Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande d'autorisation d'interjeter appel est rejetée.

Aperçu

[2] Le demandeur, J. M. (le prestataire), enseignant, a occupé un poste temporaire à contrat dans le domaine de l’enseignement du 3 janvier 2017 au 30 juin 2017. Il a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi au début de juillet 2017. Il avait alors reçu une offre d’emploi verbale pour la prochaine période d’enseignement.

[3] Le 18 août 2017, la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission), a écrit au prestataire pour l’informer qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations (1) à compter du 5 septembre 2017, parce qu’elle considérait qu’il travaillait des semaines entières et (2) du 3 juillet 2017 au 4 septembre 2017, du 25 décembre 2017 au 5 janvier 2018 et du 19 mars 2018 au 2 avril 2018, parce qu’aucune prestation ne pouvait être versée aux enseignants pendant une période de congé. La Commission a informé le prestataire qu’il y avait des exceptions à cette règle : il pouvait recevoir des prestations si son contrat de service prenait fin, s’il était un enseignant suppléant ou occasionnel et n’avait pas signé un autre contrat, ou s’il exerçait une profession autre que l’enseignement. Toutefois, la Commission a statué que ces conditions ne s’appliquaient pas dans son casNote de bas de page 1.

[4] La Commission a également informé le prestataire que pour qu’il reçoive des prestations pendant la période de congé, son contrat doit avoir pris fin et que s’il avait un autre contrat avec le même conseil scolaire, il [traduction] « ne doit y avoir aucun lien entre les deux contrats ». La Commission a déterminé que son nouveau contrat comportait [traduction] « 4 liens », ce qui, à son avis, prouve qu’il existait une relation continue avec son employeur. La Commission ne considérait pas la situation comme une véritable mise en disponibilité. La Commission a décidé qu’il était donc inadmissible au bénéfice des prestations.

[5] Le prestataire a demandé un réexamen parce que son contrat avait pris fin en juin 2017 et qu’il n’avait pas de contrat permanent ou continu. Il a soutenu avoir un contrat temporaire qui a débuté le 5 septembre 2017. Il a expliqué qu’il continuerait de travailler de façon temporaire ou à titre temporaire jusqu’au 1er avril 2018. Cela signifiait qu’il ne serait pas payé pour juillet, août et les deux premières semaines de septembre 2017Note de bas de page 2.

[6] Dans une lettre datée du 30 octobre 2017, la Commission a avisé le prestataire qu’elle maintenait sa décision du 18 août 2017. Elle a déterminé qu’il demeurait employé en vertu d’un contrat d’enseignement jusqu’au 30 juin 2017, puis du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018Note de bas de page 3. Le prestataire a interjeté appel de la décision de réexamen de la Commission à la division générale.

[7] La division générale a rejeté l’appel, ayant conclu que le prestataire n’avait pas prouvé que son contrat d’enseignement avait pris fin « au cours de l’été 2017 ».

[8] Le prestataire demande maintenant l’autorisation d'interjeter appel de la décision de la division générale. Il soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle et qu’elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier.

Questions en litige

[9] Les questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. Question en litige no 1 : Peut-on soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle?
  2. Question en litige no 2 : Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en identifiant ou en appliquant le paragraphe 33(1) du Règlement sur l’assurance-emploi, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier?

Analyse

[10] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] Avant d’accorder l’autorisation d’interjeter appel, je dois être convaincue que les motifs d’appel relèvent des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. Il s’agit d’un critère relativement peu exigeant. Les prestataires n’ont pas à prouver leurs arguments; ils doivent simplement établir que l’appel a une chance raisonnable de succès sur la base d’une erreur susceptible de révision. La Cour fédérale a approuvé cette approche dans Joseph c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 4.

Question en litige no 1 : Peut-on soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle?

