Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelante (prestataire) n’a pas démontré de motif valable pendant toute la période qui s’est écoulée avant qu’elle ne remplisse sa demande initiale de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[2] La prestataire était travailleuse domestique jusqu’à ce que son permis de travail expire le 16 juin 2016. La prestataire n’a pas travaillé pendant qu’elle attendait que son permis de travail soit renouvelé. Elle est demeurée au Canada et a donné naissance à son premier enfant le X septembre 2016. La prestataire affirme qu’elle n’a pas fait une demande de prestations de maternité ou de prestations parentales en 2016, parce qu’elle a supposé qu’elle ne serait pas admissible à des prestations pendant que son permis de travail était expiré. La prestataire a obtenu le statut de résidente permanente au Canada à compter du 6 avril 2018, et elle a donné naissance à son deuxième enfant le X avril 2018. Elle a fait une demande initiale de prestations de maternité et de prestations parentales le 18 avril 2018.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a informé la prestataire qu’elle n’avait pas suffisamment d’heures d’emploi assurable pour établir une période de prestations en date du 15 avril 2018. La prestataire a ensuite demandé que sa période de prestations soit rétroactive (antidatée) au X septembre 2016, lorsqu’elle a donné naissance à son premier enfant.

[4] La Commission a déterminé que la prestataire n’avait démontré aucun motif valable pour justifier la période de retard à présenter sa demande initiale, et elle a refusé sa demande d’antidatation. La Commission a révisé sa décision et l’a maintenue. La prestataire conteste la décision de la Commission et fait valoir que sa demande devrait être antidatée étant donné qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait être admissible à des prestations en 2016.

Questions en litige

[5] La prestataire a-t-elle démontré un motif valable pendant toute la période qui s’est écoulée avant qu’elle ne remplisse sa demande initiale de prestations?

[6] La prestataire est-elle admissible à des prestations à la date antérieure?

Analyse

[7] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites à l’Annexe de cette décision.

[8] L’antidatation d’une demande initiale est expliquée à l’article 10(4) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). La Loi sur l’AE prévoit que la demande initiale de prestations doit être antidatée si les critères suivants sont respectés : a) la partie prestataire démontre qu’elle avait un motif valable justifiant son retard pendant toute la période écoulée entre la date antérieure et la date à laquelle elle a présenté sa demande; b) elle est admissible à des prestations à la date antérieure.

[9] La prestataire doit prouver qu’elle s’est conduite comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables pendant toute la période de retard. En d’autres termes, la prestataire aurait vérifié assez rapidement si elle a droit à des prestations, et se serait assurée de ses droits et obligations au titre de la Loi sur l’AE (Canada (Procureur général) c Kaler, 2011 CAF 266).

[10] Je dois également prendre en considération le fait que l’obligation de présenter avec célérité sa demande de prestations est considérée comme étant très exigeante et très stricte. Voilà pourquoi l’exception relative au « motif valable justifiant le retard » est appliquée parcimonieusement(Canada (Procureur général) c Brace, 2008 CAF 118).

[11] Avant de m’attarder à la question du motif valable justifiant le retard, je dois d’abord déterminer la période de retard. Selon le relevé d’emploi (RE) provisoire au dossier, le dernier jour payé à la prestataire était indiqué comme étant le 16 juin 2016. Toutefois, le RE délivré par l’employeur indique le dernier jour payé comme étant le 2 septembre 2016. La prestataire a présenté sa demande initiale le 18 avril 2018, et elle a déclaré devant moi que son dernier jour de travail était en fait le 16 juin 2016, ce que j’ai considéré comme étant crédible. Ainsi, la période de retard a commencé le 16 juin 2016 et a pris fin le 18 avril 2018; ce qui est une période de plus d’un an et dix mois. 

