Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Le 2 juillet 2017, l’appelant a quitté son emploi permanent à temps partiel pour un emploi temporaire à temps plein. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (ci-après « la Commission ») a refusé de verser des prestations d’assurance-emploi à l’appelant, car celui-ci a volontairement quitté son emploi, et ce, sans justification. Le Tribunal doit donc déterminer si l’appelant doit être exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification. 

Questions en litige

[3] L’appelant a admis qu’il a volontairement quitté son emploi. Il ne reste que 2 questions en litige et celles-ci sont les suivantes :

[4] Est-ce que l’appelant avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat?

[5] Est-ce qu’il existe d’autres circonstances à prendre en considération pour déterminer si l’appelant était justifié de quitter son emploi?

[6] Est-ce que le départ de l’appelant était la seule solution raisonnable dans sa situation?

Analyse

[7] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

[8] Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement un emploi sans justification.

[9] Une personne est justifiée de quitter son emploi si, compte tenu de l’ensemble des circonstances, notamment celles énumérées à l’alinéa 29 c) de la Loi sur l’assurance-emploi (ci-après « la Loi »), le départ était la seule solution raisonnable dans sa situation (Green c Procureur général du Canada, 2012 CAF 313). Ainsi, le prestataire doit n’avoir « […] d’autres choix raisonnables que de quitter son emploi » (Astronomo c Procureur général du Canada, A-141-97).

[10] Le prestataire a le fardeau de prouver, selon la prépondérance de la preuve, que le départ était justifié (Chaoui c Procureur général du Canada, 2005 CAF 66; Procureur général du Canada c White, 2011 CAF 190).

Est-ce que l’appelant avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat?

[11] L’appelant a soulevé qu’il avait quitté son emploi à temps partiel pour un emploi à temps plein. Cette situation est prévue au sous-alinéa 29 c) (vi) de la Loi, soit l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat.

[12] La Cour d’appel fédérale a précisé le caractère particulier de ce sous-alinéa puisque la réalisation de cette circonstance dépend « de la seule volonté du prestataire », tandis que les autres circonstances à l’alinéa 29 c) de la Loi suppose l’intervention d’un tiers (Procureur général du Canada c Langlois, 2008 CAF 18). Ainsi, l’analyse de la situation du prestataire doit se faire en fonction des principes et des objectifs du régime de l’assurance-emploi.

[13] Le terme « assurance raisonnable » soutient un degré mesurable de garantie. En effet, la définition même d’assurance sous-tend une promesse ou une garantie de quelque chose. En combinant l’assurance avec la notion de « raisonnable », le législateur a assoupli le test pour le rendre moins formel (Procureur général du Canada c Sacrey, 2003 CAF 377).

[14] Ainsi, pour avoir l’assurance raisonnable d’obtenir un emploi dans un avenir immédiat, un prestataire doit savoir quels sont l’emploi potentiel et l’identité de son futur employeur (Procureur général du Canada c Imran, 2008 CAF 17).

[15] De plus, la Cour d’appel fédérale a déterminé que le fait pour un prestataire de quitter son emploi pour un emploi sur appel implique nécessairement qu’il se retrouve par la suite en situation de chômage entre les appels (Procureur général du Canada c Langevin, 2011 CAF 16).

[16] La notion d’emploi prévu au sous-alinéa 29 c) (vi) de la Loi ne réfère pas nécessairement à un emploi permanent et peut être saisonnier (Procureur général du Canada c Langlois, 2008 CAF 18).

[17] L’appelant a quitté son emploi permanent à temps partiel pour un emploi temporaire à temps plein, et ce, pour améliorer sa situation. En effet, l’emploi à temps plein lui garantissait 40 heures de travail par semaine, dans son domaine d’étude avec un meilleur salaire que l’emploi à temps partiel.

[18] Toutefois, l’appelant savait que son contrat pour l’emploi à temps plein se terminerait à la fin du mois d’août 2017.

[19] Selon la Commission,  l’appelant a quitté un emploi permanent pour un emploi contractuel. En agissant de cette façon, l’appelant se placerait en situation de chômage.

[20] Le Tribunal est d’avis que l’appelant avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat.

