Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelant, D. L. (prestataire), est présumé avoir quitté son emploi et avoir été congédié par son employeur. Lorsque le prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi, l’intimée, la Commission d’assurance-emploi du Canada, a déterminé qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite et a rejeté sa demande. Le prestataire a porté cette décision en appel devant le conseil arbitral, lequel a rejeté l’appel. Le prestataire est décédé depuis, toutefois, son père et exécuteur testamentaire, W. L. (représentant), interjette maintenant appel devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale au nom de la succession du prestataire.

[3] L’appel est accueilli. La décision du conseil arbitral a été rendue sans tenir compte du témoignage du représentant selon lequel il a avisé l’employeur de la raison de l’absence du prestataire. De plus, le conseil arbitral n’a pas tiré de conclusion claire selon laquelle le prestataire a réellement omis d’aviser l’employeur et n’a pas tiré de conclusion selon laquelle il a été congédié pour cette raison. Par conséquent, le conseil arbitral a commis une erreur en ne tirant pas les conclusions de fait requises.

[4] J’ai rendu la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre. Le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations en raison d’une inconduite.

Questions en litige

[5] Le conseil arbitral a-t-il tenu le prestataire responsable de ne pas avoir avisé son employeur de son absence au travail sans tenir compte de la preuve selon laquelle le représentant avait avisé l’employeur?

[6] Le conseil arbitral a-t-il commis une erreur de droit en ne tirant pas les conclusions de fait nécessaires?

Analyse

Norme de contrôle

[7] Les moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) sont semblables aux motifs habituels de contrôle judiciaire des cours, ce qui donne à penser que le même type d’analyse de normes de contrôle pourrait également s’appliquer à la division d’appel.

[8] Toutefois, je ne considère pas que l’application des normes de contrôle soit nécessaire ou utile. Les appels administratifs de décisions en matière d’assurance-emploi sont régis par la Loi sur le MEDS. La Loi sur le MEDS ne prévoit pas qu’un examen soit effectué conformément aux normes de contrôle. Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. HuruglicaNote de bas de page 1, la Cour d’appel fédérale estimait que les normes de contrôle ne devraient s’appliquer que si la loi habilitante prévoit leur application. Il y est mentionné que les principes qui ont orienté le rôle des tribunaux quant au contrôle judiciaire des décisions administratives ne s’appliquent pas dans une structure administrative à plusieurs niveaux.

[9] L’arrêt Canada (procureur général) c. JeanNote de bas de page 2 concerne le contrôle judiciaire d’une décision de la division d’appel. La Cour d’appel fédérale n’avait pas à se prononcer quant à l’applicabilité des normes de contrôle, mais elle a reconnu dans ses motifs que les tribunaux administratifs d’appel n’ont pas les pouvoirs de contrôle et de surveillance que la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale exercent lorsque les normes de contrôle sont appliquées. La Cour a également souligné que la division d’appel a autant d’expertise que la division générale (à peu près analogue au conseil arbitral en l’espèce) et qu’elle n’est donc pas tenue de faire preuve de déférence.

[10] Bien que certaines décisions de la Cour d’appel fédérale semblent approuver l’application des normes de contrôleNote de bas de page 3, je suis néanmoins convaincu par le raisonnement de la Cour dans les arrêts Huruglica et Jean. J’examinerai donc l’appel en renvoyant aux moyens d’appel prévus dans la Loi sur le MEDS seulement.

Principes généraux

[11] La tâche de la division d’appel est plus restreinte que celle dont était chargé le conseil arbitral. Le conseil arbitral devait tenir compte de la preuve dont il était saisi et la soupeser, puis tirer des conclusions de fait. Pour ce faire, le conseil arbitral applique le droit aux faits et rend des conclusions sur les questions de fond soulevées par l’appel.

[12] Cependant, la division d’appel peut intervenir dans une décision de l’ancien conseil arbitral si elle détermine que ce dernier a commis l’une des erreurs correspondant aux « moyens d’appel » prévus à l’article 58(1) de Loi sur le MEDS.