[12] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle. La justice naturelle vise à s’assurer que le demandeur a une occasion équitable de présenter sa cause et que les procédures sont équitables et libres de toute partialité. Elle porte sur des questions d’équité procédurale devant la division générale plutôt que sur l’incidence des décisions de la division générale sur un demandeur. Les allégations du prestataire ne traitent d’aucune question d’équité procédurale ou de justice naturelle ayant trait à la division générale. Le prestataire n’a pas attiré l’attention sur des éléments de preuve ou n’en a pas fourni — et je ne vois aucun élément de preuve — laissant entendre que la division générale aurait pu le priver de la possibilité de présenter sa preuve de manière complète et équitable ou qu’elle aurait fait preuve de partialité à son endroit. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

Question en litige no 2 : Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en identifiant ou en appliquant le paragraphe 33(1) du Règlement sur l’assurance-emploi, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier?

[13] La division générale a fait référence au paragraphe 33(1) du Règlement sur l’assurance-emploi, qui prévoit qu’un prestataire qui exerce un emploi dans l’enseignement pendant une partie de sa période de référence n’est pas admissible au bénéfice des prestations à moins que :

  1. (a) le contrat d’emploi du prestataire en enseignement ait pris fin;
  2. (b) l’emploi du prestataire dans l’enseignement ait été occasionnel ou à titre de suppléant;
  3. (c) le prestataire ait rempli les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement.

[14] L’alinéa 33(1)c) du Règlement sur l’assurance-emploi – à savoir si le prestataire avait accumulé des heures de travail dans une profession autre que l’enseignement – n’est pas pertinent dans le présent appel.

[15] Le prestataire nie avoir occupé un poste occasionnel ou un poste d’enseignant suppléant. Le prestataire affirme que l’alinéa 33(1)b) du Règlement sur l’assurance-emploi – que son emploi dans l’enseignement soit occasionnel ou de suppléance – ne s’applique pas dans son cas.

[16] Le prestataire affirme catégoriquement qu’il a occupé un poste contractuel pendant la moitié de l’année scolaire et qu’il commençait tout juste le processus d’obtention d’un certificat permanent, fait que la division générale a omis de considérer, soutient-il. Il fait valoir qu’il est visé par la première exception prévue à l’alinéa 33(1)a) du Règlement sur l’assurance-emploi, à savoir que son contrat d’enseignement avait pris fin. Il soutient que la division générale a mal interprété le critère juridique énoncé à l’alinéa 33(1)a) du Règlement sur l’assurance-emploi et qu’elle a mal interprété les faits.

[17] Le prestataire soutient que même si les postes contractuels peuvent être prolongés sur consentement mutuel, ils ne sont pas de nature continue. Il souligne qu’il n’y a pas eu consentement mutuel pour prolonger son contrat; de fait, il a dû présenter une nouvelle demande et se présenter à un concours pour son poste, et il n’était pas admissible à des retenues qui lui auraient permis d’être payé au cours de l’été. Il soutient que même si le contrat a été signé le 1er juillet, le contrat réel est entré en vigueur en septembre 2017. Il prétend que la division générale n’a pas reconnu cette distinction entre les employés permanents et contractuels. Il soutient que si la division générale avait compris que son contrat d’enseignement n’était pas continu et n’était pas permanent, que son contrat pour 2017-2018 est entré en vigueur en septembre 2017 et qu’il n’était pas admissible à des déductions, alors la division générale aurait accepté que son contrat d’enseignement avait pris fin le 30 juin 2017.

[18] La division générale a énoncé le critère juridique relatif à la résiliation d’un contrat d’enseignement en vertu de l’alinéa 33(1)a) du Règlement sur l’assurance-emploi comme étant une « rupture claire dans la continuité de l’emploi ». Cette définition est conforme à la jurisprudence. La Cour d’appel fédérale a toujours statué que le critère consiste à déterminer s’il y a une rupture claire dans la continuité de l’emploi du demandeurNote de bas de page 5.

