Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante, M. A. (prestataire), travaillait à titre d’infirmière auxiliaire autorisée auprès de deux employeurs, que je désignerai comme étant la régie de la santé et la maison de repos. La prestataire a pris congé de ses deux emplois afin qu’elle puisse obtenir un diplôme en soins infirmiers. Cela comprenait un stage à Edmonton en octobre 2017 et un autre à Calgary en mai 2018. La prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi dans laquelle elle a prétendu être disponible pour travailler durant son congé et avoir déployé des efforts pour trouver un emploi depuis le début de son programme d’études. Cependant, la prestataire a ensuite informé l’intimé, à savoir la Commission de l’assurance-emploi du Canada, qu’elle n’abandonnerait pas ses études pour accepter un emploi parce qu’elle avait déjà un emploi à temps plein qu’elle retournerait occuper.Note de bas de page 1

[3] La Commission a informé la prestataire qu’elle était incapable de lui verser des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle avait cessé de travailler en prenant volontairement congé auprès de la régie de la santé sans justification. La Commission a également conclu que la prestataire suivait un cours de son propre gré et qu’elle n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travaillerNote de bas de page 2.

[4] La prestataire a demandé la révision de la décision initiale de la Commission concernant son emploi auprès de la régie de la santéNote de bas de page 3. Elle a fait valoir qu’elle devrait être admissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle perfectionnait son éducation en suivant un programme d’infirmière autorisée qui lui permettrait d’assumer ces fonctionsNote de bas de page 4. La Commission a rendu deux décisions découlant d’une révision : une concernant la régie de la santé, et l’autre concernant la maison de repos. Elle a maintenant sa décision antérieure concernant son emploi auprès de la régie de la santéNote de bas de page 5, mais elle a infirmé sa décision antérieure concernant son congé de la maison de reposNote de bas de page 6. Autrement dit, la Commission a conclu que la prestataire était fondée à prendre congé de son emploi auprès de la maison de repos.

[5] La prestataire a interjeté appel des deux décisions découlant de la révision devant la division générale, soutenant qu’elle n’avait [traduction] « jamais été non disponible pour travailler si un employeur aurait pu offrir un horaire significatif ». Elle a également fait valoir qu’il était contradictoire de la part de la Commission de rejeter sa demande de prestations alors que, au même moment, elle a accueilli l’appel concernant son emploi auprès de la maison de repos. La division générale a rejeté les appels. Elle a conclu que le fait de prendre congé pour poursuivre des études ne constituait pas une justification pour prendre congé de son emploi auprès de la régie de la santé au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. La division générale a également conclu que la question de savoir si la prestataire était fondée à prendre congé de son emploi auprès de la maison de repos ou celle de savoir si elle était disponible pour travailler étaient spéculatives.

[6] La prestataire a demandé la permission d’interjeter appel des décisions de la division générale. J’ai accordé la permission d’en appeler parce que j’étais convaincu que la division générale pourrait avoir commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que les questions relatives à la justification du congé volontaire de la maison de repos et à sa disponibilité de travailler étaient spéculatives, sans reconnaître que ces deux questions étaient distinctes de celle de savoir si la prestataire était fondée à prendre congé de son emploi auprès de la régie de la santé.

[7] La Commission reconnaît que la prestataire est justifiée à interjeter appel de la décision de la division générale au titre de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) et que l’appel de la prestataire devrait être renvoyé à la division générale aux fins de réexamen en vertu de l’article 59(1) de la LMEDS.

[8] Cependant, je rejette l’appel, car la preuve démontre que la prestataire n’a pas démontré la disponibilité pour travailler pendant toute la période de son congé.

Questions en litige

[9] Je suis saisie de trois questions :

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle ou autrement refusé d’exercer sa compétence, commis une erreur de droit, ou fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées lorsqu’elle a conclu que la prestataire n’était pas fondée à prendre congé de son emploi auprès de la régie de la santé?

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle excédé sa compétence quant à la question de savoir si la prestataire était fondée à quitter son emploi auprès de la maison de repos?