[12] La Commission soutient que la prestataire n’a pas réussi à démontrer qu’elle avait, durant toute la période écoulée, un motif valable parce qu’elle s’était fondée sur une hypothèse erronée selon laquelle elle ne serait pas admissible à des prestations. La Commission soutient aussi qu’une personne raisonnable se serait renseignée directement auprès de la Commission au sujet de la possibilité de demander des prestations plutôt que de se fier sur une hypothèse selon laquelle elle n’était pas admissible, et je suis d’accord. 

[13] La Commission soutient qu’une personne prudente et raisonnable aurait communiqué avec elle plus tôt. La Commission note que la prestataire avait l’option de faire une demande en ligne, en personne ou par la poste, et qu’elle aurait pu s’informer en composant le numéro sans frais ou en se rendant à n’importe quel Centre Service Canada. Il ne fait aucun doute que la prestataire n’a fait aucune tentative de s’informer de ses droits et de ses obligations aux termes de la Loi sur l’AE

[14] La prestataire a affirmé qu’elle s’était fiée à l’information qu’elle avait obtenue de ses amies qui étaient de la même nationalité qu’elle et qui travaillaient aussi au Canada comme bonnes d’enfants. Elle a affirmé qu’elle avait peur d’être déportée et qu’elle avait supposé, en se fondant sur ce que ses amies lui avaient dit, qu’elle ne serait pas admissible étant donné que son permis de travail était expiré.

[15] J’estime que la prestataire n’a pas su démontrer qu’elle avait agi comme une personne raisonnable et prudente parce qu’elle n’a pas vérifié suffisamment rapidement si elle était admissible à des prestations lorsqu’elle a cessé de travailler à la naissance de son premier enfant en septembre 2016. Elle admet volontiers ne pas avoir tenté de communiquer avec Service Canada ou avec la Commission à ce moment. Ainsi, il est impossible d’affirmer qu’elle a fait ce qu’une personne raisonnable et prudente aurait fait dans les mêmes circonstances étant donné qu’elle a attendu plus d’un an et dix mois, jusqu’à avril 2018, avant de chercher à obtenir des renseignements.

[16] Le motif valable pour expliquer le retard n’est pas la même chose que le fait d’avoir une bonne raison ou une justification pour le retard. La prestataire a admis volontiers qu’elle avait peur d’être déportée et qu’elle avait donc décidé de suivre les conseils de ses amies en attendant que son permis de travail soit renouvelé ou que sa résidence permanente soit approuvée, plutôt que de communiquer avec Service Canada pour s’informer de ses droits et de ses obligations. Le fait de se fier à des rumeurs, des renseignements non vérifiés et des suppositions non fondées, ne constitue pas un motif valable (Canada (Procureur général) c Trinh, 2010 CAF 335; Canada (Procureur général) c Beaudin, A-341-04; Shebib c Canada (Procureur général), 2003 CAF 88).

[17] La prestataire n’a pas démontré qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui l’avaient empêchée de s’informer de ses droits et de ses obligations aux termes de la Loi sur l’AE.Elle n’a pas non plus démontré qu’elle avait agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans les mêmes circonstances, pendant toute la période de retard. Ainsi, la prestataire n’a pas su démontrer qu’elle avait un motif valable durant toute la période de retard allant du 16 juin 2016 au 18 avril 2018, pour avoir attendu de présenter sa demande initiale. Par conséquent, la période de prestations de la prestataire ne peut pas être antidatée.

[18] Je suis sensible aux circonstances personnelles de la prestataire; toutefois, elle n’a pas démontré que, selon la prépondérance des probabilités, elle avait agi comme une personne raisonnable l’aurait fait pour s’informer de ses droits et de ses obligations aux termes de la Loi sur l’AE. Il n’est pas nécessaire de déterminer si la prestataire est admissible à des prestations à la date antérieure étant donné qu’elle n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable pendant la période de retard complète.

Conclusion

[19] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 1er novembre 2018

Téléconférence

C. M., appelante (prestataire)
J. B., assistante de l’appelante (prestataire)

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

10 (4) Lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu’à cette date antérieure il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

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