[13] Les moyens d’appel sont maintenant limités aux éléments suivants (les références à la division générale s’appliquent également aux anciennes décisions du conseil arbitral) :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige no 1 : Le conseil arbitral a-t-il tenu le prestataire responsable de ne pas avoir avisé son employeur de son absence sans tenir compte de la preuve selon laquelle le représentant avait avisé l’employeur?

[14] Le conseil arbitral a conclu que le défaut du prestataire d’appeler son employeur constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). Le [traduction] « défaut d’appeler » peut uniquement faire référence à l’incident final du 12 juin 2012, lorsque le prestataire ne s’est pas présenté à son lieu de travail pour un quart de travail prévu à l’horaire. L’employeur a déclaré à la Commission que le prestataire ne s’était pas présenté à la mi-juin 2012 et qu’il n’avait pas appelé pour l’aviser de son absence. Par conséquent, après deux semaines, l’employeur a produit un relevé d’emploi.

[15] Le conseil arbitral a tiré plusieurs conclusions de fait sans faire référence à la preuve sur laquelle étaient fondées ces conclusions ni au poids à accorder à cette preuve. Les conclusions tirées étaient notamment que le prestataire avait un problème d’assiduité, que le prestataire était au courant qu’il devait appeler son employeur lorsqu’il devait s’absenter, et qu’il était au courant que d’autres incidents d’absentéisme pourraient mener à son congédiement.

[16] Un élément plus inquiétant est la conclusion du conseil arbitral selon laquelle [traduction] « le défaut du prestataire d’appeler son employeur était volontaire ou d’une insouciance telle qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 4 ». Le conseil arbitral n’a pas analysé la preuve afin de déterminer si le prestataire a réellement omis de téléphoner à son employeur ou s’il a autrement convenu d’aviser l’employeur de son absence, et il n’y a pas de conclusion à cet égard ailleurs. Le [traduction] « défaut d’appeler » du prestataire semble avoir été présumé dans le cadre de sa conclusion selon laquelle les actions du prestataire étaient intentionnelles.

[17] Dans son observation à l’appui de la demande de permission d’en appeler, le représentant a fait valoir que les conclusions du conseil arbitral ne faisaient pas référence à la preuve selon laquelle il [traduction] « a communiqué avec [l’employeur] deux fois immédiatement après l’absence [du prestataire] et a parlé à la secrétaire et au propriétaire pour les aviser de la maladie [du prestataire] ». Le conseil arbitral a reconnu la preuve du représentant selon laquelle il avait communiqué avec l’employeur entre le 13 juin et le 16 juin pour mentionner que le prestataire était malade. Cependant, rien ne laisse entendre dans l’analyse limitée contenue dans la décision que le conseil arbitral a réellement tenu compte du témoignage du représentant selon lequel il avait communiqué avec l’employeur entre le 12 juin et le 16 juin, ou de la déclaration du représentant, qui figure au dossier, selon laquelle il avait communiqué avec le bureau de l’employeur et avec le propriétaire vers le 15 juinNote de bas de page 5. Les motifs ne divulguent pas non plus si ou comment cette preuve a été soupesée par rapport à la propre déclaration du prestataire selon laquelle il n’avait pas communiqué avec l’employeur, ou à la déclaration de l’employeur selon laquelle le prestataire n’avait pas communiqué avec l’employeur dans la période de deux semaines qui s’est écoulée entre le premier quart de travail manqué et la production du relevé d’emploi.

[18] En supposant pour le moment que le conseil arbitral a établi que le prestataire a omis d’appeler l’employeur, le conseil arbitral n’a, encore une fois, pas fait référence à un élément de preuve pour appuyer la conclusion selon laquelle les actions du prestataire étaient volontaires ou insouciantes.

