Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal conclut que l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison de sa propre inconduite.

Aperçu

[2] L’appelant était main-d’œuvre de production dans une imprimerie de carton chez X. Il a été congédié le 4 décembre 2017. L’appelant était incarcéré du 28 novembre 2017 au 18 décembre 2017. La Commission a conclu que l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison de son inconduite. L’appelant affirme que sa sœur avait avisé l’employeur de son absence, mais ce n’est que le 18 décembre 2017 que l’employeur a été avisé qu’il était incarcéré. Le Tribunal doit déterminer si l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison de sa propre inconduite.

Questions en litige

[3] L’appelant a-t-il posé les gestes reprochés par l’employeur?

[4] Si oui, les gestes posés par l’appelant constituent-ils de l’inconduite?

Analyse

[5] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

L’appelant a-t-il posé les gestes reprochés par l’employeur?

[6] L’employeur a déclaré à la Commission que la sœur de l’appelant l’avait contacté en novembre 2017 pour l’aviser de l’absence de l’appelant, mais qu’elle n’avait pas voulu fournir d’explication à son absence. L’employeur a indiqué qu’après quatre jours d’absence, il a demandé aux ressources humaines de l’entreprise de remplacer l’appelant. L’appelant a été congédié le 4 décembre 2017 et il a contacté l’employeur le 18 décembre 2017 lui indiquant qu’il avait été dans l’impossibilité de se présenter au travail parce qu’il était incarcéré.

[7] L’appelant a déclaré qu’il avait commis une infraction parce qu’il a été arrêté en possession de stupéfiants avant d’être embauché chez X. L’appelant affirme avoir avisé l’employeur de cette infraction au moment de l’embauche même s’il n’en connaissait pas l’issue. Il a été incarcéré du 28 novembre 2017 au 18 décembre 2017.

[8] Parce qu’il a été incarcéré, l’appelant s’est absenté du travail du 29 novembre 2017 au 18 décembre 2017. Le Tribunal conclut que l’appelant a posé les gestes reprochés par l’employeur.

Les gestes posés par l’appelant constituent-ils de l’inconduite?

[9] Le Tribunal doit déterminer si les gestes posés par l’appelant constituent une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi) et le fardeau de démontrer que ces gestes constituent de l’inconduite incombe à la Commission (Procureur général du Canada c Larivée 2007 CAF 312 (CanLII)).

[10] Bien que l’appelant avait déclaré à la Commission avoir contacté l’employeur pour l’aviser qu’il serait absent pour une durée de quatre à six semaines, il a déclaré au moment de la révision que c’était plutôt sa sœur qui avait contacté l’employeur et qu’elle l’avait avisée qu’il serait absent sans en indiquer la raison. Il était prévu que l’appelant soit libéré le 9 janvier 2018, mais il a été libéré le 18 décembre 2017. Dès le 18 décembre 2017, l’appelant a contacté l’employeur, mais celui-ci lui aurait dit que la raison de son absence était inacceptable.

[11] Cependant, l’appelant soutient que l’employeur avait accepté son absence de quatre à six semaines lorsqu’il avait été contacté par sa sœur et que par la lettre transmise par FEDEX, il souhaitait une réponse de l’appelant avant le 18 décembre 2017 lui indiquant quel était le motif de son absence. L’appelant affirme avoir contacté l’employeur le 18 décembre 2017 comme celui-ci le demandait. Il fait valoir qu’il n’a pas commis d’inconduite et qu’il a plutôt déployé des efforts pour maintenir son lien d’emploi alors que l’employeur a donné des raisons contradictoires concernant la cessation d’emploi.

[12] L’employeur a transmis une lettre à l’appelant par FEDEX lui demandant de lui fournir des explications sur les raisons de son absence. En effet, si l’appelant avait été absent en raison d’une maladie et qu’il avait fourni un billet médical, celui-ci aurait considéré cette situation. Le dossier de la Commission démontre que l’employeur a congédié l’appelant le 4 décembre 2017 et qu’il a émis un premier relevé d’emploi le 7 décembre 2017. Ce relevé d’emploi indique comme motif « maladie ». À cette date, l’employeur ne connaissait pas la raison pour laquelle l’appelant était absent. Pour cette raison, un deuxième relevé d’emploi modifié a été émis le 21 décembre 2017 et l’employeur a indiqué « départ volontaire » comme motif de cessation d’emploi.

