Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Le prestataire a fait une demande de prestations d’AE mais n’a pas soumis de déclaration par la suite, croyant pouvoir compter sur un règlement de son ancien employeur pour congédiement injustifié. Toutefois, il n’a pas obtenu d’argent suite à ce règlement, alors un an plus tard, il a demandé de réactiver sa demande d’AE. Il a demandé que sa demande soit antidatée mais la Commission a refusé puisqu’il n’avait pas démontré qu’il avait un motif valable pour son retard à présenter ses rapports de déclaration. Il a fait appel à la division générale (DG), qui s’est dites d’accord avec la Commission et a rejeté la demande d’antidatation. Il a ensuite fait appel à la division d’appel (DA).

La DA a conclu que la DG avait commis une erreur en n’abordant pas la preuve concernant un appel téléphonique contradictoire entre l’appelant et un employé de Service Canada. La DA a rendu la décision que la DG aurait dû rendre et a quand même conclu qu’il n’avait pas démontré qu’il avait un motif valable pour son retard à présenter un rapport de déclaration. L’appelant aurait dû informer promptement la Commission de sa situation, mais il a attendu un an pour le faire. Le demandeur a ensuite fait appel de la décision de la DA à la Cour d’appel fédérale (CAF). Celle-ci a examiné la décision de la DG, et celle de la DA, et a conclu qu’il n’y avait eu aucun manquement de justice naturelle. Elle a conclu que la décision de la DA était raisonnable et rejeté la demande de contrôle judiciaire.

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal rejette l’appel.

Aperçu

[2] L’appelant, K. A. (le prestataire), a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi le 15 décembre 2014, et une période de prestations a été établie à compter du 14 décembre 2014. Le prestataire n’a pas déposé de relevés des demandes de prestations auprès de l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission).

[3] Le 26 janvier 2016, le prestataire a demandé à ce que sa demande soit réactivée après avoir abandonné sa poursuite pour congédiement injustifié contre son employeur. Le prestataire a demandé à ce que sa demande de prestations soit antidatée au 14 décembre 2014. La Commission a rejeté la demande d’antidatation aux niveaux initial et de réexamen parce que le prestataire n’a pas démontré qu’il était justifié, pendant toute la période du retard, soit du 14 décembre 2014 au 26 janvier 2016, de ne pas avoir produit de relevés des demandes de prestations d’assurance-emploi. Le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal.

[4] La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas de motif valable justifiant son retard à produire ses relevés de demandes de prestations d’assurance-emploi, parce qu’une personne raisonnable aurait parlé directement à son avocat ou à un représentant de Service Canada pour s’assurer qu’ils satisfaisaient aux exigences procédurales relatives à la production de leurs relevés de demandes de prestations d’assurance-emploi. La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il avait un motif valable pour retarder le dépôt de ses relevés de demandes de prestations et qu’il n’avait donc pas le droit de faire antidater sa demande en vertu du paragraphe 10(5) de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi).

[5] La permission d’en appeler à la division d’appel a été accordée au prestataire. Il plaide que la division générale n’a pas tenu compte de sa preuve selon laquelle la Commission l’a mal informé lorsqu’il a appelé en janvier 2015. Si l’agent lui avait conseillé de remplir les cartes sans égard à sa cause en instance, il aurait suivi les conseils. Il allègue plutôt que l'agente lui a conseillé de communiquer avec elle une fois que sa situation aurait changé, ce qu'il a fait. Il ne faisait donc pas fi de la loi, mais se fondait sur des renseignements fournis par une agente de l’intimée. Le prestataire soutient également que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a appliqué le mauvais critère en exigeant qu’il fournisse des motifs spéciaux plutôt qu’une explication raisonnable du retard.

[6] Le Tribunal doit décider si la division générale a omis de tenir compte des éléments de preuve soumis par le prestataire et si le prestataire avait un motif valable justifiant l’ensemble du retard dans le dépôt de ses relevés de demandes de prestations afin de permettre l’antidatation en vertu du paragraphe 10(5) de la Loi.

[7] Le Tribunal rejette l’appel.

Questions en litige

[8] La division générale a-t-elle omis de tenir compte des éléments de preuve du prestataire selon lesquels la Commission l’a mal informé lorsqu’il a appelé en janvier 2015?

[9] Dans l’affirmative, le prestataire a-t-il prouvé qu’il avait un motif valable justifiant l’ensemble du retard dans la production de ses relevés de demandes de prestations du 14 décembre 2014 au 26 janvier 2016, conformément au paragraphe 10(5) de la Loi?