[19] Dans Bazinet c. Canada (Procureur général), la Cour d’appel fédérale a statué qu’« il n’est pas suffisant de s’en tenir […] aux dates de fin et début des contrats pour déterminer si le contrat de travail [...] d’une prestataire a pris fin ». La Cour a cité Oliver c. Canada (Procureur général) et a conclu qu’il était également nécessaire de déterminer s’il y avait une cessation claire de la continuité de l’emploi du prestataire.

[20] Dans l’arrêt Stone c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 6, la Cour d’appel fédérale a dressé une liste non exhaustive de facteurs « dont il conviendra de tenir compte pour savoir s’il y a eu rupture claire dans la continuité de l’emploi de la demanderesse ». Ces facteurs sont les suivants :

  1. l’ancienneté de la relation d’emploi;
  2. la durée de la période de congé;
  3. les usages et pratiques du domaine d’enseignement en cause;
  4. le versement d’une rémunération durant la période de congé;
  5. les conditions du contrat de travail écrit, s’il y en a un;
  6. la méthode à laquelle recourt l’employeur pour rappeler le prestataire;
  7. le formulaire de relevé d’emploi rempli par l’employeur;
  8. les autres éléments attestant une reconnaissance de départ de la part de l’employeur; et
  9. l’arrangement conclu entre le prestataire et l’employeur, et la conduite respective de chacun.

[21] En examinant si le contrat du prestataire a pris fin, la division générale a tenu compte de certains de ces facteurs. Elle a également noté ce qui suit : les documents de l’employeur indiquaient que les dates du nouveau contrat pour l’année scolaire 2017-2018 étaient du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018; le contrat pour l’année scolaire 2017-2018 était pour la même école et le même poste d’enseignement; le droit au congé de maladie, les crédits de pension et l’ancienneté du prestataire ont été reportés à l’année scolaire 2017-2018; et l’employeur a déclaré que le prestataire a continué d’avoir droit aux prestations au cours de l’été 2017.

[22] La division générale a également tenu compte du fait que le prestataire devait payer ses propres primes du régime de services médicaux pour les mois de juin et juillet 2017 avant que l’employeur ne commence à payer des primes en août 2017; que le prestataire n’a reçu aucun salaire à l’été 2017; que des documents montraient que l’employeur le considérait comme un employé temporaire jusqu’à ce qu’il obtienne un statut continu chez son employeur à compter du 1er avril 2018; et enfin, que le prestataire devait présenter une nouvelle demande pour son poste et qu’il n’avait aucune garantie d’être le candidat retenu. La division générale a accepté cette preuve, bien qu’elle n’ait tiré aucune conclusion particulière au sujet du statut du prestataire entre l’été 2017 et le 1er avril 2018. Toutefois, elle a déterminé que ces facteurs à eux seuls n’étaient pas concluants et qu’elle devait aussi tenir compte d’autres facteurs pour déterminer si le contrat d’enseignement du prestataire avait pris fin le 30 juin 2017.

[23] La division générale a mis un accent particulier sur le fait que le prestataire est retourné au même poste d’enseignant à la même école au début de l’année scolaire 2017-2018, sur le fait qu’il a pu reporter ses jours de congé de maladie inutilisés, son ancienneté et ses crédits de pension, sur le fait qu’il a continué d’être couvert par le régime d’avantages sociaux de l’employeur au cours de l’été et, surtout, que le contrat d’enseignement du prestataire a pris fin le 30 juin 2017 et que le contrat d’enseignement subséquent a commencé le 1er juillet 2017. La division générale a conclu que ces faits établissaient que la relation du prestataire avec son employeur n’avait pas pris fin et qu’il n’y avait donc [traduction] « aucune rupture claire dans la continuité de l’emploi [du prestataire] ».

