Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] La demanderesse, D. H. (prestataire), a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi. Le 12 décembre 2017, la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a rejeté sa demande de prestations parce qu’elle a conclu que la prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification et que le départ volontaire de son emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. La prestataire a contesté le fait qu’elle avait volontairement quitté son emploi, prétendant que son poste avait été supprimé et qu’elle avait été forcée de prendre sa retraite. Elle a demandé une révision de la décision de la Commission, toutefois elle a présenté cette demande en retard. Dans sa demande, elle a expliqué qu’elle avait présenté sa demande de révision en retard parce que ce n’est qu’après avoir reçu les résultats d’une plainte à la Commission des normes du travail qu’elle a appris que l’employeur avait informé la Commission qu’elle avait pris sa retraite, plutôt que de l’informer qu’elle avait été forcée de prendre sa retraite.

[3] Le 9 juillet 2018, la Commission a déterminé que l’explication fournie par la prestataire en ce qui a trait à son retard ne satisfaisait pas aux exigences du Règlement sur les demandes de révision, et, par conséquent, la Commission a refusé de réexaminer sa décisionNote de bas de page 1. La prestataire a immédiatement interjeté appel de la décision du 9 juillet 2018 de la Commission auprès de la division généraleNote de bas de page 2. La division générale a rejeté l’appel parce qu’elle a conclu que la prestataire n’avait [traduction] « pas l’intention d’interjeter appel pendant toute la période de retard dans la présentation de sa demandeNote de bas de page 3 » et que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire conformément au Règlement.

[4] La prestataire cherche maintenant à obtenir la permission d’en appeler relativement à la décision de la division générale, au motif que celle-ci n’a pas observé un principe de justice naturelle. Je dois maintenant déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[5] Peut-on soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle?

Analyse

[6] Selon l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Avant d’accorder la permission d’en appeler, je dois avoir la certitude que les motifs de l’appel correspondent aux moyens d’appel figurant à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. Il s’agit d’un seuil relativement peu élevé. Les parties prestataires ne sont pas tenues de prouver leur thèse; elles doivent seulement établir que l’appel a une chance raisonnable de succès et qu’il est fondé sur une erreur susceptible de révision. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans la décision Joseph c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 4.

Peut-on soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle?

[8] Non, je ne suis pas convaincue qu’il est possible de soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle.

[9] La justice naturelle vise à s’assurer que les parties prestataires ont une chance équitable de présenter leur preuve et que les procédures sont équitables et exemptes de partialité. La justice naturelle touche les questions d’équité procédurale devant la division générale plutôt que l’incidence d’une décision de cette dernière sur le demandeur, peu importe si cela semble injuste. Les allégations de la prestataire ne soulèvent aucune question d’équité procédurale ou de justice naturelle qui concerne la division générale. La prestataire n’a présenté aucun élément de preuve donnant à penser que la division générale l’a autrement privée d’une occasion de présenter sa cause pleinement et de façon équitable ou a fait preuve de partialité à son égard. Je ne suis donc pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen a une chance raisonnable de succès.

[10] J’ai examiné le dossier sous-jacent. Je ne constate aucunement que la division générale aurait commis une erreur de droit, qui ressorte ou non à la lecture du dossier, ou qu’elle n’aurait pas bien tenu compte de certains éléments de preuve essentiels portés à sa connaissance.

[11] La division générale a bien déterminé le critère juridique lorsqu’elle a tranché la question de savoir si la Commission avait refusé à juste titre de proroger le délai applicable au dépôt de la demande de révision d’une décision. La division générale a cité le Règlement et a noté qu’il prévoit que la Commission peut accorder un délai plus long que le délai de 30 jours (au titre de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi [Loi sur l’AE]) lorsqu’un demandeur peut démontrer qu’il a une explication raisonnable pour justifier la prorogation et qu’il peut montrer qu’il avait une intention persistance de demander une prorogation pendant toute la période de retard. La division générale a aussi noté que la jurisprudence a établi que les décisions de la Commission sont discrétionnaires et qu’elles ne devraient pas être modifiées, sauf si l’on peut prouver qu’elle n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaire, à savoir qu’elle a agi de bonne foi, en tenant compte de tous les facteurs pertinents et en ignorant tous les facteurs non pertinents. En évaluant et en soupesant la preuve portée à sa connaissance, la division générale a appliqué les dispositions et la jurisprudence appropriées.

