Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre.

Aperçu

[3] Après que l’appelant, M. G. (prestataire), et son épouse ont eu un enfant en octobre 2010, l’épouse du prestataire a présenté une demande de prestations parentales dans laquelle elle a demandé les 35 semaines en entier. Peu de temps après, et avant que l’épouse du prestataire ne touche les prestations, le prestataire et son épouse ont réévalué leur situation et ils ont déterminé que le prestataire devrait aussi prendre congé de son travail et demander une partie des prestations parentales. Il a demandé 24 semaines de prestations parentales et a déclaré que son épouse souhaitait prendre les 11 autres semaines. Toutefois, l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a versé des prestations à l’épouse du prestataire pour 31 semaines conformément à sa demande initiale et des prestations au prestataire pour les 24 semaines qu’il avait demandées.

[4] Quelques années plus tard, la Commission a découvert qu’elle avait fait des versements excédentaires au prestataire pour 20 semaines. Le prestataire a apparemment porté en appel la décision initiale de la Commission et la tentative de cette dernière de recouvrer les versements excédentaires, et la division générale du Tribunal de la sécurité sociale a déterminé que la Commission avait agi après le délai de 36 mois prévu à l’article 52(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). La Commission a ensuite rendu une autre décision, près de six ans après le paiement des prestations, selon laquelle le prestataire avait fait une déclaration fausse ou trompeuse, ce qui a eu comme résultat d’inclure le prestataire dans la période de prolongation du délai pour recouvrement prévue à l’article 52(5) de la Loi sur l’AE. La Commission a maintenu sa décision et a tenté de recouvrer le paiement. L’appel du prestataire devant la division générale a été rejeté. Le prestataire interjette maintenant appel devant la division d’appel.

[5] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a substitué sa décision à celle de la Commission sans déterminer si la Commission était raisonnablement satisfaite au moment de rendre sa décision qu’une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite. De plus, la division générale a omis d’analyser la façon dont la déclaration était fausse ou trompeuse à la lumière de la preuve et des arguments dont elle disposait.

[6] J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre et j’ai conclu que la période applicable est la période de 36 mois prévue à l’article 52(1). Par conséquent, la Commission a dépassé la période établie pour recouvrer le trop-payé résultant du versement par erreur en 2011 de prestations parentales qui ont dépassé les 35 semaines.

Questions en litige

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de déterminer si la Commission était raisonnablement satisfaite qu’une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite?

[8] Lorsqu’elle a conclu qu’une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite, la division générale a-t-elle omis d’analyser la nature de la déclaration et de tenir compte de la preuve du prestataire démontrant que la déclaration n’était pas, dans les faits, fausse ou trompeuse?

Analyse

Norme de contrôle

[9] Les moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) sont semblables aux motifs habituels de contrôle judiciaire des cours, ce qui donne à penser que le même type d’analyse de normes de contrôle pourrait également s’appliquer à la division d’appel.

[10] Toutefois, je ne considère pas que l’application des normes de contrôle soit nécessaire ou utile. Les appels administratifs de décisions en matière d’assurance-emploi sont régis par la Loi sur le MEDS. La Loi sur le MEDS ne prévoit pas qu’un examen soit effectué conformément aux normes de contrôle. Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c HuruglicaNote de bas de page 1, la Cour d’appel fédérale estimait que les normes de contrôle ne devraient s’appliquer que si la loi habilitante prévoit leur application. Elle a déclaré que les principes qui ont guidé le rôle des tribunaux dans le contrôle judiciaire des décisions administratives ne s’appliquent pas dans un cadre administratif à niveaux multiples.

[11] L’arrêt Canada (Procureur général) c JeanNote de bas de page 2 concerne le contrôle judiciaire d’une décision de la division d’appel. La Cour d’appel fédérale n’était pas tenue de se prononcer sur l’applicabilité des normes de contrôle, mais elle a reconnu dans ses motifs que les tribunaux d’appel administratifs n’ont pas les pouvoirs de révision et de surveillance qui sont exercés par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale lorsque les normes de contrôle sont appliquées. La Cour a également souligné que la division d’appel a autant d’expertise que la division générale et qu’elle n’est donc pas tenue de faire preuve de déférence.

[12] Bien que certaines décisions de la Cour d’appel fédérale semblent approuver l’application des normes de contrôleNote de bas de page 3, je suis néanmoins convaincu par le raisonnement de la Cour dans les arrêts Huruglica et Jean. J’examinerai donc l’appel en renvoyant aux moyens d’appel prévus dans la Loi sur le MEDS seulement.

