Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a écrit à la demanderesse, N. K. (prestataire), le 29 mai 2017, pour l’informer qu’elle n’était pas admissible aux prestations parce qu’elle avait perdu son emploi par suite de son inconduite. La prestataire n’était pas d’accord pour dire qu’elle avait perdu son emploi en raison de son inconduite; toutefois, elle n’a pas rempli de demande de révision avant le 30 novembre 2017. La Commission a refusé d’examiner sa demande tardive de révision parce qu’elle n’a pas admis que la prestataire avait une explication raisonnable pour demander une prorogation du délai ou qu’elle avait démontré une intention persistante de demander une révision.

[3] La prestataire a interjeté appel auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, mais son appel a été rejeté. Elle demande maintenant la permission d’en appeler à la division d’appel.

[4] L’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Elle n’a pas présenté un argument défendable selon lequel la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou commis une erreur de compétence, ou selon lequel la division générale a commis une erreur de droit ou a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée.

Questions en litige

[5] Est-il possible de soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a commis une erreur de compétence?

[6] Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit?

[7] Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

Analyse

Principes généraux

[8] La tâche de la division d’appel est plus restreinte que celle de la division générale. La division générale doit examiner et apprécier les éléments de preuve portés à sa connaissance et tirer des conclusions de fait. Pour ce faire, la division générale applique le droit aux faits et rend des conclusions sur les questions de fond soulevées par l’appel.

[9] Cependant, la division d’appel ne peut intervenir dans une décision de la division générale que si elle peut déterminer que cette dernière a commis l’une des erreurs correspondant aux « moyens d’appel » prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[10] Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] À moins que la division générale ait commis l’une de ces erreurs, l’appel ne peut être accueilli, et ce même si la division d’appel est en désaccord avec la conclusion de la division générale.

[12] Pour accorder la permission d’en appeler et permettre au processus d’appel de se poursuivre, je dois conclure qu’un ou plusieurs moyens d’appel confèrent à celui-ci une chance raisonnable de succès. Une chance raisonnable de succès a été assimilée à une cause défendableNote de bas de page 1.

Question en litige no 1 : Est-il possible de soutenir que la division générale n’a pas respecté un principe de justice naturelle ou a commis une erreur de compétence?

[13] Le concept de justice naturelle fait référence à l’équité du processus et inclut des protections procédurales telles que le droit de bénéficier d’un décideur impartial et le droit d’une partie d’être entendue et de connaître les arguments avancés contre elle. La prestataire n’a pas soulevé de préoccupations concernant la pertinence de l’avis d’audience de la division générale, la divulgation de documents avant la tenue de l’audience, la manière dont l’audience de la division générale a été menée ou sa compréhension du processus, ou toute autre action ou procédure qui aurait affecté son droit d’être entendue et de réfuter les éléments de preuve. Elle n’a pas non plus laissé entendre que le membre de la division générale avait été partial ou qu’il avait préjugé de l’issue de l’affaire.

[14] Je comprends que la prestataire estime qu’il est injuste que la décision initiale de la Commission selon laquelle elle avait été congédiée pour inconduite était fondée sur des renseignements du mauvais employeur. Cependant, cela n’a rien à voir avec la question de savoir si le processus à la division générale a été mené conformément à la justice naturelle.

[15] De même, la prestataire n’a pas identifié de quelle façon la division générale aurait refusé d’exercer sa compétence ou excédé sa compétence. On ne peut soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a commis une erreur de compétence au titre de l’article 58(1)(a) de la Loi sur le MEDS.

Question en litige no 2 : Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit?

[16] Dans ses observations, la prestataire fait valoir que la division générale a commis une erreur de droit.

[17] La question dont la division générale était saisie était la décision de la Commission de refuser d’examiner la demande de révision de la prestataire. Pour déterminer si la demande de révision de la prestataire était en retard, la division générale a appliqué l’article 112(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE), qui exige qu’un prestataire présente une demande de révision dans les 30 jours suivant la date où il reçoit communication de la décision. Cela était approprié.

[18] La division générale a mentionné avoir admis d’office que le courrier est généralement reçu dans un délai de 10 jours pour évaluer la date de communication de la décision. Bien que la division générale ne se soit pas reportée à l’article 19(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, une disposition selon laquelle il est présumé qu’une décision a été communiquée à la partie le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste, le résultat est effectivement le même.

[19] De plus, la prestataire a mentionné dans sa demande de révision qu’elle avait reçu la décision à l’été 2017. Cette affirmation ne va pas à l’encontre de la conclusion selon laquelle elle a reçu la décision le 8 juin 2017, soit 10 jours après le 29 mai 2017, et par conséquent, la division générale n’a pas commis d’erreur de droit en présumant que la décision avait été communiquée le 8 juin 2017.

[20] La division générale a reconnu à juste titre que la Commission a le pouvoir discrétionnaire d’accorder une demande de révision tardive, comme le permet l’article 112(1)(b) de la Loi sur l’AE, et a défini correctement l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en référence à la jurisprudence applicable : pour démontrer que le pouvoir judiciaire a été exercé de manière non judiciaire, il faut montrer que le décideur a agi de mauvaise foi, a agi dans un but ou pour un motif irrégulier, a pris en compte un facteur non pertinent, a ignoré un facteur pertinent ou a agi de manière discriminatoireNote de bas de page 2.