[19] Cependant, des éléments de preuve qui auraient pu remettre en cause cette conclusion avaient été portés à la connaissance du conseil arbitral. D’après le représentant, le prestataire est parti travailler le 12 juin 2012, mais a souffert de douleurs à la poitrine et a abouti dans un fossé avec son véhicule. Le représentant a affirmé dans son témoignage avoir accompagné le prestataire à l’hôpital le 16 juin 2012 et a aussi affirmé avoir communiqué avec l’employeur entre le 13 juin et le 16 juin pour expliquer la situation du prestataire à l’employeur. Tout cela est décrit dans la rubrique intitulée [traduction] « Éléments de preuve à l’audience » dans la décision du conseil arbitral. Des éléments de preuve ont aussi été portés à la connaissance du conseil arbitral selon lesquels le prestataire a confirmé qu’il avait des problèmes cardiaques et qu’il s’était rendu à l’urgence d’un hôpital local, où il a été admis pendant quatre jours avant d’être transféré par ambulance dans un plus grand centre afin d’être traité par un spécialiste. Le prestataire a mentionné que le spécialiste l’a traité et lui a dit que sa santé était fragile, et qu’il avait besoin de repos immédiatement. Il a mentionné qu’il avait été informé de son congédiement à ce moment-là ou environ à ce moment-làNote de bas de page 6. Le représentant a aussi fourni un élément de preuve au conseil arbitral selon lequel il a confirmé avoir conduit le prestataire à l’hôpital où le prestataire est demeuré pendant quatre jours avant d’être transféré pour consulter un cardiologue. Il a mentionné que vers le 15 juin 2012, il a informé l’employeur que le prestataire avait des problèmes cardiaques et qu’il était absent pour cause de maladieNote de bas de page 7.

[20] Dans sa décision, le conseil arbitral a noté le témoignage du représentant selon lequel le prestataire souffrait de douleurs à la poitrine et avait abouti dans un fossé avec son véhicule et que le représentant l’avait accompagné à l’hôpital le 16 juin 2012, mais il ne semble pas avoir pris en compte les circonstances entourant les problèmes cardiaques et le traitement lorsqu’il a conclu que le présumé défaut de téléphoner à l’employeur était volontaire ou insouciant.

[21] Il existe donc une cause défendable selon laquelle le conseil arbitral aurait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au titre de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

Question en litige no 2 : Le conseil arbitral a-t-il commis une erreur de droit en ne tirant pas les conclusions de fait nécessaires?

[22] Pour conclure que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite, le conseil arbitral devait trouver des faits à l’appui de cinq conclusions clés. La première conclusion nécessaire est celle que le prestataire avait commis la conduite en question, laquelle, en l’espèce, était de ne pas avoir avisé l’employeur de son absence au travailNote de bas de page 8.

[23] Lorsque le conseil arbitral a conclu que le [traduction] « défaut d’appeler [du prestataire] était volontaire ou insouciant », il peut avoir présumé qu’il serait entendu qu’il avait aussi conclu que le prestataire n’avait pas avisé son employeur. Cependant, le défaut d’aviser l’employeur de l’absence du prestataire au travail à compter du 12 juin 2012 est le fondement même de l’inconduite reprochée, et est clairement l’objet de la contestation. Le conseil arbitral n’a pas mentionné qu’elle acceptait ou rejetait le fait que le prestataire (ou son père) avait avisé l’employeur ou qu’il considérait la manière et le moment de l’avis comme étant raisonnables ou déraisonnables dans les circonstances. Dans ces circonstances, je considère que l’allusion du conseil arbitral à un [traduction] « défaut d’appeler » n’est pas une conclusion de fait suffisante en lien avec la question de savoir si le prestataire a réellement omis d’aviser l’employeur. J’ai fait référence précédemment à cela comme étant une « conclusion de fait » afin de déterminer que le conseil arbitral n’avait pas tenu compte de la preuve pertinente se rapportant à une telle conclusion, parce qu’il était nécessaire de présumer cette conclusion particulière aux fins de l’analyse. Cependant, j’estime à présent que le conseil arbitral a commis une erreur de droit au titre de l’article 58(1)(b) de la Loi sur le MEDS en ne concluant pas que la conduite en question pouvait réellement être attribuée au prestataire, à savoir qu’il n’avait pas avisé l’employeur de son absence.

[24] Le deuxième fait que le conseil arbitral doit trouver est celui que la conduite en question était de nature à entraver ses devoirs ou obligations envers l’employeurNote de bas de page 9; le troisième fait exigé est celui que la conduite était intentionnelle (décrite comme étant volontaire ou d’une insouciance telle qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 10) et le quatrième fait nécessaire est celui que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il était réellement possible qu’il soit congédié en raison de son défaut d’appeler l’employeur. Je conviens que le conseil arbitral a tiré la conclusion nécessaire dans chaque cas.