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit ou refusé d’exercer sa compétence en n’abordant pas la question de savoir si la prestataire était disponible pour travailler pendant son premier stage?

Analyse

[10] Conformément à l’article 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ; ou
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] L’article 58(1) de la LMEDS prévoit des moyens d’appel limités. Elle ne confère pas à la division d’appel la compétence d’effectuer de nouveaux examens.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle ou autrement refusé d’exercer sa compétence, commis une erreur de droit, ou fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées lorsqu’elle a conclu que la prestataire n’était pas fondée à prendre congé de son emploi auprès de la régie de la santé?

[12] Non. J’estime que la division générale n’a pas omis d’observer un principe de justice naturelle ou n’a pas autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, n’a pas commis une erreur de droit, ou n’a pas fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées lorsqu’elle a conclu que la prestataire n’était pas fondée à prendre congé de son emploi auprès de la régie de la santé.

[13] J’ai abordé ces questions dans ma décision relative à la permission d’en appeler que j’ai rendue le 6 septembre 2018. J’ai conclu que la prestataire n’avait pas une cause défendable relativement à l’un de ces motifs.

[14] Aucune des allégations de la prestataire dans sa demande de permission d’en appeler n’abordait des questions d’équité procédurale ou de justice naturelle concernant la division générale.

[15] La prestataire fait valoir que la division générale a commis une erreur de droit et a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées. Plus particulièrement, elle soutient que, en suivant une formation pour devenir infirmière autorisée, elle répondait à un besoin urgent en personnel infirmier autorisé pour la société. Elle fait valoir que la division générale a commis une erreur en ignorant ce fait lorsqu’elle a déterminé si elle était [traduction] « fondée » à prendre congé de son emploi. Dans ma décision relative à la demande de permission d’en appeler, j’ai toutefois conclu que la Loi sur l’assurance-emploi ne tient pas compte de la question de savoir s’il existe un bénéfice net pour la société en formant des personnes en vue d’une occupation particulière. Ce facteur n’était pas pertinent pour la décision de la division générale.

[16] Comme je l’ai souligné dans ma décision relative à la permission d’en appeler, les tribunaux ont constamment conclu que le départ en congé d’un emploi aux fins d’études ne constitue pas une justification. J’estime que la prestataire n’a pas fourni un fondement juridique ou une jurisprudence à l’appui de ses allégations selon lesquelles il existe des exceptions à ce principe de base.

[17] La prestataire n’a pas soulevé d’arguments supplémentaires qui justifieraient l’examen de la question de savoir si la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, a commis une erreur de droit, ou a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées quant à la question de savoir si la prestataire était fondée à prendre congé de son emploi auprès de la régie de la santé.

[18] Si la prestataire cherche à obtenir un nouvel examen, comme je l’ai mentionné ci-dessus, l’article 58(1) de la LMEDS prévoit des moyens d’appel limités et ne confère pas à la division d’appel la compétence de faire des réexamens.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle excédé sa compétence quant à la question de savoir si la prestataire était fondée à quitter son emploi auprès de la maison de repos?  

[19] Oui. J’estime que la division générale a outrepassé sa compétence quant à la question de savoir si la prestataire était fondée à quitter son emploi auprès de la maison de repos. La Commission avait déjà conclu dans l’une des décisions découlant d’une révision que la prestataire était fondée à prendre congé de son emploi auprès de la maison de reposNote de bas de page 7. La prestataire n’a pas interjeté appel de cette décision découlant de la révision quant à la maison de repos. Par conséquent, la division générale n’avait pas la compétence de réexaminer cette question et déterminer, d’une façon ou d’une autre, si elle était fondée à prendre congé de son emploi auprès de la maison de repos.

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit ou refusé d’exercer sa compétence en n’abordant pas la question de savoir si la prestataire était disponible pour travailler pendant son premier stage?

[20] Oui. J’estime que la division générale a commis une erreur de droit au titre de l’article 58(1)(b) de la LMEDS en déclarant spéculative la question de savoir si la prestataire était disponible pour travailler. J’estime également que, en déclarant la question spéculative, la division générale a refusé d’exercer sa compétence au titre de l’article 58(1)(a) de la LMEDS.