[21] Finalement, la division générale a fait référence à juste titre à l’article 1(1) du Règlement sur les demandes de révision, qui prévoit que la Commission peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision au titre de l’article 112(1) de la Loi sur l’AE si elle est convaincue qu’il existait une explication raisonnable pour expliquer le retard dans la présentation de la demande et que le prestataire a démontré l’intention persistante de demander une révision. La division générale a appliqué ces critères pour évaluer la pertinence des facteurs qui ont été ou auraient dû être examinés par la Commission.

[22] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de droit au titre de l’article 55(1)(b) de la Loi sur le MEDS.

Question en litige no 3 : Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[23] La prestataire n’a invoqué aucun élément de preuve que la division générale aurait ignoré ou mal compris en lien avec sa conclusion selon laquelle la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[24] Conformément aux directives des tribunaux dans des causes comme Karadeolian c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 3, j’ai examiné le dossier afin de déterminer si la division générale avait ignoré ou mal compris des éléments de preuve concernant l’exercice, par la Commission, de son pouvoir discrétionnaire. Pour ce faire, j’ai cherché des éléments de preuve qui laisseraient entendre que la Commission aurait dû prendre en compte d’autres facteurs pertinents ou tout autre élément qui pourrait soutenir une conclusion selon laquelle les facteurs pris en compte par la Commission n’étaient pas pertinents. J’ai aussi cherché des éléments de preuve de mauvaise foi ou de but irrégulier, ou de discrimination dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission.

[25] La division générale a noté que la Commission avait examiné l’explication de la prestataire selon laquelle elle avait trouvé du travail et qu’elle n’avait pas besoin de prestations, et qu’elle croyait qu’elle n’avait pas besoin de poursuivre sa demande de révision parce qu’elle avait un [traduction] « dossier ouvert » et qu’elle pourrait toujours rouvrir sa demande à une date ultérieure. La division générale a aussi noté que la Commission avait pris en compte le fait que la prestataire était au courant de la décision en matière d’inconduite à l’été 2017 et qu’elle avait dit à la Commission qu’elle déposerait une demande de révision le 24 août 2017, mais qu’elle ne l’a pas fait avant le 30 novembre 2017, malgré plusieurs demandes de renseignements par téléphone à la Commission et plusieurs demandes renouvelées.

[26] Cependant, la division générale n’a pas intégré tous les éléments de preuve dans son analyse. Je note que la Commission a aussi documenté avoir laissé un message vocal à la prestataire le 4 juillet 2017, dans lequel elle confirmait que la prestataire avait été exclue du bénéfice des prestations et qu’elle lui avait envoyé une lettre à cet égardNote de bas de page 4. Dans la même entrée du dossier, la Commission indique qu’un agent a parlé avec la prestataire de nouveau le 11 août 2017, et lui a rappelé la lettre du 29 mai 2017 qui l’avisait qu’elle était exclue du bénéfice des prestations et l’informait qu’elle avait le droit de demander une révision. La Commission a aussi fait référence à une lettre datée du 2 novembre 2017 qui informait la prestataire que sa demande était réactivée, mais qui l’informait de nouveau qu’elle n’avait pas suffisamment d’heures pour être admissible en raison de son congédiement antérieur et l’avisait de son droit de demander une révision.

[27] Bien que la division générale n’ait pas fait référence à cet élément de preuve additionnel, un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés; il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuveNote de bas de page 5. De plus, cet élément de preuve additionnel soutient la décision de la Commission de refuser la prorogation du délai et, par conséquent, il n’aurait pas eu d’incidence sur la conclusion de la division générale selon laquelle la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[28] Bien que la prestataire ait prétendu que la Commission était de mauvaise foi ou avait un but irrégulier, je n’ai trouvé aucun élément de preuve selon lequel la Commission avait été discriminatoire à l’égard de la prestataire ou qu’elle n’avait pas agi de façon appropriée et de bonne foi lorsqu’elle a déterminé qu’elle ne pouvait pas accorder une prorogation du délai pour la révision. L’erreur initiale de la Commission dans l’obtention de renseignements auprès du mauvais employeur n’est pas pertinente à sa décision de refuser la prorogation du délai et ne constituait pas un facteur. Si la Commission était dans l’erreur en concluant initialement à une inconduite sur le fondement de renseignements fournis par le mauvais employeur, la prestataire pouvait remédier à la situation en demandant une révision. Le processus de révision vise précisément à fournir à la partie prestataire les moyens de remédier aux erreurs dans les décisions de la Commission. La Commission n’a pas fait preuve de mauvaise foi en insistant pour que la prestataire se conforme aux exigences de l’article 112(1) de la Loi sur l’AE ou qu’elle fournisse une explication raisonnable et démontre une intention persistante d’interjeter appel conformément à l’article 112(1), et à l’article 1(1) du Règlement sur les demandes de révision.

[29] La division générale ne disposait simplement d’aucun élément qui aurait pu lui permettre de conclure que la Commission a agi de façon discriminatoire ou de mauvaise foi ou dans un but ou un motif irrégulier. Je n’ai constaté aucun moment où la division générale aurait pu ignorer ou mal interpréter la preuve de manière à en tirer une conclusion erronée selon laquelle la Commission avait agi de façon judiciaire.

[30] On ne peut donc pas soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au titre de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

[31] La prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès en appel.

Conclusion

[32] La permission d’en appeler est refusée.

 

Représentante :

N. K., non représentée

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.