[25] Le dernier fait nécessaire est que le prestataire a été congédié par suite de l’inconduiteNote de bas de page 11. Le conseil arbitral n’a pas tiré de conclusions sur la question de savoir si le défaut du prestataire d’aviser l’employeur de son absence était la véritable raison de son congédiement.

[26] Si le conseil arbitral avait conclu que l’inconduite avait motivé le congédiement, il aurait été nécessaire qu’il mène une évaluation objective des faits suffisante pour établir que l’inconduite était, en fait, la cause de la perte d’emploiNote de bas de page 12. Il ne l’a pas fait, même si le dossier contenait au moins quelques éléments de preuve selon lesquels le congédiement du prestataire aurait pu être fondé sur d’autres motifs. Le représentant a fait référence à une conversation qu’il avait eue avec le propriétaire et dans laquelle le propriétaire avait mentionné être préoccupé par le montant que coûtait le prestataire à l’employeur en primes accrues d’assurance invaliditéNote de bas de page 13.

[27] J’estime que le conseil arbitral a commis une erreur de droit au titre de l’article 58(1)(b) de la Loi sur le MEDS en ne tirant pas clairement de conclusion selon laquelle la conduite en question s’était réellement produite et en ne tirant pas de conclusion selon laquelle la conduite était le motif du congédiement du prestataire.

Conclusion

[28] L’appel est accueilli.

Réparation

[29] Le représentant a demandé que je rende la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre, tel que je suis autorisé à le faire en vertu de l’article 59 de la Loi sur le MEDS. Il mentionne que la décision originale du conseil arbitral remonte maintenant à plus de cinq ans, et qu’il ne devrait pas être pénalisé par le fait que son audience a eu lieu au milieu de la transition de l’ancien processus d’appel à l’actuel Tribunal de la sécurité sociale. Son fils, le prestataire, est décédé, et ce long processus est pour lui un rappel douloureux.

[30] La Commission a demandé que le dossier soit envoyé à la division générale pour un nouvel examen. La Commission note qu’on ne peut trouver un enregistrement audio de l’audience au conseil arbitral. Elle laisse entendre que le dossier est donc incomplet, que la décision nécessite une conclusion quant à la crédibilité, et qu’il serait par conséquent inapproprié que je rende la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre.

[31] Je n’ai pas pu trouver une autorité en lien direct avec la question de savoir si, en l’absence de l’enregistrement audio d’une audience, je peux considérer le dossier comme étant complet ou rendre la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre.

[32] J’ai pris en compte l’argument du représentant selon lequel je devrais simplement rendre la décision en raison du délai considérable à ce jour et de l’iniquité de repousser de nouveau le délai. Le représentant m’a renvoyé à des affaires de la Cour suprême du Canada, notamment les arrêts R. c CodyNote de bas de page 14 et R. c JordanNote de bas de page 15 qui ont aussi été aux prises avec des délais substantiels. Je note que ces affaires sont des affaires criminelles et qu’elles ont été tranchées au motif que le délai contrevenait à l’article 11(b) de la Charte canadienne des droits et libertés. L’article 11(b) garantit à un inculpé le droit d’être jugé dans un délai raisonnable. Ces affaires ne me confèrent pas l’autorité de rendre la décision afin d’éviter un délai additionnel dans un processus d’appel administratif concernant l’admissibilité aux prestations.

[33] Cependant, même si l’enregistrement audio de l’audience devant le conseil arbitral n’est pas disponible, un dossier documentaire existe encore. De plus, la décision du conseil arbitral détaille de façon utile la preuve portée à sa connaissance et, en particulier, fournit un résumé des [traduction] « Éléments de preuve à l’audience ».

