Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal rejette l’appel.

Aperçu

[2] L’appelant, N. M. (prestataire), a établi deux périodes de prestations d’assurance-emploi. Il n’a indiqué aucun gain lorsqu’il a fait ses déclarations du 11 mai 2014 au 7 février 2015 et du 24 janvier au 3 avril 2016. L’intimée (Commission) a notifié le prestataire que l’argent reçu de son employeur à titre de salaire constituait une rémunération et que celle-ci devait être répartie sur chaque semaine pendant laquelle il avait travaillé. Elle lui a également imposé une pénalité parce qu’il a fait des déclarations fausses ou trompeuses. La Commission a également notifié le prestataire qu’un avis de violation grave lui était donné.

[3] Lors de la demande de révision, le prestataire a déclaré que sa conjointe avait fait les fausses déclarations après qu’il lui eut donné son code d’accès. Il n’était pas familier avec Internet, et il lui avait donné mandat de faire les déclarations à sa place, même après leur séparation. Il a déclaré qu’il ne savait pas que sa conjointe ne déclarait pas ses revenus d’emploi. La Commission l’a informé qu’elle maintenait sa décision initiale, sauf pour la pénalité qu’elle a modifié à la baisse. Le prestataire a interjeté appel de la décision en révision de la Commission devant la division générale.

[4] Dans sa décision, la division générale a conclu que les fausses déclarations effectuées par l’ex-conjointe ont été faites à la connaissance et avec le consentement du prestataire.  Elle a  également conclu que l’ex-conjointe du prestataire agissait en son nom lorsqu’elle a fait les fausses déclarations sciemment et que sa responsabilité était donc engagée en vertu du paragraphe 38(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi sur l’AE). La division générale a également conclu que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en imposant au prestataire une pénalité et en lui donnant un avis de violation.

[5] La permission d’en appeler a été accordée par le Tribunal. Le prestataire fait valoir que la division générale a erré en droit puisque son analyse n’est pas conforme aux enseignements de la Cour d’appel fédérale lorsqu’il s’agit d’un dossier impliquant un prestataire qui n’a pas rempli lui-même ses déclarations. Il soutient que la division générale a ainsi erré dans son appréciation du fardeau de preuve en matière de fausse déclaration.

[6] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en maintenant la pénalité et l’avis de violation.

[7] Le Tribunal rejette l’appel du prestataire.

Question en litige

[8] Est-ce que la division générale a erré en maintenant la pénalité et l’avis de violation étant donné que le prestataire soutenait qu’il ignorait les fausses déclarations faites en son nom par son ex-conjointe?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[9] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS)Note de bas de page 1.

[10] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.

[11] En conséquence, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Question en litige : est-ce que la division générale a erré en maintenant la pénalité et l’avis de violation étant donné que le prestataire soutenait qu’il ignorait les fausses déclarations faites en son nom par son ex-conjointe?

[12] L’appel du prestataire est rejeté.

[13] Le prestataire fait valoir que la division générale a erré en droit en ne respectant pas les enseignements de la Cour d’appel fédérale lorsqu’il s’agit d’un dossier impliquant un prestataire qui n’a pas rempli lui-même ses déclarations. Il soutient que les conclusions de la division générale ne tiennent pas compte de la preuve selon laquelle il ignorait les déclarations faites par son ex-conjointe.

[14] Le prestataire a déclaré que son ex-conjointe a fait ses déclarations à sa demande. Elle n’a cependant pas divulgué ses gains et elle n’a pas cessé l’envoi des déclarations lorsqu’il a repris son travail de camionneur à temps plein. Il reconnaît avoir remis son code d’accès à son ex-conjointe, car c’est toujours elle qui l’aidait à faire ses déclarations pendant qu’ils étaient en couple et même après leur séparation en janvier 2016, parce qu’il n’était pas capable de faire ses déclarations lui‑même par Internet.

[15] Le prestataire a déclaré qu’il ne s’est pas rendu compte que des prestations lui étaient versées parce que ces montants étaient déposés dans leur compte conjoint et ce n’est jamais lui qui s’occupait des finances du couple. Son ex-conjointe ne lui remettait que de l’argent de poche pour ses petites dépenses. Les sommes d’assurance-emploi payées en trop ont servi à payer les dépenses du couple qui ont trois enfants. L’ex-conjointe s’occupait également de produire les rapports d’impôt du prestataire.

[16] L’ex-conjointe reconnaît que c’est toujours elle qui faisait les déclarations du prestataire pendant qu’ils étaient en couple et même après leur séparation survenue en janvier 2016. Elle reconnaît qu’il lui a remis son code d’accès afin qu’elle fasse ses déclarations car il en était incapable. Elle reconnaît que les montants d’assurance-emploi étaient déposés dans leur compte conjoint, et cela même après leur séparation. Elle reconnaît que le prestataire a travaillé pendant toutes les semaines en cause.

[17] L’ex-conjointe a reconnu qu’elle aurait dû déclarer les revenus du prestataire pendant les déclarations litigieuses mais qu’elle ne l’a pas fait puisque cela faisait longtemps qu’elle s’occupait seule des finances et des problèmes financiers du couple, et elle a voulu s’en sortir du mieux possible afin de faire vivre leur trois enfants.