Principes généraux

[13] La tâche de la division d’appel est plus restreinte que celle de la division générale. La division générale doit examiner et apprécier les éléments de preuve portés à sa connaissance et tirer des conclusions de fait. Pour ce faire, la division générale applique le droit aux faits et rend des conclusions sur les questions de fond soulevées par l’appel.

[14] Cependant, la division d’appel peut intervenir dans une décision de la division générale seulement si elle peut déterminer que cette dernière a commis l’une des erreurs correspondant aux « moyens d’appel » prévus à l’article 58(1) de Loi sur le MEDS.

[15] Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de déterminer si la Commission était raisonnablement satisfaite qu’une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite?

[16] Article 52(1) de la Loi sur l’AE

[17] L’article 52(5) de la Loi sur l’AE prévoit que la Commission dispose d’un délai de 72 mois pour réexaminer une demande de prestations si elle estime qu’une déclaration fausse ou trompeuse a été faite relativement à la demande. Selon la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Langelier, la Commission « a l’obligation de dire au prestataire pourquoi, précisément, pour les fins particulières de l’exercice auquel elle se livre en vertu [de l’ancienne disposition législative de la Loi sur l’assurance-chômage qui est l’équivalent de l’actuel paragraphe 52(5) de la Loi sur l’AE], la déclaration lui paraît fausse [pour en arriver à cette conclusion]Note de bas de page 4 ». La Commission a clairement considéré comme faux ou trompeur le fait que le prestataire [traduction] « a déclaré que l’autre parent ne demandait qu’onze semaines de prestations parentalesNote de bas de page 5 », mais la Commission n’a pas expliqué son raisonnement au prestataire.

[1] La Cour a également noté que : « Pour en arriver à [la] conclusion [qu’une déclaration fausse ou trompeuse a été faite], il faut, bien sûr, que la Commission se satisfasse raisonnablement qu’une “déclaration ou représentation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestationsNote de bas de page 6” » [mise en évidence par le soussigné]. La division générale n’a pas déterminé si la Commission avait été raisonnablement satisfaite qu’une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite, mais, si l’on se fie à son interprétation de l’arrêt Canada (Procureur général) c DussaultNote de bas de page 7, la division générale a déterminé que la Commission pouvait conclure que le prestataire avait fait une déclaration fausse ou trompeuse. Toutefois, dans Dussault on utilise plutôt des termes tels qu’« il faut [...] que la Commission se satisfasse raisonnablement », « est raisonnablement satisfaite » et « était raisonnablement satisfaite ».

[2] Je conviens que la distinction est subtile. Toutefois, selon moi, l’exigence selon laquelle la Commission doit être raisonnablement satisfaite au moment de se forger une opinion est comparable à l’exigence qu’un pouvoir discrétionnaire soit exercé de façon judiciaire. La division générale se doit de déterminer si la Commission s’est formée une opinion d’une manière appropriée. En l’espèce, la division générale a mené son propre examen de la preuve dont elle disposait et elle a formé sa propre opinion selon laquelle la Commission aurait pu être raisonnablement satisfaite qu’une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite. Autrement dit, sa décision a été fondée sur son évaluation rétrospective du caractère raisonnable des conclusions de la Commission, plutôt que sur une évaluation visant à déterminer si la Commission elle-même avait été raisonnablement satisfaite au moment de se forger une opinion.

[3] La conclusion de la division générale selon laquelle la Commission pouvait considérer raisonnablement que le prestataire avait fait une déclaration fausse ou trompeuse est différente d’une conclusion selon laquelle la Commission était effectivement raisonnablement satisfaite au moment de tirer cette conclusion. Dans le premier cas, la Commission pourrait ignorer des considérations pertinentes et tenir compte de considérations non pertinentes, mais en arriver tout de même à un résultat qui pourrait être considéré comme raisonnable par la division générale, si elle se fie à sa propre évaluation de la preuve dont elle dispose. Dans le deuxième cas, la Commission pourrait suivre un processus au cours duquel elle a considéré toute la preuve liée seulement aux considérations pertinentes, mais en arriver tout de même à une conclusion avec laquelle la division générale pourrait être en désaccord.

[18] La division générale a commis une erreur de droit en n’émettant pas de conclusion sur la question de savoir si la Commission avait ou non été raisonnablement satisfaite, au moment de former son opinion, que le prestataire avait fait une déclaration fausse ou trompeuse. Ceci est une erreur de droit au titre de l’article 58(1)(b) de la Loi sur le MEDS.