[34] L’employeur ni aucun témoin n’a comparu au nom de l’employeur à l’audience du conseil arbitral. Le prestataire n’a pas non plus témoigné et ne serait pas en mesure de témoigner si une autre audience était tenue. Par conséquent, ni les déclarations du prestataire ni les déclarations de l’employeur n’ont été vérifiées au moyen d’un contre-interrogatoire ni contestées par le comité du conseil arbitral. Bien que je convienne que la crédibilité était en cause à l’audience du conseil arbitral, je considère qu’il n’existe pas de différence considérable entre ma capacité d’examiner la preuve et la capacité du conseil arbitral. Je reconnais que le représentant a présenté un témoignage à l’audience, toutefois son témoignage, tel que résumé dans la section « Éléments de preuve à l’audience », semble correspondre à la déclaration qu’il a déposée au conseil arbitral (pièce 19-2). De plus, le conseil arbitral n’a pas mentionné éprouver des problèmes de fiabilité ou de crédibilité avec la preuve du représentant ni qu’il tirait une conclusion défavorable en raison de la manière dont le représentant a présenté son témoignage.

[35] J’estime que le dossier est suffisamment complet pour que je puisse rendre la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre. Je suis prêt à prendre tel quel le résumé qu’a fait le conseil arbitral du témoignage du représentant à l’audience, sauf si d’autres éléments de preuve présentés au conseil arbitral viennent le contredire. Pour ces éléments, je dois examiner et soupeser l’ensemble de la preuve et trouver les faits, exactement comme le conseil arbitral aurait dû le faire en premier lieu.

[36] Bien que la Commission ait demandé que je renvoie l’affaire à la division générale et ait suggéré qu’on demande à l’employeur de témoigner, je ne vois pas en quoi cela améliorerait l’équité du processus. L’employeur a eu l’occasion de fournir des déclarations lors de la première audience et il a refusé l’occasion de témoigner. Je doute que la mémoire de quiconque puisse s’être améliorée dans l’intervalle de cinq ans. De plus, le prestataire est décédé, et il serait injuste à l’endroit de sa succession de donner l’occasion à l’employeur de fournir de nouveaux éléments de preuve par suite d’erreurs commises par le conseil arbitral, alors que le prestataire ne peut pas réagir à ces éléments de preuve.

Conclusions et analyse

[37] Conformément à l’article 30 de la Loi sur l’AE, un prestataire est exclu du bénéfice de toute prestation s’il perd un emploi en raison de son inconduite.

[38] L’inconduite présumée est que le prestataire n’aurait pas avisé son employeur de son absence au travail. Le défaut d’aviser l’employeur constituait toute l’affaire d’inconduite et la question essentielle soumise au conseil arbitral. Il existait des déclarations de l’employeur, du prestataire et du représentant sur ce point, en plus du témoignage du représentant.

[39] Un employé du bureau de l’employeur a dit à la Commission, le 4 décembre 2012, que l’employeur avait décidé de congédier le prestataire parce que ce dernier avait abandonné son poste et après que l’employeur n’ait pas reçu de nouvelles du prestataire pendant des semaines. En janvier 2013, le propriétaire a dit à la Commission que le prestataire n’avait pas communiqué avec l’employeur pour lui dire qu’il était hospitalisé. Le propriétaire a mentionné que le prestataire avait simplement arrêté de se présenter au travail et n’avait pas appelé pour l’aviser à la mi-juin 2012, et qu’après deux semaines, l’employeur avait produit un relevé d’emploi. Il a mentionné n’avoir reçu aucune nouvelle du prestataire depuis que ce dernier avait travaillé pour la dernière fois en juinNote de bas de page 16.

[40] Dans une déclaration à la CommissionNote de bas de page 17 datée du 5 décembre 2012, le prestataire a reconnu avoir manqué des jours de travail parce qu’il était malade et qu’il n’avait pas appelé au travail même s’il savait qu’il aurait dû le faire.

[41] Le représentant a soumis une déclaration voulant qu’il était celui qui avait accompagné le prestataire à l’hôpital lorsqu’il a appris ce qui était arrivé, et qu’il avait appelé le bureau de l’employeur vers le 15 juin 2012, et dit à un employé du bureau que le prestataire était absent pour cause de maladie et qu’il ne retournerait pas au travail jusqu’à nouvel ordreNote de bas de page 18. Il a aussi déclaré qu’après avoir téléphoné une première fois, il avait immédiatement appelé le propriétaire pour discuter de l’état du prestataire, et lui dire que le prestataire ne retournerait pas au travail, et qu’il devrait avoir droit de retourner en congé d’invalidité de longue duréeNote de bas de page 19. D’après la décision du conseil arbitral, le représentant a essentiellement confirmé ces faits dans son témoignage à l’audience.