[21] En effet, l’appelant a commencé à travailler pour l’emploi à temps plein le 19 juin 2017 alors qu’il a quitté son emploi à temps partiel le 2 juillet 2017. Par conséquent, l’appelant travaillait déjà lorsqu’il a quitté son emploi à temps partiel. L’appelant savait donc pour qui il travaillerait et le type d’emploi qu’il occuperait (Imran, supra).

[22] Lors de l’analyse de la seule solution raisonnable, le Tribunal prendra en considération le fait que l’appelant avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi.

Est-ce qu’il existe d’autres circonstances à prendre en considération pour déterminer si l’appelant était justifié de quitter son emploi?

[23] Tout d’abord, le représentant de l’appelant a soulevé qu’il avait quitté son emploi parce qu’il avait été dirigé par une autorité désignée pour suivre une formation (article 25 de la Loi).

[24] L’appelant a expliqué au Tribunal qu’avant la fin de son secondaire, il a rencontré la conseillère en orientation pour connaître les possibilités de perfectionnement selon ses aptitudes. La conseillère lui a suggéré 2 domaines d’étude, dont celui où il s’est inscrit. L’appelant devait commencer sa formation le 5 septembre 2017.

[25] Le représentant de l’appelant a soumis au Tribunal un extrait du Guide de détermination de l’admissibilité et plus particulièrement le chapitre 6-section 8 (GD7-2 et 3). Cette section rappelle que la liste de circonstances prévues à l’alinéa 29 c) de la Loi n’est pas exhaustive et que d’autres motifs provenant de la jurisprudence doivent être pris en considération et l’une d’elles est le fait de suivre un cours de formation sur les instances d’une autorité compétente et débutant à brève échéance.

[26] Le représentant de l’appelant a interprété la notion « d’autorité désignée » comme pouvant intégrer la conseillère en orientation de l’école secondaire de l’appelant. Selon le représentant de l’appelant, la conseillère en orientation est employée par le Ministère de l’Éducation provinciale et elle a dirigé l’appelant vers la formation.

[27] Cependant, le Tribunal ne peut retenir l’interprétation proposée par l’appelant. En effet, l’autorité dont il est question doit être désignée par la Commission (paragraphe 25 (1) de la Loi). Donc, pour être dirigé par une autorité désignée, il faut préalablement que la Commission désigne l’autorité en question (paragraphe 25(1) de la Loi). Dans le présent dossier, la preuve ne démontre pas que la conseillère en orientation était désignée par la Commission. Par conséquent, le Tribunal ne peut retenir l’argument de l’appelant qu’il a été dirigé par une autorité compétente.

[28] Ensuite, le représentant de l’appelant considère incohérent le fait que la Commission refuse des prestations d’assurance-emploi alors que le gouvernement provincial du Nouveau-Brunswick a signé une entente avec le gouvernement fédéral pour aider les jeunes qui quittent l’école. En effet, il existe un programme dénommé « programme Connexion NB-AE » qui offre aux personnes admissibles à des prestations d’assurance-emploi la possibilité de continuer à recevoir des prestations régulières pendant la période de prestations tout en participant à un programme de formation approuvé (GD8-29). Pour être admissible au programme Connexion NB-AE, la personne doit être inscrite à un programme de formation à temps plein qui améliorera ses compétences et aidera à trouver un emploi durable et notamment être admissible aux prestations régulières de l’assurance-emploi.

[29] Selon le représentant de l’appelant, l’appelant n’a pas eu le droit de bénéficier de ce programme compte tenu qu’il n’était pas admissible à des prestations d’assurance-emploi (GD8-29 et suivant; GD9-3 et 4). 

[30] Le Tribunal comprend que l’appelant puisse trouver incohérents les agissements de la Commission. Cependant, une condition pour bénéficier de ce programme est l’admissibilité à des prestations d’assurance-emploi, ce que la Commission avait déjà refusé (GD9). Au surplus, le Tribunal n’a pas le pouvoir d’intervenir quant à l’admissibilité au programme Connexion NB-AE. Le Tribunal doit simplement déterminer si l’appelant doit être exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour avoir quitté son emploi à temps partiel sans justification. Ainsi, le Tribunal doit déterminer si le départ de l’appelant constituait la seule solution raisonnable dans sa situation.  