Question en litige no 2 : Lorsqu’elle a conclu qu’une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite, la division générale a-t-elle omis d’analyser la nature de la déclaration et de tenir compte de la preuve du prestataire démontrant que la déclaration n’était pas, dans les faits, fausse ou trompeuse?

[19] Comme il est indiqué dans la décision relative à la demande de permission d’en appeler, les faits ne sont pas éloquents en l’espèce. Le prestataire et son épouse ont évidemment reçu des prestations parentales pour un plus grand nombre de semaines que ce à quoi ils avaient droit conjointement. Le prestataire et son épouse ont conjointement droit à 35 semaines de prestations qu’ils peuvent choisir de partager entre eux selon l’article 23(4) de la Loi sur l’AE. En l’espèce, l’épouse du prestataire avait initialement demandé des prestations parentales pour 35 semaines. Toutefois, avant qu’aucune prestation n’ait été reçue, le prestataire et son épouse ont changé leurs plans et ont décidé de partager les prestations. Par conséquent, le prestataire a demandé des prestations parentales pour 24 semaines et il a indiqué que son épouse voulait recevoir les prestations pour les 11 semaines restantes. La Commission a payé au prestataire les 24 semaines de prestations qu’il avait demandées, mais elle a aussi versé à son épouse les 35 semaines de prestations qu’elle avait demandées initialement; le total combiné dépassait le nombre maximal de 35 semaines pouvant être partagé.

[20] Toutefois, il ne suffit pas de noter que le prestataire a indiqué dans sa demande de prestations que son épouse voulait obtenir 11 semaines de prestations et de déclarer ensuite : [traduction] « Il s’agit d’une déclaration fausse ou trompeuse parce que l’épouse [du prestataire] avait demandé les 35 semainesNote de bas de page 8 ». Le prestataire a formellement contesté l’allégation selon laquelle il avait fait une fausse déclaration et il a soutenu que l’erreur de la Commission en l’espèce ne résultait pas d’un renseignement faux fourni par le prestataire, mais plutôt d’une interprétation erronée de la part de la Commission d’une déclaration véridique et de l’omission de la Commission de vérifier les renseignements dans ses dossiers afin de coordonner deux demandes incompatibles.

[21] La division générale a traité de l’argument du prestataire selon lequel il n’avait pas intentionnellement trompé la Commission, mais elle n’a pas abordé l’argument du prestataire selon lequel il ne s’agissait pas du tout d’une déclaration fausse ou trompeuse. La division générale a plutôt présomptueusement conclu que le prestataire avait fait une déclaration fausse ou trompeuse parce que son épouse avait initialement demandé des prestations pour 35 semaines et il indiquait maintenant qu’elle voulait demander 11 semaines.

[22] Cependant, les arguments du prestataire ne reposaient pas sur une proposition selon laquelle il n’avait pas intentionnellement fait une fausse déclaration. Son argument est qu’il a fourni seulement des renseignements exacts. Durant l’audience de la division générale, il a déclaré que les renseignements qu’il avait fournis [traduction] « n’étaient pas faux, ils correspondaient exactement à ce qui est arrivéNote de bas de page 9 », qu’il n’avait [traduction] « trompé personneNote de bas de page 10 » ou pas [traduction] « fourni de faux renseignementsNote de bas de page 11 », et que la position de la Commission selon laquelle il avait fait des déclarations fausses ou trompeuses est [traduction] « tout à fait incorrecte. [Il n’a] pas fait de déclarations fausses ou trompeusesNote de bas de page 12 ».

[23] Le prestataire a affirmé qu’il croyait que sa demande remplacerait la demande précédente présentée par son épouse. Dans sa demande de prestations, le prestataire a demandé 24 semaines des prestations parentales pour lui-même et il a sélectionné 11 semaines dans le menu déroulant où il faut indiquer le nombre de semaines que l’autre parent « veut » demander. Selon le prestataire, son épouse et lui avaient l’intention de demander conjointement 35 semaines. Il allait demander 24 de ces semaines, et son épouse allait demander 11 semaines. Le système de la Commission a apparemment mal interprété les renseignements du prestataire et a omis de coordonner les deux demandes incompatibles. Il n’existe aucune preuve que le système ou le formulaire de demande ait demandé au prestataire d’indiquer si l’autre parent avait déjà présenté une demande de prestations et, le cas échéant, le nombre de semaines que l’autre parent avait demandé.