[12] Le critère qui permet à la Commission d’accorder un délai plus long pour présenter une demande de révision au titre de l’article 1(1) du Règlement comporte deux volets : un demandeur doit démontrer qu’il a une explication raisonnable et il doit montrer avoir eu une intention persistante pendant toute la période du retard. La division générale a accepté la raison de la prestataire pour ne pas avoir présenté une révision de la décision de la Commission dans les 30 jours où elle en a reçu communication, mais elle n’a pas tiré de conclusion explicite sur la question de savoir si elle considérait que l’explication était raisonnable. La division générale a abordé seulement le deuxième volet du critère, soit la question de savoir si la prestataire avait une intention persistante de demander une révision tout au long du délai de six mois. Cependant, le fait d’aborder seulement un volet du critère ne constitue pas une erreur juridique puisque le critère est conjonctif. Cela signifie que la prestataire devait satisfaire aux deux critères et que si elle ne satisfaisait pas à l’un d’entre eux, il n’était pas nécessaire d’examiner si elle satisfaisait au deuxième.

[13] La division générale a vraisemblablement ignoré deux éléments de preuve essentiels, toutefois ces éléments n’auraient été d’aucune aide pour la prestataire. Les notes de la Commission montrent que la prestataire était incapable de justifier le retard dans la présentation de sa demande de révision outre le fait qu’elle se fiait à son représentantNote de bas de page 5. La division générale a fait allusion au fait que la prestataire se fiait à son représentant, mais n’a pas mentionné qu’elle n’était pas capable par ailleurs de justifier le retard. Cependant, cette omission n’aurait pas changé le résultat des procédures.

[14] L’autre élément de preuve essentiel qui a été ignoré par la division générale concerne les allégations de la prestataire selon lesquelles la Commission l’avait avisée de poursuivre sa demande auprès du ministère du Travail concernant la description des circonstances de son départ de l’entrepriseNote de bas de page 6. Elle avait manifestement eu l’impression qu’elle devrait poursuivre sa demande auprès du ministère du Travail. Cependant, cela l’a menée à l’extérieur du processus de l’assurance-emploi. La prestataire laisse entendre que la Commission l’avait mal conseillée et l’avait dirigée sur une fausse piste, ce qui a occasionné le retard. Même si la division générale avait examiné et accepté cet élément de preuve, cela n’aurait pas non plus aidé la prestataire puisqu’aucune mesure n’est prévue par la Loi sur l’AE pour aider un prestataire qui reçoit un conseil erroné ou des renseignements inexacts de la part de la Commission.

[15] La situation de la prestataire est sensiblement analogue aux circonstances de l’arrêt Pattamestrige c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 7. M. Perera, le demandeur dans cette cause, alléguait avoir reçu un conseil erroné de la part d’un employé du Tribunal de la sécurité sociale qui laissait entendre qu’il devrait envoyer ses observations à la Commission, alors qu’en réalité il aurait dû les envoyer au Tribunal. La Cour fédérale a conclu que M. Perera n’avait pas fourni d’affidavit ou tout autre élément de preuve pour soutenir son allégation. La Cour fédérale a aussi noté que la lettre que M. Perera a reçue du Tribunal mentionnait clairement qu’il devait envoyer ses observations au Tribunal. En l’espèce, la lettre de la Commission mentionnait aussi très clairement que la prestataire avait un délai de 30 jours pour déposer une demande officielle de révision auprès de la Commission.

[16] La prestataire soutient avoir demandé une révision sans tarder. Si la prestataire demande que je réévalue cette affaire, je ne suis pas en mesure de le faire au titre de l’article 58(1) qui prévoit des moyens d’appel limités. Cet article ne prévoit pas la réévaluation comme moyen d’appel.

Conclusion

[17] Compte tenu de ces motifs, je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. La demande de permission d’en appeler est donc rejetée.

 

Comparutions :

D. H., demanderesse

Brian Johnson, représentant de la demanderesse

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.