[24] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Robin, la prestataire a été enseignante à temps partiel du 3 septembre 2003 au 23 juin 2004. Elle a reçu une offre d’emploi pour un poste permanent à temps plein débutant le 25 août 2004. La Cour d'appel fédérale a conclu que Mme Robin, comme tous les autres enseignants de ce conseil scolaire, n'avait pas à travailler en juillet et août 2004. La Cour d'appel fédérale n’avait pu conclure qu'il y avait eu rupture de la relation d'emploi entre Mme Robin et le conseil scolaire. La Cour a conclu qu'il n'y avait pas eu d'interruption dans la continuité de son emploi au conseil scolaire et que Mme Robin ne pouvait donc bénéficier de l'exception prévue à l'alinéa 33(2)a) du Règlement sur l'assurance-emploi.

[25] Il existe des distinctions factuelles entre l’affaire Robin et l’instance devant moi; notamment, le deuxième contrat du prestataire portait sur un poste temporaire plutôt que permanent. Cependant, tout comme dans le cas de Mme Robin, le nouveau contrat du prestataire n’aurait pris effet que plusieurs semaines après la fin du premier contrat le 30 juin 2017. Le juge Nadon a conclu que le juge-arbitre avait commis une erreur en limitant son évaluation à ce seul facteur, alors qu’il aurait dû se concentrer sur la question de savoir s’il y avait eu une rupture claire dans la continuité de l’emploi de Mme Robin.

[26] La division générale a bien défini le critère juridique énoncé à l’alinéa 33(1)a) du Règlement sur l’assurance-emploi aux paragraphes 8, 13 et 22 de sa décision. Il énonce qu’il devait y avoir une rupture claire dans la continuité de l’emploi du prestataire. Il est clair que la division générale a correctement tenu compte des faits de l’affaire, en accordant plus de poids à certains éléments de preuve qu’à d’autres, pour déterminer s’il y avait eu une véritable rupture – ou, comme le juge Nadon l’a dit dans l’arrêt Robin – une « rupture claire de la continuité » de l’emploi du prestataire.

[27] La division générale n’a pas fait référence au relevé d’emploi que l’employeur avait préparéNote de bas de page 7, mais la jurisprudence laisse entendre qu’il aurait appuyé les conclusions de la division générale selon lesquelles le contrat du prestataire n’avait pas pris fin. Le relevé d’emploi indiquait une date de rappel prévue « inconnue ». Dans l’arrêt Stone, la Cour d’appel fédérale a relevé trois décisions dans lesquelles une date prévue de rappel « inconnue » était perçue comme une indication que l’employeur s’attendait à ce que l’employé revienne à un moment donné. La Cour a écrit ce qui suit :

Dans l’arrêt Saunders c. Fredericton Golf & Curling Club Inc Note de bas de page 8, le juge Hoyt, juge en chef du Nouveau-Brunswick, s’exprimant pour les juges majoritaires, avait estimé que lorsque la raison de la mise à pied est un manque de travail et que la rubrique « date prévue du rappel » porte la mention « date non connue » plutôt que « retour non prévu », alors le relevé d’emploi est le signe que le contrat de travail est un contrat à durée indéterminée. Voir aussi la décision Hildebrandt, [...] au paragraphe 29. Après tout, une date de rappel prévue qui est « non connue » [traduction] « ne peut que signifier qu’il est prévu que l’employé reviendra un jour ». Ross, au paragraphe 26Note de bas de page 9.

[28] Compte tenu de ces éléments à considérer, je ne suis pas convaincue que la division générale a commis une erreur de droit en déterminant si le prestataire était visé par l’exception prévue à l’alinéa 33(1)a) du Règlement sur l’assurance-emploi.

[29] Enfin, dans la mesure où l’appelant demande une réévaluation sur la question de savoir si son contrat d’enseignement a pris fin, le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS comporte des moyens d’appel très limités – l’article ne prévoit aucune réévaluation en appel.

Conclusion

[30] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a commis une erreur en identifiant et en appliquant le critère juridique de la résiliation d’un contrat d’enseignement en vertu de l’alinéa 33(1)a) du Règlement sur l’assurance-emploi. Par conséquent, la demande d'autorisation d'interjeter appel est rejetée.

 

Représentant :

J. M., se représente lui-même

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