoi elle considère qu’une travailleuse sociale n’est pas une professionnelle de la santé. Elle n’explique pas non plus ce qui constitue, à ses yeux, un professionnel de la santé et ne réfère à aucune politique, loi, règlement ou jurisprudence qui pourrait éclairer le Tribunal sur la question (GD4-3).

[15] Dans une conversation avec l’appelant lors de la révision, la Commission soutient qu’une travailleuse sociale n’est pas une professionnelle de la santé, mais plutôt une personne « œuvrant dans le domaine de l’action sociale » (GD3-26). Cette affirmation n’est toutefois appuyée d’aucune explication et d’aucun autre élément qui pourrait permettre d’établir que le mandat d’une travailleuse sociale se limite effectivement à « l’action sociale ».

[16] Aux yeux du Tribunal, il ne fait pas de doute que l’emploi de travailleur social est une profession. Les travailleurs sociaux doivent suivre des études universitaires poussées et appartenir à un ordre professionnel régissant leurs activités afin d’avoir le droit de travailler. 

[17] Il reste maintenant à savoir si cette profession est reliée au domaine de la santé mentale ou physiologique.

[18] Lors de l’audience, l’appelant a déclaré avoir vécu une crise sévère vers la fin du mois d’avril et avoir demandé de l’aide rapide en santé mentale auprès du programme d’aide aux employés, auquel il avait accès grâce à l’emploi de sa conjointe. C’est le programme d’aide aux employés (PAE) qui l’a référé à cette travailleuse sociale pour des soins. L’appelant a commencé à la consulter au début mai, et les traitements se poursuivent encore aujourd’hui.

[19] La description faite par l’appelant des soins qu’il a reçus démontre clairement que ceux-ci touchaient le domaine de la santé mentale; c’est d’ailleurs pourquoi le PAE a référé l’appelant à cette personne lorsqu’il a demandé des soins en santé mentale. L’appelant fait aussi valoir que les soins donnés par cette travailleuse sociale ont grandement contribué à améliorer sa santé mentale et lui ont permis de revenir au travail, alors qu’il en aurait été autrement incapable.

[20] Le Tribunal reconnait évidemment à la Commission le droit de se doter de politiques afin de guider ses agents dans l’application de la Loi et de son Règlement. Toutefois, une politique n’est pas la Loi. Lorsqu’elle interprète des termes qui ne sont pas autrement définis, comme c’est le cas ici pour « professionnel de la santé », la Commission ne devrait pas s’en remettre aveuglément à sa politique. Elle devrait plutôt considérer les objectifs voulus par la Loi et les circonstances de chaque cas afin de déterminer la bonne décision à prendre dans un cas en particulier. (Voir notamment Canada (PG) c Picard 2014 CAF 46)

[21] Pour la Cour d’appel fédérale, il est clair que le Parlement, en édictant la Loi sur l’assurance-emploi, souhaitait que les prestataires qui ne sont pas disponibles au travail par suite d’une maladie ne soient pas inadmissibles aux prestations. (Crupi c Commission canadienne de l’emploi et de l’immigration, A-451-85)

[22] Dans ce dossier, l’appelant a démontré qu’il était incapable de travailler pendant la période en litige, comme la Loi l’exige, et a fourni le certificat médical exigé par le Règlement, rempli et signé par ce que le Tribunal considère comme une professionnelle de la santé mentale. Le Tribunal n’a aucune raison de douter de l’authenticité du certificat présenté par l’appelant, ou de sa version des faits relativement à son incapacité à travailler. Aux yeux du Tribunal, une travailleuse sociale qualifiée est tout autant capable de certifier une incapacité à travailler pour raison de maladie qu’un autre professionnel œuvrant dans ce domaine, tel un médecin ou un psychologue.

[23] L’appelant a donc rempli ses obligations au terme de la Loi et du Règlement et a démontré qu’il était incapable de travailler pour raison de maladie entre le 25 avril et le 18 mai 2018, soit les dates indiquées sur le certificat médical (GD3-21).

Conclusion

[24] L’appel est accueilli en partie. L’inadmissibilité aux prestations est annulée entre le 25 avril et le 18 mai 2018. Toutefois, l’appelant ne peut pas recevoir de prestations de maladie après le 18 mai, puisqu’il n’a présenté aucun certificat médical établissant son incapacité à travailler au-delà de cette date.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 11 octobre 2018

Téléconférence

M. P., appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

  1. 18 (1) Le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là:
    1. (a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable;
    2. (b) soit incapable de travailler par suite d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine prévue par règlement et aurait été sans cela disponible pour travailler;
    3. (c) soit en train d’exercer les fonctions de juré.
  2. 50 (1) Tout prestataire qui ne remplit pas une condition ou ne satisfait pas à une exigence prévue par le présent article n’est pas admissible au bénéfice des prestations tant qu’il n’a pas rempli cette condition ou satisfait à cette exigence.
  3. (2) Toute demande de prestations est présentée de la manière ordonnée au bureau de la Commission qui dessert le territoire où réside le prestataire ou à tout autre endroit prévu par règlement ou ordonné par la Commission.
  4. (5) La Commission peut exiger d’autres renseignements du prestataire relativement à toute demande de prestations.
  5. (10) La Commission peut suspendre ou modifier les conditions ou exigences du présent article ou des règlements chaque fois que, à son avis, les circonstances le justifient pour le bien du prestataire ou un groupe ou une catégorie de prestataires.

Règlement sur l’assurance-emploi

  1. 40 (1) Les renseignements et la preuve que le prestataire doit fournir à la Commission pour établir son incapacité de travailler par suite d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine en application de l’alinéa 18(1)b) ou du paragraphe 152.03(1) de la Loi consistent en un certificat établi par un médecin ou autre professionnel de la santé qui atteste cette incapacité et qui indique la durée probable de la maladie, de la blessure ou de la quarantaine.
  2. (1.1) Malgré le paragraphe (1), dans l’une ou l’autre des circonstances ci-après, le prestataire en quarantaine pour une certaine période n’est tenu de fournir qu’une déclaration attestant leur existence :
    1. (a) la quarantaine lui a été imposée par un agent responsable de la santé publique dans l’intérêt de la santé et de la sécurité du public en général;
    2. (b) une quarantaine a été recommandée par un tel agent dans l’intérêt de la santé et de la sécurité du public en général et son employeur, un médecin, infirmier, ou toute autre personne en situation d’autorité lui a demandé de s’y soumettre.
  3. (2) La Commission peut, même si le prestataire a fourni le certificat visé au paragraphe (1), exiger qu’il subisse un examen médical aux date, heure et lieu qu’elle peut fixer dans les limites du raisonnable, afin de déterminer la nature de la maladie, de la blessure ou de la mise en quarantaine, l’état physique ou mental du prestataire, la durée probable de l’incapacité de travailler et toute autre circonstance s’y rapportant.
  4. (3) Les frais de l’examen médical visé au paragraphe (2) sont à la charge de la Commission et le prestataire qui le subit se voit rembourser ses frais de déplacement et autres dépenses raisonnables.
  5. (4) Pour l’application des alinéas 8(2)a) et 18(1)b) et des paragraphes 28(7) et 152.03(1) de la Loi, les maladies, blessures et mises en quarantaine sont celles qui rendent le prestataire incapable d’exercer les fonctions de son emploi régulier ou habituel ou d’un autre emploi convenable.
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