Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] La demanderesse, G. G. (la prestataire), a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi en novembre 2016. Elle a commencé à recevoir des prestations régulières, mais a ensuite cherché à les convertir en prestations de maladie. Elle a produit des certificats médicaux de son médecin de famille. Dans l’un des certificats, le médecin de famille a écrit que la prestataire était incapable de travailler en août 2016, lorsqu’il l’a vue pour la première fois. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission), a versé le maximum de 15 semaines de prestations de maladie sur sa demande. Elle lui a dit qu’elle avait épuisé toutes ses prestations de maladieNote de bas de page 1.

[3] Toutefois, la Commission a ultérieurement déterminé que la prestataire avait rempli des déclarations entre août 2016 et janvier 2017 indiquant qu’elle était [traduction] « prête et disposée à travailler et capable de le faire à temps pleinNote de bas de page 2 » tout au long de cette période. Par conséquent, la Commission a conclu que la prestataire n’avait pas avisé la Commission qu’elle était incapable de travailler pour cause de maladie pendant qu’elle recevait des prestations régulières et qu’elle avait donc sciemment fait plusieurs fausses déclarationsNote de bas de page 3. Elle lui a dit qu’elle avait reçu un versement excédentaire et qu’elle devait le rembourser (6 205 $) et payer une pénalité (1 241 $). La prestataire a nié avoir commis une erreur ou avoir fait de fausses déclarations. Elle a fourni plusieurs dossiers médicaux confirmant qu’elle souffre de polyarthrite rhumatoïde. Elle a également fourni une copie de sa demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada dans laquelle elle a indiqué qu’elle ne pouvait plus travailler à partir d’août 2016 en raison de son état de santéNote de bas de page 4. La Commission a maintenu sa décision selon laquelle la prestataire était admissible à recevoir 15 semaines de prestations de maladie, mais qu’elle avait été payée en trop parce qu’elle avait reçu des prestations régulières durant les semaines où elle était malade et n’était pas disponible pour travailler et qu’elle n’était donc pas admissible à recevoir des prestations régulières. Compte tenu des circonstances atténuantes de la prestataire, la Commission a ramené la sanction pécuniaire à une lettre d’avertissement et a annulé sa décision sur la violationNote de bas de page 5.

[4] La prestataire a interjeté appel de la décision de réexamen de la Commission auprès de la division générale parce qu’elle n’avait commis aucune erreur. La division générale a rejeté l’appel parce qu’elle a conclu que la prestataire n’avait pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler. La division générale a décidé que la prestataire était tenue de rembourser le versement excédentaire et que la Commission avait imposé un avertissement à juste titre. La prestataire demande maintenant la permission d’en appeler de la décision de la division générale parce que celle-ci n’a pas observé un principe de justice naturelle. Elle soutient avoir dit la vérité dès le départ. Je dois décider s’il existe une cause défendable en vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[5] Je rejette la demande de permission d’en appeler parce que je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès ou que l’on peut soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle.

Questions en litige

[6] Deux questions en litige me sont soumises :

Question en litige no 1 : La prestataire a-t-elle déposé sa demande de permission d’en appeler après le délai prescrit? Dans l’affirmative, devrais-je lui accorder une prorogation du délai pour déposer la demande?

Question en litige no 2 : Peut-on soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en ne donnant pas à la prestataire une possibilité pleine et équitable de présenter ses arguments?

Analyse

[7] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « LMEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Avant d’accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincue que les motifs d’appel relèvent des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. Il s’agit d’un critère relativement peu exigeant. Les prestataires n’ont pas à prouver leurs arguments; ils doivent simplement établir que l’appel a une chance raisonnable de succès sur la base d’une erreur susceptible de révision. La Cour fédérale a souscrit à cette approche dans Joseph c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 6.

[9] La prestataire soutient qu’il existe des motifs en vertu de l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur le MEDS.

Question en litige no 1 : La prestataire a-t-elle déposé sa demande de permission d’en appeler après le délai prescrit? Dans l’affirmative, devrais-je lui accorder une prorogation du délai pour déposer la demande?

[10] Oui. Je conclus que la prestataire a déposé sa demande de permission d’en appeler après le délai prescrit. Toutefois, je suis disposé à accorder une prorogation de délai parce que j’estime qu’il est dans l’intérêt de la justice de déterminer si la prestataire a une cause défendableNote de bas de page 7. En outre, le retard en cause n’est pas excessif – il ne dépasse pas un mois – compte tenu du fait que le paragraphe 57(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d’appel peut accorder une prorogation de délai si la demande n’est pas présentée plus d’un an après la date à laquelle la décision de réexamen de la Commission a été communiquée au prestataire. De plus, il est peu probable que la Commission subisse un préjudice si j’accorde une prorogation, et l’explication de la prestataire pour le retard (selon laquelle elle a reçu les mauvais formulaires d’appel) est raisonnableNote de bas de page 8. Je me pencherai sur la question de savoir s’il existe une cause défendable dans mon évaluation de la demande de permission d’en appeler.