[31] Le Tribunal ne retient pas d’autre circonstance applicable au dossier.

Est-ce que le départ de l’appelant était la seule solution raisonnable dans sa situation?

[32] Le Tribunal est d’avis que le départ de l’appelant n’était pas la seule solution raisonnable dans sa situation.

[33] Premièrement, l’appelant n’était pas justifié de quitter son emploi, car il a lui-même provoqué sa situation de chômage. Les faits du présent dossier ressemblent à ceux de l’affaire Langlois, supra, dans laquelle le prestataire avait quitté son emploi permanent pour un emploi saisonnier plus rémunérateur. La Cour d’appel fédérale a déterminé que le prestataire pouvait quitter un emploi permanent pour un emploi saisonnier si, selon l’ensemble des circonstances, il était justifié de quitter son emploi. La Cour d’appel fédérale a, entre autres, déterminé que le moment du départ volontaire et la durée restante de l’emploi saisonnier sont des circonstances à prendre en considération. Le Tribunal doit donc prendre en considération le fait que l’appelant a quitté son emploi 2 mois avant de commencer une formation scolaire tout en sachant que son contrat ne durerait que 2 deux mois.

[34] Ainsi, en quittant un emploi permanent pour un contrat d’une durée prévue de 2 mois, l’appelant a lui-même créé sa situation de chômage, et ce, malgré le fait que l’appelant ait  voulu améliorer sa situation financière.

« S’il est légitime pour un travailleur de vouloir améliorer son sort en changeant d’employeur ou la nature de son travail, il ne peut faire supporter le coût de cette légitimité par ceux et celles qui contribuent à la caisse de l’assurance-emploi. Cela est vrai autant pour ceux qui décident de retourner aux études pour parfaire leur formation ou de partir en entreprise que pour ceux qui sont simplement désireux d’accroître leur rémunération. » (Langlois, supra)

[35] L’appelant s’est donc placé volontairement dans une situation où il forcerait les cotisants du régime à lui payer des prestations. Cette situation va directement à l’encontre de l’objectif de la Loi.

[36] Ainsi, la motivation pour l’appelant de vouloir améliorer sa situation financière constitue un motif valable, mais n’est pas une justification pour quitter son emploi (Procureure générale du Canada c Martel, A-1691-92; Procureur général du Canada c Graham, 2011 CAF 311).

[37] L’objectif de la Loi est d’indemniser des travailleurs qui se sont retrouvés involontairement sans emploi (Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada c Gagnon, [1988]  2 R.C.S. 29). Ainsi, pour bénéficier de prestations d’assurance-emploi un prestataire ne peut provoquer lui-même le risque de chômage (Langlois, supra).

[38] Deuxièmement, le Tribunal est d’avis que l’appelant aurait pu demander un congé sans solde à son employeur à temps partiel pour et éviter d’être en situation de chômage une fois le contrat à temps plein terminé. En effet, l’appelant aurait pu retourner travailler à temps partiel à la fin de son contrat à temps plein.

[39] L’appelant a mentionné au Tribunal qu’il n’a tout simplement pas pensé à demander un congé sans solde. Par ailleurs, l’appelant n’avait pas l’intention de travailler pendant sa formation et il aurait tout de même quitté son emploi à temps partiel. En effet, l’appelant habitait chez ses parents à environ 45 minutes de route de son école. Il n’avait donc pas le temps de travailler.

[40] L’appelant ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer que son départ était la seule solution raisonnable (Chaoui, supra; White, supra). Par conséquent, l’appelant n’a pas démontré qu’il était justifié de quitter son emploi (Green, supra; Astronomo, supra).

Conclusion

[41] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 10 octobre 2018

Téléconférence

J. T., appelant

Yvon Cormier, représentant de l’appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

  1. 29 Pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
    2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
    3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
      1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
      2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
      3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. 30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
    2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  3. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.
  4. (3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.
  5. (4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.
  6. (5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.
  7. (6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.
  8. (7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations - qu’elle soit initiale ou non - n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.
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