Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

[1] L’appelant, C. P., anciennement vendeur à Terre-Neuve, a présenté une demande pour une période de prestations commençant le 15 avril 2018. Sa demande a fait l’objet d’une révision auprès de la Commission, qui l’a informé qu’elle ne pouvait pas lui verser des prestations ordinaires d’assurance-emploi à compter du 15 avril 2018 puisqu’il avait, le 13 avril 2018, quitté volontairement son emploi chez X sans justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission est d’avis que son départ n’avait pas été la seule solution raisonnable dans son cas. L’appelant soutient qu’il n’a jamais démissionné et qu’il aurait, après que son employeur eut été acheté par une autre compagnie, fortement été incité à accepter l’indemnité de départ qui lui était offerte plutôt que de risquer un congédiement sans compensation. Le Tribunal doit décider si des prestations doivent être refusées à l’appelant pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification conformément à l’article 29 de la Loi.

Décision

[2] L’appel est accueilli.

Questions en litige

Question en litige no 1 : L’appelant a-t-il quitté volontairement l’emploi qu’il occupait chez X?

Question en litige no 2 : Si tel est le cas, a-t-il été fondé à le faire?

Analyse

[3] Les dispositions législatives pertinentes figurent en annexe à la présente décision.

[4] Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’AE s’il quitte volontairement un emploi sans justification (Loi, article 30(1)). Le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas (Loi, article 29(c)).

[5] Le fardeau de la preuve incombe à l’intimée, c’est-à-dire qu’elle doit prouver que l’appelant a quitté volontairement son emploi; une fois que ce fait est établi, c’est alors à l’appelant qu’il incombe de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi. Pour démontrer qu’il a été fondé à quitter son emploi, l’appelant doit prouver que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances (White c Canada (Procureur général), 2011 CAF 190; Canada (Procureur général) c Imran, 2008 CAF 17). Le terme « fardeau » sert à décrire la partie qui doit fournir une preuve étayant suffisamment sa position afin de satisfaire au critère juridique. En l’espèce, le fardeau de la preuve correspond à la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’il doit être « plus probable qu’improbable » que les événements aient eu lieu de la manière décrite.

Question en litige no 1 : L’appelant a-t-il quitté volontairement l’emploi qu’il occupait chez X?

[6] Oui.

[7] Pour déterminer si l’appelant a quitté volontairement son emploi, la question à laquelle il faut répondre est la suivante : l’employé avait-il le choix de rester ou de partir? (Canada (Procureur général) c Peace, 2004 CAF 56).

[8] Les deux parties s’entendent pour dire que l’appelant a quitté volontairement son emploi chez X le 13 avril 2018.

[9] Je constate que l’appelant a quitté volontairement son emploi.

Question en litige no 2 : Si tel est le cas, a-t-il été fondé à le faire?

[10] Oui.

[11] Dans sa demande et durant le processus d’appel, l’appelant a fait savoir qu’il n’avait jamais eu l’intention de prendre sa retraite.

[12] Une telle mention dans son relevé d’emploi était une erreur; sa retraite n’avait jamais fait l’objet d’une discussion avec son employeur et ne lui avait jamais été proposée comme option.

[13] D’après la preuve au dossier et produite durant l’audience, l’appelant était en vacances lorsque l’employeur avait vendu la compagnie à une autre entreprise. L’ancien propriétaire avait téléphoné à l’appelant pour l’informer de la vente.

[14] Lorsque l’appelant a repris le travail, le nouvel employeur, X, lui a présenté des documents lui offrant une indemnité de départ s’il choisissait de quitter immédiatement la compagnie. Il y avait trop de vendeurs et de personnel de gestion à cause de la fusion des deux compagnies. L’appelant a été informé qu’une réponse immédiate était attendue de sa part (la lettre de congédiement est datée du 12 avril et une réponse était demandée au plus tard le 13 avril – une retraite n’est aucunement mentionnée dans ce document); sinon, il pouvait assumer le risque de pouvoir être congédié bientôt, et ce sans indemnité de départ.

[15] Aucun délai n’a été accordé à l’appelant pour qu’il puisse discuter de la situation avec son épouse, qui était à l’étranger à ce moment-là.

[16] Durant son audience, l’appelant a témoigné qu’il avait signé les documents et accepté l’indemnité de départ parce qu’il s’y était senti poussé. Comme cette offre n’avait pas été faite à d’autres employés, il pouvait facilement présumer qu’il serait l’un des premiers à partir lorsque les congédiements commenceraient, et il avait donc saisi l’occasion pour bénéficier d’une certaine stabilité financière.

[17] L’appelant a réitéré qu’il avait ressenti une pression à signer et à partir immédiatement.

[18] J’estime que l’appelant ne disposait pas d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi chez X quand il l’a quitté. Aucun délai ne lui a été imparti pour chercher un autre emploi avant son départ et un congé n’était pas non plus une option.

[19] Durant l’audience, l’appelant a décrit une situation qui aurait correspondu à un tirage à pile ou face : accepter l’indemnité de départ offerte immédiatement ou courir le risque d’être congédié sous peu en ne touchant rien.

[20] Son départ correspond à la situation décrite à l’article 29(c)(xiii) de la Loi, parmi les raisons acceptables qui y sont énoncées.

[21] « Le prestataire a donc quitté son emploi dans le cadre d’une compression du personnel effectuée par l’employeur dans le but de protéger l’emploi d’autres employés; de ce fait le prestataire devient éligible au bénéfice des prestations parce que la mesure incitative instituée par l’employeur visait à réduire de 30 postes de façon permanente l’effectif global. » (CUB 55173)

[22] La preuve démontre que le départ du prestataire s’est fait volontairement de sa part dans le cadre d’un programme de départ volontaire, assorti d’une prime de départ, dont l’un des buts était la réduction des effectifs.La prétention du prestataire, retenue par le conseil arbitral est que ce départ s’est inscrit dans le cadre des conditions prévues aux articles 51(1) et 51(2) du règlement sur l’assurance-emploi. La prétention de la Commission est à l’effet que le départ du prestataire n’entre pas dans le cadre de ces articles. Le prestataire aurait créé lui-même sa propre situation de chômage en décidant de prendre sa retraite en raison de la prime de départ qui lui était offerte. Le juge-arbitre s’est exprimé comme suit :

« De plus un élément essentiel à l’application des articles du règlement en question aurait fait défaut, soit celui voulant que nous ne sommes pas devant un cas de compression du personnel dont une des conséquences confirmée par l’employeur doit être de protéger l’emploi d’un autre employé. Selon la Commission, nous sommes plutôt dans un cas de réduction du personnel par l’attrition. » La preuve démontre clairement que le conseil arbitral a rendu la bonne décision. L’appel est rejeté. (CUB 55778)

Conclusion

[23] Ayant examiné avec soin toutes les circonstances, je conclus que l’appelant a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances. La question n’est pas de savoir s’il était raisonnable que l’appelant quitte son emploi, mais plutôt de savoir si son départ était le seul recours raisonnable qui s’offrait à lui (Canada (Procureur général) c Laughland, 2003 CAF 129). Comme l’appelant a quitté volontairement son emploi, je conclus que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances, et qu’il a donc satisfait au critère relatif à une justification conformément aux articles 29 et 30 de la Loi. L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 2 novembre 2018

En personne

C. P., appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

  1. 29 Pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) emplois ’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
    2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
    3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
      1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
      2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
      3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. 30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
    2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  3. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.
  4. (3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.
  5. (4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.
  6. (5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.
  7. (6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.
  8. (7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.