[24] Le prestataire avait fait valoir qu’il revenait à la Commission de clarifier le partage des prestations et de prendre une décision en conséquenceNote de bas de page 13. Le prestataire a reconnu que la Commission disposait de renseignements contradictoiresNote de bas de page 14 (il faisait alors référence à la demande que son épouse avait présentée pour obtenir 35 semaines de prestations parentalesNote de bas de page 15), mais il a déclaré que [traduction] « [la Commission] n’a jamais communiqué avec [son] épouse à ce sujet. Même si [la Commission] a reçu des renseignements contradictoires (les demandes contradictoires), elle n’a jamais vraiment essayé d’aller au fond des choses ». Il a ensuite affirmé : [traduction] « C’est leur système informatique. [Il a] rempli leurs formulairesNote de bas de page 16. »

[25] La division générale n’a pas non plus déterminé s’il existe une différence significative entre une erreur commise dans les prestations demandées et une erreur commise dans les renseignements fournis pour appuyer l’attribution d’une prestation. Le prestataire a fait valoir que la Commission a toujours disposé des renseignements exacts, de sa part et de la part de son épouse, en ce qui concerne la date de naissance de leur enfant et le fait qu’ils étaient les parents de l’enfantNote de bas de page 17. Si une erreur a été commise, ce n’est pas que de faux renseignements ont été fournis. L’erreur commise concerne le fait que la demande conjointe du prestataire et de son épouse dépassait le nombre maximal de prestations parentales qui pouvait leur être versé : la demande du prestataire ajoutée à la demande de son épouse se chiffrait à plus des 35 semaines de prestations parentales auxquelles ils avaient droit conjointement au titre de la Loi sur l’AE.

[26] On ne peut déterminer si la division générale a bien compris l’argument du prestataire parce qu’elle n’a pas fourni d’analyse sur la question de savoir si la déclaration du prestataire était vraie objectivement, malgré le versement excédentaire qui s’est produit. Par conséquent, j’estime que la décision est fondée sur une conclusion de fait erronée tirée sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale, une erreur aux termes de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS. Par ailleurs, la division générale n’a pas fourni des justifications suffisantes en ce qui concerne sa conclusion selon laquelle une déclaration fausse ou trompeuse a été faite, ce qui représente une erreur de droit au sens de l’article 58(1)(b) de la Loi sur le MEDS.

Conclusion

[27] L’appel est accueilli.

Réparation

[28] Ayant accueilli l’appel, je peux, en vertu de l’article 59 de la Loi sur le MEDS, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[29] Selon moi, le dossier est complet. Par conséquent, je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[30] Pendant l’audience de la division générale, la Commission devait établir qu’elle avait été raisonnablement satisfaite, au moment de former son opinion sur le sujet, qu’une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite. Le seul élément de preuve dont la Commission a tenu compte pour forger son opinion est le formulaire de demande du prestataire, où ce dernier a déclaré qu’il prendrait 24 semaines de prestations parentales et que son épouse voulait prendre les 11 autres semaines. Le fait que le prestataire a rempli ce formulaire alors que son épouse n’avait encore touché aucune prestation parentale n’a pas été remis en question. Devant la division générale, le membre a précisé que l’épouse du prestataire touchait toujours des prestations de maternité, et non des prestations parentales, ainsi qu’un complément offert par son employeurNote de bas de page 18. Le prestataire a aussi soutenu que son épouse et lui planifiaient et avaient l’intention de partager les prestations comme il l’a indiqué dans sa demande au moment où il a demandé les prestations parentales, et que c’est la raison pour laquelle il a présenté la demande dans ces termes.

[31] La Cour d’appel fédérale a établi qu’il n’est pas nécessaire que la déclaration fausse ou trompeuse ait été faite intentionnellementNote de bas de page 19. J’en conviens. Toutefois, le fait qu’un prestataire ait pu faire une déclaration fausse ou trompeuse de façon non intentionnelle ne signifie pas qu’une déclaration peut être qualifiée subjectivement de fausse ou trompeuse parce que la Commission ou, en l’espèce, son système de demandes en ligne a été induit en erreur. Le prestataire peut s’être trompé en s’attendant à ce que sa demande remplace toute demande précédente, mais ses attentes étaient raisonnables.