[21] Étant donné que la prestataire aurait pu être admissible à des prestations en raison de son emploi auprès de la maison de repos si elle pouvait établir qu’elle est disponible pour travailler, la division générale aurait dû examiner la question relative à la disponibilité de la prestataire.

[22] La Commission soutient que la division générale était obligée de tirer une conclusion quant à la disponibilité de la prestataire et que, en omettant de le faire, elle a commis une erreur de droit prévue à l’article 58(1)(b) de la LMEDS. La Commission soutient également qu’il n’était pas du ressort de la division générale de dispenser la prestataire de l’obligation d’aborder la question relative à la disponibilité de la prestataire dont la membre a clairement été saisie.

[23] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c MaughanNote de bas de page 8, la Cour d’appel fédérale a conclu que la prestataire en l’espèce était fondée à quitter son emploi. Elle a également déterminé que le conseil arbitral et le juge-arbitre (prédécesseurs de la division générale) avaient l’obligation de déterminer si la prestataire satisfaisait à cette condition relative à la disponibilité. Dans le même ordre d’idées, étant donné que la Commission avait conclu que la prestataire était fondée à quitter son emploi auprès de la maison de repos, la division générale était tenue d’aborder la question de savoir si elle était disponible pour travailler.

[24] Je suis d’accord avec ces observations selon lesquelles la division générale aurait dû aborder la question de savoir si la prestataire était disponible pour travailler pendant son congé.

Mesure de réparation demandée

[25] En vertu de l’article 59(1) de la LMEDS, la division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[26] La Commission recommande que la division d’appel renvoie l’affaire devant la division générale aux fins de réexamen, en vertu de l’article 59(1) de la LMEDS. La prestataire, en revanche, me demande de lui verser des prestations d’assurance-emploi au motif que ses études sont essentielles aux besoins en matière de personnel infirmier autorisé pour la société. Autrement dit, elle fait valoir que je devrais conclure qu’elle était fondée à quitter son emploi.

[27] Je ne suis pas saisie de la question de savoir si la prestataire était fondée à quitter son emploi auprès de la maison de repos. La Commission avait déjà conclu dans l’une des décisions relatives à une révision que la prestataire avait une justification. Aucune des deux parties n’a interjeté appel relativement à cette question particulière. La seule question à trancher concerne la disponibilité de la prestataire pendant son stage d’un an à Edmonton en octobre 2017. Il s’agit de la seule période abordée par la division générale. La prestataire a effectué un stage en mai 2018, mais celui-ci n’est pas pertinent pour déterminer la disponibilité de la prestataire pour travailler en octobre 2017.

[28] J’ai examiné la preuve, y compris l’enregistrement audio de l’audience devant la division générale le 5 juillet 2018. Au cours de l’audience, la division générale a questionné la prestataire relativement à sa disponibilité en octobre 2017. J’estime que je dispose d’une preuve écrite complète me permettant d’apprécier la disponibilité de la prestataire et qu’il est nécessaire que je renvoie l’affaire devant la division générale aux fins de réexamen.

Appréciation de la disponibilité

[29] En application de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi, les parties prestataires doivent prouver qu’elles sont capables de travailler et disponibles à cette fin, et incapable d’obtenir un emploi convenable. Pour obtenir des parties prestataires la preuve de leur disponibilité pour le travail et de leur incapacité d’obtenir un emploi convenable, l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi précise que la Commission peut exiger qu’elles prouvent qu’elles font des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable. Il ne suffit pas que les parties prestataires déclarent simplement qu’elles sont disponibles pour travailler.

[30] Dans l’arrêt Faucher c Canada (Commission de l’immigration et de l’assurance-emploi)Note de bas de page 9, la Cour fédérale du Canada a conclu que la disponibilité doit être déterminée par l’analyse de trois facteurs :

  1. le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  2. l’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. l’absence de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.

Ces trois facteurs doivent être examinés lorsqu’un décideur tire une conclusion.