Analyse

Le mandat de la division d’appel

[10] La Cour d’appel fédérale a déterminé que lorsque la division d’appel entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, le mandat de la division d’appel lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 1.

[11] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieureNote de bas de page 2.

[12] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle omis de tenir compte des éléments de preuve du prestataire selon lesquels la Commission l’a mal informé lorsqu’il a appelé en janvier 2015?

[13] En l’espèce, la division générale devait décider si le prestataire avait prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le retard dans le dépôt de ses relevés de demandes de prestations afin de permettre une antidatation pour la période du 14 décembre 2014 au 26 janvier 2016, conformément au paragraphe 10(5) de la Loi.

[14] Le prestataire a fait valoir devant la division générale qu’il avait tardé à déposer des relevés de demandes de prestations parce que la Commission lui avait fourni des renseignements incomplets et inexacts par téléphone et en personne.

[15] Le prestataire a fait valoir que la Commission aurait dû lui dire, lorsqu’il a appelé en janvier 2015, de déposer ses cartes de déclaration sans égard à sa cause contre son employeur et qu’elle n’aurait pas dû lui dire de rappeler lorsque sa situation avait changé.

[16] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte de sa preuve selon laquelle la Commission l’a mal informé lorsqu’il a appelé en janvier 2015 pour faire le point sur sa situation.

[17] Compte tenu de l’argument soulevé par le prestataire, le membre de la division d’appel a écouté l’enregistrement de l’audience de la division générale.

[18] La division générale a déterminé que le prestataire n’a pas demandé à la Commission s’il devait déposer ses cartes de déclaration pendant qu’il attendait le règlement de sa cause et qu’il était le seul responsable de poser des questions sur ses droits et obligations en vertu de la Loi.

[19] Le Tribunal conclut que la division générale a fait fi de la preuve soumise par le prestataire selon laquelle il a été mal informé par la Commission en janvier 2015 au sujet de ses droits et obligations en vertu de la Loi lorsqu’on lui a dit de rappeler lorsque sa situation aurait changé.

[20] Le prestataire soutient que si l’agente lui avait conseillé de remplir les cartes sans égard à sa cause en instance, il aurait suivi ce conseil. Il allègue plutôt que l’agente lui a conseillé de communiquer avec elle une fois que sa situation avait changé, ce qu’il a fait rapidement après avoir retiré sa réclamation contre son employeur.

[21] Le rôle de la division générale consiste à examiner les preuves que lui présentent les deux parties, pour déterminer les faits pertinents, soit les faits qui concernent le litige particulier qu'elle doit trancher et d'expliquer, dans sa décision écrite, la décision qu'elle rend concernant la question en litige.

[22] La division générale doit justifier clairement ses conclusions. Lorsqu’elle est confrontée à une preuve contradictoire, la division générale ne peut l’ignorer; elle doit en tenir compte. Si la division générale décide que la preuve devrait être rejetée ou qu’on devrait lui accorder peu ou pas de poids, elle doit expliquer sa décision, faute de quoi sa décision pourrait être entachée d’une erreur de droit ou qualifiée d’arbitraireNote de bas de page 3.

[23] Étant donné que la division générale a commis une erreur en faisant fi de la preuve du prestataire, le Tribunal est justifié d’intervenir dans la présente affaire. Comme le dossier de preuve est complet, le Tribunal rendra la décision que la division générale aurait dû rendre.

Question en litige no 2 : Le prestataire a-t-il prouvé qu’il avait un motif valable justifiant l’ensemble du retard dans la production de ses relevés de demandes de prestations?

[24] Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi le 15 décembre 2014, et une période de prestations a été établie à compter du 14 décembre 2014. Le prestataire n’a pas déposé de relevés de demande de prestations auprès de la Commission. Il a ensuite quitté le pays du 4 avril au 4 août 2015 pour aider son père malade et du 19 novembre au 22 décembre 2015 pour s’occuper des funérailles de son père. Le 26 janvier 2016, le prestataire a demandé à ce que sa demande soit réactivée après avoir décidé de retirer sa poursuite pour congédiement injustifié contre son ancien employeur. Le prestataire a alors demandé à ce que sa demande de prestations soit antidatée au 14 décembre 2014.

[25] Pour établir l’existence d’un motif valable en vertu du paragraphe 10(5) de la Loi, un prestataire doit être en mesure de démontrer qu’il a fait ce qu’une personne raisonnable dans sa situation aurait fait pour se prévaloir de ses droits et se prévaloir de ses obligations en vertu de la Loi. La Cour d’appel fédérale a réaffirmé à maintes reprises que les prestataires ont l’obligation de s’informer de leurs droits et obligations et des mesures à prendre pour protéger une demande de prestationsNote de bas de page 4.