Question en litige no 2 : Peut-on soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en ne donnant pas à la prestataire une possibilité pleine et équitable de présenter ses arguments?

[11] Non. Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle.

[12] La prestataire soutient qu’elle a été privée d’une occasion de présenter pleinement et équitablement sa cause parce que l’audience par vidéoconférence devant la division générale était trop courte. L'audience a duré environ une heure.  La prestataire soutient également que son dossier et les renseignements dont disposait la division générale étaient incomplets.

[13] Un intervenant du Centre d’aide aux chômeurs a représenté la prestataire devant la division générale.

[14] Le Tribunal de la sécurité sociale a émis un avis d’audience en février 2018 à la prestataire et à son représentant. L’avis les informait qu’une audience par vidéoconférence était prévue pour 60 minutes. Il n’existe aucune preuve que la prestataire ou son représentant ait communiqué avec le Tribunal pour demander une audience plus longue ou une remise afin que la prestataire puisse obtenir les dossiers manquants ou pour toute autre raison.

[15] Au cours de l’audience, la prestataire a témoigné qu’elle avait tenté de convertir ses prestations régulières d’assurance-emploi en prestations de maladie en août 2016 ou en septembre 2016. Elle croyait avoir déposé un certificat médical à la Commission à l’appui de sa demande de conversion des prestations. Le certificat aurait établi que la prestataire était incapable de travailler en août 2016. Plus important encore, elle fait valoir que la date du certificat médical étaye sa prétention selon laquelle elle avait demandé la conversion des prestations en août ou septembre 2016. La prestataire a témoigné qu’elle avait déposé différents [traduction] « colis » au Tribunal et qu’elle avait eu l’impression que ce certificat médical particulier figurait également au dossier du Tribunal.

[16] Le dossier d’audience devant la division générale renfermait un certificat médical daté du 13 janvier 2017 dans lequel le médecin de famille de la prestataire se disait d’avis que la prestataire était incapable de travailler lorsqu’il l’a vue pour la première fois le 18 août 2016Note de bas de page 9. Le membre de la division générale a toutefois noté que le certificat médical antérieur attestant l’incapacité de la prestataire de travailler en août 2016 ne figurait pas au dossier d’audience.

[17] Le membre de la division générale a invité la prestataire à déposer [traduction] « tout autre document qu’elle pouvait trouver, comme le certificat médical original »Note de bas de page 10. La division générale a également invité la prestataire à déposer des copies de son calendrier, un dossier de ses antécédents de recherche d’emploi et tout certificat médicalNote de bas de page 11. La membre de la division générale a déclaré que dans l’intervalle, elle demanderait à la Commission tous les documents pertinents d’août 2016 à décembre 2016.

[18] La membre de la division générale a déclaré qu’elle transmettrait des copies de tout renseignement qu’elle avait reçu de la Commission à la prestataire et que, si elle le jugeait nécessaire, elle lui donnerait l’occasion de répondre. Il aurait pu s’agir de convoquer une autre audience, si cela convenait à la prestataire. Le membre a fixé des délais pour que les parties déposent les documents supplémentaires.

[19] Au cours de l’audience, le membre de la division générale a donné à la prestataire l’occasion de témoigner. Après une heure, le membre a demandé à la prestataire si elle voulait ajouter quoi que ce soit. Le membre a dit : [traduction] « Donc, je n’ai plus de questions. Désirez-vous ajouter quelque chose?Note de bas de page 12 » La prestataire a répondu : [traduction] « J’espérais simplement, vous savez, avec tout ce que se passe, que tout pourrait être effacé parce que je ne comprends tout simplement pas pourquoi […] ». Son représentant lui a aussi répondu qu’[traduction] « ils continueraient d’y travailler ». Ni la prestataire ni son représentant n’ont demandé de temps supplémentaire pour témoigner ou présenter d’autres observations.

[20] Le 10 mai 2018, la prestataire a informé le Tribunal qu’elle n’était pas en mesure d’obtenir des renseignements médicaux ou des documents de son médecin pour la période applicable. La prestataire a déposé une copie du calendrier auquel elle avait fait référence lors de l’audienceNote de bas de page 13. La Commission n’a déposé aucun autre dossier. Ni la prestataire ni son représentant n’ont demandé une autre audience, que ce soit pour témoigner ou pour présenter d’autres observations. La division générale n’a pas convoqué une autre audience. Elle a rendu sa décision le 5 juin 2018.

