Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant qui travaillait dans un bar a cessé de travailler le 9 septembre 2017 à la suite de son incarcération le 13 septembre 2017. L’appelant a été libéré le 23 novembre 2017 sous certaines conditions, dont celle de ne pas retourner travailler chez son employeur avant le 12 août 2018.

[3] Dans l’intervalle, l’appelant s’est trouvé un autre emploi le 4 décembre 2017, mais il a cessé de travailler le 16 février 2018 en raison d’un manque de travail. Le 19 février 2018, l’appelant a présenté une demande initiale de prestations régulières d’assurance emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (ci-après « la Commission ») a refusé de verser des prestations à l’appelant, car elle a considéré qu’il avait pris volontairement une période de congé de son emploi initial, et ce, sans justification. Le Tribunal doit donc déterminer si l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations selon les termes de l’article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi (ci-après « la Loi »), pour avoir volontairement pris une période de congé sans justification.

Questions préliminaires

[4] La comptable de l’appelant a témoigné à l’audience.

Questions en litige

[5] Est-ce que les conditions d’application des paragraphes 32 (1) a) et b) de la Loi ont été remplies quant à la conduite de l’employeur?

[6] Si oui, est-ce que l’appelant ?

Analyse

[7] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

[8] Un prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations s’il prend volontairement une période de congé sans justification. Cette période de congé doit avoir été autorisée par l’employeur et une date de retour au travail doit avoir été convenue (paragraphe 32(1) de la Loi).

Est-ce que les conditions d’application des paragraphes 32 (1) a) et b) de la Loi ont été remplies quant à la conduite de l’employeur?

[9] Le Tribunal est d’avis que l’appelant a pris une période de congé selon les conditions des alinéas 32 (1) a) et b) de la Loi quant à la conduite de l’employeur.

[10] En effet, la preuve démontre que l’appelant a cessé de travailler en raison d’une peine d’incarcération qui devait se terminer le 12 août 2018. Toutefois, l’appelant a été libéré le 23 novembre 2017 sous condition de ne pas retourner à son emploi avant la fin de son incarcération.

[11] L’employeur a remis une lettre à la Commission pour mentionner que l’appelant était un bon employé et qu’il avait l’intention de le reprendre au travail dès sa peine d’incarcération terminée. Donc, comme l’employeur voulait reprendre l’appelant à son emploi, il a non seulement autorisé la période de congé, mais il a en plus convenu que la date de son retour serait à la fin de son incarcération.

[12] Par conséquent, le Tribunal considère que deux premières conditions d’inadmissibilité en période de congé sans justification sont remplies; soit l’autorisation du congé par l’employeur et la convention d’une date de reprise d’emploi (article 32 de la Loi).

[13] Le Tribunal examinera maintenant si l’appelant était justifié de prendre volontairement une période de congé.

Si oui, est-ce que l’appelant était justifié de prendre volontairement une période de congé?

[14] Une personne est justifiée de prendre un congé de son emploi si, compte tenu de l’ensemble des circonstances, notamment celles énumérées à l’alinéa 29 c) de la Loi, il s’agissait de la seule solution raisonnable (Green c Procureur général du Canada, 2012 CAF 313).

[15] Le prestataire a le fardeau de prouver, selon la prépondérance de la preuve, que le congé était justifié (Chaoui c Procureur général du Canada, 2005 CAF 66; Procureur général du Canada c White, 2011 CAF 190).

[16] Le Tribunal doit prendre en considération le comportement d’un appelant qui a mené à son incarcération et à la perte de son emploi pour établir si le départ volontaire, ou la prise de congé dans ce cas-ci, était justifiée (Procureur général du Canada c Djalabi, 2013 CAF 213).

[17] Également, les conditions imposées dans le cadre d’une libération conditionnelle relèvent directement des actions posées par un prestataire (Procureur général du Canada c Lavallée, 2003 CAF 255).

[18] L’appelant est d’avis que sa période de congé était la seule solution raisonnable dans sa situation, car au moment de sa libération en novembre 2017, il voulait retourner chez son employeur. Or, comme l’appelant travaillait dans un bar et que les accusations criminelles ayant mené à l’incarcération étaient en matière de drogue, son agent de libération conditionnelle lui a interdit de travailler dans un bar avant le 12 août 2018.

[19] De plus, la comptable de l’appelant a soulevé que la situation était injuste pour l’appelant, car il était prêt à retourner chez l’employeur, mais l’agent de libération conditionnelle lui a interdit de le faire. L’appelant n’a donc pas eu le choix de ne pas retourner chez son employeur.

[20] Selon la Commission, les actions de l’appelant ont entrainé sa perte d’emploi temporaire puisqu’il a été incarcéré et qu’il ne pouvait plus remplir une condition essentielle de son contrat de travail. Par ailleurs, la Commission est d’avis que le fait d’être incarcéré ne constitue pas une justification de quitter son emploi en regard de la Loi.

[21] La Commission est d’avis que l’appelant n’a pas démontré de motif valable pour avoir volontairement pris une période de congé de son emploi parce qu’il n’a pas démontré avoir épuisé toutes les solutions raisonnables avant de prendre congé. En effet, une solution raisonnable aurait été de ne pas commettre les infractions qui ont mené à son incarcération.

[22] Le Tribunal est d’avis que l’appelant n’était pas justifié de prendre une période de congé de son emploi.

[23] La preuve démontre que l’appelant n’a pas été en mesure de réintégrer son emploi en raison des conditions de libérations découlant de son incarcération (Djalabi, supra; Lavallée, supra). Ainsi, l’appelant a pris un congé de son employeur en raison de ses propres actes et non en raison de la demande de l’agent de libération conditionnelle.

[24] Le Tribunal rappelle que l’objectif de la Loi est « l’indemnisation des personnes dont l’emploi s’est involontairement terminé et qui se retrouvent sans travail. » (Canada (C.E.I.C.) c Gagnon, [1988] 2 R.C.S. 29) Ce n’est pas le cas en l’espèce, car l’appelant a cessé de travailler en raison de son comportement.

[25] Ainsi, l’appelant avait une autre solution raisonnable, soit de ne pas commettre les actes qui ont entrainé son incarcération et son impossibilité de reprendre son emploi.

[26] L’appelant ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve de démontrer qu’il était justifié de volontairement prendre une période de congé (Chaoui, supra; White, supra). L’inadmissibilité prévue à l’article 32 de la Loi est donc applicable.

Conclusion

[27] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 7 novembre 2018

Téléconférence

M. P., appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

  1. 29 Pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
    2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
    3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
      1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
      2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
      3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. 32 (1) Le prestataire qui prend volontairement une période de congé sans justification n’est pas admissible au bénéfice des prestations si, avant ou après le début de cette période :
    1. (a) d’une part, cette période a été autorisée par l’employeur;
    2. (b) d’autre part, l’employeur et lui ont convenu d’une date de reprise d’emploi.
  3. (2) Cette inadmissibilité dure, selon le cas, jusqu’à :
    1. (a) la reprise de son emploi;
    2. (b) la perte de son emploi ou son départ volontaire;
    3. (c) le cumul chez un autre employeur, depuis le début de la période de congé, du nombre d’heures d’emploi assurable exigé à l’article 7 ou 7.1.
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