Assurance-emploi (AE)

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[1] L’appelante, S. R., une ancienne employée du X de X en Ontario, a été avisée après examen par la Commission que cette dernière était incapable de lui verser des prestations d’assurance-emploi régulières à compter du 29 avril 2018, parce qu’elle a quitté volontairement son emploi auprès de X le 29 septembre 2017 sans justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi). La Commission est d’avis que le fait d’avoir quitté volontairement son emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. L’appelante affirme qu’elle a quitté son emploi parce qu’elle devait déménager pour suivre son époux. Elle affirme aussi que lorsqu’elle a vendu sa maison, elle a décidé de quitter son emploi et de déménager de X à X. Le Tribunal doit décider si l’appelante devrait se voir refuser les prestations parce qu’elle a quitté son emploi sans justification conformément à l’article 29 de la Loi.

Décision

[2] L’appel est rejeté.

Questions en litige

[3] Question en litige no 1 : L’appelante a-t-elle quitté son emploi auprès de X volontairement?

Question en litige no 2 : Dans l’affirmative, était-elle fondée à quitter son emploi?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites ci-dessous en annexe de la présente décision.

[5] Une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’AE si elle a quitté volontairement son emploi sans justification (Loi, article 30(1)). La partie prestataire est fondée à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas (Loi, article 29(c)).

[6] Il incombe à l’intimée de démontrer que le départ était volontaire puis, une fois que ce fait a été établi, il incombe à l’appelante de démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploi. Afin d’établir la justification, l’appelante doit démontrer qu’aucune autre solution raisonnable ne s’offrait à elle que celle de quitter son emploi, compte tenu de toutes les circonstances (Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190; Canada (Procureur général c Imran, 2008 CAF 17). Le mot « fardeau » est utilisé pour décrire la partie qui doit fournir une preuve suffisante étayant sa position afin de satisfaire au critère juridique. Le fardeau de la preuve en l’espèce est la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’il est « plus probable qu’improbable » que les événements sont survenus tels qu’ils ont été décrits.

[7] Le critère visant à déterminer si une partie prestataire est fondée à quitter son emploi aux termes de l’article 29 de la Loi consiste à se demander si, compte tenu de toutes les circonstances, selon la prépondérance des probabilités, la prestataire n’avait d’autre choix raisonnable que de quitter son emploi (White, 2011 CAF 190; Macleod, 2010 CAF 301; Imran, 2008 CAF 17; Astronomo, A-141-97). Une partie prestataire qui quitte son emploi doit démontrer qu’elle n’avait pas d’autre solution dans son cas (Tanguay, A-1458-84).

Question en litige no 1 : L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi auprès de X?

[8] Oui.

[9] Pour que le départ soit volontaire, il faut que l’appelante ait pris elle-même l’initiative de mettre fin à la relation employeur-employé.

[10] Les deux parties conviennent que l’appelante a quitté volontairement cet emploi auprès de X en date du 29 septembre 2017.

[11] J’estime que l’appelante a quitté volontairement cet emploi.

Question en litige no 2 : Dans l’affirmative, était-elle fondée à quitter son emploi?

[12] Non.

[13] En l’espèce, l’appelante a exprimé plusieurs enjeux qui selon elle l’ont menée à quitter son emploi. Elle a quitté son emploi parce qu’elle devait suivre son époux, il n’y avait pas de transfert disponible, ses parents étaient malades et elle subissait une baisse de revenu.

[14] L’époux de l’appelante avait déménagé cinq ans auparavant pour offrir du soutien à ses parents âgés. L’appelante et lui avaient deux résidences pendant cette période. Lorsque la maison a été vendue à X, l’appelante a quitté son emploi et a déménagé. Par conséquent, j’estime que l’article 29(c)(ii) ne s’applique pas en l’espèce.

[15] J’admets qu’il n’y avait pas de magasin X dans le nouveau lieu de résidence, et qu’un transfert n’était donc pas possible, mais ce fait n’empêchait pas l’appelante de chercher un emploi dans la région de X avant de quitter X.

[16] Ses parents âgés et en mauvaise santé tenaient l’appelante occupée lorsqu’elle était à X pendant ses jours de congés, ils vivaient [traduction] « à 0,5 km de la maison de son époux ». Cependant, le dossier ne contient aucune preuve selon laquelle elle était tenue de fournir des soins qui l’obligeraient à quitter son emploi au moment où elle l’a fait. Par conséquent, je conclus que l’article 29(c)(v) ne s’applique pas en l’espèce.