[13] La Commission a conclu à une inconduite de la part de l’appelant, mais lorsque deux notions distinctes sont toutes deux traitées dans un même article de la Loi, on peut très bien argumenter que le litige à régler n'est pas celui compris dans chacun des alinéas, mais plutôt l'intention générale de la stipulation. D’ailleurs, l’appelant a présenté des arguments en fonction du litige tel que présenté par la Commission, soit l’inconduite (Easson, A-1598-92).

[14] Bien que l’appelant soutienne que l’employeur avait autorisé une absence de quatre à six semaines, la preuve démontre que l’employeur a remplacé l’appelant le 4 décembre 2017 et qu’un premier relevé d’emploi a été émis le 7 décembre 2017. Lors de l’audience, l’appelant a admis que c’est sa sœur qui avait véritablement contacté l’employeur et il a admis ne pas avoir contacté lui-même l’employeur avant le 18 décembre 2017 pour lui indiquer la raison de son absence.

[15] La Commission soutient que l’appelant a commis une inconduite parce qu’il est responsable de cette situation et qu’étant donné son incarcération, il ne pouvait plus se présenter au travail pour assumer les responsabilités contractuelles pour lesquelles il a été embauché.

[16] Le Tribunal est également de cet avis. L'incapacité de respecter une condition à l'emploi est le résultat de l’inconduite et c’est cette inconduite qui a pour conséquence la perte de l'emploi (Brissette A-1342-92).

[17] Parce qu’il était incarcéré, l’appelant ne pouvait se présenter au travail et offrir sa prestation de travail. Cette inconduite constitue un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail de l’appelant (Procureur général du Canada c Lemire, 2010 CAF 314).

[18] Bien que l’appelant soutienne avoir tout fait pour maintenir son lien d’emploi, les faits démontrent qu’il était incarcéré du 29 novembre 2017 au 18 décembre 2017 et qu’il ne pouvait fournir sa prestation de travail pendant cette période. L’employeur a congédié l’appelant le 4 décembre 2017 parce qu’il ne s’était pas présenté au travail depuis le 29 novembre 2017. Une copie d’un échange de textos entre la sœur de l’appelant et le responsable des ressources humaines chez Élopak démontre que, le 6 décembre 2017, celle-ci a indiqué à l’employeur que l’appelant devait s’absenter du travail et que son emploi était important pour lui. Certes, suite à cet échange, l’employeur a transmis une lettre à l’appelant lui demandant de préciser la raison de son absence avant le 18 décembre 2017. Bien que l’appelant ait soutenu avoir répondu à l’employeur dans le délai requis, soit le 18 décembre 2017, la preuve démontre qu’il n’a pu fournir sa prestation de travail du 29 novembre 2017 au 18 décembre 2017 et, bien que l’appelant ait déclaré que l’employeur avait autorisé cette absence, la preuve démontre plutôt que l’employeur a remplacé l’appelant dès le 4 décembre 2017, qu’il a émis un premier relevé d’emploi le 7 décembre 2017 et que si l’appelant s’était absenté en raison d’une maladie, il aurait dû considérer ce motif.

[19] L’inconduite doit constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail. C’est le cas de l’appelant. Celui-ci a commis une infraction avant d’être embauché par l’employeur, mais son incarcération pour cette infraction a eu lieu alors qu’il était à l’emploi d’X. La prestation de service est une condition essentielle du contrat de travail. Lorsqu’un prestataire, par ses propres gestes, fait en sorte qu’il n’est plus en mesure de s’acquitter des fonctions qui lui incombent en vertu du contrat d’emploi et perd de ce fait son emploi, il « ne peut faire assumer par d’autres le risque de son chômage, pas plus que celui qui quitte son emploi volontairement » (Wasylka 2004 FCA 219; Lavallée 2003 FCA 255; Brissette A-1342-92).

[20] Le Tribunal est d’avis que l’emploi de l’appelant a pris fin parce qu’il ne s’était pas présenté au travail depuis le 29 novembre 2017 et non pas parce qu’il n’avait pas respecté les règles de l’entreprise ou en raison de la sentence qu’il a obtenue (Locke 2003 CAF 262).