[32] Je rejette l’idée que le prestataire soit tenu responsable du fait que le système de la Commission n’a pas été conçu pour signaler ou gérer les demandes incompatibles qui concernent la même prestation. La décision erronée de la Commission de fournir trop de semaines de prestations a clairement résulté d’une mauvaise interprétation des renseignements fournis par le prestataire et il ne fait aucun doute que la Commission possédait déjà les renseignements dans ses dossiers ou ses bases de données qui lui auraient permis de se rendre compte de son erreur.

[33] Plus précisément, j’estime que les renseignements que le prestataire a fournis sur les intentions de son épouse et les siennes étaient objectivement exacts, et qu’ils n’étaient pas objectivement trompeurs au moment où ils ont été fournis. Le prestataire a fait valoir que, quand il a présenté sa demande, son épouse et lui ne s’attendaient pas à ce qu’elle reçoive plus de 11 semaines de prestations. Même s’il a dit qu’il ne faisait que [traduction] « spéculer » en raison de la longue période de temps qui s’était écoulée depuis, il a déclaré que, lorsqu’il a demandé 11 semaines, il se peut qu’il pensait que ses prestations commenceraient à lui être versées environ 11 semaines après la naissance de son enfantNote de bas de page 20. Il a aussi dit que son employeur ne lui accordait que six mois de congé et qu’il est possible que ce soit la raison pour laquelle il a demandé 24 semaines pour lui-mêmeNote de bas de page 21.

[34] La question demeure de savoir si le prestataire a trompé la Commission en ne l’informant pas de son erreur lorsque son épouse a continué de recevoir des prestations après les 11 semaines mentionnées dans sa demande. Le prestataire a soutenu qu’il pensait que son épouse continuerait d’être payée pendant qu’il recevait les prestations parentales de la part de son employeur, et qu’il ne sait pas ce qui s’est produit pour que le gouvernement continue de lui verser de l’argentNote de bas de page 22. Il a déclaré que, selon leur plan, il prendrait six semaines de congé et son épouse devait recevoir le reste de son employeur qui offrait un complément. Il a affirmé que les 20 semaines supplémentaires auraient dû provenir [traduction] « d’une boîte différente [de celle des prestations parentales] Note de bas de page 23 ». Il a aussi dit qu’ [traduction] « [il ne savait] pas d’où provenait une certaine somme. Elle semblait venir de l’employeur de [son] épouseNote de bas de page 24. »

[35] Il y a très peu de preuves concernant la situation du prestataire alors que son épouse recevait les prestations parentales. La Commission n’a pas remis en question ce que le prestataire ou son épouse pouvait savoir à propos d’une erreur qui se serait produite lors du traitement de leurs demandes alors qu’ils recevaient des prestations parentales, même dans l’entretien que la Commission a eu avec le prestataire en novembre 2016.

[36] Étant donné la période de temps importante qui s’est écoulée, je ne tirerai pas de conclusion défavorable du fait que le prestataire n’a présenté aucun élément de preuve pour appuyer son affirmation selon laquelle son épouse et lui n’étaient pas au courant qu’ils recevaient des versements excédentaires de la Commission. J’estime qu’il est vraisemblable que le prestataire ignorait à l’époque que son épouse et lui recevaient des prestations auxquelles ils n’avaient pas droit, et j’accepte le témoignage non contesté du prestataire à ce sujet. Comme j’ai conclu que le prestataire ne savait pas que son épouse et lui recevaient des prestations auxquelles ils n’avaient pas droit, il s’ensuit que j’estime que la déclaration précédente du prestataire ne peut pas être transformée en déclaration trompeuse découlant du fait que le prestataire n’avait pas informé la Commission de son erreur.

[37] Je conclus donc, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire n’a pas fait de déclaration fausse ou trompeuse relativement à sa demande. Par conséquent, la prolongation du délai, prévue à l’article 52(5) de la Loi sur l’AE, dont aurait bénéficié la Commission pour réexaminer la demande ne s’applique pas. La Commission est liée par la limite de 36 mois établie à l’article 52(1) de la Loi sur l’AE. Les prestations ont été versées pour les semaines s’étendant du 2 janvier 2011 au 18 juin 2011 et la décision découlant du réexamen de la Commission est datée du 16 décembre 2016, soit plus de 36 mois plus tard.

[38] La Commission a dépassé le délai prévu à l’article 52(1) de la Loi sur l’AE pour réexaminer une demande et elle ne peut pas recouvrer les prestations parentales dépassant les 35 semaines qui ont été versées par erreur en 2011.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 30 octobre 2018

Téléconférence

M. G., appelant
Susan Prud’homme, représentante de l’intimée

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