[17] En ce qui concerne la baisse de revenu, le revenu de l’appelante était stable pendant la dernière année où elle a occupé son emploi. Les ventes étaient en baisse depuis les quatre dernières années et l’employeur refusait de compléter la portion commission de son revenu, mais ce n’était pas là la raison de son départ. Elle a continué à travailler jusqu’à ce que sa maison soit vendue, puis elle est partie. Par conséquent, j’estime que l’article 29(c)(vii) ne s’applique pas en l’espèce.

[18] Cela étant dit, il incombe à l’appelante de tenter d’atténuer la situation en cherchant des solutions raisonnables avant de se placer une situation de chômage nécessitant le soutien du programme d’AE.

[19] En l’espèce, l’appelante n’a pas parlé à son employeur pour tenter une forme ou une autre d’atténuation. Elle n’a pas tenté d’obtenir un congé.

[20] Chacun a droit de démissionner ou de quitter un emploi, mais cette décision ne confère pas automatiquement l’admissibilité aux prestations d’AE. Il est inévitable qu’une personne qui a le droit de recevoir des prestations sera appelée à prouver qu’elle satisfait aux conditions de la Loi.

[21] L’appelante n’a pas démontré que sa situation en milieu de travail était dramatique au point où elle n’avait d’autre choix que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

[22] J’estime que l’appelante avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi auprès de X au moment où elle l’a fait. Elle aurait pu demeurer employée tout en tentant une atténuation ou en cherchant un emploi plus convenable dans sa nouvelle région.

[23] La prestataire a confirmé qu’elle avait maintenu deux résidences séparées avec son mari pendant cinq ans. Elle n’a pas demandé de congé de X [traduction] « parce qu’elle n’avait pas l’intention d’y retourner ». Elle n’a pas cherché de travail à X avant de quitter son emploi et de déménager. La prestataire mentionne qu’elle planifiait son déménagement depuis trois ans et qu’elle ne voulait pas faire attendre un employeur pendant qu’elle essayait de vendre sa maison. Elle faisait régulièrement le déplacement de deux heures pour visiter son époux. La prestataire a expliqué qu’étant donné que les activités de X étaient en baisse, l’entreprise avait cessé de tenir en inventaire tous les produits qu’elle vendait, et que c’est la raison pour laquelle sa commission avait diminué. Elle a confirmé qu’elle était payée 15,60 $ de l’heure en plus des commissions et que sa paye régulière avait été constante au cours de la dernière année. La prestataire a mentionné qu’elle n’avait pas d’hypothèque sur sa maison à X et que ses dépenses mensuelles étaient donc liées aux factures de services publics et aux taxes. Au moment où elle a quitté son emploi, on ne lui avait pas dit quand son magasin allait fermer en raison de la cessation des activités de X. Elle a découvert par la suite que le magasin a fermé en janvier 2018 (GD3-29 à GD3-30).

[24] Je juge que l’appelante a fait le choix personnel de quitter son emploi au moment où elle l’a fait et que même si cette décision a pu être justifiée pour elle, elle ne correspond pas à la norme relative à la justification qui est requise pour permettre le versement des prestations.

[25] Le fait qu’elle a quitté son emploi au moment où elle l’a fait ne satisfait pas aux motifs recevables prévus à l’article 29(c) de la Loi.

Conclusion

[26] Après un examen minutieux de l’ensemble des circonstances, j’estime que l’appelante n’a pas démontré selon la balance des probabilités qu’elle n’avait pas d’autre choix que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait, compte tenu de l’ensemble des circonstances. La question n’est pas de savoir s’il était raisonnable de la part de l’appelante de quitter son emploi, mais bien de savoir si de quitter son emploi était la seule solution raisonnable qui s’offrait à elle (Canada (Procureur général) c Laughland, 2003 CAF 129). Étant donné que l’appelante a quitté volontairement son emploi, compte tenu de l’ensemble des circonstances, je conclus que d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi s’offraient à elle au moment où elle l’a fait et qu’elle ne satisfait donc pas au critère relatif à la justification au titre des articles 29 et 30 de la Loi. L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 22 octobre 2018

Téléconférence

S. R., appelante

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

  1. 29 Pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
    2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
    3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
      1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
      2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
      3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. 30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
    2. b)  qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  3. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.
  4. (3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.
  5. (4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.
  6. (5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.
    1. a) les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire;
    2. (6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.
  7. (6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.
  8. (7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.
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