[21] La prestataire fait valoir qu’il n’y avait pas suffisamment de temps alloué à l’audience, mais il m’apparaît clairement, après avoir examiné l’enregistrement audio de l’audience, que la division générale était prête à poursuivre l’audience et à donner à la prestataire la possibilité d’en dire davantage. La prestataire a déclaré qu’elle voulait que le versement excédentaire soit annulé. Elle n’a rien ajouté d’autre. Rien n’indiquait qu’elle avait d’autres éléments de preuve à présenter ou d’autres observations à faire. La division générale a également donné à la prestataire l’occasion de déposer des dossiers supplémentaires après l’audience. Bien qu’elle ait fait valoir qu’une heure était insuffisante pour présenter sa cause, la prestataire n’a pas expliqué pourquoi elle avait besoin de plus de temps ni quel impact cela aurait eu sur sa cause. Par exemple, elle n’a pas déclaré qu’elle n’avait pas eu l’occasion de témoigner sur une question en particulier. Compte tenu de ces facteurs, je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale n’a pas donné à la prestataire une occasion pleine et équitable de présenter sa preuve.

[22] La prestataire soutient également que son dossier était incomplet. Elle n’allègue pas que la division générale est responsable du dossier incomplet, mais elle suggère qu’une fois que la division générale a appris que le dossier était incomplet, elle aurait dû prendre des mesures pour s’assurer que le dossier d’audience était complet. Toutefois, la division générale a donné à la prestataire la possibilité de déposer des dossiers manquants pour s’assurer que le dossier était complet. La division générale a également demandé à la Commission de fournir des documents qui n’avaient pas déjà été produits, bien qu’elle n’ait aucune obligation de le faire. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que la division générale n’a pas donné à la prestataire la possibilité de déposer un dossier d’audience complet.

Nouveaux éléments de preuve

[23] Je note que la demande de permission d’en appeler de la prestataire comprend plusieurs dossiers médicaux, des calendriers annotés d’avril 2016 à avril 2017, des dossiers des antécédents de recherche d’emploi de la prestataire, des talons de chèque de paye, des dossiers d’assurance-emploi et divers autres dossiers. La division générale n’avait pas de copies de beaucoup de ces documents.

[24] Le Tribunal a écrit à la prestataire pour lui demander si elle souhaitait présenter une demande d’annulation ou de modification de la décision de la division générale. Elle l’a informée que, si elle ne le faisait pas, la division d’appel ne tiendrait généralement pas compte des nouveaux éléments de preuve qu’elle avait déposésNote de bas de page 14.

[25] La Cour d’appel fédérale a énoncé les exceptions à cette règle générale d’exclusion de nouveaux éléments de preuve dans Sharma c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 15. Les nouveaux éléments de preuve devraient être exclus s’ils « ne fournissent pas d’informations générales, ne mettent pas en lumière l’absence totale de preuve dont disposait le tribunal lorsqu’il a tiré une conclusion déterminée et ne font pas non plus état de vices de procédure qu’on ne peut déceler dans le dossier de la preuve. » La nouvelle documentation ne fait partie d’aucune des catégories de la liste des exceptions.

[26] En vertu de l’article 66 de la Loi sur le MEDS, la division générale peut choisir d’annuler ou de modifier sa décision si des faits nouveaux sont présentés au Tribunal ou s’il est convaincu que sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou a été fondée sur une erreur relative à un tel fait. Toutefois, la prestataire a refusé de présenter une demande d’annulation ou de modification.

[27] Même si l’un ou l’autre de ces documents avait été soumis à la division générale, il n’aurait pas été utile à la prestataire. Elle s’appuie sur ces documents pour établir qu’elle est malade et incapable de travailler depuis août ou septembre 2016. Toutefois, la Commission et la division générale ont toutes deux accepté que la prestataire était incapable de travailler depuis, mais parce qu’elle était malade et incapable de travailler, la division générale a conclu que la prestataire n’était pas disponible pour travailler. Une fois qu’elle n’était plus disponible pour travailler, elle n’avait pas droit à des prestations régulières d’assurance-emploi. Pourtant, la prestataire avait déjà reçu le maximum de prestations de maladie de l’assurance-emploi, ainsi que des prestations régulières d’assurance-emploi auxquelles, finalement, elle n’avait pas droit. Elle devait donc rembourser tous les montants auxquels elle n’avait pas droit.

[28] Enfin, j’ai examiné le dossier sous-jacent. Je n’estime pas que la division générale a commis une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non au dossier, ni qu’elle n’a pas correctement tenu compte de l’un ou l’autre des éléments de preuve clés dont elle était saisie.

[29] La prestataire demande une radiation du versement excédentaire, mais, comme l’a souligné la division générale, tout recours qu’elle pourrait avoir pour contester une obligation de rembourser une dette peut être interjeté auprès de la Cour fédérale.

Conclusion

[30] Compte tenu des motifs qui précèdent, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

Comparutions :

G. G., qui se représente elle-même

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