Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal conclut qu’il était justifié d’imposer une pénalité au dossier de l’appelante, que l’imposition d’un avis de violation est justifiée et que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

Aperçu

[2] L’appelante a présenté une demande de prestations le 14 février 2017. Le 31 janvier 2018, la Commission a avisé l’appelante qu’elle n’avait pas déclaré ses revenus d’emploi du 9 avril 2017 au 20 août 2017 et qu’elle devait rembourser les prestations reçues auxquelles elle n’avait pas droit. La Commission a imposé une pénalité et a émis un avis de violation à l’appelante. L’appelante admet avoir reçu la rémunération provenant de son emploi X pendant la période en litige, mais conteste l’imposition d’une pénalité puisqu’elle soutient avoir rempli ses déclarations machinalement sans lire les questions et elle affirme qu’elle n’a pas voulu frauder. Le Tribunal doit déterminer si une pénalité doit-être imposée au dossier de l’appelante.

Questions en litige

[3] Une pénalité doit-elle être imposée au dossier de l’appelante? Pour le déterminer, le Tribunal doit répondre aux questions suivantes :

  • L’appelante a-t-elle fait des déclarations fausses ou trompeuses?
  • Si oui, ces déclarations fausses ou trompeuses ont-t-elles été faites sciemment?

[4] Le Tribunal doit également répondre aux questions suivantes :

  • L’imposition d’un avis de violation était-il justifié?
  • La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a imposé la pénalité?

Analyse

[5] La Commission peut imposer une pénalité à un prestataire lorsqu’il fait sciemment une déclaration fausse ou trompeuse au moment de sa demande de prestations ou encore lorsqu’un prestataire fait une déclaration ou fournit un renseignement qu’il sait être faux ou trompeur (article 38 de la Loi).

[6] Afin d’évaluer si une pénalité doit être imposée, le Tribunal doit établir si une déclaration fausse ou trompeuse a sciemment été faite par l’appelante et, le cas échéant, si la Commission a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire pour calculer le montant de la pénalité. Cette analyse par le Tribunal doit se faire compte tenu des circonstances et selon la balance des probabilités (Gates, A-600-94).

[7] Afin de déterminer si l’appelante a sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse, il faut se reporter au moment où les déclarations ont été faites. La Commission a le fardeau de démontrer que l’appelante avait la connaissance subjective que ces déclarations étaient fausses (Purcell, A-694-94).

Les déclarations fausses ou trompeuses ont-elles été faites sciemment?

[8] La Commission affirme que l’appelante a fait dix fausses déclarations lorsqu’elle a répondu « non » à la question « Avez-vous travaillé ou touché un salaire pendant la période visée par cette déclaration ». La Commission soutient que les questions posées dans les déclarations concernent des périodes précises, qui sont clairement identifiées au début de la déclaration et qui servent justement à déterminer si la personne est admissible pour la période en cause.

[9] L’appelante a admis avoir reçu une rémunération de son employeur Xchaque semaine pendant la période du 9 avril 2017 au 20 août 2017 et ne pas l’avoir déclaré. Étant donné la preuve au dossier ainsi que l’admission de l’appelante, le Tribunal conclut que l’appelante a reçu une rémunération pendant la période en litige et que des déclarations fausses ou trompeuses ont été faites.

[10] Ces déclarations fausses étant établies, l’appelante doit démontrer que ses déclarations n’ont pas sciemment été faites en fournissant une explication raisonnable (Miazga, A-698-95).

[11] Il n’y a une déclaration fausse ou trompeuse que lorsque les prestataires savent de façon subjective que les informations qu’ils ont données ou les déclarations qu’ils ont faites, étaient fausses (Mootoo (2003 CAF 206 (CanLII).

[12] La signification du terme « sciemment » renvoie à l’idée que l’appelante a fait ces déclarations en pleine connaissance de cause, de façon délibérée.En l’espèce, le Tribunal est d’avis que l’appelante avait cette connaissance subjective lorsqu’elle a omis de déclarer ses revenus d’emploi pour la période du 9 avril 2017 au 20 août 2017 parce qu’elle recevait à la fois un salaire pour du travail effectué à temps plein en même temps que des prestations d’assurance-emploi (Mootoo c Procureur général du Canada, 2003 CAF 206, Procureur général du Canada c Gates, A-600-94).

[13] Lors de l’audience, l’appelante a indiqué qu’elle avait inscrit sur un papier les réponses à donner lorsqu’elle faisait ses déclarations soit : « non, non, oui ». Et qu’elle ne lisait pas les questions chaque fois qu’elle produisait une déclaration.

[14] L’appelante soutient que pendant cette période, elle avait la « tête ailleurs » parce qu’elle vivait du harcèlement au travail et qu’elle avait des symptômes dépressifs qui l’empêchaient de comprendre qu’elle ne donnait pas les bonnes réponses en toute connaissance de cause. L’appelante a fait valoir qu’elle n’a jamais voulu frauder la Commission.