[31] En l’espèce, la prestataire a déclaré qu’elle avait l’habitude d’étudier et de travailler en même temps. De 2008 à 2010, lorsqu’elle travaillait comme aide-soignante en Saskatchewan, elle fréquentait le collège à temps partiel et, lorsqu’elle a commencé à fréquenter l’université à temps plein, elle a continué de travailler sur une base occasionnelle. Donc, lorsqu’elle est déménagée en Alberta pour son stage, elle était confiante qu’elle était capable de concilier son emploi avec son stage, son bénévolat, ses études et ses devoirs. Elle a présenté une demande et elle a payé 350 $ pour un permis annuel afin qu’elle puisse travailler dans son domaine.

[32] La prestataire a souligné que l’hôpital où elle effectuait son stage manquait de personnel et qu’elle a donc cherché à y obtenir un emploi, mais que l’hôpital exigeait qu’elle postule et qu’il n’embauchait pas. Elle n’a pas cherché à obtenir un autre emploi à l’extérieur de l’hôpital. Elle a ajouté que la ville d’Edmonton dans son ensemble était une ville avec laquelle elle n’est pas familière et qu’elle ne savait pas où se rendre ou comment postuler pour un emploi. Elle a également déclaré qu’elle n’a [traduction] « pas essayé sérieusementNote de bas de page 10 » de chercher un emploi parce que, à la fin de son quart de stage, elle avait beaucoup de rendez-vous, d’examens, de devoirs et [traduction] « une tonne de choses à faireNote de bas de page 11 ». Elle doutait que quiconque allait l’engager parce qu’elle serait à Edmonton pendant environ un moisNote de bas de page 12. Elle était bonne pour prodiguer des soins infirmiers, mais elle a laissé entendre que personne ne tiendrait compte de sa candidateur à l’extérieur du domaine des soins infirmiers parce qu’elle n’avait aucune expérience professionnelle pratique dans d’autres domaines.

[33] Même si la prestataire a exprimé une volonté et un désir de réintégrer le marché du travail et même si elle a même présenté une demande de permis, ses efforts déployés pour trouver un emploi convenable étaient limités. Malgré la demande de renseignements à l’hôpital où elle effectuait son stage, elle n’a pas étudié d’autres possibilités d’emploi, en grande partie parce qu’elle pensait qu’il était irréaliste qu’on l’embauche alors qu’elle se trouverait à Edmonton pour un mois seulement avant de retourner à Vancouver. Elle a également donné un témoignage contradictoire sur sa disponibilité concernant son horaire : d’un côté, elle était confiante de pouvoir concilier son emploi avec ses autres exigences, mais, de l’autre côté, elle a reconnu qu’elle avait [traduction] « une tonne de choses à faire » et qu’elle n’a donc pas cherché un emploi à l’extérieur de l’hôpital. J’estime qu’il est plus probable que les autres exigences de la prestataire minaient ses efforts déployés pour trouver un emploi convenable.

[34] La prestataire a également fait valoir que son employeur était situé en Colombie-Britannique; il était donc très difficile de se déplacer entre deux provinces par avion pour son emploi dans le cadre d’un horaire raisonnableNote de bas de page 13.

[35] Étant donné le témoignage de la prestataire, j’estime qu’elle n’était pas disponible pour travailler durant son stage en octobre 2017. J’estime également qu’elle n’a pas prouvé qu’elle a déployé des efforts [traduction] « habituels et raisonnables » pour détenir un emploi convenable pendant cette période. Même si la Commission a conclu que la prestataire était fondée à prendre congé de son emploi auprès de la maison de repos, j’estime que la prestataire est inadmissible au bénéfices des prestations pendant toute la période de son congé parce qu’elle n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler.

Conclusion

[36] La division générale a commis une erreur de droit et a refusé d’exercer sa compétence au titre des articles 58(1)(a) et 58(1)(b) de la LMEDS lorsqu’elle n’a pas abordé la question de savoir si la prestataire était disponible pour travailler. Cependant, je rejette l’appel étant donné que la prestataire n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler pendant toute la période de son congé.

Mode d’instruction :

Parties :

Sur la foi du dossier

M. A., appelante
S. Prud’homme, représentante de l’intimée

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.