[21] Un appelant dont l’emploi a pris fin à la suite d’une incarcération ou d’une autre ordonnance judiciaire qui le rend incapable de se présenter au travail est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi que la cessation d’emploi soit le résultat d’un départ volontaire sans justification ou d’un congédiement pour inconduite (Borden 2004 FCA 176, Lavallée A-720-01, Easson A-1598-92, Brissette A-1342-92).

[22] Bien que l’appelant soutienne que son absence ou son incarcération n’est pas volontaire et qu’il n’a pas commis d’inconduite, le Tribunal est d’avis que l’inconduite de l’appelant découle de son indisponibilité au travail, c’est son incapacité à fournir sa prestation de travail qui est la conséquence de son incarcération. L’appelant a été incarcéré, il a été indisponible au travail et incapable de fournir sa prestation de travail pendant quatre semaines et tout contrevenant doit subir les conséquences découlant de son emprisonnement, voire la perte de son emploi en cas d’indisponibilité (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec c Maksteel Québec Inc., 2003 CSC 68 (CanLII)).

[23] Le Tribunal est d’avis que l’appelant n’a pas pu respecter une condition essentielle de son contrat de travail parce qu’il ne pouvait se présenter au travail. C’est précisément cette impossibilité de l’appelant qui a mené à son inconduite.

[24] Le Tribunal a entendu les arguments de l’appelant et comprend qu’il souhaitait conserver son emploi et qu’il a contacté l’employeur dès qu’il a pu. Cependant, l'intention coupable n'est pas un volet essentiel de l'inconduite. Dans la mesure où l'omission ou l'acte sur lequel s'appuie un employeur pour congédier son employé est délibéré, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une omission ou d'un acte conscient, voulu ou intentionnel, l'inconduite est prouvée (Procureur général du Canada c Pearson, 2006 CAF 199).

[25] Dans ce cas, l’appelant a commis une infraction qui a mené à son incarcération et c’est le fait de ne pas s’être présenté au travail qui est un acte délibéré. Si l’appelant n’avait pas commis l’infraction pour laquelle il a été sanctionné, il n’aurait pas été incarcéré et il aurait pu se présenter au travail et fournir sa prestation de travail.

[26] Même si les déclarations de l’employeur ne corroborent pas la version de l’appelant qui soutient que l’employeur avait autorisé son absence de quatre semaines ou qu’il aurait pu l’autoriser, le Tribunal précise qu’il n’a pas à se demander si le congédiement ou la sanction était justifié, il doit plutôt déterminer si le geste posé par le prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi et c’est le cas en l’espèce(Fakhari, A-732-95, Marion 2002 CAF 185). 

[27] Le Tribunal a également entendu les arguments de l’appelant indiquant que la raison de l’absence n’était pas acceptable pour l’employeur alors que celui-ci aurait toléré des situations semblables avec d’autres collègues. Cependant, chaque situation doit être évaluée au cas par cas. Le Tribunal comprend également que l’appelant a fait ce qu’il pouvait, malgré son incarcération, pour conserver son lien d’emploi. Cependant, le Tribunal est d’avis que c’est l’impossibilité de l’appelant à fournir sa prestation de travail qui constitue une inconduite même si cette situation découle de son incarcération. Le Tribunal compatit avec la situation de l’appelant, mais il ne peut, pour cette raison, l’exclure de l’application de la Loi.

[28] Le Tribunal estime que la Commission s’est déchargée de son fardeau de démontrer, suivant la prépondérance de la preuve, que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite et la preuve présentée permet de conclure que l’inconduite est la conséquence directe de l’impossibilité de l’appelant à accomplir ses tâches et, pour cette raison, la relation directe entre l’acte commis (l’impossibilité de réaliser ses tâches) et le congédiement est démontrée (Brissette A-1342-92).

[29] Le Tribunal conclut que l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison de sa propre inconduite.

Conclusion

[30] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 19 octobre 2018

Vidéoconférence

J. P., appelant

Félix Arsenault, représentant de l’appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

  1. 29 Pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
    2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
    3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
      1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
      2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
      3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. 30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
    2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  3. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.
  4. (3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.
  5. (4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.
  6. (5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.
  7. (6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.
  8. (7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations - qu’elle soit initiale ou non - n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.
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