[15] Elle a expliqué lors de l’audience avoir subi un arrêt de travail pour un mal de dos en février 2017. Elle a recommencé à travailler en avril 2017 et elle a commencé à ressentir des symptômes dépressifs étant donné l’ambiance de travail. L’appelante soutient que ce milieu de travail était empreint de harcèlement parce que son employeur mettait une certaine pression afin qu’elle revienne au travail. De plus, au moment de son retour, l’employeur la rencontrait régulièrement afin de faire le point. L’appelante ne se sentait pas bien dans ce contexte de travail et elle a témoigné qu’elle avait rencontré un médecin en avril 2017 qui lui avait donné un billet d’arrêt de travail, mais elle a témoigné qu’elle n’avait plus cette preuve. Cependant, elle n’a pas arrêté de travailler, mais elle soutient que, pour cette raison, elle n’avait pas toute sa conscience lorsqu’elle a fait ses déclarations à la Commission, qu’elle consommait de l’alcool et qu’elle ne lisait pas les questions s’en tenant à remplir par Internet le questionnaire d’après un papier qu’elle s’était fait.

[16] L’appelante a déclaré à la Commission qu’elle ne s’était pas posée la question pourquoi elle recevait un montant d’assurance-emploi tout en ayant un revenu de l’employeur à temps plein et elle a réitéré cette affirmation lors de l’audience. En aucun moment du 9 avril 2017 au 20 août 2017, l’appelante ne s’est questionnée à savoir pourquoi elle continuait à recevoir un montant similaire en prestations à celui qu’elle recevait pendant son arrêt de travail alors qu’elle recevait un montant en salaire pour du travail effectué à temps plein chez X.

[17] La Commission affirme que l’appelante faisait ses déclarations par Internet et qu’elle avait tout le temps nécessaire pour lire les questions affichées à l’écran. Elle soutient qu’il ne s’agit pas d’une erreur d’une ou deux fois, mais que l’appelante a reçu un salaire pour du travail effectué à temps plein pendant 20 semaines pendant lesquelles semaines elle recevait le taux maximal de prestations. Dans son cas, ce taux s’élevait à 543$. Pour cette raison, la Commission affirme que l’appelante savait qu’elle faisait de fausses déclarations parce qu’elle déclarait ne pas avoir travaillé alors qu’elle travaillait à temps plein.

[18] Le Tribunal est également de cet avis. Bien qu’il ait entendu les explications fournies par l’appelante lors de l’audience et qu’il comprenne qu’elle vivait une période difficile et qu’elle était dépressive, aucune preuve médicale au dossier ne démontre que l’appelante n’avait pas la pleine connaissance de ce qu’elle faisait. Malgré les difficultés éprouvées, le Tribunal ne peut soustraire l’appelante à l’application de la Loi.

[19] Alors qu’elle recevait un salaire pour du travail effectué à temps plein, l’appelante remplissait des déclarations d’assurance-emploi ne déclarant pas ses revenus et recevait des prestations d’assurance-emploi. Son argument voulant qu’elle ne lisait pas les déclarations chaque fois parce qu’elle suivait un aide-mémoire n’a pas convaincu le Tribunal qu’elle ne savait pas que les déclarations qu’elles produisaient étaient fausses. Au contraire, alors qu’elle recevait un salaire pour du travail effectué à temps plein, elle recevait également des prestations d’assurance-emploi.

[20] Le Tribunal estime que la Commission a démontré que les déclarations de l’appelante étaient fausses et il est d’avis que l’appelante n’a pas fourni une explication suffisante permettant au Tribunal de conclure qu’elle ne savait pas, subjectivement, que ces déclarations étaient fausses. Au contraire, les explications fournies par l’appelante lors de l’audience corroborent sa version livrée à la Commission et, même si elle regrette son geste, ces explications démontrent qu’elle savait pertinemment qu’elle faisait de fausses déclarations lorsqu’elle a omis de déclarer ses gains (Mootoo 2003 CAF 206 (CanLII)).

[21] Bien que l’appelante se soit excusée de cette situation et que le Tribunal comprenne qu’elle ne voulait pas frauder, le Tribunal précise qu’il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il y avait un élément moral, comme une intention de tromper, pour conclure qu’une fausse déclaration a été faite sciemment (Antonia, A-743-97).