[42] Aucun élément de preuve permettant de contester les circonstances dans lesquelles le prestataire en est venu à s’absenter du travail n’a été porté à la connaissance du conseil arbitral. La preuve du représentant était qu’il avait informé l’employeur de l’absence de son fils et des motifs de son absence, bien qu’il n’ait été capable de le faire qu’après avoir été informé du problème de santé de son fils, c’est-à-dire trois ou quatre jours plus tard. Sa compréhension était que le problème de santé du prestataire avait occasionné sa sortie de route en raison de douleurs à la poitrine. Le prestataire a été hospitalisé dès que le représentant a été informé de son état de santé, et le prestataire a reçu un diagnostic d’hypertension et d’hypertrophie de la membrane entourant son coeur.

[43] J’accepte que la raison pour laquelle le prestataire ne s’est pas présenté au travail le 12 juin 2012 et par la suite est qu’il a eu un épisode de douleurs à la poitrine qui lui a causé une sortie de route, qu’il a été hospitalisé par conséquent et qu’il a reçu un diagnostic de maladie préoccupante et potentiellement grave posé par un cardiologue.

[44] J’estime qu’il aurait été raisonnable tant pour le prestataire que pour le représentant de considérer que le problème était grave à ce moment-là, et j’estime que dans de telles circonstances, un délai de quelques jours avant d’aviser l’employeur est raisonnable. Bien que j’accepte que le prestataire savait qu’il pourrait être licencié en cas d’absence non motivée, je n’accepte pas qu’il savait qu’il pourrait être licencié s’il ne communiquait pas immédiatement avec son employeur dans de telles circonstances.

[45] La contradiction entre les preuves porte sur la question de savoir si l’employeur a été informé ou non du motif de l’absence du prestataire, dans un délai de quelques jours ou pas du tout. L’employeur a affirmé n’avoir eu aucune nouvelle du prestataire puis avoir congédié le prestataire. Le prestataire a aussi mentionné ne pas avoir avisé l’employeur. Le représentant a mentionné avoir appelé personnellement le bureau de l’employeur et le propriétaire vers le 15 juin pour expliquer la raison pour laquelle le prestataire ne rentrerait pas travailler et que le prestataire ne se présenterait pas au travail pendant une durée indéterminée.

[46] Je privilégie la preuve du représentant plutôt que les déclarations de l’employeur. Le représentant a fait un témoignage sous serment quant à ses propres actions et événements desquels il avait une connaissance personnelle, et il était disponible pour un contre-interrogatoire, si la Commission ou l’employeur avait choisi de participer aux procédures. Le conseil arbitral était aussi libre de contester la preuve du représentant. Rien ne montre qu’il l’a fait ou que, dans le cadre d’une contestation, qu’il a trouvé une raison de mettre en doute la preuve du représentant.

[47] L’employeur n’a pas participé aux procédures ni témoigné à l’appui de ses déclarations à la Commission.

[48] Je reconnais que le prestataire lui-même a dit à la Commission qu’il n’a pas appelé au travail. Cependant, la preuve du prestataire n’est pas nécessairement en contradiction avec celle de son représentant. Les questions effectivement posées par la Commission ne font pas partie du dossier. Le prestataire n’a pas dit à la Commission qu’il savait si l’employeur avait été avisé, ou si son père avait appelé l’employeur en son nom. Il n’a pas témoigné, et ne peut pas témoigner maintenant, et il n’existe donc pas de façon de savoir s’il était au courant de ce que son père avait fait en son nom, ou s’il ne se rappelait plus, ou s’il n’avait pas pris connaissance, des actions de son père.

[49] Il revient à la Commission de prouver l’inconduite d’un prestataireNote de bas de page 20. J’estime que la Commission n’a pas établi qu’il était plus probable que le contraire que le prestataire ait omis d’aviser effectivement l’employeur de son absence dans un délai qui aurait été considéré comme raisonnable dans les circonstances.

[50] Par conséquent, j’estime que l’inconduite n’a pas été établie au sens de l’article 30 de la Loi sur l’AE.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 16 octobre 2018

Téléconférence

W. L., représentant de l’appelant

Carol Robillard, représentant de l’intimée

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