[26] Le Tribunal tient à réitérer que la Commission a rejeté la demande d’antidatation aux niveaux initial et du réexamen parce que le prestataire n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pendant toute la période du retard, soit du 14 décembre 2014 au 26 janvier 2016, de ne pas avoir produit ses relevés de demandes de prestations d’assurance-emploi.

[27] Dans sa déclaration initiale à la Commission en date du 18 janvier 2016, le prestataire a déclaré qu’il avait déposé une action en justice contre son employeur pour congédiement injustifié à peu près en même temps qu’il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. Son avocat l’avait informé de la possibilité d’un règlement financier rapide, de sorte qu’il n’a pas donné suite à sa demande d’assurance-emploi. Toutefois, le processus juridique a traîné en longueur, ce qui a eu une incidence négative sur sa santé. De plus, les frais juridiques ont commencé à s'accumuler au-delà de ses moyens financiers. Enfin, il n’avait d’autre choix que de retirer son action contre son employeur sans recevoir d’indemnité de départ. L’action a été retirée en janvier 2016Note de bas de page 5.

[28] Le 11 avril 2016, lors d’une entrevue menée par la Commission, le prestataire a réitéré que la seule raison pour laquelle il avait tardé à déposer des relevés entre décembre 2014 et janvier 2016 était son attente d’un règlement financier de la part de son dernier employeur. Il a déclaré que son avocat l’avait amené à croire que cela se produirait rapidement, en l’espace d’un mois, mais le retard se poursuivait. Il ne croyait pas avoir droit à des prestations s’il recevait le fruit de ce règlement parce que les paiements seraient [traduction] « annulés » Note de bas de page 6.

[29] Le 22 décembre 2016, le prestataire a répété qu’il s’attendait à un règlement rapide avec son employeur et qu’il n’avait pas rempli ses cartes de déclaration parce qu’il [traduction] « ne voulait pas de double rémunération aux frais du contribuable »Note de bas de page 7.

[30] Le Tribunal conclut que la preuve devant la division générale démontre clairement que le prestataire a choisi de retarder le dépôt de ses relevés entre décembre 2014 et janvier 2016 parce qu’il s’attendait à un règlement financier rapide de la part de son dernier employeur et qu’il ne croyait pas avoir droit à des prestations s’il recevait le fruit de ce règlement, car les paiements seraient « annulés ».

[31] La Cour d’appel fédérale a établi qu’on s’attend à ce qu’un prestataire présente des demandes raisonnables auprès de la Commission pour vérifier ses hypothèses personnelles et les renseignements qu’il reçoit de tiersNote de bas de page 8.

[32] Le prestataire fait valoir qu’il avait un motif valable pour justifier l’ensemble du retard en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi parce qu’il s’est fié aux renseignements que lui a fournis la représentante de la Commission, qui l’a induit en erreur en lui disant de rappeler lorsque sa situation aurait changé.

[33] Le Tribunal conclut que même si, en janvier 2015, la Commission a effectivement conseillé au prestataire de rappeler une fois que sa situation aurait changé, il n’a pas de motif valable pendant l’ensemble de la période du retard, comme l’exige la LoiNote de bas de page 9. La situation du prestataire a effectivement changé lorsque le règlement rapide qu’il attendait en un mois n’a pas eu lieu et que les procédures juridiques contre son employeur ont traîné pendant des mois.

[34] Le prestataire aurait alors dû faire rapidement un suivi auprès de la Commission au sujet de sa demande de prestations d’assurance-emploi après qu’il n’ait pas reçu le fruit de son règlement dans le mois suivant comme son avocat l’avait promis et n’aurait pas dû attendre plus d’un an après le début de l’instance pour congédiement injustifié qui a pris fin lorsque le prestataire a retiré sa demande. À tout le moins, il aurait dû clarifier sa situation avec la Commission avant de quitter le pays en avril 2015 pour aider son père malade.

[35] Le Tribunal conclut qu’une personne raisonnable et prudente, dans les mêmes circonstances que le prestataire, se serait renseignée auprès de la Commission sur le moment où il devait déposer ses relevés de demande de prestations de façon plus diligente et rigoureuse et n’aurait pas attendu plus de 12 mois pour obtenir des précisions sur ses droits et ses responsabilités.

[36] Pour les motifs susmentionnés, l’appel est rejeté.

Conclusion

[37] Le Tribunal rejette l’appel.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparution :

Le 11 octobre 2018

Téléconférence

K. A., appelant

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.