[22] Le Tribunal estime que la Commission s’est acquittée de son fardeau de démontrer que l’appelante avait la connaissance subjective que ses déclarations étaient fausses (Purcell, A-694-94). En effet, le Tribunal est d’avis que l’appelante savait qu’en omettant de déclarer ses revenus d’emploi, elle produisait des déclarations fausses. L’appelante recevait un salaire ainsi que des prestations d’assurance-emploi pendant la période s’échelonnant du 9 avril 2017 au 20 août 2017. Bien que l’appelante regrette son geste et que le Tribunal comprenne qu’au moment où elle a fait ces fausses déclarations elle éprouvait des difficultés, il conclut qu’elle savait subjectivement qu'elle faisait de fausses déclarations lorsqu’elle omettait de déclarer ses revenus d’emploi (Moretto A-667-96).

L’imposition d’un avis de violation était-il justifié?

[23] Lorsqu’une situation requiert l’imposition d’une pénalité, l’émission d’un avis de violation n’est ni obligatoire ni automatique et la Commission se doit d’exercer son pouvoir discrétionnaire en tenant compte des circonstances (Zora Gill, A-483-09).

[24] En prenant la décision d’émettre un avis de violation, les circonstances atténuantes doivent être considérées. Un élément additionnel à considérer est celui de l’impact global d’émettre un avis de violation à l’appelante, y compris sa capacité à établir une demande de prestations dans le futur.

[25] La Commission soutient que la découverte de fausses déclarations a engendré un trop payé initial s’élevant à 10 049$. Comme ce montant est supérieur à 5 000$, un avis de violation très grave a été émis. La Commission affirme que la qualification de la violation dépend strictement du montant du trop payé découlant de l’acte délictueux en cause et que montant de la pénalité n’entre pas en ligne de compte quand il s’agit de qualifier une violation.

[26] La Commission soumet qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judicieuse en prenant la décision d’émettre l’avis de violation parce qu’elle a pris en considération les circonstances atténuantes ainsi que les violations antérieures.

[27] Le Tribunal remarque que la Commission a également considéré l’impact de l’avis de violation sur la capacité de l’appelante à se qualifier pour une demande de prestations ultérieure. La Commission indique que malgré l’avis de violation très grave émis au dossier, l’appelante avait cumulé 1 820 heures d’emploi assurables et qu’elle n’aurait alors aucune difficulté à faire établir une période de prestations dans le futur.

[28] Le Tribunal partage l’avis de la Commission et conclut qu’elle a considéré l’ensemble des circonstances pertinentes et qu’elle était justifiée d’émettre un avis de violation à l’appelante. Le pouvoir discrétionnaire d’émettre un avis de violation a été correctement exercé par la Commission.

La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a imposé la pénalité?

[29] Les décisions discrétionnaires de la Commission ne peuvent être modifiées à moins qu’il puisse être démontré que la Commission a « exercé son pouvoir discrétionnaire de manière non conforme à la norme judiciaire ou qu’elle a agi de façon abusive ou arbitraire sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance » (Uppal, 2008 CAF 388 (CanLII)).

[30] Il incombe à la Commission de démontrer qu’elle a exercé judicieusement son pouvoir discrétionnaire en imposant une pénalité (Cou Lai, A-525-97). Agir de manière non conforme à la norme judiciaire peut signifier agir de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif incorrect, tenir compte de facteurs non pertinents, ne pas tenir compte d’un facteur pertinent ou agir de façon discriminatoire (Dunham, A-708-95; Purcell, A-694-94).

[31] La Commission a fait valoir qu’elle a considéré toutes les circonstances au moment d’imposer la pénalité. Elle a considéré que l’appelante avait inscrit ses réponses sur un aide-mémoire, qu’elle n’avait aucun billet médical démontrant son état de santé et que pendant toute cette période elle recevait des prestations alors qu’elle travaillait à temps plein.

[32] La Commission a établi la pénalité de cette manière :

Montant du trop-payé : 10 049 $

Niveau de l’acte délictueux : Premier niveau 50 % moins 0 % (aucune circonstance atténuante) multiplié par 10 049 $ = 5 025 $

Montant selon la validation légale : 3 X 543 $ X 10 = 16 290 $

Pénalité imposée : 5 000 $

[33] La Commission soutient que le montant de la pénalité a été imposé de façon judiciaire parce que toutes les circonstances pertinentes ont été prises en compte moment de fixer le montant de la pénalité.

[34] Le Tribunal est également de cet avis et conclut que la Commission a utilisé judicieusement son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a imposé une pénalité à l’appelante puisque la preuve démontre qu’elle a pris en considération tous les éléments pertinents à la situation de l’appelante (Procureur général du Canada c Uppal, 2008 CAF 388, Procureur général du Canada c Tong, 2003 CAF 281).

[35] Après avoir considéré la preuve au dossier ainsi que le témoignage de l’appelante lors de l’audience, le Tribunal est convaincu que l’appelante a sciemment fait de fausses déclarations en omettant de déclarer ses revenus d’emploi et que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a imposé la pénalité ainsi que l’avis de violation.

Conclusion

[36] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparution :

15 novembre 2018

Téléconférence

L. P., appelante

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