[18] Finalement, elle a confirmé qu’il était plausible que le prestataire n’ait jamais su qu’il recevait des montants d'assurance-emploi auxquels il n’avait pas droit. Par contre, elle a mentionné qu’il était également responsable de suivre son dossier d'assurance-emploi et de s’en occuper.

[19] Le Tribunal est d’avis que l’analyse effectuée par la division générale est guidée par les principes établis par la Cour d’appel fédérale en semblable matière. La Cour a statué sur les situations dans lesquelles le prestataire allègue que ses déclarations d’assurance-emploi ont été produites par une tierce partie.Note de bas de page 2  La Cour a statué que la question à trancher dans toutes les affaires où il y a un versement excédentaire et où une fraude est alléguée par le prestataire est de décider :

  1. si une tierce partie a frauduleusement amené la Commission à effectuer des versements excédentaires et, si oui,
  2. la fraude a-t-elle été commise à la connaissance du prestataire et avec son consentement ?

[20] La division générale a déterminé que les fausses déclarations effectuées par l’ex‑conjointe du prestataire ont amené la Commission à effectuer des versements excédentaires de prestations d’assurance-emploi.

[21] La division générale a considéré que le prestataire a confié librement et volontairement son code d’accès et son numéro d’assurance sociale à son ex-conjointe pour qu’elle remplisse ses déclarations d’assurance-emploi. La division générale a également considéré que les versements excédentaires avaient été versés au compte bancaire conjoint et que les prestations avaient servi aux besoins de la famille. Elle a donc conclu que le prestataire ne pouvait prétendre que son ex-conjointe avait reçu toutes les versements excédentaires à son insu ou sans son consentement.

[22] La division générale, qui a eu l’avantage d’entendre le témoignage du prestataire,  n’a manifestement pas accordé foi à la prétention du prestataire à l’effet qu’il avait reçus toutes les prestations à son insu ou sans son consentement durant les périodes allant du 11 mai 2014 au 7 février 2015 et du 24 janvier au 2 avril 2016, soit 23 fausses déclarations ayant généré un trop-payé pour un montant total de 19,183 $.  Le couple traversait des difficultés financières et ils devaient faire vivre leurs trois enfants.  La division générale a donc conclu de la preuve que les fausses déclarations effectuées par l’ex-conjointe avait été faites à la connaissance et avec le consentement du prestataire.

[23] La division générale a également conclu que le paragraphe 38(1) est ainsi libellé qu’une fois qu’il est établi qu’une personne est désignée pour fournir des renseignements pour le compte d’un prestataire et que cette personne fournit sciemment de faux renseignements à l’assurance-emploi, la responsabilité du prestataire se trouve engagée, qu’il sache ou non que des faussetés sont communiquées pour son compte.

[24] Est-ce que la division générale a erré en concluant que la responsabilité du prestataire se trouvait tout de même engagée aux termes du paragraphe 38(1) de la Loi sur l’AE dans la mesure où il a confié à une autre personne la tâche de remplir ses cartes d’assurance-chômage, et que la preuve au dossier démontre que cette personne agissant pour son compte a, relativement à une demande de prestations, sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse?

[25] Le Tribunal ne le croit pas.

[26] Le Tribunal tient à clarifier que la question en litige ne porte pas sur le calcul du montant des prestations versées en trop au prestataire. Le litige porte plutôt sur l’imposition d’une pénalité au prestataire pour déclarations fausses ou trompeuses.

[27] Or, le libellé du paragraphe 38(1) de la Loi sur l’AE est clair et prévoit spécifiquement qu’une fois qu’il est établi qu’une personne est désignée pour fournir des renseignements pour le compte d’un prestataire et que cette personne fournit sciemment de faux renseignements, la responsabilité du prestataire se trouve engagée, qu’il sache ou non que des faussetés sont communiquées pour son compte.

[28] L’objet manifeste de cette disposition est d’assurer qu’un prestataire demeure responsable de l’exactitude des renseignements fournis à la Commission, même s’ils sont fournis par un tiers.

[29] La jurisprudence a également établi que lorsqu’une personne a été dûment autorisée à agir au nom du prestataire, que ce dernier soit au courant ou non des agissements de son représentant, le prestataire sera tenu responsable des déclarations fausses ou trompeuses sciemment faites par cette dernièreNote de bas de page 3.

[30] Dans la mesure où le prestataire avait confié à son ex-conjointe la tâche de remplir ses cartes d’assurance-chômage, il assumait la responsabilité de son geste. La preuve au dossier est suffisante pour démontrer que son ex-conjointe, agissant pour son compte relativement à une demande de prestations, a sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse. Il y avait donc lieu de lui imposer une pénalité aux termes du paragraphe 38(1) de la Loi sur l’AE.

[31] Le Tribunal est également d’avis qu’il n’y a pas lieu d’intervenir sur la question de l’avis de violation, tel que décidé par la division générale.

[32] Pour les motifs précédemment énoncés, il y a lieu de rejeter l’appel.

Conclusion

[33] Le Tribunal rejette l’appel.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 25 octobre 2018

Téléconférence

Me Gilbert Nadon, représentant de l’appelant

N. M., appelant

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